Support de cours sur le marketing digital

Support de cours sur le marketing digital
Internet en 2014 : un monde de géants, de robots et d’humains
Depuis plus d’une vingtaine d’années, les technologies d’Internet, puis du mobile – et plus largement du digital – ont été massivement adoptées par les consommateurs. L’univers des choix a été considérablement étendu, les parcours d’achat se sont complexifiés à mesure que les clients utilisaient de nouveaux terminaux, de nouveaux canaux. Des outils de communication, de nature différente des technologies sur lesquelles le marketing reposait depuis de nombreuses années, sont apparus, comme les réseaux sociaux ou les messageries instantanées. Ainsi, le marketing est aujourd’hui fortement impacté par la structure même du marché du digital. Les GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon) se sont imposés comme les géants du Web avec, pour chacun, une spécificité qui constitue leur « ADN ». Cet ADN se modifie au fur et à mesure de la bataille qu’ils se livrent entre eux. Chacun porte une vision du marketing qui est devenu à leur contact plus technologique, interactif et individualisé.
Dans le même temps, les outils numériques ont gagné en agilité et permettent une automatisation des fonctions marketing qui vont considérablement impacter les métiers. Le marketing à la performance s’est imposé comme un nouveau credo qui repose sur la publicité programmatique, l’achat d’espace aux enchères et le calcul en temps réel des ROI.
Pourtant, à l’heure où près d’un tiers des publicités digitales ne serait pas vu1 , alors que la détection des impressions délivrées par des robots devient un enjeu majeur de crédibilité pour la profession, les humains, c’est-à-dire les internautes que nous sommes, donnent de nouvelles directions au marché. La génération Y bouleverse l’usage des réseaux sociaux et promeut des start-up inconnues jusqu’alors. Mobilité, gestion ludique des émotions grâce aux emojis, protection de la vie privée et gratuité ont fait le succès des applications sociales. Autre exemple, la généralisation des usages de show-rooming2 qui complexifient la gestion par les marques de leurs réseaux de distribution et de leurs forces de vente. Enfin, les stratégies d’évitement de la publicité semblent se généraliser à travers les « adblocks » que les consommateurs installent de plus en plus sur leur ordinateur.
Le marketing digital ou la difficile gestion de pratiques traditionnelles, importées et avant-gardistes
Vingt-cinq ans après les débuts du Web – alors même que l’on entre dans une ère post-PC au profit de terminaux mobiles et d’objets connectés et que d’aucuns appellent à une approche de marketing intégrée – , les ouvrages spécifiques dédiés au marketing digital demeurent toujours nécessaires. Nous pensons que si les dispositifs digitaux doivent bien évidemment s’intégrer dans une démarche marketing globale, il n’en demeure pas moins que les spécificités des actions digitales demeurent encore très fortes, tant par les technologies toujours plus sophistiquées qu’elles mobilisent, que par l’expertise approfondie qu’elles requièrent pour mener à bien des actions marketing pertinentes. L’émergence de plateformes marketing (Amazon, Alibaba, Facebook, Google…), véritables écosystèmes, contribue également à modifier le paysage classique des acteurs du marketing et les rapports de force entre acteurs de l’industrie du marketing.
Plus encore, l’utilisation toujours plus massive des technologies digitales conduit à une transformation de nombreux métiers du marketing, comme ceux des études ou du commerce. Elle impose également un autre rapport au temps. La notion même de « campagne » est questionnée par le digital qui introduit le temps réel et les interactions continues entre la marque et les clients. Avec la généralisation de l’A/B testing ou de l’analyse multivariée, les tests font entrer la statistique dans le processus de création. Dès lors, ce sont des compétences spécifiques qu’il s’agit d’identifier, de maîtriser et de continuellement faire évoluer. Avec l’irruption des données en tant qu’élément central des dispositifs marketing digitaux, de nouvelles questions se posent aux directions marketing : quels sont les systèmes d’information qui me permettent de bien gérer ces données ? Comment faire face à la croissance des données marketing ? Quels sont les profils des équipes pour gérer cette nouvelle ère marketing ? Comment garantir la vie privée des clients tout en tirant béné- fice des données collectées ?
De même, le problème de l’évolution des médias et des « devices » soulève de nombreuses interrogations. La vidéo ou les nouveaux formats de visionnage comme le replay vont-ils supplanter la télévision et, si oui, à quel horizon ? L’usage intensif des tablettes va-t-il accélérer la digitalisation de la presse ou provoquer la mort définitive du journalisme tel que nous le connaissons ? Enfin, alors que l’on assiste à une décélération de la croissance du e-commerce1 , les techniques dites de Web to Store2, les nouvelles technologies de traçage du consommateur comme iBeacons3 ou les scénarisations des parcours client vont-elles réussir à sauver les grands centres commerciaux construits dans les années 1970 et dont les efforts de digitalisation accélérés (applications mobiles dédiées et servicielles, affichage interactif, vitrines digitales…) témoignent de la volonté de survivre au tsunami numérique ?
Déployer le marketing digital dans les organisations est une question de survie pour ces dernières. Il est temps de penser non plus ROI (Return Of Invest) mais RONI (Risk Of No Invest). Ainsi, la vocation de cet ouvrage est, avant tout, de permettre une meilleure compré- hension du digital dans ce qu’il apporte au marketing. Nous l’avons conçu comme un guide qui réinterroge les pratiques de marketing traditionnelles et donne la possibilité d’en découvrir de nouvelles, totalement importées de l’informatique ou de la statistique. Cet ouvrage constitue un pont entre les concepts de base du marketing, les théories de la communication ou du comportement du consommateur et les apports du digital au sein de ces différents champs. La vision croisée des praticiens et des chercheurs, de l’international et du local, de la prospective et de l’actualité lui donne un positionnement unique dans le secteur très riche des publications qui traitent du digital. Son caractère généraliste en fait un ouvrage du quotidien, un quotidien empreint de numérique.
Manager son marketing à l’heure du digital
La question du management du marketing digital, de son déploiement, des différentes stratégies et tactiques à adopter se pose de façon cruciale à un nombre croissant d’entreprises. Dans les grands groupes, la généralisation des CDO (Chief Digital Officer) chargés de la stratégie digitale globale témoigne des préoccupations croissantes des managers concernant les problématiques du numérique. La figure 1 donne une vision synthétique des différentes activités marketing et des processus digitaux à mettre en œuvre pour chacune. Ces activités vont de l’acquisition de trafic à la conversion et la fidélisation. Les médias sociaux sont à activer tout au long du processus et représentent un aspect clé du challenge que nous décrivons dans cet ouvrage, celui de l’implémentation du marketing digital au sein des organisations.
L’utilisation de plateformes digitales comme autant de points de contact multicanaux adaptés à la navigation du consommateur ainsi que la prise en compte de son exposition média font également partie des thèmes de réflexion de ce livre. Sont également décrits les processus de planification des actions digitales et le moyen de faire d’Internet une ressource clé pour l’entreprise et « intégrable » au sein des différents départements qui la constituent. Cette intégration du marketing digital au sein de l’entreprise, son adoption croissante nécessitent de mettre en place une gestion du changement. De nouveaux objectifs doivent être définis, de nouvelles stratégies de communication doivent être élaborées et mises en œuvre grâce à l’acquisition de nouvelles compétences et la prise de nouvelles responsabilités.
Le marketing digital : quelles nouvelles compétences pour quels nouveaux besoins ?
Notre objectif est de fournir un guide didactique et pédagogique permettant d’appréhender les concepts, techniques et pratiques des processus digitaux tels qu’ils sont présentés à la figure 1. L’ouvrage se fonde sur les recherches académiques les plus récentes ainsi que les meilleures pratiques managériales développées par les leaders du numérique. Les applications permettent de s’approprier peu à peu les concepts du marketing digital afin de mieux exploiter les opportunités qu’offre Internet et de maîtriser les risques afférents à ce nouveau média.
Plus précisément, cet ouvrage correspond aux besoins suivants :
• Comprendre dans quelle mesure les changements dus à Internet impactent les modèles marketing existants et si les nouveaux modèles et stratégies émergentes permettent d’exploiter ce nouveau média en toute efficacité.
• Maîtriser le jargon du Web et les termes techniques comme portail, taux de clics, cookie ou impression ainsi que les principales techniques de promotion afin de dialoguer facilement avec les prestataires ou agences qui s’occupent des campagnes digitales de la marque ou de la maintenance du site.
• Bénéficier d’un support de réactualisation des évolutions et changements continuels du Web. Cet ouvrage et son site compagnon contiennent des liens réactualisés de sites Web et de ressources à consulter.
Il s’appuie sur des connaissances générales en marketing que doivent maîtriser les lecteurs, connaissances acquises lors de leur expérience professionnelle ou des cours qu’ils ont pu suivre en tant qu’étudiants, comme les modules consacrés au marketing fondamental, la communication ou le comportement du consommateur. Néanmoins, l’ouvrage reprend les concepts de base du marketing et de la communication. Il repose également sur des études de cas qui illustrent certains points importants du marketing digital.
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La structure et le contenu du livre
L’ouvrage s’organise en huit chapitres, chacun couvrant un aspect essentiel du marketing digital (voir figure 2). Le tableau 2 établit une correspondance entre les principaux sujets du marketing et les chapitres de l’ouvrage.
PARTIE I : LES FONDAMENTAUX DU MARKETING DIGITAL (chapitre 1)
Chapitre 1 : Introduction au marketing digital
Le chapitre 1 offre un panorama du développement du marketing digital et des différents écosystèmes qu’il a générés. Il présente les opportunités nouvelles pour les marques, mais aussi les différents défis qu’un tel espace constitue : nouvelles technologies, nouvelles compétences, nouveaux métiers, nouveaux enjeux. Il met en évidence les spécificités des stratégies digitales et des communications digitales.
PARTIE II : DévELOPPEMENT DE LA STRATéGIE DIGITALE (chapitres 2-4)
Chapitre 2 : La stratégie de marketing digital
Le chapitre 2 traite de la portée et de la nature de la stratégie digitale. Il décrit les différentes stratégies digitales génériques et explique ce qu’est une stratégie digitale intégrée. Il détaille la mise en œuvre de la stratégie, ses objectifs, sa formulation et l’allocation des ressources correspondantes.
Chapitre 3 : Internet et le mix marketing
Le chapitre 3 détaille les modifications des éléments du mix (produit, prix, promotion, distribution), modifications liées à Internet. Il décrit, notamment, les changements apportés dans la définition et la constitution de la marque digitale, la fixation des prix et gestion des conflits entre canaux de distribution. Il met en avant les stratégies gagnantes permettant de gérer au mieux la transformation du mix marketing.
Chapitre 4 : L’utilisation des technologies digitales pour le marketing relationnel
Le chapitre 4 détaille les stratégies et tactiques mises en œuvre dans une optique de gestion de la relation client. Il évalue la pertinence des différentes approches pour gérer la relation client à l’aide des plateformes digitales et met en lumière le potentiel d’Internet vis-à-vis du marketing one-to-one. L’éventail des dispositifs pour dialoguer avec le client grâce aux médias digitaux, notamment les technologies sociales et mobiles, sont développés dans ce chapitre.
PARTIE III : MARKETING DIGITAL, EXéCUTION ET PRATIqUE (chapitres 5-8)
Chapitre 5 : Concevoir l’expérience client en ligne
Le chapitre 5 présente les méthodologies nécessaires à la réalisation de dispositifs digitaux (site Web, sites marchands, applications mobiles, campagnes digitales). Il présente les méthodes de projets qui assurent la bonne réalisation des projets digitaux. À cet effet, il décrit les différentes étapes de ces projets, leurs acteurs, en en détaillant les spécificités et les outils. Il aborde la question de l’internalisation ou de l’externalisation de ces étapes au sein de l’entreprise. Il éclaire à la fois les questions des méthodes de conception (tri par cartes, personas, wireframe, etc.) et les méthodes d’implémentation (organisation et gestion de projet, méthode SCRUM). Il conclut par les méthodes d’évaluation de la qualité des dispositifs digitaux.
Chapitre 6 : Planifier des campagnes digitales
En prolongement de la phase de conception, le chapitre 6 traite de la planification des campagnes digitales. Après une présentation détaillée des caractéristiques des médias digitaux, la question de l’élaboration des campagnes est abordée. Les notions clés liées à ces campagnes sont présentées afin que le lecteur puisse plus facilement aborder la question de l’évaluation de l’efficacité de ces campagnes (chapitre 8). Les principes classiques de cible et segmentation sont discutés dans le cadre de campagnes digitales. La problé- matique du mix des médias digitaux est ensuite étudiée et la question de l’attribution du résultat des campagnes à chaque levier marketing mobilisé est présentée.
Chapitre 7 : L’utilisation des médias digitaux en communication
Le chapitre 7 dresse un panorama des médias numériques. Il permet de distinguer les différents types de médias, leurs avantages, inconvénients et leur adéquation en fonction des différents objectifs marketing. Il détaille, notamment, les différents leviers du marché publicitaire : search, display, e-mailing et affiliation. Il décrit également les caractéristiques d’une stratégie sociale efficace : utilisation des principaux réseaux sociaux, compréhension des mécaniques virales…
Chapitre 8 : Évaluer et améliorer les performances des canaux digitaux
Le chapitre 8 traite de la performance digitale et de l’élaboration des indicateurs (KPI, pour Key Performance Indicators). Plus spécifiquement, il aborde les sujets suivants : quels sont les termes et les outils utilisés pour mesurer et améliorer l’efficacité du marketing digital ? Comment élaborer un processus adéquat pour collecter les métriques d’efficacité du marketing digital ? Comment identifier les activités nécessaires pour gérer une présence en ligne ? Il donne des pistes d’amélioration de ces performances aussi bien au niveau du site Internet que des différents leviers d’acquisition.
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Chapitre 1 Qu’est-ce que le marketing digital ?
I Comment Internet a-t-il modifié le marketing?
S’il a fallu respectivement 37 et 15 ans à la radio et à la télévision pour atteindre 50 millions d’utilisateurs au monde, Internet a dépassé ce seuil en trois ans. De même, s’il a fallu 45 ans à la radio et 10 ans à la télévision pour générer 1 milliard de dollars de revenus publicitaires, Internet a atteint ce chiffre en trois ans. Internet a ainsi contribué à changer le monde et les comportements, il a donc aussi profondément transformé l’approche marketing. Il offre aux consommateurs un accès plus facile à l’information et un très grand choix de produits et de services. Internet permet aux entreprises de conquérir de nouveaux marchés, de proposer des services supplémentaires à moindre coût, d’utiliser des nouvelles techniques de communication et d’être plus compétitives. Il représente à la fois un canal de distribution des produits et services et un canal de communication.
1. Le développement d’Internet et du e-commerce
Depuis le début des années 2000, avec un poids de plus en plus grand dans l’économie, l’e-commerce a profondément modifié les habitudes de consommation et la relation entre une marque et ses consommateurs. Malgré les crises économiques et financières, il enregistre une croissance record avec des chiffres qui ne cessent de progresser. Loin d’être un phénomène passager, il couvre tous les secteurs d’activité. L’e-commerce s’est avéré particulièrement adapté pour la vente de certains produits ou services (voyages, produits culturels, matériel informatique…) tout comme certains biens digitaux qui peuvent être dématérialisés (livre, musique, logiciels, films, jeux…).
Au premier trimestre 2015, selon Médiamétrie, 44,4 millions de français (âgés de 15 ans et plus) se sont connectés à Internet depuis un ordinateur et/ou un mobile et/ou une tablette (soit 86,2 % de la population) et d’après la Fevad, 79 % de ces internautes (34,7 millions) ont acheté en ligne. Cette activité a généré en 2015 un chiffre d’affaires de 65 milliards d’euros (+ 14,3 % par rapport à 2014), repré- sentant cependant moins de 6 % de la consommation des ménages. La barre des 70 milliards devrait être franchie en 2016. Le CA du M-commerce représente, quant à lui, 6 milliards d’euros (+ 50 % par rapport à 2014, soit 10 % du CA des transactions en ligne); 6 millions de français ayant déjà acheté à partir de leur mobile. La Fevad recense 182 000 sites marchands actifs en France (+ 16 % par rapport à 2014). Le montant moyen d’une transaction en ligne s’élève à 78 euros. Les cyberacheteurs effectuent en moyenne 23 transactions par an pour un montant moyen total de 1 780 euros. Le profil du cyberacheteur continu à évoluer et la fracture générationnelle se réduit.
Même si les taux de transformation en ligne (rapport entre le nombre de commandes passées et le nombre de visiteurs uniques sur le site) restent encore faibles par rapport aux magasins traditionnels (moins de 5 % en moyenne), ils continuent à s’améliorer. Les pure players (sites uniquement présents sur Internet) ont un taux de transformation moyen supérieur de 20 % par rapport aux sites de type click and mortar (site disposant également d’un réseau de distribution physique – magasin, hôtel, guichet). Durant des années, il a été souvent dit que l’e-commerce allait tuer le commerce traditionnel. Cependant, on s’aperçoit aujourd’hui que c’est loin d’être le cas et au lieu d’opposer ces deux formes de commerce, il convient d’envisager leur complémentarité. D’après la Fevad, 51 % des sites click and mortar ont bénéficié d’un impact positif lié au web-to-store (comportement du consommateur qui va consulter Internet avant de se rendre dans un magasin physique): augmentation du CA et de la fréquentation en magasin, meilleure information client…
2. Différences entre e-commerce, e-business et marketing digital
■ L’e-commerce
L’e-commerce fait référence aux transactions financières et informationnelles qui sont médiatisées par les technologies digitales entre une entreprise (ou une organisation) et une tierce partie (entreprise, organisation, consommateur, gouvernement…). Les technologies digitales mobilisées incluent Internet (sites Web, e-mails…) mais aussi tous les autres médias digitaux comme les téléphones portables, les connexions sans fil (WiFi, Bluetooth…), les tablettes tactiles et la télévision interactive. L’e-commerce comprend la gestion des transactions financières en ligne mais aussi les transactions non-financières telles que les requêtes auprès du service client et les envois d’e-mails par l’entreprise. L’e-commerce est souvent divisé entre un côté vendeur (sell side), impliquant toutes les transactions à destination du consommateur final, et un côté acheteur (buy side), fournissant à une entreprise les ressources nécessaires à son fonctionnement.