Cours complet d'introduction à l'économie du développement
Rémi Bazillier 1
1
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Ecole d’Economie de la Sorbonne
Pourquoi l’Economie du Développement?
1 Le concept de développement
2 Acteurs et politiques du développement
3 De nouveaux outils de politiques du développement
Les mesures du développement
1 L’approche par les revenus
2 L’approche synthétique
3 L’approche par la qualité de vie
Théories classiques de la croissance économique et du développement
1 Le développement comme phénomène linéaire : le rôle central de l’accumulation
2 Les modèles de changement structurel
3 Les théories de la dépendance (internationale)
4 La contre-révolution néo-classique
Les théories contemporaines du développement et sous-développement
1 L’importance des complémentarités
La croissance endogène et les externalités
Les défaillances de coordination
2 Les modèles à équilibre multiples et la théorie du big push
3 La théorie O’Ring de Kremer
Les déterminaux fondamentaux du développement
1 La géographie
2 L’intégration
3 Les Institutions
4 The Primacy of Institutions?
Les déterminants historiques du (sous-) développement
1 Expliquer la persistance historique
2 Les facteurs historiques
La révolution néolithique
Les conséquences du commerce des esclaves
Les conséquences de la colonisatin
3 Le rôle des populations
Le capital humain - éducation et santé dans le développement économique
1 Rôle du capital humain dans le développement 2 Obstacles au développement du capital humain 3 Pourquoi le capital humain ne suffit pas?
4 Quelles politiques éducatives? Les enseignements des expériences aléatoires
Abhijit B. Banerjee Esther Duflo (2011), Poor Economics, Public Affairs,U.S. Publié en Français sous le titre Repenser la pauvreté (2012), Seuil.
Site web du cours:
Pourquoi l’économie du développement?
Deux visions:
Les PED, malgré leur faible PIB/tête obéissent aux mêmes règles économiques universelle. L’économie du développement est donc une analyse du rattrapage économique des pays plus pauvres à une date donnée.
La science économique doit prendre en compte la situation empirique des pays. Règles de fonctionnement spécifiques propres aux pays du développement.
Dans les faits, l’économie du développement a permis de développer un certain nombre d’analyses s’appliquant également aux pays développés (exemple de la théorie du
salaire d’efficience du Leibenstein)
Pauvreté des Hommes ou pauvreté des nations?
Traditionnellement, les pays en développement sont considérés comme des “pays pauvres”
Approche limitée car à l’intérieur du pays, certains individus sont riches
Augmenter le PIB par habitant permet-il d’améliorer la situation des habitants?
Pose la question du niveau de pauvreté des individus et des inégalités
Qu’appelle-t-on Développement?
Mesures économiques traditionnelles: dans des termes strictement économiques, le développement a traditionnellement signifié la capacité d’une économie nationale à générer et maintenir une croissance annuelle de son revenu national brut (RNB) à un taux supérieur à 5%
Jusqu’à récemment: le développement était vu comme un phénomène économique: problèmes de pauvreté, distribution des revenus, chômage sont considérés comme secondaires.
Qu’appelle-t-on développement?
Années 1970: émergence de la nouvelle économie du développement. Dans les années 50/60, les niveaux de vie stagnent malgré la croissance.
Développement: processus multidimensionnel impliquant des changements dans la structure sociale, attitudes populaires et institions nationales, parallèlement à l’accélération de la croissance économique, la réduction des inégalités, et l’éradication de la pauvreté Contributions importantes du Prix Nobel Amartya Sen
cours du temps
Mais aussi concerné par les méchanismes économiques, sociaux, politiques et institutionnels, privés et publics nécessaires à l’amélioration des niveaux de vie
Un champ d’étude spécifique
Spécificités des pays en développement: imperfections de marché
Le développement est un concept plus large que la seule croissance du revenu par habitant
L’approche par les capacités (capabilities)
Le revenu et la richesse ont une vertu seulement instrumentale
La “capacité à fonctionner” (“capabilities to function”): ligne de démarcation de la pauvreté
Capabilities to function
Economic growth cannot be sensibly treated as an end in itself. Development has to be more concerned with enhancing the lives we lead and the freedoms we enjoy.”
Amartya Sen
L’approche par les capacités (capabilities)
La pauvreté ne peut être correctement par le revenu ou même par l’utilité tq. définie traditionnellement
Ce qu’une personne est ou peut être et fait ou peut faire
Functionnings
“The concept of “functionning” reflects the various thing a person may value doing or being. The valued functionnings may vary from elementary ones, such as being adequatly nourrished ( ), to very complex activities or personal states, such as being able to take part in the life of the community and having self-respect”
Les cinq sources de disparités pour un même niveau de revenu
1 Hétérogénéités personnelles (maladie, handicap, age ou genre)
2 Diversités dans l’environnement (chauffage dans les endroits froids, maladies infectueuses dans les tropiques)
3 Variations dans le climat social (crime, violence et capital social)
4 Différences dans les perspectives relationnelles (dans les sociétés les plus riches, besoin de certaines ’commodités’ (téléphone,..)
Distributions au sein de la famille (et inégalités potentielles)
Bonheur et déprivations
Une personne peut éprouver de la satisfaction tout en souffrant de multiples “déprivations”
Distinction sentiment / impression et achèvement
Capabilities
Sen defines capabilities as “the freedom that a person has it terms of the choice of functionnings, given his personal features (conversion of characteristics into functionnings) and his command over commodities”
Importance du bien-être: être en bonne santé, bien nourri, ou très éduqué. Plus largement: avoir la liberté de choisir ce qu’on veut être et ce qu’on veut faire
Cette approche a conduit à s’interroger sur la pertinence du revenu comme mesure pertinente du développement
Développement de l’IDH (cf. chapitre suivant)
Le revenu n’a qu’une vertu instrumentale
Arthur Lewis (1955)
Le principal objectif est “d’élargir le choix des possibles”. La croissance du revenu par tête donne “un plus grand contrôle des individus sur leur environnement améliorant de fait leur bien être”
Anand et Sen (2000)
“En reconnaissant l’importance de la croissance économique comme outil du développement humain, nous devons également prendre en compte (i) la nature contingente de son efficacité (en fonction de l’utilisation des moyens dans la promotuon du développement humain), et (ii) sa non-unicité comme outil du développement humain (il existe d’autres moyens, tels que l’organisation sociale)”
Du développement au développement durable
Le revenu n’est qu’une composante du développement
Le développement est-il “soutenable” ? Quelle perspective de long-terme
Prise en compte de l’environnement / des ressources
Définition du développement durable
“Le développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs.” (Commission Bruntland, 1987) Deux implications:
Prise en compte du concept de besoin, et plus particulièrement des besoins essentiels des plus démunis, à qui il convient d’accorder la plus grande priorité Les ressources sont limitées: “l’idée des limitations que l’état de nos techniques et de notre organisation sociale imposent sur la capacité de l’environnement à répondre aux besoins actuels et à venir”
Les trois piliers du développement durable
Le pilier économique: développement économique
Le pilier environnemental: Respect de la biodiversité et des écosystèmes, réduction des émissions polluantes, non-destruction du capital naturel
Le pilier social: conséquences sociales de l’activité économique, problème des inégalités, conditions de travail et de vie
Les trois piliers du développement durable
Le pilier économique: développement économique
Le pilier environnemental: Respect de la biodiversité et des écosystèmes, réduction des émissions polluantes, non-destruction du capital naturel
Le pilier social: conséquences sociales de l’activité économique, problème des inégalités, conditions de travail et de vie
Les trois piliers du développement durable
Le pilier économique: développement économique
Le pilier environnemental: Respect de la biodiversité et des écosystèmes, réduction des émissions polluantes, non-destruction du capital naturel
Le pilier social: conséquences sociales de l’activité économique, problème des inégalités, conditions de travail et de vie
Les trois piliers du développement durable
Les acteurs du développement
Des agents économiques (th. éco traditionnelle) aux acteurs (François Perroux, Albert Hirschman)
“Agents économiques différents les uns des autres, dotés de pouvoirs inégaux, capables de modifier leur environnement matériel et humain par l’énergie de changement qu’ils développent à travers leurs décisions” (Hugon, 2003)
L’influence / le pouvoir des différents acteurs a évolué au cours du temps, en fonction des doctrines dominantes dans les politiques de développement
Les acteurs du développement
Les organisations internationales
ONU, FMI, Banque Mondiale, PNUD, CNUCED, PNUE,
OIT, etc.
Les agences de développement
AFD, DfiD (UK), USaid, JICA (Japon), etc.
Les ONG internationales Oxfam, etc.
Les gouvernements des pays du Sud
Les populations / sociétés civiles
Le Fonds Monétaire International
Institution issue de Bretton Woods (avec la Banque
Mondiale)
Son premier rôle: surveillance de l’accord monétaire, gendarme des taux de change
Nouveau champ de compétences après la fin du système de Bretton-Woods: le soutien financier et le conseil
économique aux PED traversant une crise de dette extérieure
Prêts (financés par les quote-parts des Etats-membres) Plans d’ajustement structurel
Institution très critiquée (décennie perdue en Afrique, crise asiatique fin 90’, désengagement des pays sud-américains années 2000)
Intervention au sein de l’UE depuis 2012
Initialement: la Banque Internationale pour la reconstruction et le développement (reconstruction des économies détruites après la guerre) Groupe Banque Mondiale:
BIRD: activités de prêts (conditions de marché)
AID: guichet des pays les plus pauvres
SFI: financement du secteur privé
AMGI: garantie des investissements (IDE) à destination des IDE
Face aux critiques des plans d’ajustement structurels: recentrage sur la lutte contre la pauvreté
Pour FMI et BM, système de quote-parts (fonds et vote) fait aujourd’hui débat: les PED sous-représentés
Les politiques du développement
3 périodes: 1950-1980 / 1980-2000 / 2000-
L’ère des politiques dévelopementalistes: 1950 - 1980
Stratégie de substitutions aux importations / politique de
développement par l’industrialisation
Rôle fort de l’Etat
Des résultats contrastés: succès en Asie du Sud-Est
(Corée, Taiwan, Hong Kong, Singapour) / échecs en
Amérique Latine et Afrique / résultats médiocres en Inde
L’ère du consensus de Washington
Stabilité macroéconomique et discipline budgétaire Ouverture commerciale privatisations
Les politiques du développement
Un consensus émergent (2000 - )
Se concentre sur les institutions / la gouvernance.
Réflexions sur l’application des politiques
Rejt de la dichotomie Marchés vs Etats
Le rôle clef de l’évaluation
Growth Report: Strategies for Sustained Growth and Inclusive Development (Spencer Report) et stratégie plus globale suggérée par Dani Rodrik
Importance donnée à la réduction de la pauvreté (objectifs du développement du millénaire, 2000)
L’accent est mis sur l’évaluation (expériences randomisées)
La thématique des inégalités ressurgit dans les années 2010: vers un “nouveau nouveau” consensus?
Le développement doit être basé sur le marché tout en prenant en compte les importantes imperfections des marchés
2 Les Etats ne doivent pas être directement impliqués dans la production (règle générale)
3 Mais l’Etat a un rôle important à jouer dans différents domaines
Environnement macroéconomique stable, infrastructures, santé publique, éducation, transfert de technologie, développement durable, incitations aux exportations, soutien au secteur privé pour dépasser les échecs de coordination, assurer une croissance équitable réduisant la pauvreté et les inégalités, régulation du secteur financier, fourniture de biens publics
Mis en place en 2000
Objectifs quantitatifs, à atteindre d’ici à 2015
Certains objectifs ont été globalement atteints, d’autres non
De larges disparités géographiques
Les objectifs du développement durable
Adoptés en septembre 2015
Période 2015-2013
17 objectifs généraux et 169 cibles
Beaucoup plus larges que les objectifs du millénaire
Trop vagues pour certains, peu contraignants Mais objectifs pertinents à la fois pour les pays en développement et pays développés
De multiples facettes du développement (lutte contre les inégalités, systèmes fiscaux)
Lacune principale: la question du financement
De nouveaux outils de politiques du développement
Les expériences aléatoires (Duflo) et l’évaluation des politiques publiques
Les diagnostics de croissance (Rodrik)
Les expériences aléatoires et l’évaluation des politiques publiques
Evaluer est indispensable
Les économistes peuvent se tromper et le font souvent : Simplifier la réalité pour la modéliser et l’analyserpeut conduire à ignorer des aspects importants.
Ce n’est pas une raison pour rester inactifs.
Les économistes ne sont pas les seuls à se tromper : les organisations internationales et les gouvernements des pays en développement font des erreurs et n’en tirent pas de leçon.
Ceci justifie l’humilité et des évaluations rigoureuses pas seulement pour les programmes conseillés par les économistes
Source: Duflo, E. (leçons au Collège de France)
Nous voulons comparer la situation des bénéciaires d’un programme à la situation qu’ils auraient vécue si ils n’y avaient pas été exposés.
La difficulté consiste à constituer un groupe de contrôle adéquat.
Source: résumé Rodrik, One Economics, Many Recipes. Globalization, Institutions and Economic Growth par
Prochain chapitre: Les mesures du développement
