Manuel complet d’introduction au management operationnel

Manuel complet d’introduction au management opérationnel
INTRODUCTION LE MANAGEMENT D’UNE UNITÉ
I – LE CONCEPT DE MANAGEMENT
La définition classique du management se résume en trois mots: art de diriger. Mis à part le concept d’art, qui signifie que les attitudes et les comportements du manager, son savoir-être, sont aussi essentiels que sa maîtrise méthodologique et technique des outils de Direction, cette définition ne nous apprend rien. Elle se contente de substituer un mot: « diriger » à la place d’un autre: « manager ».
Une logique d’efficacité
Pour essayer de rendre intelligible le terme de management et le sortir des clichés qui l’entachent, il convient de mener une rapide étude des différentes écoles de management et des conceptions de l’efficacité sur lesquelles il repose. Au cours des décennies précédentes, l’accent a été mis successivement sur les aspects organisationnels et sur les aspects relationnels du management. L’originalité de ces dernières années est de situer le management face à la finalité économique de l’entreprise: quelles sont les conditions de sa survie et de son développement? En quoi les actions et les comportements des responsables et de l’ensemble du personnel peuvent-ils y contribuer?
Le management n’est pas un ensemble de recettes pour faire communiquer les hommes dans l’entreprise, organiser leur travail et obtenir leur efficacité. En effet, nous cherchons à développer non pas des automatismes mais une capacité d’adaptation face à la diversité des situations et à leur évolution. Certes, le management est un état d’esprit: ouverture, écoute, dialogue, mais aussi volonté et ténacité dans la recherche de l’efficacité collective. Ne nous berçons pas d’illusions, quelles que soient les différences entre les écoles de management, leur but reste identique et unique: l’efficacité. Elles assoient simplement leur logique sur des conceptions différentes de la théorie motivationnelle.
Les différentes écoles de management
Citons brièvement les trois principales approches qui ont marqué ce siècle:
- la pensée taylorienne,
- l’école des relations humaines,
- l’approche du management participatif.
La pensée taylorienne* repose fondamentalement sur une vision motivationnelle brutale: l’homme est rétif au travail, « il n’aime pas ça ». Il est obligé de travailler pour gagner sa vie et satisfaire ainsi ses besoins de survie et de sécurité. Il recherche, avant tout, un maximum de rétribution pour un minimum de contribution. Cette conception conduit logiquement à l’Organisation Scientifique du Travail. Quels que soient ses états d’âme, l’homme doit être pris dans un système, dans une mécanique où il n’a pas le choix. Il devra effectuer sa tâche à l’intérieur d’une cadence. Cette tâche sera d’ailleurs le plus souvent une opération, un geste parcellaire concourant à réaliser un produit quelconque. La rationalité organisationnelle contourne le manque d’appétit au travail, met un terme aux aspirations intimes de la personne. Si des tensions sociales émergent elles seront régulées par un supplément de rétribution; l’apaisement s’en suivra
L’école des relations humaines, dont les thèses reposent, entre autres, sur les expériences menées par Kurt Lewin** dans l’immédiat après-guerre aux États-Unis, se fonde, elle, sur une autre approche motivationnelle. La personne recherche, certes, un maximum de rétribution par rapport à son travail, mais aussi, un cadre de vie satisfaisant. L’instinct grégaire prime; l’homme a besoin de faire partie d’un groupe, d’un clan où il a sa place et où il est reconnu. La communication, l’échange, les stimulations positives, la reconnaissance de ses efforts, la valorisation de ses capacités sont autant de besoins fondamentaux que toute personne doit trouver dans son travail. Si elle les obtient, elle augmentera d’elle-même sa contribution aux résultats de l’unité et de l’entreprise auxquelles elle appartient. Du primat de l’organisationnel, on passe à celui du relationnel.
L’approche du management participatif ne nie en rien la pensée précédemment développée, elle la poursuit et l’enrichit. En référence aux thèses de F. Herzberg*, l’homme aspire non seulement à la satisfaction de ses besoins primaires et d’appartenance mais aussi à son propre développement. L’expression de soi, la réalisation de soi, le développement de son potentiel sont les seules voies royales de la maximisation de son efficacité individuelle. Dans la pensée taylorienne, l’homme travaille parce qu’il y est obligé, parce qu’il doit survivre, « il perd sa vie en la gagnant »; dans la vision de l’école des relations humaines, il travaille par amour ou contre-dépendance vis-à-vis de son groupe, de son clan et de son chef. Dans l’approche du management participatif, il travaille parce qu’« il aime ça »; ses activités et ses tâches sont sources d’enrichissement, d’expression et d’autoréalisation.
Il faut tout de suite sortir d’une confusion: le terme participatif ne renvoie pas à l’autogestion ou au consensus, mais vise simplement à signifier que chacun participe à la production des résultats de l’unité et de l’entreprise. Dans une perspective marxiste il s’agirait, peut-être, de l’alié- nation suprême où l’esclave en vient à aimer ses chaînes. Nous croyons plutôt qu’il s’agit de la seule possibilité de vivre le travail non plus comme une coercition mais comme un temps de vie permettant de sortir d’une fausse dialectique loisir-labeur. Certains métiers ont, par leur nature même, une propension naturelle à développer, chez les personnes qui l’exercent, cette relation au travail. Nous pensons ici à toutes les professions artistiques ou de recherche scientifique. Pour l’immense majorité des salariés, seul un management proposant, à chacun, responsabilité et autonomie, permet à la personne d’établir cette intimité avec son emploi.
Style ou management participatif
Une autre confusion existe entre ces deux notions qui, presque toujours, sont indifférenciées. Il nous semble essentiel de sortir de cet amalgame. Comme nous l’avons dit, le management est une conception complète de la direction d’une entité, renvoyant à la finalité économique de l’entreprise, visant à la maximisation des contributions individuelles et à leur orientation vers l’atteinte des objectifs de l’entreprise.
Un style de management, c’est tout autre chose. Nous définissons cette notion comme l’ensemble des attitudes et des comportements qui décrit la manière dont un responsable exerce son pouvoir sur un groupe. Il s’agit bien de la façon de commander, d’exercer l’autorité. Dans une vision « humaniste » de son rôle, le responsable refusera de s’appuyer sur l’autorité formelle qui lui est conférée par sa position hiérarchique pour développer un leadership, c’est-à- dire une autorité informelle qui lui est reconnue par ses collaborateurs, de par ses capacités à:
- donner une orientation,
- organiser et canaliser les efforts de chacun dans cette direction,
- communiquer, faire adhérer, réguler en permanence les conflits, les tensions.
Comme nous le voyons, le style participatif se réfère directement à l’école des relations humaines bien plus qu’à la conception du management participatif. Dans cette approche, le style participatif, surtout dans sa connotation « paternaliste » ou « boy-scout », n’est en rien, pour nous, un credo. Le style de management, proposé par l’École du management participatif, est fondé sur une approche différenciée, c’est- à-dire sachant s’adapter à chaque personne et événement, jouer sur tous les registres de l’exercice du pouvoir (autorité, leadership, charisme), pour permettre à chacun d’accroître, dans un même temps, sa force de travail et son développement personnel.
II – LE MANAGEMENT STRATÉGIQUE ET LE MANAGEMENT OPÉRATIONNEL
Le terme de management prête à confusion. Sous le même vocable de manager, nous pouvons parler de directeurs géné- raux, de stratèges de la finance, ou de chefs d’équipe. Un ouvrage de management, un diplôme de management, une formation au management peuvent receler des contenus fort différents. Nous ne sommes véritablement informés du contenu proposé qu’en détaillant le sommaire, le programme ou les matières enseignées
Nous allons tenter de nous limiter à une distinction sur deux niveaux:
• le management stratégique,
• le management opérationnel.
Le management stratégique renvoie aux fonctions de direction d’entreprise, il n’est pas centré sur l’animation des hommes. Son rôle est de définir:
• les orientations de l’entreprise, ses objectifs et ses stratégies,
• le système de contrôle lui permettant de suivre et de piloter les résultats,
• la structure organisationnelle la mieux adaptée.
Le stratège est, avant tout, un visionnaire, percevant l’environnement et précisant les grands desseins de l’entreprise. Il est également un financier et un contrôleur de gestion rigoureux, sensible au moindre surcoût et à la baisse même réduite de la rentabilité. Visionnaire, mais aussi gérant de la pérennité de son entreprise, il se doit d’être terriblement réaliste.
Le management opérationnel est, lui, plus prosaïque. Le manager est avant tout un meneur d’hommes, responsable de la motivation et de l’efficacité de son unité. Il peut, certes, définir ou participer à la fixation des objectifs de son équipe mais ceux-ci s’inscrivent toujours en cohérence vis-à-vis d’un projet plus global auquel il doit adhérer; sinon sa seule porte de sortie élégante est la démission.
Il participe aussi activement à l’organisation du travail au niveau de la définition et de la répartition des tâches, à la conception des méthodes et des procédures. Cependant, son action s’inscrit toujours dans une structure qui prédéfinit des règles auxquelles il doit se soumettre. De plus, ses marges d’autonomie, concernant les moyens dont il dispose tant humains que matériels, sont toujours plus ou moins réduites. S’il est en charge du contrôle et du suivi des résultats de son unité, ses indicateurs restent le plus souvent opérationnels, n’inté- grant que rarement une dimension financière ou économique.
Le concept d’unité
Pour poursuivre la distinction entre le management straté- gique et opérationnel, nous devons maintenant éclairer le concept d’unité.
…
La Direction générale est, bien évidemment, en charge du management stratégique de l’entreprise; elle est constituée d’un groupe de personnes comprenant le Directeur général, ses adjoints éventuels et les directeurs.
Le Directeur général s’appuiera en permanence sur ce groupe pour réaliser pleinement les fonctions stratégiques que nous avons définies. Néanmoins, une partie de son temps, même minime, consistera à manager chaque membre de cette équipe. En tant que tel, le Directeur Général, premier acteur du management straté- gique, est aussi, pour une part, un manager opérationnel.
Les directeurs, eux, ont trois rôles principaux à assumer:
• participer, en tant que membres de la Direction générale, au management stratégique de l’entreprise;
• concevoir, au niveau de leur propre direction, ce management stratégique dans les limites d’autonomie propres à la culture de chaque entité;
• exercer leur rôle de manager opérationnel au niveau des responsables de leur département.
Pour les responsables de département, seules les deux dernières fonctions demeurent. Les responsables de service, eux, sont avant tout des managers opérationnels, même s’ils participent, nous l’espérons, à la définition des orientations du département. Les opérateurs, quant à eux, sont les seuls dans notre schéma simplifié, à n’appartenir qu’à un seul groupe, à être en situation de mono-appartenance, le Directeur général excepté.
La pluri-appartenance des responsables intermédiaires (service, département ou direction) est une caractéristique principale de tout manager opérationnel:
• en tant que membre de l’unité supérieure, il doit faire passer les objectifs, les règles, les contraintes, les volontés de sa hiérarchie. S’assurer que chacun, dans son unité, accepte et comprend les intérêts supérieurs de l’entreprise et agit en conséquence;
• en tant que hiérarchique (responsable de service, de département ou directeur), il appartient, d’une certaine manière, à une caste dont il doit, en permanence, veiller au respect des attributions et des prérogatives;
• en tant que membre du groupe qu’il dirige, il doit en permanence défendre, protéger les intérêts de son unité, expliquer les difficultés rencontrées, assouplir les règles de fonctionnement par trop rigoureuses, bref agir en chef de clan.
Toute la difficulté de ces positions intermédiaires est en permanence d’arbitrer, au quotidien, entre les intérêts parfois contradictoires de chacun de ces groupes d’appartenance. Le responsable doit rester dans un rôle de médiation et éviter, au risque de se perdre, de se choisir un groupe et un seul dans lequel il se reconnaît:
• s’il choisit le groupe supérieur, il devient presque toujours un petit chef coupé de sa base;
• s’il choisit le groupe de ses pairs, il devient un « petit notable » toujours en réunion avec ses alter ego, étranger dans son équipe;
• s’il choisit comme groupe d’appartenance l’équipe qu’il dirige, il n’est plus qu’un pater familias décrédibilisé aux yeux de sa hiérarchie.
Manager des managers ou manager des opérateurs
Il est donc simpliste, à nos yeux, de dire que le management stratégique est réservé aux fonctions de direction et que le management opérationnel est, lui, destiné aux managers d’opérateurs.
Néanmoins, la priorité du rôle de chacun demeure claire:
• management opérationnel pour qui encadre des opérateurs,
• management stratégique pour qui exerce des fonctions de direction,
• moitié-moitié pour qui manage des managers (principalement les responsables de département dans notre schéma).
L’unité, groupe de management
Le management opérationnel, qui est l’objet de cet ouvrage, s’exerce donc toujours, pour qui que ce soit, dans le cadre d’une unité clairement définie:
…
L’unité est constituée par :
• N, responsable opérationnel de l’unité, participant également au management stratégique, comme nous l’avons vu;
• N bis, son adjoint (s’il existe);
• Les assistants ou secrétaires directement rattachés;
• N-1, les collaborateurs rattachés hiérarchiquement au N, à l’exclusion de toute autre personne.
Si nous faisons apparaître les N-1bis à l’extérieur de ce schéma, c’est pour bien indiquer qu’ils ne font pas partie de l’unité dirigée par N car ils sont rattachés hiérarchiquement au « N-1 ». Ils appartiennent à l’unité dirigée par le « N-1 ». De ce fait, il s’agit ici d’une unité où le responsable encadre des managers et non des opérateurs, sinon les « N-1 » n’auraient personne sous leur dépendance hiérarchique. Il arrive fréquemment que les assistants ou secrétaires de Direction aient eux-mêmes de nombreuses personnes à manager, ces dernières ne font toutefois pas partie de l’unité de « N ».
Ainsi, nous pouvons définir l’unité comme :
• l’ensemble constitué par N et ses collaborateurs lui étant directement rattachés hiérarchiquement; c’est lui seul qui les encadre, les motive et les apprécie;
• l’ensemble des collaborateurs sur lesquels s’appuie « N » pour définir et atteindre les objectifs de l’unité. Il s’agit de ce que nous appelons son groupe de management.
Trois métiers de managers
Pour donner du sens à son action et clarifier, à ses propres yeux, ses priorités, un responsable doit en premier lieu identifier son métier:
…
Il serait vain de demander à un manager stratégique d’être un communicateur, un formateur, un animateur d’hommes ou un manager exemplaire en terme de pratiques au quotidien. Même si, dans l’absolu, il s’agirait d’un plus et d’un mieux. Il doit avant tout produire une pensée porteuse de résultats à long terme et donc de pérennité.
Un manager de managers est le gardien d’un système d’organisation et d’encadrement, il est au cœur du pilotage de l’entreprise en garantissant la production des différentes unités qu’il supervise. Le manager opérationnel doit rester opérationnel, c’est-à-dire maîtriser la réalisation des activités majeures de son unité pour former, résoudre les difficultés techniques, être crédible par son exemplarité.
Le management différencié (à l’usage des managers de managers)
L’approche par le management différencié permet au manager de managers, ayant un staff et plus de dix unités opérationnelles à superviser, d’effectuer des arbitrages différents en termes de présence et d’impact. Les pratiques du manager de managers ne se déterminent plus seulement en fonction du degré de maturité des collaborateurs mais en fonction de la situation de chaque unité (niveau d’activité, résultats en termes de production, rentabilité, respect du cahier des charges…).
Nous reportons, en annexe 1, un exemple complet de management différencié pour les Directeurs de Groupe (supervisant de nombreuses unités commerciales sur un large territoire).
Table des matières :
Avant-propos ...................................................................... 5
INTRODUCTION LE MANAGEMENT D’UNE UNITÉ
I • Le concept de management .................................... 11
II • Le management stratégique et le management opérationnel ............... 15
III • Le management opérationnel au quotidien ........... 21
PREMIÈRE PARTIE ORGANISATION ET GESTION DE L’UNITÉ
CHAPITRE I : DIAGNOSTIC ET OBJECTIF ................... 35
I • L’objectif : la notion la plus essentielle du management opérationnel ...... 35
II • Le concept d’objectif ............................................... 39
III • La définition des objectifs de l’unité ...................... 49
IV • La définition des objectifs individuels ................... 58
CHAPITRE II : ORGANISATION
ET GESTION DU CHANGEMENT .................................. 65
I • L’organisation : un héritage du passé ..................... 65
II • Les conceptions de l’efficacité ................................ 69
III • Les concepts en matière d’organisation ................. 73
IV • La gestion des changements organisationnels ...... 78
CHAPITRE III : SUIVI ET CONTRÔLE ........................... 97
I • Le suivi opérationnel ............................................... 98
II • Le contrat managérial comme finalité du suivi individuel .......... 108
III • Le contrôle des résultats ......................................... 112
IV • Les pratiques managériales au service d’un suivi structuré ............... 117
DEUXIÈME PARTIE ANIMATION ET COORDINATION DE L’UNITÉ
CHAPITRE IV : COMMUNICATION ET INFORMATION 127
I • L’information opératoire ......................................... 128
II • L’information intégratrice ....................................... 134
III • L’information motivationnelle ................................ 140
CHAPITRE V : FORMATION ET DÉLÉGATION ............. 151
I • Deux notions complémentaires .............................. 151
II • Les techniques de formation en situation de travail .......... 159
III • La délégation : une méthodologie rigoureuse ........ 169
CHAPITRE VI : STIMULATION ET APPRÉCIATION ..... 181
I • La technique de stimulation : clé de voûte du management relationnel ...... 182
II • L’appréciation, au-delà du rituel ............................. 193
III • La structure de l’entretien annuel .......................... 201
CHAPITRE VII : POUVOIR, INFLUENCE ET DÉCISION... 207
I • Problématique de la décision ................................. 208
II • Les zones d’influence du manager opérationnel ... 215
III • Pouvoir, espace de conquête ................................... 227
CONCLUSION POUR UNE ÉTHIQUE DE L’ACTION
I • Le temps de l’action ................................................ 237
II • Le style dans l’action ............................................... 244
III • Le plan d’action managérial (P.A.M.) ..................... 254
ANNEXES
Annexe 1 : Le management différencié
I • La problématique et la stratégie d’intervention pour un Directeur de Groupe ...... 261
II • Les contrats de management différencié et l’agenda type du Directeur de Groupe.... 265
III • La visite agence et la rédaction du compte-rendu.... 269
Annexe 2 : Système d’appréciation avec notation et « mesures individuelles »
I • Les caractéristiques essentielles du système d’appréciation ...... 275
II • L’entretien annuel d’appréciation (compte-rendu type)..278
Bibliographie ...................................................................... 283
Liste des tableaux ............................................................... 287
Index ................................................................................... 289