Cours de formation avance sur les principes de base de l'assurance

Qu'est-ce que l'assurance? L'usage commun du terme "assurer", dans le sens d'agir pour protéger d'un danger, est à l'origine d'une certaine confusion dès lors que l'on essaie de définir l'assurance en tant que service financier. On peut se protéger du risque de nombreuses manières. Dans les zones rurales, les gens se constituent des réserves de céréales et d'animaux. Là où des caisses d'épargne existent, la population peut épargner et se constituer un petit capital qui sera utilisé en cas de besoin. D'autres pourront compter sur la générosité de leurs proches et amis, ou emprunter de l'argent s'ils sont en difficulté1. S'il s'agit là de moyens qui permettent de se protéger contre les risques, il ne s'agit pas d'assurance.
L'assurance rembourse à un individu2 tout ou partie d'une perte financière due à un événement ou à un risque imprévisible. Cette protection s'exerce par le biais d'un mécanisme de mise en commun, basé sur le regroupement dans un pool de risques d'un grand nombre d'individus vulnérables à un même risque. Chaque individu alimente le fond commun en versant une petite somme d'argent, la prime. Le fond est ensuite utilisé pour dédommager les membres du groupe qui subissent effectivement une perte. L'assurance réduit la vulnérabilité en remplaçant la possibilité minime de subir une perte importante par la certitude du paiement régulier de petites primes. Le principe du pool de risque fait de l'assurance un moyen efficace de protection contre certains types de risque; il est également à l'origine d'une certaine complexité au niveau de la conception et de la fourniture de produits d'assurance.
1 Pour d'autres exemples de moyens de se protéger des risques, voir Sebstad and Cohen (2000), "Microfinance, Risk Management and Poverty," projet AIMS de USAID.
2 L'unité assurée peut également être une société ou un ménage. Dans ce manuel, cependant, nous avons pris le parti de traiter en priorité le client individuel d'une IMF.
Un produit d'assurance doit explicitement identifier les quatre éléments suivants:
1. L'événement assuré: l'événement déclencheur (par exemple, le décès de l'assuré) qui provoque le paiement d'une indemnité.
2. La montant de la prestation: le montant de l'indemnité qui devient payable lorsque l'événement assuré intervient (par exemple, une somme forfaitaire de 400 USD ou le solde d'un prêt). Grâce au mécanisme de pooling du risque, l'indemnité peut être largement supérieure aux primes versées par l'individu.
3. Le bénéficiaire: la personne à qui est payé le montant de l'indemnité si l'événement assuré intervient;
4. La durée de la couverture: la période pendant laquelle l'événement assuré doit intervenir pour donner droit au paiement de l'indemnité.
Ces quatre éléments doivent être définis dans toute police d'assurance, le contrat légal établi entre l'assureur et son client le titulaire de police (parfois appelé l'assuré). Le présent chapitre aborde ces quatre éléments et présente plusieurs concepts de base de l'assurance. Le but poursuivi est de poser les bases d'une véritable compréhension des concepts qui seront utilisés dans les chapitres suivants.
1.1 L'événement assuré
Il est nécessaire de définir clairement l'événement qui donne droit à la prestation. L'assureur et le titulaire de police doivent avoir la même compréhension de cet événement. Cette section décrit les caractéristiques d'un événement assurable et aborde ensuite diverses complications possibles, notamment l'antisélection, la fraude, le risque moral et le risque covariant.
Caractéristiques d'un événement assurable
Pour être assurable, un événement doit réunir certaines caractéristiques:
Aléatoire: l'événement doit être imprévisible. S'il est prévisible, l'épargne planifiée apparaît comme une protection plus adaptée.
Peu probable: il faut que la probabilité que l'événement survienne pendant la durée de la couverture soit faible. S'il est probable que le risque affecte un grand nombre des individus faisant partie du pool de risques pendant la période de couverture, le coût de l'assurance sera très élevé, en fait proche du coût des sinistres.
Indépendant: la survenance de l'événement assuré doit être statistiquement indépendante d'un individu à l'autre. En d'autres termes, la probabilité que l'événement affecte un individu n'est pas influencée par le fait qu'il en ait affecté un autre.
Non contrôlable: la survenance de l'événement ne peut être, dans la mesure du possible, sous le contrôle direct de l'assuré ou de toute autre partie intéressée. Si cela devait être le cas, l'individu pourrait déclencher un sinistre pour obtenir l'indemnité.
Conséquences financières négatives: l'événement assuré doit impliquer une perte financière pour l'individu, le but de l'assurance étant de protéger celui-ci de cette perte. Si l'assuré ne subit aucune perte financière, il n'y a alors pour lui aucune nécessité de recevoir une indemnité financière. Cet intérêt financier s'appelle l'intérêt assurable et est abordé en détail à la section 1.2.
Univoque: il doit être facile de déterminer si l'événement assuré s'est produit ou non. Si sa survenance ne peut être facilement prouvée, les assurés peuvent faire de fausses déclarations de sinistre.
Complications possibles
Idéalement, les événements assurés doivent réunir l'ensemble des caractéristiques présentées ci-dessus. Dans la pratique, les choses sont rarement aussi simples et l'assureur peut être confronté à diverses complications, comme l'antisélection, la fraude, le risque moral et le risque covariant.
L'antisélection
Dans le contexte de l'assurance, l'antisélection est la tendance des personnes présentant un risque plus élevé que la moyenne à vouloir s'assurer. Par exemple, dans le cas de l'assurance soins dentaires, il y a antisélection lorsque des personnes qui savent avoir besoin de soins dentaires souscrivent une police destinée à en couvrir les coûts. Il y a également antisélection lorsque des individus qui ne courent qu'un risque très faible d'être affectés par l'événement assuré décident de résilier leur police parce qu'elle leur semble peu rentable. Ce type de situation peut avoir un effet déstabilisant sur un système d'assurance: si seuls ceux qui s'attendent à recevoir des soins dentaires s'assurent, le mécanisme de pool de risques ne peut fonctionner.
Le problème de l'antisélection apparaît surtout lorsque le titulaire de police peut choisir le moment où il s'assure et le niveau de sa couverture. En effet, il peut alors n'entrer dans le système que lorsque son risque est minime.
Pour résoudre le problème de l'antisélection, l'assureur peut "trier" les risques. Le processus de présélection des titulaires de police potentiels, également appelé souscription (voir Encadré 1.1), a pour but de contrôler les risques qui entrent dans le pool de risques. Par exemple, on pourra demander aux futurs assurés de passer une visite médicale, pour vérifier qu'ils ne souffrent d'aucune maladie grave, ou de signer une "déclaration" attestant de leur bonne santé. Les individus présentant un risque élevé seront exclus ou devront payer davantage.
Pour les IMF qui vendent de l'assurance à leurs emprunteurs, le fait que ceux-ci soient souvent des chefs d'entreprise actifs suggère qu'ils sont moins susceptibles d'être malades, invalides ou proches de la mort que la population en général. Cette situation est appelée "sélection positive" et donne lieu à la création d'un groupe "choisi" dans le pool de risques.
Deux autres moyens peuvent être utilisés pour contrôler l'antisélection: les exclusions et les périodes d'attente3. Une police d'assurance-maladie, par exemple, peut inclure une exclusion en cas d'affection préexistante, à savoir des problèmes de santé dont souffrirait une personne avant de souscrire la police d'assurance. Dans le cas de l'assurance-vie, une période d'attente d'un mois ou deux entre le moment où le titulaire de police commence à payer les primes et celui où la couverture prend effet réduit le risque de voir une personne à l'article de la mort acquérir une police.
3 L'assurance obligatoire, traitée à la section 1.3, est un autre moyen de contrôler l'antisélection.
La fraude
Dans le cas de l'antisélection, les individus défendent leurs intérêts et agissent donc de manière sensée et légale. Ils s'assurent ou résilient une police en fonction de leur profil de risque et de la valeur de l'assurance. La fraude, elle, est le résultat d'une déclaration incorrecte ou mensongère faite par le client à son assureur. Ainsi, il y a fraude lorsque le client affirme qu'un événement assuré s'est produit alors que ce n'est pas le cas, ou lorsqu'il fournit des réponses fausses aux questions posées lors de la procédure de présélection. Pour gérer la fraude, on peut notamment utiliser des méthodes de contrôle des sinistres et, par exemple, vérifier que le sinistre a effectivement eu lieu (où est le cadavre?!). L'encadré 1.2. fournit quelques exemples des méthodes utilisées par les microassureurs des Philippines pour contrôler l'antisélection et la fraude.
Contrôle de l'antisélection et de la fraude aux Philippines
1.2
Deux coopératives financières des Philippines, Paco Soriano et SAMULCO, ont acquis une expérience intéressante en matière de contrôle de la fraude et de l'antisélection.
Les deux organisations ont adopté des politiques opérationnelles strictes qui intègrent la nécessité de vérifier les sinistres. Ainsi, si un bénéficiaire demande le paiement du capital prévu au titre d'une assurance-vie, elles exigent la présentation d'un certificat de décès. Chez Paco Soriano, les dirigeants de la coopérative et les membres du conseil d'administration ont l'habitude de participer aux veillées mortuaires des membres défunts de la coopérative. Cela leur permet de valider la déclaration de sinistre, même si ce n'est pas leur principale motivation.
Chez SAMULCO, les cas de fraude ont été rares, même s'il y en a eu quelques-uns. Daniel Corral, directeur général, se souvient d'un membre qui avait menti quant à son état de santé lors de sa demande de prêt. Il souffrait d'une maladie grave et en phase terminale au moment où il obtint de SAMULCO un prêt assorti d'une assurance solde restant dû. Après son décès, sa sœur exigea de la coopérative qu'elle couvre le solde du prêt mais celle-ci put prouver que le défunt connaissait la gravité de sa maladie, n'avait pas révélé son état au moment où il avait obtenu le prêt et que par conséquent c'était à sa famille qu'incombait le remboursement du solde.
Pour contrôler l'antisélection et suite au décès de quelques assurés peu de temps après l'achat d'une police, les coopératives ont récemment instauré des périodes d'attente pour les titulaires d'une police d'assurance-vie. D'autre part, les nouveaux clients potentiels doivent aujourd'hui passer un examen de santé ou produire un certificat médical. La coopérative a également modifié son barème de prestations pour que seuls les membres les plus anciens puissent avoir accès à certaines prestations ou indemnités.
Adapté de Soriano et coll. (2002)
Le risque moral
Il y a risque moral lorsque la protection que fournit l'assurance encourage les individus à provoquer l'événement assuré. En matière d'assurance-vie, par exemple, il peut arriver que les titulaires de police se suicident pour que leurs bénéficiaires reçoivent l'indemnité, ou que le bénéficiaire assassine l'assuré. Ce type de comportement peut paraître extrême, mais le texte de l'encadré 1.3 démontre que les assureurs doivent envisager ce type de possibilité.
Il y a également risque moral lorsque le fait d'être assuré encourage le titulaire de police à se comporter d'une manière insouciante ou qui augmente la probabilité de voir l'événement assuré se produire. Par exemple, le titulaire d'une assurance contractée pour du bétail peut décider de ne pas faire vacciner son troupeau ou de ne pas lui apporter les traitements médicaux nécessaires.
On contrôle le risque moral par des exclusions qui annulent l'avantage financier qu'impliquerait le comportement indésirable. Ainsi, la plupart des polices excluent le paiement de l'indemnité si les blessures, l'invalidité ou le décès sont autoinfligés.
La participation aux coûts, dans l'assurance-maladie, et les franchises, dans l'assurance de biens, permettent également de contrôler le risque moral. Par exemple, un assureur pourra couvrir 80 pour cent des frais médicaux encourus par un assuré et demander à celui-ci de payer les 20 autres pour cents au titre de sa participation aux coûts. De la même manière, en assurance automobile, une franchise de 500 USD signifie que l'assureur paiera la partie du sinistre supérieure à ce montant. La participation aux coûts et les franchises réduisent le risque moral, puisque les titulaires de police prennent en charge une partie des coûts du sinistre.
Le risque moral en assurance-vie
1.3 Procès de la "Veuve Noire": l'accusée mise en examen
Josephine Gray, surnommée la "Veuve Noire" après l'assassinat de ses deux maris et de son compagnon est une "victime innocente" qui a vécu une tragédie. C'est ce qu'ont affirmé ce mercredi, dernier jour de son procès, les avocats de celle qui était jugée pour avoir illégalement perçu les montants des polices d'assurance-vie dont étaient titulaires les trois hommes.
Josephine Gray, 55 ans, a été mise en examen pour fraude postale, fraude bancaire et complicité d'encaissement des indemnités d'assurance-vie, après les meurtres de ses maris et de son compagnon.
Les procureurs ont affirmé que les polices d'assurance-vie contractées par ses deux maris avaient permis à Gray de percevoir 16.000 USD après la mort de son premier mari, Norman Stribbling, et 51.000 USD après celle de son second mari, William "Robert" Gray. Les deux hommes sont morts dans le Comté de Montgomery. Gray est également accusée d'avoir encaissé une somme de 96.000 USD après la mort en 1996 de son petit ami, Clarence Goode, dans le Comté de Baltimore. Selon des documents en possession de la Cour, Gray avait convaincu ses prétendants de commettre les crimes pour elle.
La défense a affirmé que Gray avait perçu en toute innocence les polices d'assurance, estimant avoir le droit de toucher ces sommes et de les utiliser pour reprendre une vie normale après chaque meurtre. "Josephine Gray, innocente, a fait ce qu'elle estimait être en droit [de faire]," a déclaré son avocat, Mike CitaraManis. "Nous ne sommes pas ici en présence d'une femme qui cherche à toucher jusqu'au dernier cent du montant de l'assurance."
Les procureurs ont eux affirmé que Gray avait utilisé l'argent reçu après le meurtre de Stribbling pour s'acheter une maison et une Cadillac. S'exprimant sur ce qui avait pu motiver le meurtre, le Procureur adjoint James Trusty affirma que Gray avait "un mobile d'une valeur de 16.000 USD." Il ajouta que "Josephine Gray voulait son mari mort. Pas divorcé, mort," et que "qu'on ne lui avait pas laissé la moindre chance."
Le risque covariant
La covariance est la non-indépendance des risques entre les membres du pool de risques. Il y a covariance lorsqu'un événement peut donner lieu à de multiples demandes d'indemnité. Par exemple, il est probable que les habitants d'une région sujette à tremblements de terre soient confrontés simultanément au même risque. Le risque covariant peut être dû à des épidémies ou d'autres catastrophes naturelles.
Selon son avocat, malgré les insinuations, les rumeurs et les soupçons, personne n'avait jamais pu prouver que Gray avait la moindre responsabilité dans les trois meurtres. "C'est une survivante," CitaraManis ajouta. "Elle s'attendait à ce que la police s'intéresse à elle [après chaque mort]."
Selon les documents en possession de la Cour, Stribbling avait été trouvé dans sa voiture, tué par balles, sur River Road, à Poolesville, en mars 1974. Josephine Gray et son petit ami de l'époque, William Gray, furent accusés du meurtre dans le mois qui suivit mais les charges contre eux furent abandonnées après la disparition de deux témoins clés. Josephine et William Gray se marièrent un peu plus tard.
En novembre 1990, William Gray fut trouvé mort, tué par balles, à son domicile de Germantown. Depuis plusieurs mois, il affirmait -notamment à la policeque sa femme essayait de le tuer. Selon les procureurs, Gray vivait dans la crainte et savait que sa femme voulait sa mort. "Il vécut ses derniers mois dans la terreur, la certitude de sa mort lui apparaissant chaque jour plus clairement," déclara Trusty.
A l'époque de la mort de William, Josephine Gray travaillait comme concierge au Lycée Richard Montgomery de Rockville. Il semble que ce soit là qu'elle ait rencontré son petit ami Clarence Goode. Goode et Josephine Gray furent par la suite accusés de la mort de William Gray mais les charges furent abandonnées après que des témoins refusèrent de témoigner.
En 1996, Goode, qui était également cousin éloigné de Josephine Gray, fut tué par balles à Baltimore.
Par Kelly Smith et Eric Hartley, Montgomery Journal
Adapté d'un article publié par
De tels événements peuvent être à l'origine d'un nombre extraordinairement élevé de demandes d'indemnité et provoquer la faillite de l'institution. La réassurance (voir section 1.6) permet de résoudre partiellement ce problème. Les exclusions peuvent également être utilisées pour contrôler le risque covariant. Beaucoup de polices excluent les sinistres dus aux guerres, émeutes et catastrophes naturelles ou actes de force majeure. L'encadré 1.4 propose un exemple de l'impact qu'un risque covariant peut avoir sur le secteur de l'assurance.
Risque covariant, réassurance et 11 septembre
1.4Récupération financière du secteur de la réassurance après
le 11 septembre
Déjà frappé par les conséquences humaines des événements du 11 septembre et la perte de proches, d'amis, de collègues et d'êtres aimés, plus de 3.000 vies au total, le secteur de la réassurance a également dû faire face à des pertes financières gigantesques qui ont poussé l'ensemble du secteur dans ses derniers retranchements.
"Aucun événement naturel ou humain n'avait jamais donné lieu à des pertes aussi importantes que celles dues aux attaques terroristes du 11 septembre 2001," déclarait Robert Hartwig, premier vice-président et directeur des études économiques de l'Insurance Information Institute (I.I.I.) dans une récente analyse intitulée "11 septembre 2001: la première année."
"Le total des sinistres vie et non-vie (incendies, accidents et risques divers) devrait dépasser 40 milliards de dollars," ajoutait-il. "L'ampleur des sinistres à couvrir par le secteur de l'assurance a été sans précédent, à tous les niveaux, ce qui a donné lieu à des pertes catastrophiques non seulement au niveau de la couverture des biens mais également, pour la première fois, dans le domaine de l'assurance-vie, de l'assurance invalidité et des indemnisations
TERMESetCONCEPTS CLES
9 Affection pré-existante 9 Période d'attente
9 Aléatoire 9 Peu probable
9 Antisélection 9 Présélection
9 Conséquences financières 9 Remboursement négatives 9 Risque covariant
9 Exclusion 9 Risque moral
9 Exclusions 9 Sélection positive
9 Franchise 9 Souscription
9 Fraude 9 Univoque
9 Indépendant 9 Contrôle des sinistres
9 Non contrôlable
9 Participation aux coûts
des accidents du travail. Les assureurs en aéronautique et en responsabilité civile ont également encouru les plus importantes pertes financières jamais attribuées à un événement unique."
"Le 11 septembre a complètement changé le monde de l'assurance," a déclaré Irmgard Wallner, attaché de presse à Munich Re. "Les demandes d'indemnité ont atteint des niveaux qui jusqu'alors étaient jugés hors
d'atteinte."
Selon des statistiques fournies par l'Insurance Information Institute, Morgan Stanley et Benfield Research, c'est la Lloyd's de Londres qui a connu la plus grosse perte suite aux attaques, évaluée à 2.913 milliards de dollars au 19 juillet 2002. Viennent ensuite Munich Re et Swiss RE, avec des pertes respectives de 2.442 et 2.316 milliards de dollars. Les pertes des réassureurs basés aux États-Unis The St. Paul Companies et American International Group Inc. sont respectivement de 941 et 820 millions de dollars.
Adapté d'un article de Cynthia Beisiegel, The Insurance Journal, 10 septembre 2002,
1.2 Prestations: combien payer et à qui?
Lorsqu'un événement assurable se produit, il a pour conséquence une perte financière. Il est important que le bénéficiaire de l'assurance soit la personne qui subit la perte. En d'autres termes, la personne qui est indemnisée doit avoir un intérêt assurable dans l'événement assuré. Vendre des polices d'assurance à des individus qui n'ont aucun intérêt assurable peut donner lieu à d'importants risques moraux. Une assurance logement, par exemple, ne peut être vendue qu'au propriétaire parce que c'est lui qui subira une perte financière si son logement est endommagé.
Il doit y avoir cohérence entre le montant de la prestation et l'intérêt assurable. Si la couverture prévue est supérieure à l'intérêt assurable, les risques moral et de fraude augmentent, le client pouvant en cas de sinistre recevoir une indemnité supérieure à la perte qu'il aura subie.
Bien que l'intérêt assurable soit l'élément clé dans la détermination du montant de l'indemnité, les capacités financières des clients et les pratiques du marché entrent également en ligne de compte. Puisque des primes plus élevées sont exigées pour bénéficier d'un niveau plus élevé d'indemnisation, il est possible que certains clients ne souhaitent pas disposer d'une couverture pour l'intégralité de l'intérêt assurable. A l'inverse, si les clients jugent une indemnisation désirable, les assureurs peuvent tenter de les attirer en offrant une couverture plus large. Dans ce cas, une compagnie peut être tentée de proposer une niveau d'indemnisation équivalent à celui de la concurrence même si les niveaux de couverture sont irréalistes.
Après avoir identifié l'événement assuré et le montant de l'indemnité, il faut identifier le bénéficiaire, c'est-à-dire la personne qui légalement peut revendiquer l'indemnité. Le bénéficiaire est généralement la personne ou l'institution qui a l'intérêt assurable. Dans le cas des polices d'assurance-vie, le bénéficiaire doit être un membre de la famille proche, quelqu'un qui subira une perte financière si le titulaire de la police décède.
Le texte de la police d'assurance-accidents ci-dessous reprend les différents termes clés présentés dans les sections précédentes. Il est intéressant de noter le degré élevé de précision avec lequel l'assureur décrit l'événement assuré. Cette précision est nécessaire pour limiter les désaccords quant à l'interprétation du texte qui pourraient apparaître lors du règlement du sinistre. Les exclusions, destinées à protéger l'assureur du risque moral et des risques covariants, sont également très précises.
"1.000 dollars d'assurance-accidents
pour tous nos membres"
1.5 En tant que membre de plus de 18 ans de la Caisse Populaire, vous avez droit à une assurance en cas de décès ou de mutilation par accident. Les primes de cette couverture de base seront payés par votre Caisse Populaire. VOUS NE PAYEZ RIEN. Pour recevoir votre Certificat d'Assurance, il vous suffit de REMPLIR LE FORMULAIRE CI-JOINT ET DE NOUS LE RENVOYER. (Dans les états de New York et de Caroline du Nord, la couverture est réduite de 50% à partir de 70 ans.)
Le présent texte est une présentation générale de l'assurance mais ne modifie ni n'affecte en rien l'assurance telle que décrite par la Police. Les couvertures sont soumises aux conditions et exclusions de la Police. Chacun des membres participant à ce régime d'assurance se verra remettre un Certificat d'Assurance décrivant exactement la couverture et les indemnités prévues.
Montant de l'indemnité
Si, à la suite d'une blessure couverte par la police, le titulaire subit l'un des sinistres décrits ci-dessous dans le délai d'une année à dater de l'accident (l'événement assuré), la Compagnie versera, en une seule fois, les montants suivants:
z perte de la vie: 1.000 USD
z perte de deux membres (main, pied ou œil): 1.000 USD z perte de la parole et de l'audition: 1.000 USD z perte totale de la vue des deux yeux: 1.000 USD z perte totale de la vue d'un œil: 500 USD z perte d'une main ou d'un pied: 500 USD z perte de la parole ou de l'audition: 500 USD z perte du pouce et de l'index de la même main: 250 USD
La perte d'une main ou d'un pied signifie la séparation complète du membre concerné au niveau de ou au-dessus de l'articulation du poignet ou de la cheville. La perte du pouce ou de l'index signifie leur séparation complète du reste du corps au niveau des articulations métacarpophalangiennes. La perte de la vue d'un œil signifie la perte totale et irrécupérable de la vue. La perte de la parole signifie sa perte complète et irrécupérable. La perte de l'audition signifie la perte complète et irrécupérable de l'audition des deux oreilles.
Qui est admissible?
Sont admissibles tous les membres de la Caisse Populaire âgés de 18 ans ou plus au moment de la demande. Tout membre de la Caisse Populaire âgé de 18 ans ou plus qui remplit le formulaire de demande et le renvoie sera accepté.
Résiliations individuelles
Tant que vous êtes membre de la Caisse Populaire et que la Police Mère est en vigueur, votre couverture sera renouvelée. (Dans l'état de New York, le Contrat Collectif de Base est renouvelable annuellement.)
Exclusions générales
La Police ne couvre pas les sinistres causés par ou qui résultent des événements suivants: suicide ou tentative de suicide et d'autodestruction; guerre déclarée ou tout acte de guerre; tout délit ou tentative de délit ou d'acte illégal; présence dans un avion ou tout autre appareil destiné à la navigation aérienne, sauf en qualité de passager faisant l'objet d'un transport (pas en tant que pilote ou membre d'équipage), dans un appareil déclaré conforme aux normes de navigabilité par les autorités compétentes de son pays d'immatriculation.
1.3. Caractéristiques de la police
En plus de l'événement assuré et des caractéristiques de l'indemnité, il convient de spécifier la durée du contrat d'assurance et le caractère volontaire ou obligatoire du produit.
Durée du contrat d'assurance
La durée du contrat est le laps de temps pendant lequel l'événement assuré doit se produire pour que l'indemnité devienne exigible. Les polices peuvent être:
A durée fixe: l'événement assuré doit se produire pendant un laps de temps spécifique, comme la durée d'un prêt, un an ou dix ans, pour déclencher le paiement. Ce type de couverture est généralement appelée assurance temporaire.
Vie entière: l'assuré est couvert pendant toute la durée de sa vie.
Les contrats d'assurance de longue durée impliquent le respect de promesses financières qui, étant faites à long terme, sont affectées d'une certaine incertitude. La science actuarielle s'intéresse à la prévision et la gestion de cette incertitude. Un niveau d'expertise élevé en matière de prédiction est nécessaire pour pouvoir développer et vendre ce type de produit d'assurance avec succès. Dans la plupart des pays, l'assurance à long terme est strictement réglementée pour garantir le respect de leurs obligations par les assureurs. Des réserves financières dont les montants sont définis grâce à des méthodes complexes de calcul de valeur doivent être constituées et investies pour garantir la solvabilité à long terme.
Pour surmonter les difficultés qu'implique le long terme, il est possible de proposer des polices temporaires renouvelables, qui assurent une couverture de courte durée mais sont renouvelables lorsqu'elles arrivent à terme. Ces polices permettent à l'assureur de modifier les conditions s'ils perdent de l'argent. Ce type de contrat est particulièrement intéressant pour les nouveaux assureurs, ceux qui n'ont pas accès à des informations de qualité ou ceux qui sont confrontés à des conditions macroéconomiques imprévisibles.
Il est également possible d'agir sur la durée du contrat par le biais d'options, qui permettent aux titulaires de police de modifier les caractéristiques de leur couverture à certains moments prédéfinis. L'une des options les plus courantes est la prolongation, qui permet à l'assuré de prolonger la couverture au-delà du terme prévu du contrat.
Couverture obligatoire et volontaire
L'assurance peut être volontaire ou obligatoire. Par exemple, des employeurs peuvent exiger que tous leurs employés souscrivent à leur plan d'assurancemaladie, une société de crédit peut imposer à ses clients qu'ils se rendent acquéreurs d'une assurance solde restant dû ou le gouvernement peut obliger les propriétaires de véhicules à détenir une assurance de responsabilité civile. L'approche volontaire permet aux consommateurs de choisir la quantité, la durée et le type d'assurance qu'ils souhaitent. Les deux cas de figure présentent des avantages et des inconvénients.
La couverture obligatoire prive l'assuré de certains choix quant au moment et à la quantité d'assurance qu'il acquiert. L'employé est automatiquement inscrit dans le plan d'assurance-maladie de son entreprise au moment, par exemple, où il signe son contrat de travail. Le montant de l'indemnité peut également être prédéterminé, ce qui peut être problématique, notamment lorsque les niveaux de couverture prévus sont très élevés et que les individus concernés sont forcés d'acheter un niveau de protection dont ils n'ont pas besoin ou ne veulent pas. Le décalage entre les intérêts de l'assureur et de l'assuré peut faire naître un certain ressentiment et même amplifier le risque moral ou de fraude, les assurés tentant à tout prix de rentabiliser leur investissement. Les régimes obligatoires peuvent également donner lieu à des prix abusifs, les clients étant pour l'assureur des "otages captifs".
L'assurance obligatoire présente cependant trois avantages significatifs:
Contrôle de l'antisélection: le risque de voir des individus acheter une police d'assurance juste au moment où ils savent qu'elle leur sera utile est réduit lorsque le moment de l'achat est lié à un autre événement. De plus, les personnes présentant un risque faible n'ont pas la possibilité de quitter le pool de risques. Dans les régimes volontaires, il est très possible que seuls ceux qui s'attendent à voir survenir un événement s'en protègent en achetant une police.
Réduction des coûts administratifs: la gestion des régimes obligatoires est plus facile et moins coûteuse, les procédures administratives à mettre en place étant plus simples que celles qu'exigent des produits d'assurance volontaires et flexibles.
Frais de vente limités: en évitant à l'assureur de devoir vendre des polices individuelles, l'assurance obligatoire leur permet de toucher un grand nombre de personnes sans coûts d'acquisition et d'entrée importants.
TERMESetCONCEPTS CLES
9 Assurance temporaire 9 Options
9 Coûts d'acquisition 9 Polices temporaires et d'entrée renouvelables
9 Couverture obligatoire 9 Règlement du sinistre
9 Couverture volontaire 9 Science actuarielle
9 Durée fixe 9 Vie entière
1.4. Primes: le paiement de l'assurance
La prime est à l'assurance ce que le taux d'intérêt est au prêt, le montant payé par le client pour la couverture. Cette section est consacrée aux différentes manières de structurer les primes et présente dans les grandes lignes le processus actuariel de calcul des primes. Bien que le calcul actuariel soit un domaine très complexe, il est important pour les micro-assureurs d'en comprendre les principes, même s'ils confient à d'autres la responsabilité du calcul des prix. Les principes de base relatifs aux primes sont présentés ici et traités de manière plus détaillée au Chapitre 7.
Le paiement de la prime
Il existe deux types de primes: unique et périodique. Les primes uniques sont généralement versées lors de la souscription du contrat et couvrent toute sa durée. Elles sont faciles à gérer et n'impliquent aucun risque de défaut de paiement. Par contre, le client peut trouver le montant de la prime unique inabordable, surtout s'il s'agit d'un contrat d'assurance de longue durée. L'assureur n'a pas non plus la liberté d'adapter le niveau de la prime si le montant des indemnités s'avère plus élevé que prévu.
Les primes périodiques sont payées régulièrement, chaque année ou chaque mois, par exemple, pendant toute la durée du contrat. La collecte régulière des primes implique des coûts de transaction supplémentaires tant pour l'assureur que le client, mais celui-ci peut trouver le montant à verser plus en accord avec ses possibilités financières. Les primes périodiques sont plus chères que les primes uniques, toutes autres choses étant égales, pour deux raisons: a) l'assureur doit faire face à des coûts administratifs plus élevés, dus au processus de collecte des primes; et b) il renonce à une partie des revenus en intérêt dont il pourrait jouir si la prime était unique. Dans le cas des polices de longue durée, les primes temporaires peuvent être calculées sur la base d'un taux variable, pour permettre aux assureurs de procéder aux ajustements qui pourraient s'avérer nécessaires.
Avec les primes périodiques, l'assureur court le risque de voir le client faillir à son obligation de payer la prime et être déchu de son droit à la garantie de l'assurance. La déchéance de la couverture est la résiliation d'une police suite au défaut de paiement des primes par l'assuré. Généralement, l'assureur résilie le contrat au terme d'un délai de grâce pendant lequel le client peut payer les sommes dues. Beaucoup des coûts d'une police d'assurance étant connus à l'avance, les frais qu'impliquent une déchéance de couverture peuvent donner lieu à certaines difficultés. En effet, si les polices ne sont pas d'une durée suffisante, l'assureur peut ne pas être en mesure de répercuter ces frais dans les primes futures et risque donc de perdre de l'argent.
Il existe un troisième type de prime, qui est une combinaison des deux présentées ci-dessus, la prime unique périodique. Elle s'utilise dans le cadre des polices à échéance renouvelable (voir plus haut) et se paie pour chaque période successive de couverture, c'est-à-dire chaque année ou mois (ou toute autre période). Ni les taux ni les indemnités payables ne sont définis au-delà de la période couverte par la prime unique. Si l'assuré désire prolonger la couverture, celle-ci est proposée au prix et aux conditions applicables à la date du renouvellement du contrat.

Les taux des primes
Les primes sont couramment exprimées sous la forme d'un taux ou d'un pourcentage. Il est cependant très difficile de comparer les taux des primes si deux facteurs fondamentaux ne sont pas identiques: a) le laps de temps pendant lequel la couverture est garantie et auquel la prime s'applique, et b) l'unité à laquelle le taux est appliqué pour arriver au montant à payer. L'encadré 1.6 propose une analyse détaillée de ces concepts.
Détermination des primes
La détermination des primes, activité également appelée tarification, ressemble à la fixation des taux d'intérêt de prêts. Dans le cas d'un prêt, le taux d'intérêt doit couvrir quatre types de coûts: a) les coûts opérationnels, b) les pertes sur prêts, c) le coût des fonds et d) le taux de capitalisation. Les primes d'assurance peuvent être divisées de la même manière, avec cependant une différence notable: l'équivalent de la provision pour les pertes sur prêts est la prime de risque, c'est-à-dire le coût des sinistres attendus pour la période. Cet aspect est examiné en détail puisque le calcul de ce taux est une spécialité de l'assurance.
La prime de risque
Pour qu'un produit d'assurance soit durable -et à fortiori bénéficiaire-, la prime de risque doit couvrir le coût des sinistres. La prime de risque théorique doit donc être égale au coût attendu des sinistres. Celui-ci est estimé actuariellement sur base de deux éléments: le montant de l'indemnité à payer (la prestation) et la probabilité que l'événement survienne. La prime de risque, ou le coût attendu des sinistres, est le produit de ces deux éléments:
Prime de risque =
Montant de la prestation x Probabilité que l'événement survienne
Les primes sont souvent exprimées sous la forme d'une proportion de l'indemnité ou d'un taux, plutôt qu'en chiffres absolus, et s'appliquent à une période spécifique. Celle-ci affecte la prime en agissant sur la probabilité que l'événement survienne. Dans l'assurance-vie, par exemple, une personne risque davantage de mourir dans les 10 ans à venir que dans l'année. L'encadré 1.7 présente un exemple simple de calcul de prime.
Comparaison de trois taux de primes
1.6Considérez les trois primes suivantes:
1. 2,50 USD par police pour un capital-décès de 200 USD, dans le cadre d'un prêt de 4 mois
2. 1 pourcent du prêt décaissé pour une assurance solde restant dû, dans le cadre d'un prêt de 4 mois
3. 3 pourcents du capital-décès pour une assurance-vie d'une année
Dans le premier cas, le taux de prime est fixe. Quel que soit le montant du prêt, la prime et constante à 2,50 USD. Ceci est approprié lorsque l'indemnité, dans ce cas un capital de 200 USD, ne varie pas d'une police à l'autre.
Dans le second cas, le montant de la prime dépend du montant du prêt. Ceci est approprié lorsque l'indemnité est directement liée au montant du prêt, comme dans le cas des polices d'assurance solde restant dû.
Notez que ces deux taux de primes s'appliquent sur la durée du prêt, qui dans ce cas est de quatre mois. Si les taux de primes restent inchangés, la prime annuelle dans le premier cas est de trois fois 2,50 USD, c'est-à-dire 7,50 USD. Dans le second cas, si un client obtient trois prêts successifs, de quatre mois chacun, et pour des montants de 200, 250 et 300 dollars, la prime annuelle sera de 1% du total de ces montants, à savoir 7,50 dollars. Bien que le montant final soit le même dans les deux cas, les manières de calculer ces primes sont très différentes.
Dans le troisième cas de figure, la prime est exprimée comme une fraction annuelle de l'indemnité. La prime à payer pour une couverture de 200 dollars et d'une durée d'un an est de 3 pourcents de 200 dollars, soit 6 dollars. Si l'on compare ceci avec le deuxième cas, les indemnités garanties sont différentes. Dans le cas de l'assurance solde restant dû (cas n°2), l'indemnité est équivalente au solde du prêt au moment du décès et variera donc en fonction des sommes déjà remboursées. Dans le troisième cas, par contre, le capitaldécès est fixe et le même montant sera donc versé au bénéficiaire, quel que soit le solde non-remboursé du prêt. Le taux de prime à 4 mois peut dans le troisième cas être estimé à un tiers du taux annuel, soit 1 pourcent. On ne peut cependant comparer ce 1 pourcent avec le 1 pourcent du second cas, puisque ces pourcentages sont calculés sur des montants de départ différents.
Dans le 2ème cas, la couverture est égale au solde non-remboursé du prêt, alors que dans les deux autres cas la couverture est constante.
Exemple simplifié de calcul de la prime de risque
1.7 Prenons l'exemple d'un assureur qui propose une police d'assurance-décès
d'un an avec paiement d'un capital-décès de 50 dollars. Un individu achète cette police. Le risque de voir cet individu mourir dans l'année est de 2 pourcents. En d'autres termes, le risque de devoir payer l'indemnité dans l'année est de 2 pourcents. La prime de risque pour cette indemnité et cette durée de couverture est donc équivalente à 2 pourcents de 50 dollars, soit un dollar.
Si l'assureur a 100 clients qui courent le même risque de décès et ont acheté une police prévoyant le versement d'une même indemnité, il percevra 100 primes de risque de 1 dollar, soit 100 dollars. Si deux pourcents des clients meurent (soit 2 clients), deux indemnités de 50 dollars chacune seront versées, soit un montant de 100 dollars. Le coût attendu des sinistres est donc équivalent à celui de la prime de risque.
Pour l'ensemble du groupe, la prime de risque est de 100 dollars et le montant total des prestations garanties de 5.000 dollars (100 polices à 50 dollars par police). Le taux de prime pour le groupe est donc de 100 / 5000, soit deux pourcents. Toutes autres choses étant égales (ce qui es rarement le cas!), l'assureur pourrait exiger le paiement d'une prime équivalente à 2 pourcents de l'indemnité, pour tout niveau de couverture, ce qui reviendrait à 2 dollars pour une indemnité de 100 dollars.
Primes de risque applicables à des pools de risque différents
Dans la pratique, tous les individus du pool de risques ne présentent pas le même niveau de risque, ce qui signifie que théoriquement une prime différente doit être attribuée à chacun d'eux. Il existe deux manières de traiter ce problème:
adopter une approche individuelle: chaque assuré paie une prime qui lui est propre et qui tient compte du montant de l'indemnité susceptible de lui être payée.
adopter une approche collective: le coût total des sinistres est calculé pour l'ensemble des membres du groupe et divisé par le montant de l'indemnité en portions égales, de manière à ce que chaque individu paie le même taux de prime, indépendamment de la probabilité individuelle de sinistre.
Bien que l'approche individuelle soit la plus précise, sa mise en œuvre requiert beaucoup de données et une grande capacité technique. L'approche collective est suffisante lorsque l'on traite des produits d'assurance de base, surtout si l'on considère les difficultés administratives qu'impliquerait une tarification individuelle. Ce qui est crucial, c'est que l'assureur fixe la prime de risque à un niveau tel qu'elle couvre les sinistres attendus pour l'ensemble du pool de risques. L'encadré 1.8 propose un exemple comparé de l'approche individuelle et collective.
Méthodologies de fixation des prix:
comparaison de l'approche individuelle et collective
1.8 Prenons l'exemple de trois personnes qui souscrivent une police d'assurance
funéraire prévoyant le versement d'un capital fixe de 100 dollars. Leur probabilité de décès dans l'année est respectivement de 1 pourcent, 2 pourcents et 5 pourcents. Le coût attendu des sinistres pour ce groupe est donc:
(1% x 100 USD = 1,00 USD) + (2% x 100 USD = 2,00 USD) + (5% x 100 USD = 5,00 USD) = 8,00 USD
Si l'on adopte l'approche individuelle, ces trois personnes paieront respectivement 1, 2 et 5 dollars. Le total des primes perçues sera de 8 dollars.
Si l'on adopte l'approche collective, le taux est calculé pour l'ensemble des membres du pool de risques. Prenons, par exemple, un coût attendu des sinistres de 8 dollars. Le capital assuré total4 est de trois fois 100 dollars, soit 300 dollars. Le taux de prime est donc 8 / 300 = 2,67 pourcents pour l'ensemble du groupe. Chaque personne paiera donc cette prime multipliée par le montant de son indemnité (100 dollars dans chaque cas), soit 2,67 dollars. (Notez que la prime totale reçue est de 8,01 dollars, le cent supplémentaire étant dû à l'erreur d'arrondi.)
L'assureur perçoit donc la même prime totale dans les deux cas et ce montant est équivalent au montant attendu des sinistres. Seule différence, dans le deuxième cas de figure, les personnes présentant un risque faible subventionnent les primes des personnes à risques élevés.
Probabilité. La principale difficulté pour l'assureur est de déterminer la probabilité de voir survenir l'événement assuré. Estimer la probabilité de la mort, ou de l'invalidité, est extrêmement complexe. Dans les compagnies d'assurance commerciales, des actuaires se chargent de ce travail et utilisent pour ce faire des techniques statistiques et mathématiques très poussées. La probabilité de mourir varie d'une région à une autre, est fonction de l'âge (sur une même période, le risque est plus élevé pour une personne âgée que pour une plus jeune), du genre, et du statut socio-économique et professionnel. D'autres facteurs entrent également en ligne de compte, comme le VIH/SIDA, les guerres et les inondations ou autres catastrophes naturelles.
Imprévus. Si estimer la probabilité de l'événement s'avère impossible ou peu fiable, il est possible d'intégrer à la prime un taux pour imprévus qui permet d'intégrer dans la prime le risque supplémentaire. Plus le nombre de personnes dans le pool de risques sera grand, plus la réalité des sinistres sera proche des
4 Le capital assuré, ou indemnité garantie, est la couverture totale garantie par un produit d'assurance. A ce titre, l'indemnité totale garantie est l'équivalent du portefeuille de prêts en cours et représente la somme de toutes les indemnités individuelles.
prévisions faites. En vertu de cette loi des grands nombres, lorsque le pool de risques grandit, on peut généralement réduire le taux pour imprévus.
Autres éléments de la prime
La prime totale est déterminée par la prime de risque et trois autres éléments: a) les coûts opérationnels, b) la contribution au bénéfice et aux excédents et c) les revenus de placement.
Les coûts opérationnels comprennent les charges administratives, les coûts d'acquisition, les services actuariels, les coûts de collecte des primes, de réassurance et de souscription, ainsi que ceux liés au contrôle des sinistres et au versement des indemnités (les indemnités elles-mêmes ne font pas partie des coûts opérationnels mais de la prime de risque). La plupart de ces coûts font l'objet d'une analyse dans les chapitres suivants. Ils peuvent être ventilés en coûts permanents et de premier établissement. Ce dernier est généralement le plus élevé parce qu'il est souvent plus coûteux de lancer une nouvelle police d'assurance que de la maintenir en activité.
Les assureurs à but lucratif doivent intégrer une marge bénéficiaire dans leur prime. Ils peuvent également vouloir intégrer une contribution aux excédents ou au capital si cela est nécessaire pour soutenir l'activité et, par exemple, permettre de mettre à jour les systèmes informatiques ou d'étendre les opérations à d'autres régions.
Dans le calcul du taux d'intérêt d'un prêt, le coût du capital doit être financé par le taux d'intérêt que paient les emprunteurs. Dans l'assurance, la situation inverse est possible. Si des fonds sont provisionnés à des fins d'assurance, le revenu tiré du placement de ces fonds peut servir à réduire le taux de prime. Cette source de revenus est un facteur plus important dans le cas des polices à long terme ou à prime unique.
TERMESetCONCEPTS CLES
9 Assurance collective 9 Loi des grands
9 Assurance individuelle nombres
9 Capital assuré 9 Prime périodique
9 Coûts opérationnels 9 Prime de risque
9 Déchéance de la couverture 9 Prime unique
9 Délai de grâce 9 Probabilité
9 Imprévus 9 Provisions
9 Indemnité totale garantie 9 Tarification
La prime de risque étant basée sur la probabilité de sinistre, elle est une estimation. L'assureur prend un risque et espère que la prime demandée sera suffisante pour couvrir les sinistres. C'est ce que l'on appelle la prise en charge du risque. Les sinistres qui se réalisent constituent la statistique sinistres de l'assureur. Si leur coût est plus élevé que prévu, le porteur du risque perdra de l'argent et la statistique sinistres sera mauvaise.
Lorsque l'on évalue la statistique sinistres, il importe de comparer les primes avec les prestations qui leur correspondent, c'est-à-dire toutes celles intervenues pendant la période couverte par la prime. En effet, une demande d'indemnité peut être faite des mois (ou même des années!) après la fin de la période couverte. Pour cette raison, la rentabilité d'une police ne peut être évaluée qu'après un certain temps, lorsque tous les sinistres ont été portés à l'attention de l'assureur.
L'outil principal de mesure de la statistique sinistres est le ratio sinistres à primes, c'est-à-dire le coût avéré des sinistres divisé par leur coût attendu (ou la prime de risque). Les assureurs préfèrent généralement que le ratio sinistres à primes soit inférieur à 100 pourcents, c'est-à-dire que le coût avéré des sinistres soit inférieur au coût attendu. L'assurance étant un secteur d'activité basé sur la probabilité, le fait qu'un produit donne lieu à une perte financière ne signifie pas nécessairement que son prix soit incorrect, même si cette possibilité existe. Les pertes peuvent être dues à une série d'événements malheureux qui ont provoqué une hausse soudaine du nombre de sinistres. Si, par contre, un produit est associé à des pertes à long terme, on peut alors supposer à juste titre que son prix est inadéquat.
Selon la loi des grands nombres, plus le nombre de personnes composant le pool de risques sera grand, moindre sera la variation du ratio sinistres à primes. La statistique sinistres des groupes importants est statistiquement plus fiable que celle de groupes plus restreints. Si un pool de risques composé de très nombreuses personnes est associé à une perte relativement importante, cela signifie probablement que le produit est vendu à un prix incorrect, alors qu'une perte issue d'un petit pool peut elle s'expliquer par des fluctuations aléatoires. Si le portefeuille d'assurance est petit, un sinistre en plus peut faire la différence entre un bénéfice et une perte. Le risque covariant, c'est-à-dire le fait qu'un événement donne lieu à des sinistres multiples, est particulièrement dangereux pour les petits portefeuilles, comme le montre l'encadré 1.9.
La tarification selon un historique est le processus consistant à déterminer les primes sur base de la statistique sinistres du pool de risques. C'est cette méthode qu'utilisent les assureurs pour déterminer le prix de leurs produits lorsqu'ils ne disposent pas d'actuaires ou d'outils sophistiqués d'analyse technique. La tarification selon un historique requiert une estimation théorique initiale du taux de prime et une statistique sinistres statistiquement fiable. Une telle fiabilité statistique exige elle-même une quantité importante de données. La tarification selon un historique n'a un sens que si le passé peut véritablement augurer de l'avenir, c'est-à-dire s'il n'y a pas de bouleversement dans l'environnement qui puisse affecter la survenance future de l'événement assuré. Comme le montre l'encadré 1.10, le suivi de la statistique sinistres est une phase critique dans le cycle de développement d'un produit. Les méthodes de tarification selon un historique font l'objet d'une analyse plus détaillée au chapitre 7.
Tarification selon un historique et cycle de
développement du produit
1.10 Étant donné le danger qu'implique la prise en charge du risque, les
assureurs et autres institutions qui acceptent de le faire doivent assurer un suivi étroit de leurs opérations, pour s'assurer que celles-ci soient durables ou rentables. Pour ce faire, le développement d'un produit d'assurance implique plusieurs étapes:
1. Évaluation institutionnelle de la capacité à développer un produit et à mettre en place l'équipe nécessaire pour ce faire.
2. Étude de marché, pour déterminer le besoin et la demande d'assurance et recueillir des informations sur les clients potentiels. Des informations relatives aux produits proposés par la concurrence sont également nécessaires.
3. Développement du produit, comprenant la définition de l'événement assuré, de la prestation, des critères d'éligibilité, de la durée, etc., ainsi qu'une évaluation des exigences opérationnelles, légales et financières.
4. Détermination des primes, qui implique de:
z Estimer les probabilités de sinistres, sur base de la statistique sinistres d'autres assureurs, de données relatives à la population générale ou de toute autre source d'information adaptée au marché anticipé;
z Combiner ces probabilités avec les prestations pour obtenir les primes de risque;
z Déterminer les montants à provisionner au titre des dépenses administratives, des excédents, des événements imprévus, du coût du capital et des revenus de placements.
5. Développer les systèmes, les outils de marketing, la formation du personnel.
1.6 Autres considérations
D'autres concepts de base de l'assurance doivent être traités ici. Les trois concepts que nous présentons dans cette section, les provisions, la réassurance et les systèmes, ne sont cependant pas traités de manière complète. Nous n'abordons ici que certains éléments particulièrement applicables aux produits de micro-assurance mentionnés plus avant dans ce manuel. Ces trois concepts, s'ils devaient être considérés dans le cadre de l'assurance-vie, par exemple, exigeraient un traitement beaucoup plus détaillé et complexe.
Les provisions mathématiques
Les provisions sont des fonds placés en réserve par les assureurs pour couvrir, notamment, les indemnités et les événements imprévus. Elles sont obligatoires pour pouvoir faire face aux sinistres en suspens, c'est-à-dire ceux qui ont été déclarés mais qui doivent encore être réglés.
Si une IMF ou un assureur perçoit une prime au début d'un contrat, une partie de celle-ci doit être mise en réserve pour pouvoir, en cas de sinistre, payer l'indemnité. Considérer la prime comme un revenu ou une contribution aux bénéfices serait inapproprié, l'événement assuré pouvant se produire et donner lieu au versement d'une importante indemnité. Ces provisions pour sinistres restant à payer peuvent être divisées en sous-catégories, parmi lesquelles on trouvera les provisions affectées aux périodes de couverture en cours et celles prévues pour les sinistres réalisés mais non déclarés.
Le porteur de risque peut se protéger de manière partielle contre une mauvaise statistique sinistres en se dotant d'une réserve pour imprévus, qui lui sert de coussin financier. Les petits assureurs peuvent eux trouver utile la constitution d'une réserve pour fluctuations des prestations, qui permet de faire face aux fluctuations parfois importantes que doivent gérer les institutions qui travaillent avec de petits pools de risques.
Les autorités supervisent les montants que provisionnent les assureurs traditionnels, pour s'assurer qu'ils soient en mesure de couvrir les sinistres auxquels ils seront normalement confrontés.
La réassurance
Presque tous les assureurs s'assurent auprès d'un réassureur qui, grâce à sa taille ou son capital plus importants prend à sa charge, en échange d'une prime de réassurance, une partie du risque que couvre l'assureur. La réassurance peut être utilisée pour couvrir le risque covariant.
Même si la statistique sinistres d'un assureur est stable et régulière, il est toujours possible, étant donné la nature aléatoire du risque, qu'une succession particulièrement malheureuse d'événements le pousse à la faillite. La réassurance limite l'exposition de l'assureur à ce risque et est donc fortement conseillée.
Les réassureurs sont souvent de bonnes sources d'informations et d'expertise, puisqu'ils opèrent de manière globale et sur de nombreux marchés. L'accès à ces informations est une des raisons qui poussent les plupart des assureurs à se réassurer.
Les systèmes
Un dernier mot sur les systèmes: les systèmes intégrés de gestion (SIG) que requiert l'assurance peuvent être beaucoup plus complexes que ceux nécessaires pour l'octroi de prêts. Le niveau de sophistication requis pour assurer efficacement le suivi des activités et la tarification ne peut être atteint si l'on ne dispose pas de systèmes d'analyse et de données performants. De tels outils sont nécessaires pour que l'activité d'assurance soit assise sur des bases financières solides et saines. Bien que des méthodes simplifiées de gestion existent, proposer des produits d'assurance sans disposer d'une véritable capacité de suivi est une erreur. Beaucoup d'assureurs, y compris de grands groupes commerciaux, éprouvent de grandes difficultés à mettre à jour leurs systèmes de données et à en assurer le fonctionnement. A mesure que la gamme de produits évolue et se complexifie, un soin particulier doit être apporté aux systèmes de suivi et de contrôle, dont l'évolution doit aller de pair avec celle des produits.
Pour en savoir plus:
Les publications suivantes sont disponibles en ligne à l'adresse :
Brown, W. and C. Churchill, 2000, "Glossary of common insurance terms," Bethesda, Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP) Project, Development Alternatives / USAID.
Brown, W. and C. Churchill, 1999, "Providing insurance to low-income households: Part 1: A primer on insurance principles and products," Bethesda, Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP) Project, Development Alternatives / USAID.
Brown, W. and C. Churchill, 2000, "Insurance provision to low-income households: Part 2: initial lessons from micro-insurance experiments for the poor Bethesda," Maryland, USA: Microenterprise Best Practices (MBP) Project, Development Alternatives / USAID.
La publication suivante n'est pas disponible en ligne mais propose un aperçu détaillé des principes de base de l'assurance:
Vaughan, E.J., and T.M. Vaughan, 2002, "Fundamentals of Risk and
Insurance," 9th Edition, John Wiley and Sons.5
5 Ceci est l'édition la plus récente de cet ouvrage, les éditions antérieures peuvent également se révéler très utiles.
Annexe 1
Assurance des bœufs de trait - L'exemple de
ADR-TOM
L'étude de cas proposée ci-dessous est tirée d'un document de travail de l'OIT écrit par M. Aliber et A. Ido. Le texte porte sur la micro-assurance au Burkina Faso et montre comment les principes de l'assurance peuvent ou doivent être intégrés dans la conception des produits. Le texte intégral de l'étude est disponible en ligne à l'adresse (section "publications").
A l'heure actuelle, il apparaît qu'aucun régime de micro-assurance ayant pour objet de protéger les biens n'existe au Burkina Faso. Cependant, un programme important a fonctionné dans le pays et est présenté ici de manière détaillée. Ce régime est important parce qu'il a fonctionné pendant un temps respectable (26 ans) et a joué un rôle vital en permettant aux paysans de remplacer les bœufs utilisés pour labourer les champs lorsque ceux-ci mouraient de maladie.
Ce programme d'assurance des bœufs de trait a été lancé en 1969 par une ONG à Toma, dans la province de Nayala, à environ 160 kilomètres au nord de Ouagadougou. De manière générale, cette région est propice à l'agriculture mais est relativement isolée. L'ONG, mise sur pied en 1966 par un prêtre hollandais, était à l'origine connue sous le simple nom de "Projet Toma". Le but principal de l'organisation, qui allait plus tard être rebaptisée ADR-TOM (Association pour le Développement de la Région de Toma), était de soutenir les paysans locaux en leur proposant des formations et des services financiers ruraux. L'organisation s'intéressa également à la promotion de la santé et lança une coopérative d'épargne et de crédit au milieu des années 1970.
L'élément central du programme agricole consistait à apprendre aux paysans à utiliser des bœufs de trait dans leur travail et à s'en occuper correctement. Au terme de la formation, un crédit était accordé et les stagiaires pouvaient alors se procurer deux bœufs et l'équipement nécessaire pour les faire travailler. Un suivi vétérinaire était également assuré. Les stagiaires étaient organisés en associations villageoises, qui étaient également les unités de base du programme d'assurance. Les premiers bénéficiaires du programme furent formés en 1969 et les opérations de prêt commencèrent peu après. Le programme de formationcrédit-assurance se développa ensuite à un rythme régulier pendant deux décennies, atteignant son apogée à la fin des années 1980 avec près de 100 agriculteurs impliqués. On estime qu'entre 1980 et 1988, ADR-TOM a équipé et assuré entre 4 et 8 pourcents des agriculteurs de la province, ce qui est un résultat impressionnant. Malgré plusieurs erreurs de conception, sur lesquelles nous reviendrons plus avant, le programme a fonctionné pendant de longues années, ce que l'on doit attribuer à la qualité de la gestion, à l'excellente organisation des membres et au grand intérêt que le programme avait suscité chez les paysans.
Au milieu des années 1990, ADR-TOM connut des tensions au niveau de sa direction. De nombreux clients cessèrent de rembourser leurs prêts, l'organisation dut se séparer d'une grande partie du personnel de base et de nombreux autres disfonctionnements apparurent. Le financement et l'assurance du programme "bœufs de trait" cessa en 1995. Il fallut entre deux et trois ans pour surmonter la crise et l'organisation n'a toujours pas retrouvé aujourd'hui sa force et son dynamisme d'antan.
Éléments de base
La police d'assurance des bœufs de trait était conçue comme un élément obligatoire du programme visant à former les paysans et à leur permettre ensuite, grâce à un prêt, de se procurer les bœufs et l'équipement nécessaire. Le programme était basé sur le fait qu'un paysan avait besoin de deux bœufs pour cultiver ses terres. Les prêts étaient remboursables en 7 ans, c'est-à-dire la durée moyenne de la vie active d'un bœuf de trait. Seuls les hommes mariés et ayant des enfants étaient autorisés à participer. Chaque année, des stagiaires étaient sélectionnés dans un ou deux villages et formaient un groupe, dont ils allaient faire partie tout au long du processus de formation et au-delà. Le groupe "idéal" comptait entre 8 et 10 membres mais, dans la pratique, les groupes pouvaient être composés de 2 à 74 hommes.
Pour obtenir un prêt, le stagiaire devait à ses frais amener plusieurs bœufs pour un examen vétérinaire. Si celui-ci recommandait l'achat, le paysan recevait un carnet par bœuf, destiné à consigner les traitements apportés à chaque animal et permettant donc de prouver que toutes les précautions contre les maladies avaient été prises. Chaque groupe possédait également un compte d'assurance mutuelle, ouvert auprès de ADR-TOM et destiné à être le compte d'épargne utilisé pour les opérations d'assurance. Un carnet d'épargne dans lequel étaient consignées toutes les opérations du compte était également fourni au groupe. Le compte était alimenté par des contributions annuelles versées par les membres et quelques subsides occasionnels apportés par ADR-TOM. Du début au milieu des années 1980, la contribution annuelle était de 5.000 FCFA, montant qui peut être considéré comme la prime d'assurance. Des subsides de 8.000 FCFA et de 14.000 FCFA furent versés à chaque groupe mais cessèrent apparemment après 1982-83.
Lorsqu'un bœuf mourait, la procédure suivante était mise en œuvre. Tout d'abord, un vétérinaire examinait l'animal pour s'assurer qu'il n'était pas mort à cause d'une négligence. Une fois cette confirmation obtenue, le propriétaire était autorisé à demander l'intervention du compte d'assurance. Ensuite, si le vétérinaire estimait que la carcasse pouvait être consommée, celle-ci était vendue, généralement en présence de tous les membres du groupe. Chaque membre versait ensuite une petite somme, destinée à financer l'achat d'un animal de remplacement. A partir des années 1980, cette somme était de 500 FCFA. Enfin, le chef du groupe avait pour responsabilité d'acheter un bœuf en utilisant l'argent tiré de la vente de la carcasse, l'argent collecté auprès des membres et, si nécessaire, des fonds provenant du compte d'assurance.
Au milieu des années 1980, le prix de deux bœufs et du matériel nécessaire pour les faire travailler s'élevait à environ 155.000 FCFA, dont la moitié pour les bœufs. La contribution annuelle de 5.000 FCFA par personne représentait donc entre 6 et 7 pourcents de la valeur d'une paire de bœufs, même si on peut estimer qu'en réalité le taux augmentait avec les années, à mesure que les animaux perdaient de leur valeur.
Performance globale
Il n'est pas possible aujourd'hui d'évaluer avec rigueur cette assurance, les responsables du programme n'étant plus disponibles pour des interviews et les archives étant très incomplètes. Quelques documents ont été trouvés pour la période allant de 1981 à 1994. Ils portent sur 75 groupes et 900 membres, c'està-dire probablement l'ensemble des personnes impliquées à l'époque. Cependant, la qualité de ces documents est insuffisante et ne permet pas de se faire une idée claire du fonctionnement de certains groupes spécifiques ou du programme dans son ensemble.
Cependant, même si les informations sont limitées, l'image générale qui émerge à leur lecture est celle d'un régime d'assurance qui, bien qu'imparfait, était très solide. L'aspect le plus impressionnant est qu'il ait fonctionné pendant aussi longtemps, avec seulement quelques rares injections de subsides, et que sa fin n'ait pas été due à des défauts internes mais à des causes externes. Les entrevues réalisées avec quelques dirigeants et anciens membres ont confirmé que le régime avait très bien fonctionné avec certains groupes et moins bien avec d'autres. Certains membres n'adhéraient pas à l'éthique mutualiste et beaucoup d'autres éprouvaient de grandes difficultés à comprendre les principes de l'assurance. Les documents montrent que, dans de nombreux groupes, les contributions n'étaient pas versées de manière régulière par tous, mais ne disent rien quant à la manière utilisée pour convaincre les mauvais payeurs de s'exécuter.
L'un des problèmes principaux semble avoir été la taille réduite des groupes et l'impossibilité de disposer d'un pool de risques adéquat. Environ un tiers des 75 groupes pour lesquels des informations étaient disponibles comptaient 7 membres ou moins. Ces petits groupes ne collectaient pas suffisamment de fonds pour couvrir le remplacement d'un bœuf. Les groupes comptant 7 membres ou moins survivaient en moyenne 2,8 ans; ceux comptant 8 membres ou plus duraient en moyenne 7,5 ans. Une simple analyse économétrique a montré que la durée de survie d'un groupe était directement proportionnelle au nombre de membres le composant, la taille optimale du groupe étant de 12 membres.
Sur l'ensemble des groupes, la mortalité des bœufs a été évaluée à 1,25 pourcents, ce qui signifie que seulement 1,25 pourcents des bœufs achetés dans le cadre du régime d'assurance mouraient. La prime demandée paraît donc excessive par rapport au montant qu'un calcul actuariel aurait suggéré, environ 1.000 FCFA. Si l'on avait tenu compte de la somme collectée auprès de chaque paysan lors de la mort d'un bœuf et de l'argent tiré de la vente de la carcasse, il est probable que la prime aurait pu être fixée à moins de 700 FCFA.
On peut supposer que le niveau élevé de la prime avait pour but de compenser la taille insuffisante des groupes et de permettre le remplacement des animaux malgré la faiblesse des contributions. Cependant, cette stratégie n'a pas fonctionné avec les petits groupes et a eu pour conséquence d'accumuler une épargne conséquente chez les autres groupes, ce qui a pu inciter certains de leurs membres à ne pas respecter leur obligation de paiement. Etant donné la taille variable des groupes, certains ont été sur-assurés, d'autres sous-assurés et le système s'est avéré globalement inefficace. Malgré l'échec d'un nombre important de groupes, l'épargne accumulée atteignait en 1995 5,9 millions FCFA, une somme suffisante pour acheter plus de quatre fois le nombre de bœufs pouvant mourir par an! Ceci signifie que si l'on avait défini un nombre minimum de membres par groupe (disons 15 ou 20) ou, mieux encore, si un mécanisme avait permis de répartir le risque global sur plusieurs groupes, les primes auraient pu être moins élevées et le régime plus durable. Répartir le risque sur davantage de groupes et donc sur un territoire plus grand aurait également permis de réduire le risque de covariance, relativement élevé lorsque l'on assure des personnes habitant un même village.
Le second défaut du système, au moins en principe, était que la police d'assurance courait sur toute la durée du prêt, c'est-à-dire sur la durée de la vie active d'un bœuf. Le problème que pose une telle approche est que le risque de mort de l'animal augmente fortement à partir de la cinquième année, ce qui signifie que le régime protège l'assuré d'un événement qui devient de plus en plus probable. L'alternative aurait consisté à définir un concept de mort "prématurée" et à assurer le paysans contre cet événement, ou à échelonner les primes en fonction de l'âge des animaux assurés.
D'autre part, on peut considérer que le programme n'était pas uniquement un mécanisme d'assurance mais avait également pour but d'aider les paysans à épargner suffisamment d'argent pour pouvoir remplacer leurs animaux. Un tel mécanisme est en soi très intéressant mais le système mis en place n'était certainement pas adapté, les sommes épargnées étant mises en commun sans qu'elles ne soient attribuables à des membres individuels.
L'avis des membres
Plusieurs paysans ayant participé au programme ont été interviewés. Tous, sans exception, ont affirmé que l'ensemble du projet avait été utile et que sa composante d'assurance avait, elle aussi, été positive. Deux des paysans rencontrés avaient pu remplacer leurs bœufs grâce à l'assurance, plusieurs autres avaient fait partie de groupes dont certains membres avaient également profité de cette possibilité.
Lorsqu'on leur demanda s'ils étaient favorables au redémarrage du programme, tous ont répondu par l'affirmative mais plusieurs ont fait deux commentaires. Tout d'abord, certains ont insisté sur la nécessité d'éduquer les bénéficiaires, estimant que beaucoup de ceux qui avaient participé au programme précédent n'en comprenaient pas bien les principes.
Ensuite, plusieurs des personnes interrogées ont affirmé que si le programme redémarrait, il fallait qu'ils soient obligés de participer, comme cela avait été le cas à l'époque. Dire cela, c'est sans doute non seulement estimer que tout emprunteur doit souscrire une assurance mais c'est aussi admettre que l'on pourrait ne pas participer à un programme que l'on juge utile… Il est courant de voir apparaître ce type de contradiction entre l'intérêt à long terme et les décisions impulsives prises à court terme. En les obligeant à participer au programme, on protège les futurs assurés contre une certaine myopie intellectuelle qui, parfois, leur fait prendre des décisions erronées. L'apparente absurdité de la suggestion faite par les intéressés, à savoir qu'on les oblige à participer à une initiative dont ils bénéficieront, renvoie à une dimension profonde mais souvent méconnue du comportement économique humain. Les implications que ce type de suggestion peut avoir sur la manière de concevoir le produit sont loin d'être simples à gérer.
Contrôle du risque moral et d'antisélection
La principale défense contre le risque moral a été l'accent mis sur les soins vétérinaires devant être apportés à l'animal pendant sa vie et l'examen réalisé après sa mort. La nature collective de l'assurance a également permis de lutter contre la négligence dans le traitement des bœufs. En effet, les membres des groupes vivaient dans le même village et savaient donc comment les uns et les autres traitaient leurs animaux. Enfin, la vente de la carcasse en présence de tous permettait également de démontrer que le meilleur prix possible avait été obtenu et que le fond commun n'allait pas être ponctionné de manière excessive.
D'autre part, la contribution individuelle de 500 FCFA exigée au moment de la mort d'un bœuf peut être considérée comme une sorte de franchise. Toute franchise oblige l'assuré à assumer une partie du coût du sinistre et permet ainsi de lutter contre le risque moral. Dans ce cas particulier, la franchise n'est pas payée par l'individu demandant à être indemnisé mais par l'ensemble des membres du groupe et devient de fait une "franchise collective". Cette adaptation brillante du principe de la franchise a permis de renforcer le rôle joué par le groupe en matière de contrôle du risque moral.
L'antisélection n'était pas un risque majeur puisque les bœufs étant assurés parce qu'achetés avec un prêt, que le paysan devait rembourser dans tous les cas, même en cas de mort d'un animal. De plus, le fait que l'indemnité ne soit pas versée sous forme d'argent liquide mais en nature contribuait également à réduire le risque d'antisélection. Une sélection positive avait également été instaurée, puisque seuls les stagiaires ayant des enfants étaient autorisés à participer. Il semble que cette décision ait été prise parce que l'on estimait que les pères de famille étaient plus stables et moins susceptibles d'émigrer que des célibataires.
Questions générales et avenir du programme
La grand question que l'on se pose au sujet de ce produit d'assurance est celle de sa réintroduction. Il semble évident qu'il a joué un rôle important et qu'il existe une demande pour ce type de service, à Toma et ailleurs. Il semble également que l'on puisse améliorer beaucoup le système en réalisant quelques petits ajustements. Les IMF du Burkina Faso ayant atteint un niveau de sophistication relativement élevé, peut-être le moment est-il venu pour elles de prendre ce genre de décision. Malheureusement, ADR-TOM n'a pas aujourd'hui la capacité de mener à bien un projet de cette envergure.
Peut-on imaginer de lancer un produit d'assurance similaire sans l'associer à un programme de crédit? Peut-on développer un produit d'assurance qui serait accessible à tous, quelle que soit la manière dont le client potentiel aura financé l'achat de son ou ses bœufs? Si les primes sont raisonnables, la demande pour un tel produit peut être très importante. Pourquoi ne pas aller plus loin et imaginer que l'on assure d'autres animaux, comme les ânes ou le bétail? Il semble acquis, cependant, que dans ce cas le vol de bétail ne pourrait être couvert. Bien que le vol de bétail soit un risque avéré et en plein développement, le risque moral est peu contrôlable puisqu'il est difficile de déterminer si un propriétaire volé avait pris toutes les précautions nécessaires pour protéger son bien.
Le rôle joué par les "groupes villageois" doit également être examiné. Si, comme suggéré plus haut, le pool de risques est élargi au-delà de la dimension villageoise, ces groupes ont-ils encore une utilité en tant que mécanisme de lutte contre le risque moral? La question est importante et reste ouverte. Comme noté