La définition du droit public économique
Introduction
La définition du droit public économique
Plan de l’introduction
§1. L’autonomie du Droit économique
A. Émergence du droit économique
B. Identification du droit économique
§2. Le particularisme du droit public économique
A. La qualification de droit public économique
B. Contenu du droit public économique
C. Définition du droit public économique
Le Droit public économique peut se définir, dans une première approche, comme la branche du droit public (droit qui régit les relations avec les personnes publiques, c’est-à-dire l’État, les collectivités locales, les établissements publics, que ce soit des relations entre personnes publiques, ou entre personnes publiques et personnes privées, par exemple particuliers et sociétés) qui porte sur le domaine de l’économie.
L’appellation même de la matière a porté à controverse. Il n’est pas inutile d’y revenir, car cette première difficulté est le signe de la particularité qui sera le trait commun de la matière. Le Droit public économique, appelé dans un premier temps « droit économique », se veut pour certains un droit autonome, alors que pour d’autres, il ne constitue que la réunion d’éléments épars de matières préexistantes, simplement appliqués, avec quelques adaptations, à l’économie.
§1. L’autonomie du Droit économique
Le Droit englobe toute la vie en société. Il est donc naturel que le phénomène économique, comme les autres, ne lui échappe pas. Il faut néanmoins, à partir de ce constat, déterminer quelles sont les relations exactes entre droit et économie.
Le droit économique s’y efforce.
A. Émergence du droit économique
1. Droit et économie – La dichotomie entre étude du droit et étude de l’économie, qui se manifeste dans la création, au sein des universités, de Facultés différentes, contribue à une séparation parfois artificielle entre droit et économie. Si des initiations à chacune de ces branches constituent un socle commun des études supérieures, elles ne permettent pas toujours une interpénétration des réflexions. D’où des incompréhensions et des compartimentations néfastes à la réflexion. La doctrine s’est cependant progressivement saisie du problème, et certains ont tenté de rapprocher droit et économie. Le premier à s’être clairement intéressé aux liens entre les deux est sans doute Max Weber. Il aboutit à des conclusions qui aujourd’hui sont pour partie remises en cause, notamment en ce qui concerne l’opposition de fond entre le droit, à caractère normatif et logique, et l’économie, qui se développe uniquement au niveau de la réalité, et qui ne serait donc pas saisissable par la norme. Karl Marx s’est aussi penché sur les relations entre droit et économie, considérant que la seconde détermine la construction juridique étatique.
C’est en réalité la définition du Droit qui donne la solution au problème. Si l’on considère qu’il s’agit d’un ensemble de normes destinées à régir le corps social, n’importe quelle activité est susceptible d’être concernée, y compris l’économie. Il n’est cependant pas question, dans le cadre de cet ouvrage, d’étudier les interconnexions subtiles entre droit et économie, et si l’un doit déterminer ou non la cohérence de l’autre (ce que le juriste a une tendance naturelle à croire, à son profit).
2. Émergence du concept de droit économique – Le droit économique répond à cette interrogation. Si l’Allemagne, au début du XXe siècle, voit l’origine du concept, parallèlement au développement des interventions étatiques, il faut attendre la fin du siècle pour en voir la transposition en France. C’est un ouvrage de 1971 de Gérard Farjat, qui qualifie alors un droit de « droit économique ». Il conçoit le droit économique comme une adaptation logique et nécessaire de la réglementation aux mutations de l’économie. Ce serait le droit applicable à l’ensemble des matières entrant dans la notion d’économie ; il aurait donc vocation à rassembler toutes les parties du droit privé comme du droit public qui se rapporteraient à l’économie, dépassant l’opposition droit public-droit privé. Pour résumer, il considère de manière très générale qu’il s’agit d’un droit à vocation transversale, ou encore fédérateur. Ainsi, G. Farjat montre notamment que les pouvoirs publics, quand ils interviennent dans la sphère économique, utilisent des solutions dégagées par les acteurs privés, comme le contrat, plutôt que la voie unilatérale.
La nouveauté de son approche réside dans le constat que, symétriquement, les entreprises ont parfois tendance à se comporter de façon unilatérale ou dominatrice, par le biais d’ententes (cf. entente sur le marché de la téléphonie mobile, sanctionnée en décembre 2005) ou par la voie de l’établissement progressif de monopoles.
Le problème de cette conception est néanmoins de déterminer quelles sont alors les frontières de l’économie, qui peut tout englober : tout ce qui induit un rapport avec les richesses (cf. la question de la propriété de droit civil par exemple), voire même les questions sociales (cf. la référence aux droits « économiques et sociaux » dans la Constitution, la consécration du Conseil économique et social ), ou financières (budget, impôts ).
B. Identification du droit économique
3. Définition – Le droit économique ne doit donc pas se confondre avec le droit de l’économie, c’est-à-dire qu’il ne se résume pas dans un simple agglomérat de branches du droit relatifs à la matière économique. Autrement dit, il n’est pas caractérisé par son simple objet. Il se caractérise au contraire par sa méthode, c’est-à-dire un ensemble de règles spécifiques, ce qui n’est pas pour autant simple à dégager.
L’identification du droit économique reste ouverte, et peut « correspondre à deux situations différentes : ou bien un regroupement pédagogique et pratique des disciplines éparses ou bien un corps de principes jouant de façon autonome » (G. Vedel). La doctrine a en effet proposé différents critères pour définir le droit économique :
– le droit économique a d’abord été défini comme « le droit de la concentration et de la collectivisation des biens de production et de l’organisation économique » (G. Farjat, qui affirme par ailleurs que ce droit vit « sans définition »). On trouve ici l’idée d’organisation, d’orientation, de planification économique, et de fusion de différentes branches du droit ;
– la notion d’entreprise (Cl. Champaud), c’est-à-dire qu’il s’agit alors du droit « de l’organisation et du développement économique, que ceux-ci relèvent de l’État, de l’initiative privée ou du concert de l’un et de l’autre » ;
– l’acte économique : le droit économique est dans cette hypothèse « le droit des contrats et celui de l’acte administratif unilatéral appliqués dans une double perspective macro et microéconomique »;
– l’unité économique (D. Truchet) : une personne juridique développe un type d’activité économique qui lui est propre ;
– les interventions de l’État dans la vie économique;
– pour R. Savy, le droit économique est « l’ensemble des règles tendant à assurer un équilibre entre les intérêts particuliers des agents économiques privés ou publics et l’intérêt économique général ».
4. Autonomie – Certains auteurs optent ainsi pour un droit économique autonome (p. ex. G. Farjat, qui opte pour un droit de type généraliste), qui se subdiviserait lui-même en différentes branches nouvelles (p. ex. droit administratif économique, droit constitutionnel économique ). Cette conception large permet notamment de trouver des similitudes entre les actes juridiques de la puissance publique et ceux des personnes privées (p. ex. : utilisations de plus en plus fréquentes de la technique contractuelle). Elle suppose que le droit modèle l’économie : l’entreprise, le consommateur Cette conception paraît cependant trop englobante pour pouvoir répondre aux exigences modernes de la vie juridique, qui nécessitent une spécialisation accrue. Elle peut conduire le droit économique à couvrir l’ensemble du champ du social, ce qui entraîne une perte de sens.
D’autres auteurs au contraire, ont choisi une autre voie, et pensent que le droit économique peut se déduire de l’étude des branches traditionnelles du droit. Ainsi, Cl. Champaud considère, dans une optique à laquelle nous nous rattachons, que le droit économique ne constitue pas une nouvelle branche du droit, mais un « droit nouveau » qui emprunte à d’autres certaines de leurs méthodes ou règles. Le droit économique est ici une « optique nouvelle ». Le droit économique correspondrait donc à un prolongement des disciplines traditionnelles du droit, contenant des spécificités relatives à l’appréhension des mécanismes économiques.
5. Spécificité – En définitive, quant à la spécificité du droit économique, on peut opter raisonnablement pour la seconde opinion, plus restrictive, selon laquelle les règles appliquées à l’économie ne sont pas fondamentalement différentes de celles appliquées dans de grandes branches traditionnelles du droit, comme le droit administratif ou le droit civil (preuve peut en être trouvée en droit français la compétence des deux ordres de juridiction en matière économique). Surtout, ce droit autorise une relecture de règles juridiques classiques, sous l’aune des considérations économiques. Et si le droit économique permet de dépasser l’opposition traditionnelle droit public – droit privé, il peut aussi justifier une spécificité « publiciste » dans la mesure où l’on s’intéresse à la gestion des affaires publiques, en liaison avec l’économie.
§2. Le particularisme du droit public économique
Le droit public économique contribue à la dynamique de reconfiguration des différentes branches du droit, en renouvelant la conception de l’opposition traditionnelle entre droit public et droit privé. Mais l’évolution constante et rapide qui le caractérise rend difficile sa définition.
A. La qualification de droit public économique
6. Caractère transversal – Le droit public économique constitue un droit transversal, entre droit public et droit privé, et économie. On peut, symétriquement, considérer qu’il n’existe pas de « droit privé économique » dans la mesure où ce sont les réglementations publiques qui expliquent l’existence du droit public économique, et dans la mesure où les relations économiques entre personnes privées sont traitées par différentes branches traditionnelles du droit (droit commercial, droit civil ).
La frontière droit public – droit privé est reconfigurée par le droit public économique. Le droit public est le droit qui régit les personnes publiques (État, collectivités locales, établissements publics, groupements d’intérêt public) : leur organisation, leur fonctionnement, les relations qu’elles entretiennent entre elles ainsi qu’avec les particuliers. Il se caractérise en principe par l’emploi de prérogatives de puissance publique. L’ensemble du droit public est concerné par les questions économiques, il est normal que chacune de ses branches recèle des dispositions applicables à ce domaine. Par ailleurs, le droit public semble plus adapté à la compréhension des questions macro-économiques que le droit privé (qui s’intéresse sans doute préférentiellement aux aspects microéconomiques).
7. Subdivisions – Le droit public interne se subdivise lui-même en plusieurs catégories, qui entretiennent des relations avec le droit public économique :
– le droit constitutionnel, qui étudie l’organisation générale des pouvoirs publics, des autorités administratives suprêmes, des autorités politiques. Il définit donc, même si cela reste à un niveau très général, le système économique (par ex. le droit de propriété) ;
– le droit administratif étudie l’organisation des institutions administratives, des personnes morales de droit privé chargées de la gestion d’un service public, et les relations qu’elles entretiennent entre elles comme avec les administrés. Il a donné tout un ensemble d’instruments utilisés par le droit public économique : la notion d’acte administratif unilatéral, le contrat administratif, la soumission de l’administration au principe de la légalité, la responsabilité de l’administration, les recours juridictionnels en matière administrative On observe une prépondérance de cette approche administrativiste en droit public économique français ;
– le droit des finances publiques constitue naturellement une branche très productive du droit public économique. On en retiendra pour l’instant deux illustrations :
? le budget va permettre de dégager une grande masse de dépenses pour exécuter la politique économique de l’État et des autres personnes publiques. Le lien avec le droit public économique est évident puisque c’est dans ce cadre budgétaire que vont pouvoir s’inscrire bon nombre de mesures d’accompagnement et d’encouragement à destination de certains acteurs et secteurs économiques,
? le système fiscal est un instrument efficace d’action des pouvoirs publics sur les équilibres et les finalités économiques : la fiscalité permet des actions directes ou indirectes sur la consommation, sur l’investissement, sur des activités ou des secteurs déterminés (aides publiques, emprunts d’État, encouragement fiscal à l’aménagement du territoire ) ;
– le droit public des affaires, actuellement en plein développement, est le pendant du droit privé des affaires, qui régit l’entreprise et les relations financières entre personnes privées (droit des contrats, droit des sociétés, droit pénal des affaires ). Le droit public des affaires, défini comme « le droit des relations entre l’administration et les opérateurs économiques », permet de mettre en relation l’entreprise commerciale et les pouvoirs publics (réglementation des aides publiques, ou des prix, de la concurrence ; gestion des entreprises publiques ; encadrement des marchés boursiers). Si le droit public des affaires est inclus pour partie dans le droit public économique (historique ; interventions dans l’économie), la prégnance de la liberté du commerce et de l’industrie justifie la spécialisation du droit public des affaires dans certains domaines ;
– le droit de l’Union européenne, qui résulte d’une volonté d’union économique mais aussi politique, sur la base d’une libéralisation des échanges, et de l’organisation d’un Marché commun.
8. Scission droit public/droit privé – On essaie traditionnellement de fonder la distinction droit public – droit privé sur une opposition de philosophie entre les deux : alors que le droit privé doit consacrer une tradition d’égalité entre acteurs, le droit public est traditionnellement celui d’un déséquilibre voulu entre acteurs, au bénéfice de la puissance publique, qui doit disposer grâce à certains pouvoirs exorbitants du droit commun, des moyens nécessaires pour mener à bien les politiques visant à assurer l’intérêt général.
On a donc en principe une situation claire : le droit public est censé s’adresser à des personnes et pour des questions de droit distinctes de celles que l’on doit rencontrer en droit privé.
Mais la distinction entre ces deux branches du droit a tendance à s’estomper : certains services publics sont ainsi confiés à des personnes privées (par ex. Sécurité sociale gérée par les caisses primaires d’assurance-maladie). On retrouvera souvent cette difficulté au niveau du Droit public économique.
Les relations entre droit public – droit privé, et économie sont renouvelées. La question qui se pose ici est de savoir si le droit public économique peut dépasser, par son insertion dans la sphère économique, l’opposition traditionnelle droite publique – droit privé, grâce à une optique transversale. On peut prendre comme exemple l’intervention de l’État dans l’économie, par le prisme de la consécration des sociétés d’économie mixte (SEM) ou des sociétés publiques locales (SPL). Elles juxtaposent à la fois des éléments de droit public (contrôle) et des éléments de droit privé (il s’agit en effet juridiquement de personnes morales de droit privé ; cf. aussi la question du statut de leur personnel). Les pouvoirs publics, lorsqu’ils créent de telles sociétés, veulent à la fois poursuivre une mission d’intérêt général, mais en y associant des capitaux du secteur privé. Ces structures bénéficieront par ailleurs de certaines des souplesses juridiques du secteur privé. On voit là tout l’intérêt du droit public économique, qui va s’intéresser à la « dose » de droit public nécessaire au bon fonctionnement de telles structures. Cependant, on peut aussi penser qu’il s’agit là seulement de la traduction du phénomène récent de rapprochement des deux branches du droit.
9. Convergences – De plus, le droit privé et l’esprit du droit privé ne sont pas complètement ignorés par la discipline tout à fait particulière que représente le droit public économique. De nombreux « rapprochements » entre des situations de droit public et de droit privé ont en effet déjà pu être constatés. Ainsi à l’occasion du recours à des personnes relevant du droit privé pour la gestion de services publics à vocation économique (cf. infra).
B. Contenu du droit public économique
10. Interventionnisme – C’est le développement de « l’interventionnisme » étatique qui, historiquement, a expliqué la formalisation progressive du droit public économique. Les économistes ont très bien expliqué les raisons pour lesquelles les États ont souhaité « diriger », ou orienter l’économie. Keynes constitue le maître le plus emblématique de l’école de l’interventionnisme économique public, dans le but de rectifier les équilibres du Marché. Le droit public économique s’en fait l’écho, même si aujourd’hui, les perspectives évoluent.
11. Action économique – Les actions publiques dans l’économie sont variées, tant par leur forme que par les acteurs qu’elles impliquent. On peut les distinguer sur plusieurs plans :
– la portée de l’action poursuivie : qui peut être globale (blocage des prix, encouragement de l’investissement), ou sectorielle (aide à l’agriculture, à la sidérurgie, au textile ), ou particulière (subvention donnée par une commune à une entreprise qui s’installe sur son territoire) ;
– la modalité de l’action : qui peut être directe ou indirecte. A priori, l’intervention des personnes publiques dans l’économie renvoie à des actions directes (le meilleur exemple étant sans doute la subvention). Mais beaucoup d’actions sont indirectes, notamment basées sur la fiscalité (défiscalisation de certains investissements dans l’immobilier locatif par ex.), ou encore grâce aux emprunts d’État (afin de freiner la consommation, dans les années 1980). On peut d’ailleurs noter que les actions indirectes ont tendance à beaucoup se développer depuis quelques années (ex. : les incitations fiscales), les actions « directives » étant de plus en plus mal perçues par l’opinion publique ;
– le consentement ou non des destinataires : traditionnellement la puissance publique agit par voie unilatérale, soit en autorisant, en interdisant, ou en réglementant. Mais aujourd’hui, les personnes publiques (ou celles qui sont sous leur influence dominante) préfèrent conduire leur action, pour qu’elle soit mieux acceptée, par voie contractuelle, ce qui permet l’expression d’un échange de volontés ;
– la souplesse d’action : les personnes publiques peuvent intervenir soit par voie de direction dans l’économie, c’est-à-dire prendre des mesures qui vont s’imposer aux agents économiques (« l’interventionnisme »), soit elles peuvent au contraire agir par voie de gestion, c’est-à-dire en prenant elles-mêmes en charge des activités économiques. Cette distinction est fondamentale dans l’action publique économique, et donne lieu à toute une réflexion en matière de privatisations et de nationalisations (nationalisations de 1946 et de 1982 ; privatisations depuis lors).
12. Subdivisions – Les subdivisions du droit public économique intègrent toutes des notions économiques. La première grande subdivision est elle-même composée de plusieurs branches ; c’est le droit interne :
– le droit constitutionnel de l’économie comprend d’une part les règles et institutions comprises dans les textes constitutionnels (par ex. dans le Préambule de la Constitution de 1946, avec les droits économiques et sociaux du Préambule), et d’autre part les règles d’organisation, de fonctionnement, et de compétence des autorités publiques. La Constitution du 4 octobre 1958 organise ainsi de manière générale l’économie (nationalisations, Conseil économique, social et environnemental ). La jurisprudence du Conseil constitutionnel vient renforcer les dispositions écrites, en les modernisant ; ou vient créer de nouvelles règles non écrites ;
– le droit administratif de l’économie est constitué par les institutions administratives dotées de compétence en matière économique, ainsi que par les règles de fond applicables aux relations administration-administrés. C’est cette branche qui constituera l’essentiel de cet ouvrage de droit public économique ;
– le droit des finances publiques (droit budgétaire et droit fiscal) s’intéresse à « l’interventionnisme » économique des personnes publiques ;
– le droit de l’Union européenne entraîne des évolutions profondes des règles juridiques applicables en droit interne, par le biais des transpositions du droit dérivé. De nombreuses dispositions influencent directement les missions d’intérêt général. On peut le classer dans la catégorie « droit interne » du fait de l’énorme importance qu’il prend en matière économique.
La deuxième grande subdivision est composée du droit international : il s’agit ici de l’ensemble des règles qui régissent l’organisation des relations internationales économiques, c’est-à-dire qu’il est la branche du droit « qui réglemente, d’une part, l’établissement et l’investissement internationaux et, d’autre part, la circulation internationale des marchandises, services et paiements » (Carreau et
Juilliard).
La majorité des développements qui suivront seront axés principalement sur le droit constitutionnel et sur le droit administratif.
C. Définition du droit public économique
13. Définition – Le droit public économique est un droit contemporain qui se construit encore aujourd’hui, ce qui explique le foisonnement des définitions doctrinales dont il fait l’objet. Pour une meilleure appréhension de la matière, quelques définitions doctrinales importantes sont ici reproduites à la suite desquelles est proposée une définition de synthèse du droit public économique.
Les définitions, doctrinales, du droit public économique font l’objet de différents critères d’identification de la part des auteurs : la « présence publique dans le champ de l’action économique » (contrôle ou influence) pour J.-P. Colson par exemple. P. Delvolvé, préfère quant à lui à l’intitulé « droit public économique » celui de « droit public de l’économie » dans le sens d’un droit (public) applicable aux diverses matières économiques et non pas d’un droit économique strictement autonome contenant des aspects publics, et soumet les éléments de définition suivants : « L’objet essentiel de ce droit est constitué par les interventions de l’État (ou autres personnes publiques) dans l’économie. Le droit public de l’économie est ainsi le droit applicable aux interventions des personnes publiques dans l’économie et aux organes de ces interventions, ou encore, pour faire court, le droit de l’intervention publique en matière économique ».
Pour H.-G. Hubrecht : « le droit public n’est en réalité rien d’autre que la connaissance des mécanismes juridiques par lesquels les personnes publiques tentent de modifier le comportement naturel des agents économiques ». Pour J.-Y. Chérot, le droit public économique est le droit « de la politique économique ».
Pour J. Kerninon, le droit public économique est autonome, et a « pour vocation de régir les interventions des personnes publiques dans l’économie » et d’agir « sur les différents agents économiques, publics ou privés ». Il précise « qu’il est aussi l’expression d’une volonté de canaliser le jeu du marché, le droit public économique a un caractère incitatif, une dimension prospective ».
Pour A.-S. Mescheriakoff, dans une conception restrictive, le droit public économique correspond à la « volonté de modifier le jeu normal de la relation économique » : c’est son objet qui identifie le droit.
Pour D. Linotte et A. Graboy-Grobesco, le droit public économique consiste en « la mise en œuvre, par les voies de droit, de la politique économique des personnes administratives ». Cette définition identifie les trois éléments centraux de la matière : le centrage sur l’aspect juridique, la référence à la politique menée, et le critère organique.
D. Savy rattache le droit public économique à la définition du droit économique, dans une conception finaliste, comme « l’ensemble des règles tendant à assurer, à un moment et dans une société donnés, un équilibre entre les intérêts particuliers des agents économiques privés ou publics et l’intérêt économique général ».
Enfin, pour D. Truchet, le « droit économique public comprend l’ensemble des règles applicables aux relations entre personnes de droit, prises en tant qu’unités économiques, dès lors que la puissance publique intervient dans ces relations ». Il sous-tend la référence à des procédés exorbitants du droit commun.
14. Synthèse – On le voit, les approches valorisent soit les fins, soit les moyens. Une tentative de synthèse, regroupant et adaptant certains éléments et critères mis en avant par la doctrine, est envisageable. Il est alors possible de définir le droit public économique comme le droit de l’action économique des personnes chargées de missions d’intérêt général.
Il s’agit bien d’un droit public économique et non d’un droit économique public, valorisant donc l’approche publiciste. Une telle formulation reste classique dans la mesure où elle fait appel à une approche à la fois organique et matérielle de la matière. Elle ne considère pas non plus l’action sous un angle politique : le droit public économique étudie comment parvenir à un résultat, mais ne définit pas le résultat ou le but que les pouvoirs publics doivent poursuivre. On souhaite simplement intégrer ici le changement profond des modes d’intervention publics, qui de l’interventionnisme, qui a justifié la construction du droit public économique classique, sont passés à des modes « d’action » multiples, dont la régulation. Selon nous, cela ne nécessite pas l’abandon de la qualification classique de « droit public économique », relativement éclairante de la problématique toujours actuelle de la reconfiguration de la place des pouvoirs publics face aux acteurs économiques. Le choix ne s’est pas porté, volontairement, sur la qualification de « droit économique » car, à notre sens, on peut toujours aujourd’hui identifier un corpus de règles juridiques propres à l’action des pouvoirs publics à vocation économique.
15. Quelques précisions terminales peuvent encore être apportées. Le droit public économique constitue bien une discipline juridique, et à ce titre ne se cantonne pas seulement à l’analyse de faits économiques.
Les termes « action économique » placés au cœur de la définition mettent l’accent sur les éléments finalistes, matériel et fonctionnel de la discipline. Ils ont été préférés à ceux d’« intervention publique » qui est assurée par les organes publics en vue de l’intérêt économique général, et qui à notre sens, représentent une époque révolue, plus unilatérale.
L’expression « personnes chargées de missions d’intérêt général » a été préférée à celle de « personnes publiques », et est donc à comprendre au sens large, comme englobant les personnes privées chargées de l’exécution d’une mission de service public, les entreprises publiques ayant le statut de société ou encore, par exemple, les structures professionnelles ayant une vocation plus ou moins directement économique (ordres professionnels par ex.). Toutes ces personnes morales, de droit public ou de droit privé, ont une relation directe ou indirecte avec les pouvoirs publics, en ce qui concerne le but d’intérêt général, principal ou subsidiaire, qui leur a été confié.
Enfin, le droit public économique révèle l’intégration de concepts nouveaux, liés au droit de la concurrence ; il implique une appréciation critique de l’action de l’État sur le Marché.
Nos 16 à 20 réservés.
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