Cours complet sur le marketing des services

Cours complet sur le marketing des services
Le marketing a été développé initialement à partir des produits, ce qui explique le retard observé de son application dans le secteur des services que ce soit en Europe ou aux États-Unis. Un renversement de tendance s’observe depuis quelques années qu’il s’agisse des services destinés au grand public ou des services destinés aux entreprises et collectivités locales. Après avoir présenté les principales spécificités du marketing appliqué aux services, quelques secteurs seront développés : les services de proximité, les services financiers, les services liés au transport et au tourisme.
1. Les caractéristiques des services
Analysés par rapport aux produits, les services1 se caractérisent essentiellement par leur intangibilité, l’incapacité de les stocker, leur caractère indivisible et variable.
1.1. L’immatérialité et l’intangibilité
Avant qu’il ne soit réalisé, le service est effectivement difficile à montrer. Le vendeur pourra essayer de décrire, de citer des clients références, mais il lui est impossible d’en montrer à l’avance les résultats réels appliqués au cas précis du client, que ce soit dans le domaine des services quotidiens (restauration, téléphone, santé), des services financiers (banque, assurance, consultants), des services liés au tourisme et au transport… Par rapport au produit, le service est donc de nature intangible. Cependant, il n’existe guère de produits ou de services « purs »2. On peut observer un continuum entre les deux :
- soit parce que le service est la prolongation du produit, au titre du service après-vente, de la maintenance et de la réparation... ;
- soit parce que le service lui-même comporte des éléments tangibles après sa réalisation : gamme des plats proposés à la cafétéria ou dans un avion, régularité de fonctionnement de la machine-outil, remise de la facture de téléphone ou de l’eau consommée...
- Le service est constitué en fait par une combinaison d’éléments tangibles et intangibles3. Si bien que des classifications ont été proposées en fonction de la dominante tangible ou intangible des différents services : les services d’hôtellerie et de restauration sont considérés comme plutôt tangibles et les services de banque et d’assurance ou de formation par exemple, à dominante intangible (cf. figure 6.1).
En analysant les combinaisons, on s’aperçoit que plus un service est intangible, plus il est difficile d’utiliser les outils standards du marketing développés au départ pour les seuls produits. En communication, par exemple, en l’absence de preuves tangibles de la supériorité du produit, le bouche à oreille revêt une importance primordiale.
Le client sera sensible aux différents signes extérieurs4. Par exemple, dans le cadre de la fourniture d’eau ou d’électricité, un client est rassuré par la cohérence qui se dégage de l’état d’entretien du matériel (tuyauterie, compteur), de la tenue et du véhicule utilisé par le personnel, de la clarté des factures... Dans le cas de la fourniture d’eau ou d’électricité à un client industriel, un des signes possibles sera la transmission d’états informatiques logiques, de statistiques des interventions. Ainsi les clients disposent d’éléments pertinents pour évaluer le service réalisé.
Comparé à un produit, le service reste souvent intangible. Le client perçoit donc un risque supérieur. Pour atténuer ce risque, il recherche des éléments concrets d’évaluation. C’est pourquoi, il vaut mieux baliser la réalisation du service par la proposition d’indices tangibles dans les phases qui précèdent et qui suivent sa réalisation (cf. figure 6.2).
Un exemple est fourni par Sodeci, la société de distribution d’eau de la Côte d’Ivoire. Les documents nécessaires pour se brancher et s’abonner permettent de matérialiser le service avant l’achat. Le paiement des factures matérialise le service après l’achat (cf. figure 6.3).
1.2. La « périssabilité » et la non-stockabilité
La périssabilité traduit l’idée que, généralement, les services ne sont pas stockables. On peut citer l’exemple, valable aussi bien dans les deux logiques grand public que business to business, du nombre de sièges disponibles dans un avion : les sièges vides au décollage représentent une perte de revenu qui n’est pas rattrapable sur les vols suivants. C’est la raison du développement actuel du yieldmanagement 5qui consiste à proposer à des prix minorés les places restéesdisponibles quelques heures avant le décollage de l’avion ou le début d’un spectacle. Contrairement à la gestion d’un produit, on ne peut jouer sur les stocks : la limite est imposée par la capacité de production. Dans l’activité de l’hôtellerie destinée à la clientèle intérieure ou à la clientèle touristique, la limite est liée à la capacité d’accueil.
La difficulté de gestion est accrue pour l’activité de services par le fait que la demande est souvent très fluctuante, difficile à prévoir, comme par exemple les fluctuations très fortes constatées dans la demande de transport ou d’énergie6. Pour l’électricité, les pointes de consommation journalière, expliquées par les variations météorologiques saisonnières, se combinent aux fluctuations horaires liées aux besoins d’énergie des entreprises de production et des particuliers. Pour réduire les écarts de la demande, les entreprises d’électricité comme la Compagnie Ivoirienne d’Électricité (CEI) élaborent une politique tarifaire sophistiquée, incitant les clients à mieux étaler leur consommation. De même, dans le secteur de l’hôtellerie, les managers tentent de lisser les pointes de saisonnalité pour mieux utiliser les possibilités d’hébergement.
1.3. L’indivisibilité
L’indivisibilité est une notion qui a été développée pour les services destinés au grand public. Cette caractéristique s’applique également aux services industriels, car le client va juger un tout. Par exemple pour un service de restauration, il s’agira de l’ensemble des prestations de repas classiques aux cocktails servis en soirée, au cadre et à l’amabilité du personnel. La prestation d’un restaurant ou d’une chaîne ne sera pas jugée sur la seule évaluation nutritionnelle ou gustative, ou hygiénique. C’est la perception globale des clients sur le service de restauration qui sera prise en considération.
Dans le cadre de la recherche de l’autosuffisance alimentaire, le Ministère Égyptien de l’Agriculture et le Soil and Water Research Institute souhaitaient disposer d’un outil permettant de mesurer et de suivre l’évolution dans le temps des surfaces cultivées pour les principales cultures et de contrôler l’urbanisation sauvage.
Comme le montre le tableau 6.1, la prestation fournie par Spot Image démarre avec la définition précise du service rendu – informations utiles, rythme d’actualisation... – se poursuit avec la fourniture de supports visuels tels que les CD Rom, et se prolonge avec l’aide à l’interprétation. L’absence d’un des éléments ou sa mauvaise perception dégrade automatiquement, comme dans tous les services, l’évaluation de la prestation globale.
1.4. La variabilité
L’idée de la variabilité du service provient du fait que, contrairement au produit, il est difficilement standardisable. À la limite, la qualité change à chaque fois que le service est fourni. Dans la réalisation du service, entre en compte le facteur humain : plus celui-ci est important, moins la prestation sera uniforme, car elle est liée à l’individu qui l’assure. Par exemple dans un restaurant, un repas sera plus ou moins apprécié en fonction du talent du cuisinier et de l’amabilité du serveur. Pour essayer de garantir une qualité standard, il s’agit de développer le contrôle de la qualité et d’investir en procédures pour calibrer les différentes phases des prestations.

La seconde source de variabilité provient du client lui-même, qui participe à la production du service. Ceci est à nuancer en fonction de l’activité des services. Dans une activité comme la restauration collective, le fournisseur apporte un service clés en mains et l’entreprise cliente peut être relativement passive. Dans une prestation de formation, au contraire, l’implication des participants est essentielle : un même animateur obtient avec la même intervention des résultats différents en fonction de leur implication.
On peut avancer ici l’importance du contact direct entre le salarié de l’entreprise de services et son client. L’image que dégage ce responsable est toujours importante : par une mauvaise prestation, il peut atténuer, voire annuler tous les efforts réalisés en amont par l’entreprise.
Le service est donc caractérisé par une combinaison d’éléments tangibles et intangibles (cf. figure 6.6). Il est périssable, indivisible et variable. De plus, les clients acquérant un service payent en fait pour l’utilisation et l’accès au service : le client ne perçoit pas la propriété du service. Toutes ces caractéristiques ajoutées doivent amener l’entreprise de services à réfléchir sur l’attente réelle de son client.
Un client décide d’acheter un service pour le bénéfice qu’il représente. Une première étape dans la création d’un service ou dans l’évaluation d’un service existant est de définir le concept de bénéfice client, c’est-à-dire le bénéfice essentiel que le client va tirer du service. Une bonne analyse du bénéfice du client par l’observation attentive de toutes les attentes, qu’elles soient basées sur des attributs réels ou psychologiques, se traduit par la définition d’un concept fort d’offre de service.
Il va s’agir ensuite pour le prestataire de donner corps au concept en étudiant en détail quels services il va devoir proposer afin de répondre au concept de bénéfice du client. De leur cohérence dépendra la prestation globale du service et sa perception par le client. Enfin, il s’agira de mettre en place concrètement le service, d’assurer sa « tangibilisation » : tous les services définis vont être organisés, aménagés de sorte qu’ils correspondent exactement aux attentes finales.
2. Présentation de trois catégories de services
Comme l’analyse des besoins des consommateurs a permis de le constater, plusieurs besoins essentiels relèvent de services non marchands tels que les besoins de sécurité (police, gendarmerie), la foi (religion), la formation scolaire (Ministère de l’État) ou l’organisation administrative (services de l’État). En dehors de ces grandes catégories, le secteur marchand concerne trois grandes catégories de services que l’on peut qualifier de services de proximité, de services financiers, et de services liés au transport et au tourisme.
2.1. Les services de proximité
Dans cette catégorie, il est possible de distinguer les services qu’une organisation simple voire un individu peut fournir, des services qui nécessitent la mise en œuvre de moyens importants (électricité, eau…).
Les services de proximité « simples »
De nombreux services de proximité peuvent être fournis par les artisans, les commerçants (coiffeurs…), avec un niveau d’investissement réduit. Parmi ceux-ci on peut citer :
- les secrétaires écrivains publics : métier très ancien qu’on retrouve dans les différents pays du monde, l’écrivain public rédige des messages privés ou professionnels pour ceux qui ne le peuvent pas. Dans plusieurs pays asiatiques, mais aussi d’Amérique Latine et d’Afrique, ce métier a évolué récemment : muni de micro-ordinateurs et de logiciels, le « secrétaire » public aide à rédiger les demandes de prêts, les déclarations diverses aux administrations… ;
- les chauffeurs de taxis : remarquables par leur capacité d’adaptation, ceux-ci ont su adapter leurs matériels et leurs horaires de travail en fonction des clientèles locales
ou touristiques et en fonction des contraintes économiques. Ainsi, en Indonésie, le parc de véhicules est essentiellement constitué de triporteurs, économiques à l’achat et à l’entretien. En outre, ces véhicules légers se faufilent facilement lorsque le trafic est dense et sur des chemins étroits. Dans le cas du Maroc, les taxis sont répartis en deux types de compagnies, appelées « petits taxis » et « grands taxis ». Les premiers sont dédiés aux courses locales et sont équipés de véhicules de petite taille. Les seconds sont réservés aux liaisons interurbaines et disposent de berlines plus spacieuses, permettant d’emporter plusieurs clients afin de diminuer les coûts ;
- les formes de restauration rapides et économiques : un bon exemple est fourni en Malaisie et Indonésie par des artisans restaurateurs qui se regroupent, créant une sorte de galerie de restauration. Chacun ne fournit qu’un seul plat : une entrée, un plat de viande, de poisson, un dessert ou une boisson. Le client compose son repas en commandant et en payant au fur et à mesure. Les tables sont disposées dans la zone centrale, entourées par les différents artisans.
Un autre exemple est fourni par les téléboutiques, tenues par des indépendants qui ont su déceler assez tôt les attentes des consommateurs, dans les pays qui ne sont pas équipés de cabines téléphoniques. Ce service n’est possible que parce qu’il existe une organisation centrale et efficace qui relève de la seconde catégorie : les services de proximité nécessitant des moyens importants.
Les services de proximité nécessitant des moyens importants
La distribution de l’eau avec la Sodeci, la production et la distribution d’électricité avec la CEI fournissent pour la Côte d’Ivoire deux bons exemples de services de proximité nécessitant d’importants moyens matériels et humains.
· Un choix politique
L’État Ivoirien, autorité concédante, conserve la maîtrise des investissements publics et de la politique nationale de l’eau.
La Sodeci, concessionnaire, est chargée :
- de produire et de distribuer l’eau potable en zones urbaines et rurales,

- de mener les études et les travaux de branchement et d’extension,
- d’exploiter les installations de drainage et d’assainissement de la capitale Abidjan.
· Une organisation décentralisée
Afin de mieux servir les clients finaux, la décentralisation des structures opérationnelles a été décidée par la Sodeci. Cette décentralisation repose sur la responsabilisation des hommes, la formation, la délégation effective des pouvoirs de décision et la communication permanente. Des règles de gestion simples s’appuient sur la responsabilisation budgétaire, l’utilisation accrue de l’outil informatique et le contrôle des procédures. Un tel choix permet à la fois de mieux connaître les besoins des clients, de réagir plus rapidement à leurs attentes et de décider le cas échéant des modifications à apporter.
· Une priorité accordée à la formation
Pour améliorer la productivité et le professionnalisme de ses agents, la Sodeci a créé un Centre des Métiers de l’Eau capable d’assurer une formation complète : traitement des eaux, hydraulique, plomberie, électromécanique, gestion administrative et commerciale, management. Ces formations sont destinées aux agents nouvellement embauchés, au perfectionnement du personnel en poste et aux personnels de sociétés ivoiriennes et originaires de l’Angola, du Burkina Faso, de Guinée, du Mali, du Niger, du Tchad, du Togo.
· Océans
La Sodeci a développé Océans, un progiciel bâti à partir d’outils modernes. Il permet :
- la gestion des abonnés (prendre en compte les demandes clientèles, les travaux sur les réseaux, facturer les abonnés, encaisser les factures, recouvrer les clients et gérer les litiges),
- la gestion des magasins (approvisionner le stock, utiliser le matériel en stock, éditer les tableaux de bord)
- la gestion technique d’exploitation (suivre la production de l’eau, prendre en compte l’énergie consommée, les produits de traitements et éditer les états de la gestion technique).
Cette stratégie a pour résultat de permettre un fort développement de la production d’eau, de la facturation et du nombre d’abonnés. Plus de 409 localités sont aujourd’hui desservies, alimentées par 390 forages, 66 stations de traitement et gérées par 144 centres.
Le résultat a pérennisé la fourniture régulière d’un service de distribution d’eau potable sur une partie importante du territoire. Dans un souci d’éducation du consommateur, la Sodeci propose des fiches de suivi de consommation d’eau afin d’aider les clients à mieux maîtriser leur consommation.
2.2. Les services financiers
- Il s’agit en premier lieu des services de conseils financiers et de gestion, des experts-comptables aux sociétés d’audit. Le cadre réglementaire définit les différents types de métiers selon les pays et l’homogénéité de leurs prestations. En dehors de gros cabinets d’audit principalement anglo-saxons qui œuvrent pour les multinationales, les experts-comptables sont les principaux prestataires de services financiers.
Le financement d’origine familial8 joue un rôle important dans certains pays notamment d’Afrique de l’Ouest avec un système de « banque familiale » parfois dénommée « tontine »9. Les membres qui le désirent, effectuent des dépôts financiers, souvent modestes, auprès de femmes reconnues pour leur intégrité et leur bonne gestion. Ces dépôts permettent à la « tontine » de venir en aide, de faire un prêt à un jeune couple qui s’installe ou qui acquiert un logement ou à un membre de la famille qui souhaite monter un commerce. Ce système parallèle aux
systèmes bancaires institutionnels joue un rôle important dans la vie quotidienne des régions défavorisées10. Il contribue par ailleurs au maintien de la solidarité au sein des familles et des villages.
· Le cas particulier du crédit Salam : la Banque Islamique du Sénégal. Il s’agit de montages financiers qui permettent d’éviter de payer un loyer pour l’argent emprunté en accord avec la Loi Coranique11 : « Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, écrivez-la… » (Sourate 2, Verset 282). Un contrat Salam est parfaitement licite : une fois signé, la marchandise acquise se transforme en dette à rembourser au vendeur. Le prix, différé à une date ultérieure, est fixé à l’avance : il devient l’objet du contrat. Le Salam met l’accent sur la créance car la marchandise vendue reste sous la responsabilité du vendeur jusqu’à l’échéance déterminée. À l’unanimité, les musulmans ont autorisé le Salam en tant que mode de financement du besoin présent des gens, à l’exception des produits alimentaires.
L’exemple des microbanques au Bangladesh
En 1983, l’universitaire bangladais Muhammad Yunus a fondé au Bangladesh, la Grameen Bank12 afin de permettre aux villageois Bangladais miséreux (Grameen signifie village) de bénéficier de crédits dont ils avaient désespérément besoin. Se considérant comme un homme d’affaires œuvrant dans une perspective sociale, Muhammad Yunus est généralement vu comme un « croisé des causes sociales » dont les idées originales s’écartent de l’orthodoxie financière.
L’accès au crédit en zone rurale constitue un enjeu majeur pour ce pays dans lequel les deux tiers de la population, souvent très pauvres, vivent de l’agriculture. Les pauvres aux revenus très précaires étaient conduits jusque-là à emprunter aux usuriers, gros propriétaires terriens, à des taux extrêmement élevés, tenus dans une dépendance financière sans fin. Le but de Muhammad Yunus est de donner plus d’autonomie aux paysans en leur permettant d’accroître leurs revenus et en les rendant de fait moins dépendant des usuriers. Le principe économique réside dans un transfert de risque de la banque aux cosignataires. En effet, la Grameen Bank réinvente une logique « coopérative » en demandant aux emprunteurs d’apporter une caution sociale. Le prêt est accordé une fois que le client potentiel a trouvé quatre autres personnes voulant également emprunter auprès de la banque et s’engageant à être solidaires entre elles pour rembourser le prêt en cas de défaut de paiement.