Les Outils Economiques de l'Environnement
Ce document donne la définition des principaux termes utilisés en économie de l'environnement et dans la mise en œuvre des outils économiques. Le document débute par une discussion sur quelques termes majeurs : le développement durable, la gouvernance, les principes des politiques de l’environnement dont le principe pollueur/payeur et les outils économiques. Ensuite dans la liste alphabétique des définitions on trouvera en premier et en caractères gras le terme français que nous jugeons le plus approprié, quelques synonymes entre parenthèses () et l'équivalent en anglais entre crochets []. La plupart des définitions (en italiques) sont référencées avec une priorité vers des sources de référence disponibles sur Internet ce qui permet au lecteur de pouvoir approfondir ses recherches. Enfin deux listes alphabétiques des termes français/anglais et anglais/français, renvoient vers les définitions. Dans l’ensemble des textes les mots en gras indiquent qu’il existe une définition. Ceci est un document de travail. Comme certains choix sont imparfaits, voire discutables, et que certains termes peuvent être soumis à des controverses qui nous auraient échappé : le lecteur est encouragé à nous faire part de ses commentaires*.
Concepts clés Le développement durable
La Commission Brundtland, a défini le développement durable comme un "mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs"
1 . Cette définition est suffisamment large pour avoir donné lieu à diverses interprétations et pour avoir nourri de nombreuses polémiques. Le développement durable reste attaché à la conférence de Rio qui prônait une approche conjointe de l’environnement (des pays du Nord) et du développement (des pays du Sud). Ce concept est proche de celui de l’écodéveloppement. Du fait de son contexte historique et politique international, le développement durable est un compromis entre trois contradictions fondamentales : · compromis entre les intérêts des générations actuelles et celui des générations futures, dans le contexte de l'équité intergénérationnelle · compromis Nord/Sud entre les pays industrialisés et les pays en développement · compromis entre les besoins des êtres humains et la préservation des écosystèmes (les habitats et les espèces).
Ce dernier problème renvoie à l'opposition entre durabilité forte ou faible. Selon la conception de la durabilité faible, on n'accorde aux biens naturels que la valeur des services qu'ils rendent, et non une valeur d'existence. Il conviendrait donc seulement de remplacer le capital naturel consommé par des éléments "fabriqués".
La question est de savoir jusqu'à quel point on peut substituer des patrimoines naturels par des patrimoines économiques, financiers, technologiques ou de capacité. Ce débat partage les partisans des deux thèses durabilité forte ou faible ? Les tenants de la durabilité forte considèrent que certaines transformations globales peuvent conduire à des irréversibilités graves, du fait que le système naturel est instable.
C'est pourquoi l'on doit préserver a priori certains équilibres, au nom du principe de précaution, y compris pour des raisons utilitaristes à long terme. Ce clivage recouvre en partie l'opposition entre une vision du monde athropocentrique et utilitariste et une vision plus eco-centrée.
Le développement durable est sans doute le cadre qui permet à ces visions de dialoguer. Les textes de la Conférence de Rio considèrent que "les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature".
2 Cette vision a été déclinée dans les conférences internationales qui ont suivi.
La déclaration d’Istanbul pose ainsi la problématique "pour protéger l'environnement mondial et améliorer la qualité de la vie dans les établissements humains, nous nous engageons à respecter des modes durables de production, de consommation, de transport et d'urbanisation, à prévenir la pollution, à respecter la capacité des écosystèmes et à préserver les chances des générations futures" 3 . On assiste à la déclinaison de ces objectifs dans les droits international et national. " A Stockholm en 1972 et surtout au Sommet de la Terre qui s'est tenu à Rio en 1992, l'accent a été mis sur la nécessité de prendre simultanément en considération cinq dimensions du développement : · La première est la plus importante : elle combine la pertinence sociale et l'équité des solutions proposées puisque la finalité du développement est toujours éthique et sociale. ·
La seconde concerne la prudence écologique : les dernières décennies nous ont appris que l'intervention anthropologique dans le fonctionnement de notre planète et de la biosphère a pris une échelle qui porte en elle la menace de conséquences lourdes et irréversibles. La survie de l'espèce humaine est enjeu et par conséquent il n'est plus possible d'externaliser les effets environnementaux de nos actions sans s'en préoccuper aucunement. ·
La troisième dimension vise l'efficacité économique qui n'est qu'instrumentale, ce qui ne veut pas dire qu'elle n'est pas très importante. Il s'agit cependant de mieux situer l'économique et de mesurer son efficacité à l'aune des critères macro-sociaux et non simplement rentabilité micro-économique. Un des objectifs principaux des politiques publiques dans le cadre des économies mixtes est d'essayer de rendre les décisions 'micro" aussi conformes que possible aux critères macro-sociaux. · Une quatrième dimension est d'ordre culturel. Les solutions proposées doivent être culturellement acceptables, ce qui renvoie à un des problèmes les plus difficiles pour le "développeur" - celui de proposer le changement dans la continuité culturelle en évitant d'imposer des modèles exogènes mais, en même temps, en refusant de s'enfermer dans le traditionalisme immobile. ·
Finalement, il y a la dimension de territorialité, la nécessité de rechercher de nouveaux équilibres spatiaux, les mêmes activités humaines ayant des impacts écologiques et sociaux différents selon leur localisation. La planification socio-économique et l'aménagement du territoire doivent être pensés conjointement. L'approche connue sous le nom d'éco-développement essaie d'harmoniser ces cinq critères. Ce n'est pas une doctrine, ce n'est pas une théorie au sens strict du terme ; il s'agit d'une approche qui se veut opérationnelle."4 Il y a aujourd'hui un relatif consensus sur les objectifs du développement durable.
La panoplie des mesures et des outils à la disposition des Etats et de la communauté internationale recouvre les outils réglementaires traditionnels, les outils économiques (fiscaux ou relevant du marché) et les outils volontaires (reposant sur l'information). La recherche de stratégies triplement gagnantes des points de vue environnement, économie et équité, la stratégie dite des 3 E6 , repose sur une mobilisation des acteurs représentant les parties intéressées... Elle s'appuie sur des processus de décision qui permettent leur mobilisation stratégique, comme les Agendas 21 locaux, et l'évaluation notamment grâce des indicateurs de développement durable.
Mobilisateur, ce concept est néanmoins en butte à des appropriations abusives qui le vident de son sens, ce qui renforce le camp des sceptiques. Les enjeux en termes de ressources (eau, terre arable ou biodiversité…) et de pollution (comme le changement climatique) imposent en effet des changements profonds et non un affaiblissement des ambitions environnementales. Le développement durable c'est la prise de conscience que l'écologie c'est l'économie du long terme. La communauté de langue française doit aussi surmonter l'obstacle terminologique. La traduction française du terme anglais de "sustainable development" par développement durable le limite à la seule dimension temporelle, alors que la première traduction était développement soutenable.
L'État est vu comme un "écosystème" mettant en jeu une pluralité de dimensions - sociale, environnementale, urbanistique, économique, politique, etc. - et une pluralité d'acteurs, en interactions complexes. Dans un contexte de mondialisation, la gouvernance peut impliquer, entre autres intervenants, plusieurs États.."7 L'appropriation de cette notion de gouvernance par différents courants de pensée fait que ce terme revêt aujourd'hui de multiples significations et se prête à de multiples usages. Ce succès cache mal les fortes divergences, des convictions idéologiques différentes, voire opposées.
Certains y voient une réponse à la complexité, d'autres l'interprètent comme une justification idéologique de l'affaiblissement du rôle de l'Etat. Un rapport bibliographique8 (qui se situe dans la seconde vision) fait la distinction entre trois domaines : · L'ordre mondial et la gouvernance, c'est à dire les mécanismes de régulation internationale dans le contexte de la crise de la souveraineté étatique. ·
Les prescriptions liées à la "bonne gouvernance" vue par les institutions financières internationales qui imposeraient un nouveau modèle politique pour les pays emprunteurs limitant le rôle de l'Etat et s'appuyant sur la société civile et les acteurs privés. · Les enjeux de la gouvernance territoriale comme un moyen de renouveler les formes traditionnelles de l'action publique. En fait la gouvernance peut se décliner à des niveaux géographiques différents, on parlera de "gouvernance mondiale" pour la réflexion sur la réforme des Nations-Unies, et la maîtrise de la mondialisation. On parlera de "gouvernance européenne" pour traiter de la réforme des institutions européennes et des relations qu'entretiennent les collectivités locales et les partenaires du développement local avec ces institutions dans un contexte où les Etats jouent évidemment un rôle central.
Chaque niveau de décision a ses problèmes et ses enjeux, mais on peut trouver des points communs entre les pratiques : transparence et évaluation, jeu multiacteurs et négociation dans la recherche de consensus, approches de la complexité... La seconde composante de la gouvernance recouvre les relations entre le secteur public et privé. Le terme de "governance" vient du monde de l'entreprise, il a été utilisé par Ronald Coase, l'économiste américain, dans un article publié en 1937 : "the nature of the firm". Il avance l'hypothèse que l'entreprise est plus efficace que le marché pour organiser certains échanges. Certains reprochent à ce concept cette origine "suspecte". Il est intéressant de constater tout de même que le terme de "corporate governance" est traduit par "gouvernement d'entreprise". Le concept a réémergé en Angleterre dans les années 1980 dans le contexte de la gestion des collectivités locales.
Au même moment le terme de "good governance" a été employé au niveau international par les organismes de financement (Banque Mondiale…) pour définir les critères d'une bonne administration publique dans les pays soumis à des programmes d'ajustement structurel. Il porte alors autant sur l'efficacité de la gestion que sur la transparence pour lutter contre… la corruption. Il s'agit en général de penser les transformations des formes d'action publique dans le cadre d'une articulation nouvelle avec les intérêts privés. Dans le contexte du développement durable on considère que la gouvernance est un processus de décision collectif n'imposant pas systématiquement une situation d'autorité. Dans un système complexe et incertain, pour lequel les différents enjeux sont liés, aucun des acteurs ne dispose de toute l'information et de toute l'autorité pour mener à bien une stratégie d'ensemble inscrite dans le long terme.
Le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) donne la définition suivante "La gouvernance peut être considérée comme l’exercice de l’autorité économique, politique et administrative en vue de gérer les affaires d’un pays à tous les niveaux. Elle englobe les mécanismes, les processus et les institutions par le biais desquels les citoyens et les groupes expriment leurs intérêts, exercent leurs droits juridiques, assument leurs obligations et auxquels ils s’adressent en vue de régler leurs différends.
La bonne gouvernance se caractérise notamment par la participation, la transparence et la responsabilité. Elle se caractérise aussi par l’efficacité et l’équité. Elle assure la primauté du droit. La bonne gouvernance veille à ce que les priorités politiques, sociales et économiques soient fondées sur un large consensus au niveau de la société et à ce que les voix des plus démunis et des plus vulnérables puissent se faire entendre dans le cadre des prises de décision relatives à l’allocation des ressources nécessaires au développement."{3} Commentaire : la traduction littérale du terme de gouvernance s'impose aujourd'hui en français.
Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement, et sur le principe du pollueur/payeur. Les exigences en matière de protection de l'environnement doivent être intégrées dans la définition et la mise en œuvre des autres politiques de la Communauté." Au plan français le Code de l'environnement reprenant les éléments de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement stipule : "I. - Les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l'air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. II. - Leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état et leur gestion sont d'intérêt général et concourent à l'objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs.
Elles s'inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
1° Le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ;
2° Le principe d'action préventive et de correction, par priorité à la source, des atteintes l'environnement, en utilisant les meilleures techniques disponibles à un coût économiquement acceptable ;
4° Le principe de participation, selon lequel chacun doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement, y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses."9 Ces différents principes ouvrent une large voie pour la mise en place des outils économiques, qui se fondent principalement sur le principe pollueur/payeur.
Le principe pollueur/payeur Le principe pollueur/payeur a été adopté par l’OCDE en 1972, en tant que principe économique visant l’imputation des coûts associés à la lutte contre la pollution10. Ce principe est un des principes essentiels qui fondent les politiques environnementales dans les pays développés. Dans ses recommandations initiales de 1972 et 1974, l'OCDE énonce que le principe pollueur/payeur signifie "que le pollueur doit supporter "le coût des mesures de prévention et de lutte contre la pollution", mesures qui sont "arrêtées par les pouvoirs publics pour que l’environnement soit dans un état acceptable".
En d’autres termes, le pollueur doit supporter le coût des mesures qu’il est légalement tenu de prendre pour protéger l’environnement, telles que des mesures destinées à réduire les émissions de polluants à la source et des mesures destinées à éviter la pollution en traitant de façon collective les effluents de l’installation polluante et d’autres sources de pollution. En principe, le pollueur supporte la totalité des coûts de prévention et de lutte contre la pollution à l’origine de laquelle il se trouve. Sauf exceptions répertoriées par l’OCDE, le pollueur ne devrait recevoir de subventions d’aucune sorte pour lutter contre la pollution (subvention directe, facilités ou déductions fiscales pour les équipements de lutte contre la pollution, tarification insuffisante des services publics, etc.)." Le principe pollueur/payeur tel qu'il avait été défini en 1972 a été progressivement généralisé et étendu.
Le recours croissant aux régimes de responsabilité sans faute dans le domaine de la pollution devrait contribuer à augmenter les cas où le pollueur sera tenu de supporter les coûts des dommages. La nécessité d’internaliser les coûts des dommages a été clairement reconnue avec l’utilisation croissante des instruments économiques qui mettent à la charge des pollueurs une redevance ou une taxe au prorata de la pollution émise.
L’imposition d’une redevance ou d’une taxe de pollution d’un niveau approprié permet en effet d’internaliser les coûts des dommages. · Extension aux pollutions accidentelles En 1988, l’OCDE a reconnu que le principe pollueur/payeur était également applicable aux pollutions accidentelles : le coût des mesures de prévention des pollutions accidentelles et le coût des mesures de lutte contre ces pollutions devraient être imputés aux auteurs potentiels de telles pollutions, incluant le coût des mesures prises pour lutter contre cette pollution, y compris pour remettre l’environnement en état. · L’internalisation généralisée Le stade ultime vise l’internalisation totale des coûts de la pollution.