Examen corrige sur le bail commercial

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Faculté de Droit de Lyon
Fiche à jour au 1er novembre 2008
FICHE PEDAGOGIQUE VIRTUELLE
Diplôme : Licence, 3ème semestre
Matière : Droit des Affaires
Web-tuteur : Olivier ROLLUX
EXERCICE N°3–CAS PRATIQUE
ENONCE
JACQUES exploite depuis 1990 un fonds de commerce de vente de prêtà-porter pour hommes au rez-de-chaussée du GRAND HOTEL de Biarritz. Son commerce est florissant car parmi les 20 entreprises installées dans l’enceinte de l’hôtel, il est le seul à vendre des vêtements. Il dispose en outre d’un accès direct depuis l’extérieur de l’hôtel, avec quelques places de parking et une belle enseigne.
Désireux de cesser son activité, il s’est rapproché de PIERRE, jeune commerçant, très intéressé pour racheter le fonds. JACQUES a communiqué à PIERRE l’ensemble des documents notamment comptables concernant le fonds. Il découvre que les locaux sont occupés au titre d’un bail commercial, consenti par la SCI GRAND HOTEL, propriétaire de l’immeuble.
Le gérant de la SCI, souhaitant récupérer les murs abritant le fonds de JACQUES, indique à PIERRE que la cession du fonds est impossible et que le bail ne sera pas renouvelé. Il prétend que la clientèle de JACQUES est en réalité celle de l’hôtel.
JACQUES vous demande si la position du propriétaire est fondée et s’il existe un obstacle à la cession de son fonds.
PIERRE examine plus amplement le bail. Il découvre une clause selon laquelle « toute cession ou sous location du bail devra intervenir par acte notarié auquel le Bailleur sera appelé ». Il s’interroge sur la licéité de cette clause car il ne souhaite pas faire appel à un notaire pour réaliser la cession.
Las de ces difficultés, PIERRE décide d’abandonner le projet. Il a en effet repéré un fonds de commerce à vendre, un peu plus loin, dans une rue piétonne très fréquentée. HENRI, propriétaire du fonds, est disposé à vendre rapidement et à revoir le prix à la baisse à condition que la promesse de vente soit signée sous deux jours. Dans un souci d’économie, et avec l’accord de HENRI, PIERRE décide de ne pas faire appel à un professionnel du droit pour rédiger la promesse et trouve un modèle d’acte sur internet. Il découvre une rubrique « Origine de propriété du fonds » et ne sait pas ce que cela veut dire. Les parties décident donc de passer outre.
ELEMENTS DE CORRECTION
Sur la possibilité pour JACQUES de céder son fonds de commerce
Le propriétaire des murs oppose à JACQUES que la clientèle est celle de l’hôtel et non la sienne. Or, parmi les éléments qui composent un fonds de commerce, il en est un essentiel : la clientèle. A défaut de clientèle, pas de fonds de commerce.
Il appartient donc à JACQUES qu’il existe une clientèle attachée à son activité.
La jurisprudence a défini les contours de la notion de clientèle : elle doit être personnelle à l’exploitant, autrement dit être autonome.
Une difficulté peut surgir lorsque l’exploitant développe son activité dans l’enceinte d’un autre établissement. Tel est le cas en l’espèce, l’activité de JACQUES étant déployée dans la galerie d’un hôtel.
L’enjeu est de taille, car l’existence ou non d’une clientèle personnelle conditionne l’application du statut des baux commerciaux, en vertu des articles L.145-1 et L.145-8 du Code de commerce.
La question qui se pose est celle de savoir si JACQUES dispose d’une clientèle qui lui est personnelle.
Après une longue évolution, la Cour de cassation a assoupli sa position. Elle a en effet retenu, dans un arrêt du 19 janvier 2005, que « le statut des baux commerciaux s'applique aux baux de locaux stables et permanents dans lesquels est exploité un fonds de commerce ou un fonds artisanal, ces fonds se caractérisant par l'existence d'une clientèle propre au commerçant ou à l'artisan, que, toutefois, le bénéfice du statut peut être dénié si l'exploitant du fonds est soumis à des contraintes incompatibles avec le libre exercice de son activité ; qu'ayant relevé que la réalité de l'activité commerciale de Mme X Y et l'existence de marchandises offerte à la vente n'étaient pas contestées, que le magasin était accessible à une clientèle autre que celle de l'hôtel et que lui était adressée par des tiers une clientèle extérieure variée de touristes et de résidents Saint-Martinois et retenu que les contraintes imposées à Mme X Y par le règlement intérieur de l'hôtel ne constituaient pas une entrave effective à son activité commerciale, faisant ressortir ainsi l'absence de contraintes incompatibles avec le libre exercice de celle-ci, la cour d'appel, qui en a justement déduit que, Mme X Y était fondée à se prévaloir du bénéfice du statut des baux commerciaux, a légalement justifié sa décision ; »
Il ressort des faits de l’espèce que JACQUES n’est pas soumis, si tant est qu’il existe, à un règlement intérieur conditionnant notamment les heures d’ouverture de son commerce, dans la mesure où il dispose d’un accès depuis l’extérieur.
Il n’est au surplus pas certain que les clients se rendent avant tout dans les lieux pour un hébergement à l’hôtel.
Dans ce contexte, on peut raisonnablement penser que JACQUES est titulaire d’une clientèle propre, outre celle qui compose l’hôtel.
Dès lors, il peut valablement revendiquer le statut des baux commerciaux et obtenir le renouvellement de son bail conformément à la loi sur la propriété commerciale.
Sur la clause du bail
Le bail commercial « est souvent l’élément principal qui détermine l’attachement de la clientèle » (F. Dekeuwer-Défossez).
Dès lors, il est indispensable de permettre à l’exploitant de céder le bail dans le même temps que le fonds.
Cette nécessité a été prise en compte par le législateur. L’article L.14516 du Code de commerce prévoit en effet que « Sont également nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ».
La question qui se pose est celle de savoir si la clause du bail selon laquelle « toute cession ou sous-location du bail devra intervenir par acte notarié auquel le Bailleur sera appelé » est susceptible de tomber sous la prohibition édictée par l’article L.145-15 du Code de commerce.
A cet égard, la Cour de cassation opère une distinction entre les clauses limitatives ou restrictives de cession et les clauses d’interdiction de cession.
Les clauses limitatives ou restrictives de cession sont réputées licites par la Cour de cassation. Dans un arrêt du 2 octobre 2002, la troisième Chambre civile a rappelé le principe selon lequel « sont nulles, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail à l'acquéreur de son fonds de commerce » tout en précisant que « la prohibition des clauses d'interdiction de céder le bail à l'acquéreur du fonds de commerce ne s'applique qu'à une interdiction absolue et générale de toute cession et non à de simples clauses limitatives ou restrictives ».
En l’espèce, la clause litigieuse n’interdit pas la cession du bail et n’encourt donc pas la censure édictée par l’article L.145-15 du Code de commerce.
Les parties doivent néanmoins veiller au respect de la clause, sous peine d’inopposabilité de la cession au bailleur.
Sur la mention de l’origine de propriété dans la promesse de vente dufonds de HENRI
L’acte de vente d’un fonds de commerce est soumis à un formalisme strict. L’article L.141-1-I° du Code de commerce édicte en effet la liste des mentions obligatoires devant y figurer :
« I. - Dans tout acte constatant une cession amiable de fonds de commerce, consentie même sous condition et sous la forme d'un autre contrat ou l'apport en société d'un fonds de commerce, le vendeur est tenu d'énoncer :
1° Le nom du précédent vendeur, la date et la nature de son acte d'acquisition et le prix de cette acquisition pour les éléments incorporels, les marchandises et le matériel ;
2° L'état des privilèges et nantissements grevant le fonds ;
3° Le chiffre d'affaires qu'il a réalisé durant les trois exercices comptables précédant celui de la vente, ce nombre étant réduit à la durée de la possession du fonds si elle a été inférieure à trois ans ;
4° Les bénéfices commerciaux réalisés pendant le même temps ;
5° Le bail, sa date, sa durée, le nom et l'adresse du bailleur et du cédant, s'il y a lieu. »
Le 1°/ du texte vise expressément la mention dite de l’origine de propriété du fonds, information manquante en l’espèce, les parties ayant décidé de passer outre.
La question qui se pose est celle de savoir quelles sont les conséquences de l’inobservation de cette mention.
A cet égard, l’article L.141-1-II° précise que « l'omission des énonciations ci-dessus prescrites peut, sur la demande de l'acquéreur formée dans l'année, entraîner la nullité de l'acte de vente ».
La sanction est donc la nullité relative de la cession car elle peut être demandée par l’acquéreur seul. Cette nullité est également facultative car l’acquéreur doit démontrer que l’absence de la mention lui a causé un préjudice. A défaut, le juge ne prononcera pas la nullité. A cet égard, la jurisprudence estime que la nullité n’a pas à être prononcée lorsque le défaut d’information est sans conséquence sur la valeur du fonds (Com. 17 novembre 1998).
Tel semble être le cas en l’espèce, la mention de l’origine de propriété n’ayant aucun rapport avec la question de la valeur du fonds cédé. La nullité ne sera vraisemblablement pas prononcée de ce chef.
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