Livre de management de la qualité
MANAGEMENT DE LA QUALITÉ PAR UNE APPROCHE PROCESSUS
Rappelons que le management de la qualité a comme mission de planifier, maî- triser, assurer et améliorer la qualité. Dans un premier temps nous développerons le concept d’assurance de la qualité puis nous présenterons le management de la qualité par une approche processus. Ce management peut être facilité en s’appuyant sur des modèles généraux (type ISO 9001) ou spécifiques à une branche d’activités.
1. ASSURANCE DE LA QUALITÉ
L’assurance de la qualité est définie comme la probabilité d’obtenir des produits correspondant au niveau de qualité requis. La confiance que l’on peut avoir dans un projet ou dans une fabrication augmente lorsque les précautions sont accrues et les risques limités. Elle s’appuie sur une organisation, matérialisée par un manuel qui a pour but de prouver l’obtention de la qualité que l’on est en droit d’attendre. Notons également, que dans le terme assurance, il y a la notion d’investissement préventif, destiné à garantir le succès de l’opération. Il appartient au client de vérifier que le référentiel et l’organisation d’assurance qualité proposés par le fabricant sont compatibles avec ses besoins.
Définition ISO 9000 : 20001 : « Assurance de la qualité : partie du management de la qualité visant à donner confiance en ce que les exigences pour la qualité seront satisfaites ».
2. SITUATION – MODÈLE DE GIGOUT
Une démarche qualité type consiste à :
1. Garantir le produit que l’on vend contre tous vices de fabrication.
2. Sensibiliser le personnel en lui montrant que la qualité, c’est l’affaire de chacun.
3. Créer une structure (avec des moyens matériels et humains) pour garantir la pérennité de la démarche entreprise.
Si au début la démarche est séquentielle, à terme il faut essayer de progresser suivant ces trois axes. La qualité peut se comparer à un vecteur à trois composantes (modèle de Gigout).
3. APPROCHE PROCESSUS
3.1 Notion de processus
Il est recommandé à l’organisme d’identifier ses principaux processus. Bien que la modélisation « boîte noire » avec entrées et sorties soit familière à chacun, on ne sait pas toujours par où commencer. D’autre part l’identification des processus (suite d’activités) est plus ou moins aisée, ils ne peuvent pas toujours être décrits séquentiellement (chevauchement) et peuvent avoir des interactions complexes. L’appel à un informaticien consultant en génie industriel, habitué à ce genre d’analyse, peut être bénéfique.
On peut par exemple commencer par les sorties clients. Ce terme est volontairement au pluriel car même pour une entreprise manufacturière le produit est rarement unique et de plus il est toujours accompagné de produits et services associés (comme par exemple le conditionnement, la notice d’emploi, les brevets, les autorisations de mise sur le marché, etc.). À partir de l’identification des processus directement liés au client, on peut définir les entrées (matérielles et organisationnelles) qui deviendront les sorties des processus en amont (notion de client interne).
On peut définir différents nivaux de processus (par exemple d’un atelier d’emboutissage à un poste de travail), mais tous devront être gérés suivant le principe de la roue de Deming (PDCA) vue au chapitre 2. Il faut garder en mémoire qu’un processus est mis en œuvre pour atteindre un ou des objectifs. Pour savoir s’ils sont atteints, il faudra analyser les mesures obtenues à l’aide d’indicateurs associés (on parlera d’instrumenter les processus).
3.2 Typologie des processus
En s’inspirant de la norme AFNOR FDX 50-176, la plupart des entreprises déclinent leurs processus en :
• Processus de réalisation.
• Processus supports.
• Processus de management.
Certaines entreprises, « séparent » des processus de direction, les processus de mesure (enquêtes clients, audits) et plus généralement tout ce qui relève d’une démarche d’amé- lioration continue.
Les processus peuvent se définir par un verbe. Par exemple :
• Processus de réalisation : vendre, concevoir, acheter, fabriquer, soutenir à l’usage...
• Processus support : gérer les ressources humaines, gérer les ressources matérielles, maintenir, gérer le système d’information...
• Processus de direction : définir une stratégie, organiser, planifier, communiquer,...
• Processus d’amélioration : gérer la qualité (enquêtes, audits, documents du système qualité, analyse et traitements des données, indicateurs...).
3.3 Cartographie des processus
La cartographie des processus est un outil graphique montrant les interactions entre les différents processus recensés. Ce recensement est moins évident qu’il n’y parait au premier abord. On peut commencer par les processus de réalisation qui sont assez vite identifiés. Des regroupements thématiques sont envisageables pour de petits processus générant peu de valeurs. La cartographie peut se faire à plusieurs niveaux (comme pour les cartes routières). Il faut éviter une prolifération de macro processus. Chaque macro processus peut ensuite être analysé plus finement. Ce document sera d’une grande utilité pour décrire et analyser ce qui se passe dans l’entreprise. Il est bien sûr utile à la personne extérieure qui peut comprendre très rapidement les métiers que maîtrise l’entreprise mais aussi à l’employé qui perçoit mieux « sa place dans le système et son implication vis-à-vis du client ». Ce n’est pas un document figé, il peut évoluer au même titre que l’entreprise. Certaines entreprises s’aident pour créer leur cartographie de l’approche « Balanced Scorecard »1 ou « tableau de bord équilibré et prospectif ».
Une approche BSC utilise :
• une carte stratégique (les objectifs stratégiques sont observés sous quatre angles : finances, clients, processus, perspectives) ;
• un tableau de performances (atteindre la cible en valeur et en délais) ;
• un plan d’action pour atteindre la performance recherchée.
Suivant les objectifs stratégiques retenus par la direction, il est intéressant au fil du temps de voir qu’elle est l’implication des processus retenus (découpage initial). Si elle est faible pour certains, on peut légitimement se poser des questions sur l’utilité de ces processus en question.
3.4 Exemples de cartographie de processus
3.4.1 PME de mécanique générale
3.4.2 Entreprise de service (formation)
À titre d’illustration, nous donnons l’exemple d’analyses de processus appliqués à un département d’Institut Universitaire de Technologie (Organisation et Génie de la Production). Cette entité de formation peut être vue comme une entreprise de service. Notons à ce propos, que l’attribution d’un type de processus est conditionné par le domaine d’activité de l’entreprise. Par exemple le processus formation (généralement catalogué comme support) devient processus réalisation dans un centre de formation.
Cette cartographie peut également servir de portail d’entrée du système qualité (liens hypertextes).
3.5 Maîtriser l’interfaçage des processus
Les sorties d’un processus ne devraient même pas être précisées puisqu’elles doivent correspondrent aux entrées des processus avals. La plupart des problèmes provient de la difficulté de communication entre processus. À l’intérieur d’un processus, le plus souvent tout se passe bien, les opérateurs sont des professionnels qui connaissent leurs métiers. Par contre ils vont échanger des données avec d’autres processus, c’est là que l’on va rencontrer des problèmes de formatage de ces données, des manques, des incompréhensions, etc.
3.5.1 Analyse des processus par la maîtrise des risques
Certains présentent le processus comme une combinaison d’activités destinées à maî- triser un type de risque particulier. Il faut préciser la cible de chaque processus et préciser et évaluer le risque qu’il y a à s’écarter de la cible. A partir de la cible client, on peut déployer les cibles pour les processus amonts. Pour que ces risques ne se produisent pas, on peut envisager une étude de type « AMDEC », pour rendre les processus plus robustes, sur les points précédemment cités :
• la conformité ;
• les délais ;
• les coûts ;
• la sécurité ;
• l’environnement.
Trois leviers ont été répertoriés pour limiter les risques :
• les moyens disponibles (ressources humaines et matérielles) ou que l’on peut acquérir (intérim, achat de biens...) ;
• les compétences (formation, sensibilisation...) ;
• les méthodes (procédures, normes, postes en autocontrôle...).
3.5.2 Piloter le processus
Chaque processus doit être « piloté » par un responsable. Dans certaines entreprises, la photographie des pilotes est incluse dans la cartographie, la responsabilité n’en est que renforcée. En théorie, un pilote de processus n’est pas obligatoirement un chef de service, il peut avoir une responsabilité plus transversale. Il n’en demeure pas moins qu’il doit avoir une certaine autorité (reconnue) pour mener à bien sa mission. L’ensemble des responsabilités et pouvoirs doit être parfaitement défini. Pour piloter, il a besoin de recueillir des informations lui permettant de juger la bonne marche du processus en question. On a vu éclore une multitude d’indicateurs, plus ou moins pertinents. Un indicateur qui n’est pas pris en compte, ou si l’information fournie ne peut en rien permettre de faire évoluer les divers processus ne sert à rien. En moyenne, on retrouve souvent quatre indicateurs par processus. L’indicateur n’est pas obligatoire, ce n’est qu’un moyen. Il peut être couplé à d’autres types de saisies d’informations.
3.5.3 Exemples d’indicateurs
Initialisation des indicateurs : les objectifs ne sont pas toujours faciles à quantifier (l’année précédente peut être prise comme référence d’initialisation).
• Indicateurs de management
– Surveillance des autres processus en analysant les écarts entre la performance réelle et celle escomptée (objectifs à atteindre).
• Indicateurs de ressources humaines
– Efficacité des formations : en fonction des évaluations des formés et des évolutions constatées par les supérieurs hiérarchiques des formés.
– % du plan de formation réalisé.
– Entretien de professionnalisme : 100 % des personnes doivent être « écoutées » dans l’esprit d’une démarche d’amélioration (problème d’anomalie interne, éviter les non-dits, écoute du personnel, etc.)
– Grille d’adéquation entre les compétences requises pour l’entreprise et les compétences potentielles des employés. Les entretiens peuvent aider à remplir cette grille en découvrant des compétences particulières des employés.
– Enquête de satisfaction du personnel (condition matérielle, opportunité d’évolution,...).
– Taux d’absentéisme.
– Accidents du travail.
4. MODÈLES DE MANAGEMENT DE LA QUALITÉ
4.1 Origine
Pour s’assurer de la conformité du produit, la méthode qui semble la plus évidente a priori est d’instaurer un contrôle de façon à éliminer les éléments défectueux. Cette technique a comme inconvénients :
• un coût élevé pour le fabricant (le contrôle nécessite des moyens et n’apporte pas de valeur ajoutée d’élaboration du produit) ;
• un coût élevé pour l’acheteur (redondance du contrôle si le client est méfiant sur la qualité fournie) ;
• de ne constater que des défauts sans proposition d’amélioration (rôle passif) ;
• de ne pas être utilisable pour les contrôles destructifs (par exemple la vérification du bon fonctionnement d’une allumette).
Afin de créer un partenariat entre le fournisseur et l’acheteur (assurance de la qualité) on introduira la notion de certification.
On distinguera :
• la certification des produits ;
• la certification des services ;
• la certification des opérateurs ;
• la certification des entreprises.
Il ne faut surtout pas voir de hiérarchie dans ces types de certifications. Elles répondent chacune à leur manière à un besoin précis.
4.2 Certification des produits et des services
Certifier un produit c’est attester que l’on a mis en œuvre des moyens d’essais en conformité avec une norme (établie en concertation avec les producteurs et les utilisateurs). Le certificat de qualification est délivré par un organisme neutre. Citons par exemple les matériels électriques, de puériculture et les jouets. En France le certificat le plus connu est la marque NF délivrée par l’AFNOR (la demande est faite par le producteur). Notons une démarche analogue, plus récente, de certification de services (transport, déménagement, etc.). Elle permet de garantir la qualité (au sens de la prestation fournie) qu’est en droit d’attendre le client.
4.3 Certification des opérateurs
Lorsque le travail des opérateurs correspond à des tâches à haut risque potentiel (comme la soudure dans le matériel nucléaire), le client peut exiger une certification1 garantissant leur compétence à maîtriser certains processus. Cette compétence peut par exemple être garantie par l’État.
4.4 Certification des entreprises
Les produits ne sont pas toujours fabriqués en grande série, de plus il peut s’agir de services, de logiciels, etc ..., c’est pourquoi il peut paraître plus judicieux de certifier toute l’entreprise. Agréer ou qualifier une entreprise, c’est s’assurer que cette dernière maîtrise ses processus de production et devrait logiquement fournir une qualité constante. Historiquement, ce sont les grands donneurs d’ordre qui ont commencé à certifier des sous-traitants (fournisseurs). Citons, par exemple, la reconnaissance de conformité à l’AQUAP 1102 délivrée par la DGA (Délégation Générale pour l’Armement). En France, en 1974, l’EDF a lancé le mouvement de démarche d’assurance qualité avec le programme nucléaire.
Des démarches analogues existent dans d’autres pays. Pour homogénéiser la certification, l’ISO propose une méthodologie qui peut se résumer par :
• la mise en place d’un système de management de la qualité selon des critères conformes à des normes internationales (Normes ISO 9000),
• l’homologation du système de management de la qualité par un organisme accréditeur indépendant (certification par tierce-partie) qui peut se traduire par l’obtention d’un certificat à validité limitée (par exemple : 3 ans).
Remarque : les laboratoires qui fournissent un service de mesure, d’étalonnage ou d’essai devront garantir la qualité de leur prestation. Pour cela ils doivent être sous la tutelle d’un organisme d’État chargé de vérifier cette disposition, on parlera d’accré- ditation du laboratoire1 .
4.4.1 Objectifs de la certification
Dans un premier temps cela permet à toute l’entreprise de gérer l’obtention de la qualité de ses produits, de ses services à l’aide d’un modèle reconnu ayant fait ses preuves, mais c’est aussi et surtout apporter la preuve de cette qualité au client et à l’actionnaire, en lui garantissant un niveau d’organisation agréé par un organisme neutre.
4.4.2 Avantages de la certification
La certification a comme premier objectif de donner confiance au client. Elle va rendre également l’entreprise plus « robuste » par la formalisation, la transparence de la politique qualité et surtout la mise en mémoire du « savoir-faire » de l’entreprise.
4.4.3 Inconvénients de la certification
Dans un premier temps, il y a le risque de percevoir la recherche de certification comme une expérience contraignante et n’apportant que peu de valeur ajoutée. En dehors de la formalisation qui peut paraître lourde, la certification a un coût non négligeable. Cet investissement ne peut être rentabilisé qu’au bout d’un temps assez long, par diminution des coûts d’obtention de la qualité.
5. LES MODÈLES ISO 9000
En 1987, paraît la première version des normes ISO 9000. Applicables à tout secteur économique, elles ont comme objet de standardiser les différents modèles de management de la qualité existants. En fait si elles ne supplantent pas complètement les systèmes existants, elles serviront de base (ou de tronc commun) pour tous les modèles futurs de management de la qualité entre fournisseurs et clients. En 1994, ces normes ont été révisées pour une meilleure homogénéisation.
5.1 Les normes « ISO 9000 : Version 2000 »
La version 2000 n’est pas une simple amélioration, elle correspond à une refonte complète. Si l’ancienne version était surtout basée sur la notion de procédure, la nouvelle vise plus à décrire les processus nécessaires pour atteindre les objectifs de l’entreprise, particulièrement ceux concernant le client. Elle propose également une simplification du nombre de documents et du vocabulaire employé. Cette dernière version est aussi bien adaptée aux entreprises manufacturières qu’aux entreprises de services.
…
5.1.2 Un vocabulaire simple
Dans la relation « clients – fournisseurs », on peut distinguer les fournisseurs (anciennement appelés sous-contractants) de matière première et de composants, les fournisseurs de biens d’équipements et aussi les fournisseurs de prestations intellectuelles (formations, conseils, etc.). L’organisme (anciennement appelé fournisseur) est l’entité à laquelle on applique le management de la qualité.
5.1.3 La famille « ISO 9000 »
L’ISO1 propose un groupe complet de normes pour mettre en place un système de management de la qualité. Aux normes internationales citées ci-dessous, pourront s’ajouter les normes nationales traitant du même sujet2 .
5.1.4 Principales normes qualités
• ISO 19011 (Décembre 2002) : Lignes directrices pour l’audit des systèmes de management de la qualité et/ou de management environnemental
• ISO 10002 (Juillet 2004) : Management de la qualité – Satisfaction des clients – Lignes directrices pour le traitement des réclamations dans les organismes
• ISO 10005 (Septembre 1995) : Management de la qualité – Lignes directrices pour les plans qualité
• FD ISO 10006 (Décembre 2003) : Systèmes de management de la qualité – Lignes directrices pour le management de la qualité dans les projets
• FD ISO 10007 (Novembre 2003) : Systèmes de management de la qualité – Lignes directrices pour la gestion de configuration
• ISO 10012 (Septembre 2003) : Systèmes de management de la mesure – Exigences pour les processus et les équipements de mesure
• ISO/TR 10013 (Juillet 2001) : Lignes directrices pour le développement de la documentation sur les systèmes de management de la qualité
• ISO/TR 10014 (Août 1998) : Lignes directrices pour le management des effets économiques de la qualité
• ISO 10015 (Décembre 1999) : Management de la qualité – Lignes directrices pour la formation
• ISO/TS 16949 : 2002 (Mars 2002) : Systèmes de management de la qualité – Exigences particulières pour l’application de l’ISO 9001 : 2000 pour la production de série et de pièces de rechange dans l’industrie automobile
• ISO/TR 10017 (Mai 2003) : Lignes directrices pour les techniques statistiques relatives à l’ISO 9001 : 2000
• ISO/CEI 17025 : 1999 (Décembre 1999) : Prescriptions générales concernant la compétence des laboratoires d’étalonnages et d’essais
5.1.5 Aspect environnemental
• ISO 14001 : 2004 (Novembre 2004) : Systèmes de management environnemental – Exigences et lignes directrices pour son utilisation
5.1.6 Aspect sécurité
Il n’existe pas de consensus international pour définir une norme commune portant sur la sécurité. On peut, par exemple, se référer au système privé suivant :
• OHSAS 18001 : Occupational Health and SAfety management Systems – specification (Gestion de la santé et de la sécurité au travail)
5.1.7 Aspect développement durable
Aux aspects précédemment cités, on cherchera à rajouter une composante sociale et éthique. Certaines entreprises ont défini leur propre éthique (travail à partir d’un âge minimum, éviter la discrimination, temps de travail, salaire, etc.).
On peut citer, par exemple comme normes de synthèse :
• FD X30-021 (Mai 2003) SD 21000 – Développement durable – Responsabilité socié- tale des entreprises – Guide pour la prise en compte des enjeux du développement durable dans la stratégie et le management de l’entreprise
• SA 8000 : Norme sociale internationale, mise au point en octobre 1997 par une organisation américaine de consommateurs (Council on Economic Priorities Accreditation Agency).