Stratégie d’impartition ou d’intégration : "sous-traiter" ou "embaucher" ?

Introduction 

Se faire aider ou tout faire soi-même. Tel est le dilemme auquel les dirigeants des entreprises devront faire face. Est-ce qu’il est plus judicieux de sous-traiter par exemple ou de produire le max d’éléments possible en interne ?

A titre de rappel, toute entreprise a pour objectif de créer de la valeur. Pour ce faire, elle se doit initialement de marchander un produit ou un service afin de pouvoir produire et vendre elle-même. Donc, afin d’atteindre son but ultime, elle peut avoir recours à l’externalisation pour produire ledit produit ou service. Ou elle peut développer des compétences lui permettant de réaliser elle-même un maximum de matières nécessaires pour sa production au sein de différents ateliers.

Entre stratégie d’impartition ou d’intégration, il n’y a pas de réponse claire et tranchée sur le sujet. De nombreuses entreprises décident de sous-traiter certaines activités et de garder d’autres pour des raisons de confidentialité ou de stratégie. Ces choix stratégiques sont pris sur la base d’éléments quantitatifs (telles des études de faisabilité ainsi que des comptes de produits et de charges prévisionnels prenant en considération les divers scénarii) et sur la base d’éléments qualitatifs (comme des réglementations, ou orientations du groupe d’appartenance de l’entreprise, etc.). D’abord, la stratégie d’impartition (soit d’externalisation) sera présentée, suivie par la stratégie d’intégration, tout en indiquant les avantages et les inconvénients de chacune et en s’attardant sur les formes de chacune de ces stratégies.

Contenu:

Introduction

1. Stratégie d’impartition

1.1. Définition de la stratégie d’impartition

1.2. Avantages et inconvénients de la stratégie d’impartition

1.3. Formes de la stratégie d’impartition

1.3.1. Sous-traitance

1.3.2. Concession

1.3.3. Agrément

1.3.4. Franchise

1.3.5. Groupement d’Intérêt économique

1.3.6. Filiale commune ou joint-venture

1.3.7. Alliance et partenariat

2. Stratégie d’intégration

2.1. Définition de la stratégie d’intégration

2.2 Avantages et inconvénients de la stratégie d’intégration

2.3. Formes de stratégies d’intégration

2.3.1. Acquisition simple

2.3.2. Fusion

2.3.3. Fusion-absorption

2.3.4. Scission

2.3.5. Apport partiel d’actif

Conclusion

1. Stratégie d’impartition

1.1. Définition de la stratégie d’impartition

Egalement appelée externalisation, l’impartition pour une entreprise est la stratégie de confier à des partenaires extérieurs la réalisation de certaines activités.

La stratégie d’impartition est aussi nommée stratégie d’externalisation ou d’alliance. Pour un but stratégique, plusieurs entreprises peuvent s’allier tout en restant indépendantes les unes des autres et demeurées concurrentes. Ou au contraire, l’entreprise peut choisir de confier certaines de ses activités (non stratégiques) à d’autres entreprises.

1.2. Avantages et inconvénients de la stratégie d’impartition 

Les contrats d’impartition procurent de nombreux avantages pour les entreprises qui les adoptent tels que la pénétration d’un marché étranger. Des inconvénients peuvent également surgir comme la dépendance d’une entreprise partenaire.
AvantagesInconvénients
  • Pallier les faiblesses de l’entreprise ;
  • Trouver des moyens (techniques ou humains) à moindre prix ;
  • Pénétrer un marché étranger ;
  • Certaine dépendance envers les entreprises partenaires ;

1.3. Formes de la stratégie d’impartition 

Il n’est pas rare aujourd’hui que les entreprises confient à un tiers une partie ou la totalité d’un travail … Entre sous-traitance, concession, agrément, franchise, GIE, joint-venture, alliance et partenariat, les contrats d’impartition diffèrent.

1.3.1. Sous-traitance 

La sous-traitance est un choix économique. L’entreprise, dite donneur d'ordre, délègue certaines tâches (totalement ou partiellement) à une autre entreprise, dite sous-traitant ou preneur d’ordre. Cette dernière ne dispose d'aucune initiative. Elle doit réaliser le travail conformément au plan et spécifications précisées par l’entreprise (donneur d'ordre) comme indiqué au niveau du cahier des charges. Le preneur d’ordre a une garantie de débouchés en contrepartie du respect des consignes et du temps imparti. Cependant, généralement, il n’a qu’un ou peu de clients qui représentent un pourcentage important de son chiffre d’affaires, vu que son activité est, très probablement, spécialisée. Le preneur d’ordre est dépendant, commercialement parlant vis-à-vis du donneur d'ordre.

Le donneur d'ordre, quant à lui, bénéficie de la technicité du preneur d’ordre tout en augmentant la souplesse de fonctionnement et en reportant au preneur d’ordre les éventuels coûts financiers (fluctuation des matières premières) et sociaux (bénéficier d’une main d’œuvre moins cher dans un autre pays) de certaines activités. Parmi les avantages et les inconvénients de la sous-traitance, on peut citer :

AvantagesInconvénients
  • Le donneur d’ordre a plus de flexibilité ;
  • Le donneur d’ordre peut se consacrer à son ou ses domaines d’activité ;
  • Synergies externes ;
  • Marge bénéficiaire du preneur d’ordre ;
  • Le preneur d’ordre est fragilisé de par sa dépendance par rapport au donneur d’ordre ;
  • Le donneur d’ordre est tributaire de la réalisation de la tâche par le preneur d’ordre ;
  • Perte de certains savoir-faire du donneur d’ordre ;

1.3.2. Concession 

La concession peut être considérée comme un mode de distribution sélectif et éventuellement exclusif. Il s’agit d’un contrat durable par lequel une entreprise (dite le concédant) réserve la distribution de ses produits ainsi que son assistance technique (à titre d’exemple des formations) à une autre entreprise indépendante (nommée ici le concessionnaire). En général, une clause d’exclusivité géographique est incluse dans le contrat ainsi que des obligations telles que le respect de quotas de vente, la participation homogène aux actions promotionnelles, etc. Autrement dit, l’entreprise concessionnaire accepte un contrôle commercial, comptable de son entreprise et dans certains cas, elle s'engage a? s'approvisionner exclusivement chez le concédant.

1.3.3. Agrément 

L’agrément est un accord entre des entreprises n’impliquant aucune exclusivité. Il s’inscrit également dans le contexte de politique de distribution intensive (soit la distribution des produits dans un maximum de points de vente comme le logo et la charte graphique et l’architecture du point de vente). L’agrément est utilisé pour couvrir un secteur géographique important afin d’augmenter les ventes et par conséquent la part de marché de l’entreprise. Il est primordial, dans ce cas, que l’entreprise soit capable de fournir à ses distributeurs des quantités importantes dans des délais très courts (afin d’éviter la rupture de stock). A la différence de la concession, l’agrément n’interdit pas aux distributeurs de vendre des produits concurrents et l’entreprise concédant peut désigner d’autres distributeurs dans une même zone géographique. Toutefois, à l’instar de la concession, l’entreprise concédant a toujours la possibilité de fixer les conditions de commercialisation de son produit et le distributeur peut décider des actions promotionnelles de l’entreprise concédant.

1.3.4. Franchise 

La franchise est un contrat par lequel une entreprise (dite franchiseur) met à la disposition d’une autre (dite franchisée) ses éléments incorporels moyennant une redevance pendant une durée déterminée. Les éléments incorporels sont notamment la marque commerciale et l’identité visuelle (soit signes de ralliement de la clientèle), le savoir-faire (identifié, consigné, formalisé dans un document et à travers une formation) ainsi que l’assistance technique et commerciale. Aussi, l’entreprise franchisée garde son indépendance et se doit de respecter du concept de l’entreprise franchiseur selon le manuel opératoire fixé à l’avance. Les franchisées sont, donc, un réseau structuré d’un ensemble d’entrepreneurs indépendants rassemblés sous les signes de ralliement du franchiseur qui paient le droit d’utiliser un concept. L’entreprise franchiseur peut, aussi, proposer à son réseau de franchisés la mise à disposition d’une équipe d’encadrants, l’organisation de réunions et des outils de communication afin de pouvoir partager les expériences des uns et des autres.

1.3.5. Groupement d’Intérêt économique 

Le Groupement d’Intérêt Économique est une forme intermédiaire entre l’association et la société. C’est un accord par lequel au minimum deux entreprises créent une personne morale (dite GIE) pour une durée déterminée en mettant en commun des activités et des moyens. Les entreprises membres sont co-responsables des dettes et créances du GIE. Le Groupement d’Intérêt Économique rassemble différentes entreprises avec l'objectif de développer leur activité grâce au regroupement de certaines fonctions tout en conservant leur individualité. Comme le dit l'adage, “l'union fait la force”. Beaucoup d’entreprises n’ont pas les moyens de réaliser des études, de prendre en charge des frais de prospection à l’étranger ou de réaliser un projet d’envergure, le GIE permet de faire du business et de partager les dépenses et les bénéfices. En général, la création du GIE intervient généralement en vue de la réalisation d'une opération unique, limitée. 

1.3.6. Filiale commune ou joint-venture 

Deux ou plusieurs entreprises peuvent en créer une autre, à parts égales, afin de réunir des connaissances complémentaires et de partager les coûts et les investissements. La finalité consiste, en général, en la réalisation d’un projet commun (par exemple un projet industriel ou d'infrastructures). Contrairement au groupe d’Intérêt économique, les membres de la joint-venture peuvent inclure une clause leur permettant d’exclure toute responsabilité solidaire. Aussi, la joint-venture est utilisée par les entreprises dans des pays interdisant la création de sociétés détenues à 100 % par des étrangers. Les entreprises étrangères et locales créent une joint-venture. Donc, elle permet de pénétrer plus facilement des marchés locaux et de répartir les coûts entre les membres. Toutefois, parmi ses inconvénients, on peut citer les risques liés à la création d’une filiale, le partage des bénéfices (qui seraient plus élevés si l’entreprise était seule) et aussi un risque de mésentente entre les membres.

Les joint-ventures peuvent être classées selon de multiples critères; Par exemple, par forme de coopération. En effet, il existe des joint-ventures dites « classiques » et contractuelles. Les premières désignent une coentreprise créée grâce à un capital mis en commun. Elle est, donc, légalement indépendante. Les secondes n’ont pas forcément un statut juridique. Toutefois, l’esprit de la répartition des coûts, risques et bénéfices est maintenu. Par ailleurs, les joint-ventures peuvent être catégorisées selon leur portée géographique au national et à l’international (lorsqu’au moins l’un des membres a son siège dans un pays étranger). Un autre critère de classification est en fonction de l'orientation de l'industrie. On peut citer :

  • Joint-venture horizontale :  regroupant des entreprises du même secteur avec une activité similaire ;
  • Joint-venture concrete : regroupant des partenaires naturels ou complémentaires (exemple: un label de musique et une maison de production de cinéma) ;
  • Joint-venture conglomérat : regroupant des entreprises dont l’activité est différente mais pouvant cohabiter au sein d’un même business modèle (exemple : un fournisseur d’accès à internet et une banque) ;
  • Joint-venture verticale : regroupant des entreprises partageant le même secteur d'activité, mais pas le même métier (exemple : un producteur de batterie automobile et un autre de pneus).

1.3.7. Alliance et partenariat 

Il s’agit de croissance partagée. L’alliance consiste en un contrat de coopération entre des entreprises concurrentes en vue d’atténuer cette concurrence. Tandis qu’un partenariat est un contrat de coopération entre des entreprises non concurrentes, permettant de créer une synergie. Il est primordial de bien choisir le partenaire. Pour ce faire, l’entreprise devra se poser une multitude de questions telles que :

  • Quels attributs recherchés chez un partenaire ?
  • Est-ce que l’entreprise a les mêmes objectifs que le partenaire ? (Il est impératif d’exprimer clairement les attentes)
  • Est-ce que l’entreprise et le partenaire sont en concurrence ? quel serait l’impact de l’alliance ?
  • Est-ce que les marques de l’entreprise et celle du partenaire sont-elles compatibles ? 
  • S’agit-il d’une association ponctuelle ou d’un engagement à long terme ? 

Il y a différents types d’alliances notamment :

Type d’allianceExplication
Alliance de complémentaritéCompétences différente et complémentaires
Alliance co-intégrativePartage des coûts de développement et développement d’économie d’échelle
Alliance de pseudo-concentrationDéveloppement, production   et commercialisation sont mis en commun

Parmi les avantages et les inconvénients de l’alliance, on peut citer :

AvantagesInconvénients
  • La possibilité de percer de nouveaux marchés ; 
  • L’augmentation de la production ; 
  • La négociation à l’achat (au vu de la masse) : Il s’agit de réaliser des économies d’échelle ;
  • L’accès à de nouvelles technologies ou le partage de réseau de distribution ;
  • Le développement de la recherche (apprentissage collectif) à travers le partage des coûts et des ressources ;
  • Le maintien de l’autonomie et l’indépendance de chaque partie. D’où, aussi, la possible réversibilité facile ;
  • La diminution des risques technologiques, financiers, etc.
  • L’élévation de barrières à l’entrée du marché ;
  • Pérennité fragile des avantages acquis : Le contrat d'alliance peut être remis par l’une des parties ; 
  • En s’alliant à un concurrent, il est difficile de protéger la confidentialité ; 
  • Stratégie de prise de contrôle peut-être cachée derrière une alliance ;
  • Déséquilibre de pouvoir entre les parties ;
  • Risque de renforcement d’un membre (prenant de court les autres) ;
  • Difficultés de coordination ;
  • Incompatibilité culturelle et organisationnelle ; 
  • Coût de rupture important ;

2. Stratégie d’intégration


2.1. Définition de la stratégie d'intégration

Une stratégie d'intégration ou de concentration, pour une entreprise, désigne la prise en charge de certains projets en amont et en aval de son activité principale.

La stratégie d’intégration consiste à intégrer l’ensemble des activités liées à la réalisation et la distribution de la production au sein même de l’entreprise. Les formes de cette stratégie sont :

Forme  de  la stratégie d’intégrationExplication 
L’intégration  en aval L’entreprise assure elle-même la distribution de sa production à travers le contrôle du réseau de distribution.
L’intégration en amont L’entreprise assure elle-même l’approvisionnement en prenant le contrôle des fournisseurs ainsi que sa chaîne d’approvisionnement.
L’intégration verticale ou stratégie de filièreL’entreprise assure l’ensemble de l’activité et a une maîtrise complète de son processus de production de la matière première jusqu'au produit final (voire la livraison). L’intégration verticale englobe l’intégration en amont et en aval.
L’intégration horizontale L’entreprise regroupe des concurrents qui fabriquent des produits similaires afin d'obtenir des économies d'échelle et d'avoir une position de force (pouvoir de négociation) par rapport aux fournisseurs et/ou les clients - distributeurs, consommateurs. 

2.2 Avantages et inconvénients de la stratégie d’intégration 

Dans tout projet d’intégration, certains points positifs sont atteints, notamment la réalisation d’économies d’échelles. Tandis que les impacts négatifs se manifestent dans une gestion plus lourde en prenant en charge plusieurs projets à la fois.
AvantagesInconvénients
  • Avoir le contrôle de la chaîne d’approvisionnement (permet de maîtriser la qualité et les coûts) et/ou du réseau de distribution (augmentation de la réactivité de l’entreprise) ;
  • Réaliser des économies d’échelles sur les coûts logistiques ;
  • Intégrer des compétences et des technologies ;
  • Gestion plus lourde ; 
  • Rigidité de l'organisation face aux évolutions de l'environnement ;
  • Certaines activités ne sont pas rentables ;

2.3. Formes de stratégies d’intégration 

Une stratégie d'intégration, pour une organisation, peut prendre cinq grandes directions : Acquisition simple, fusion, fusion-absorption, scission ou apport partiel d’actif …

2.3.1. Acquisition simple 

L’entreprise peut acheter des titres de participation d’une autre entreprise. Il s’agit d’une intégration de type financier. Cette prise de participation peut se faire progressivement ou de manière agressive. Au final, le patrimoine de l’entreprise est transmis à l’entreprise acquéreuse.

2.3.2. Fusion 

C’est une opération juridique qui consiste à regrouper les dettes et les créances de deux sociétés (ou plus) en une seule.  Des entités juridiques disparaissent au profit d’une nouvelle pouvant entraîner le changement de nom. Elles ont mutuellement consenti de partager leurs possessions. Leurs différents processus de production, de distribution, etc., sont intégrés.

2.3.3. Fusion-absorption

Il s’agit de l’absorption d’une entreprise par une autre. La société absorbante récupère la totalité des actifs et des passifs de la société absorbée. À la fin de l’opération, l'entreprise absorbée cesse d'exister tandis que la société absorbante reste. L’objectif étant d’atteindre une certaine taille dans un contexte d’économie mondialisée.

2.3.4. Scission  

Une entreprise peut éclater en plusieurs entreprises distinctes. Elle est dissoute sans pour autant être liquidée. Il s’agit d’une forme de désinvestissement. 

2.3.5. Apport partiel d’actif

Il s’agit d’un apport en société (savoir-faire, outils de production, immobilier…) opéré par une entreprise au profit d’une autre.

Conclusion 

Croire que l’entreprise a le choix entre externaliser et se concentrer sur son cœur de métier est simpliste. Chacun de ces choix stratégiques implique une réflexion et une estimation de coûts et d’impacts. Par ailleurs, d’autres choix devront être faits en conséquence afin de choisir la forme de la stratégie choisie. En tout cas, l’entreprise devra faire face aux mutations de son environnement tout en s’adaptant dans le meilleur délai si elle veut assurer sa pérennité. Un écosystème devra être créé et géré en harmonie afin de permettre à l’entreprise d’évoluer ou tout simplement de continuer à exister.

Article publié le 18 Avril 2021par Sara Maghty