Support de cours sur les modeles de management du changement organisationnel
Support de cours sur les modèles de management du changement organisationnel
Le changement organisationnel revêt une importance centrale dans le domaine du management. «Les problèmes en quelque sorte «génériques» de gestion d’entreprise sont à la fois des problèmes de maintien ou de coordination interne et de changement ou d’adaptation» (Desreumaux, 1996). Partant, les problématiques de transformation représentent un défi majeur pour les gestionnaires. L’étude de Tarondeau et al. (1994) tentait, il y a 10 ans, de déceler les enjeux du management à l’aube du e siècle. Parmi les enjeux forts que les gestionnaires devraient affronter, les auteurs évoquaient la flexibilité. «Placées dans un environnement turbulent, les entreprises ont été contraintes de développer leur capacité et leur rapidité d’adaptation. Comme les ailes d’avion se déforment sous l’effet des turbulences, les géants ont dû apprendre à danser, selon la belle expression de Rosabeth Moss Kanter» (Tarondeau et al., 1994). Les résultats de cette étude sont devenus une réalité des pratiques de gestion contemporaines.
L’environnement est en effet souvent présenté comme un facteur contraignant la stratégie des firmes. L’adaptation aux exigences externes impose la mise en œuvre de changements stratégiques et organisationnels. Ainsi, en situation de turbulence, le changement réactif s’avère décisif. Un courant plus constructif de l’environnement (Smircich et Stubart, 1985) postule une conception moins déterministe de l’externe. Largement généralisée par la théorie des ressources, une telle approche tend à développer l’idée que les organisations se concentrent sur l’interne pour façonner leur environnement (Spanos et Lioukas, 2001). Il s’agit de créer une rupture conférant à l’organisation un avantage significatif par la reconfiguration du secteur à son avantage. Cette perspective plus actionniste confère aux programmes de changement une importance de premier ordre1 : il s’agit de transformer certaines pratiques de gestion afin de modifier le paysage concurrentiel. La riposte de Swatch face aux concurrents japonais est révélatrice. Alors que ces derniers envahissent le marché avec des montres à cristaux liquides à bas prix, l’expérience acquise en mécanique de précision s’avère inadaptée. Swatch prend à revers ses concurrents japonais grâce à une montre à bas prix, à un design unique, à une technologie nouvelle et à un marketing dynamique. Le changement lié à la conception du métier de fabricant de montres est radical, ce changement stratégique marquant une rupture. En misant sur ses propres forces, Swatch a réécrit les règles du jeu, une stratégie imprévisible pour les concurrents.
Ce faisant, la capacité de changement est appréhendée comme une compétence distinctive qui permet de fonder un avantage concurrentiel durable. Certains auteurs développent ainsi le concept de capacités dynamiques (Teece et al., 1997). Il s’agirait d’une aptitude à reconfigurer ses compétences pour faire face aux changements rapides de l’environnement ou pour les instituer. On distingue des capacités proactives reflétant un comportement «pionnier» et des capacités réactives traduisant la rapidité à réagir à une offensive de la concurrence, par exemple.
Si le concept de capacités dynamiques concerne les ressources des reconfigurations stratégiques et organisationnelles et reflète la capacité de renouvellement des pratiques de gestion, il n’explique pas comment ce renouvellement peut être mené, ce qui est pourtant une préoccupation importante du gestionnaire. Les théories de la conduite du changement peuvent alors permettre de surmonter cette difficulté. Les travaux sur la gestion du changement organisationnel devraient dès lors fournir aux agents transformateurs des modes d’action efficaces. Une littérature foisonnante explique les bonnes manières de changer, mais la réalité montre que ces «meilleures pratiques» donnent des résultats décevants (Meston et Sturtzer, 2002). Il semble en effet que les techniques de gestion du changement se heurtent à des limites réelles tant sur le plan organisationnel que sur le plan humain (Demers, 1999). Senge note sur ce point que «la plupart des projets de changements échouent […]. De toute évidence les entreprises n’ont pas un passé glorieux dans le maintien des programmes de changement importants» (Senge et al., 1999). Clemer postule même que «le concept de gestion du changement repose sur le même raisonnement, dangereusement séduisant, que celui sur lequel repose le concept de planification stratégique […]. Le changement ne peut être géré. On peut l’ignorer, lui résister, le créer ou en tirer parti, mais on ne peut pas le gérer ou le faire avancer au moyen d’un quel - conque processus ordonné» (Clemer, cité dans Mintzberg et al., 1999).
Ces propos suggèrent une réflexion sur ce qui est susceptible de rendre inopérants ou faiblement efficaces les modèles de gestion du changement. En effet, quelle est la portée de ces modèles quant au pilotage du changement? Peuvent-ils aider effectivement les gestionnaires à mener des transformations? Pour répondre à ces questions, nous nous attachons à relever la diversité des changements. Nous montrons en particulier que cette pluralité rend improbable un mode de gestion générique. Par la suite, l’étude des principaux modèles de gestion du changement appuie cette analyse. Nous en dégageons les limites principales pour ce qui est de la conception de l’organisation et du processus de changement. Une approche alternative axée sur la détermination et la construction de conditions favorables à l’implantation des changements organisationnels est une piste à approfondir 2 .
Une typologie des changements organisationnels
La littérature permet d’opérer une distinction entre les types de changements en fonction du rythme, de l’ampleur et de la profondeur (Commeiras, 1997). On montre ainsi la diversité des changements possibles en distinguant l’évolution de la révolution (Miller et Friesen, 1984), les microchangements des macro - changements (Mintzberg et al., 1999).
Évolution ou révolution?
L’observation longitudinale de la vie des organisations fait apparaître différents moments. Ainsi, l’organisation connaît divers «états», «modèles» ou «idéaux types» et le temps entre chaque état marque une «période» ou un «cycle de vie» (Mintzberg et al., 1999). Le saut entre deux périodes correspond au changement. Ce saut est, pour certains auteurs, le résultat d’une évolution, alors que d’autres estiment qu’il est le fruit d’une révolution. Cette opposition se retrouve dans les débats en biologie (Langaney, 2001). Ainsi, le passage d’un stade à un autre s’effectue pour certains de manière graduelle car la nature ne fait pas de saut. La transformation est libre, progressive et imperceptible. Le courant ponctuationniste postule au contraire que le changement est toujours brusque et que les mutations brutales marquent réellement une transition. Dans le domaine des sciences de gestion, cer - tains auteurs (Mintzberg et Westley, 1992) développent le concept de «pro - grès réguliers», où l’évolution est vue comme un phénomène graduel fait de petites modifications cumulatives. Le changement est alors incrémentiel, progressif. Cette école n’occulte pas les changements importants mais les conçoit comme le résultat de «l’accumulation insensible de ces petites modifications» (Desreumaux, 1996). Une autre école tend à concevoir le changement comme un phénomène comportant des discontinuités.
Elle est faite de longues périodes de stabilité relative ponctuées de périodes plus compactes de bouleversements. Le passage d’un stade à un autre s’effectue par des sauts quantiques (Miller, 1982). Ainsi, l’organisation vit de longues périodes de continuité pendant lesquelles sa configuration demeure inchangée. Ces longues périodes stationnaires sont ponctuées par des transformations brutales qui réorientent substantiellement la stratégie et la configuration de l’organisation. Miller et Friesen (1984) parlent de «révolution stratégique».
Tushman et Romanelli (1986) partagent l’idée selon laquelle le changement ne s’opère que rarement et que l’état de stabilité est valorisé. Ces auteurs pro - posent le modèle des cycles alternatifs de convergence pour expliquer l’évolution. Ainsi, les périodes de convergence se caractérisent par l’élaboration des structures, des systèmes, des contrôles et des ressources en vue de créer une plus grande uniformité. Ces périodes de convergence connaissent des réorientations où les stratégies, le pouvoir, la structure et les systèmes sont reconfigurés et fixent les bases de la convergence future. En réalité, les points de vue semblent complémentaires (Godelier, 1996; Mintzberg et al., 1999). Le changement peut être à la fois incrémentiel et révolutionnaire. L’intérêt d’une approche par les cycles de vie, proche du modèle des métamorphoses 3 (Godener, 2002), est qu’elle situe temporellement l’analyse (Durand, 2001). En effet, le changement est une histoire faite d’évolutions et de révolutions de même qu’un moment marquant dans la trajectoire des firmes.
L’histoire d’une entreprise centenaire comme Renault nous le montre. Elle contient de nombreux moments de changement, dont certains ont frappé les esprits. La crise de 1984 en fait partie; elle conduit à l’éviction de Bernard Hanon et à la nomination de Georges Besse. Ce dernier va réformer l’entreprise en profondeur et notamment implanter la qualité totale. L’introduction de cet outil de gestion apparaît comme une période charnière, un moment important, déterminé dans le temps, même s’il trouve ses origines dans une histoire et un contexte spécifiques. Ce sont ces moments d’évolution, ces périodes de transformation qui marquent la vie des organisations et peuvent être rapides ou lents, survenir brusquement ou émerger progressivement, que nous étudions particulièrement. Allons plus avant dans cette analyse.
Ampleur et profondeur des changements
An de dresser une typologie des changements, il convient de s’interroger sur ce qui change. Un questionne - ment en deux temps est possible : le changement est-il important? Et sur quoi porte-t-il? Dans cette optique, le changement est majeur ou marginal – la différence est grande si l’on se réfère à l’existant – ou encore il est global ou local – la transformation touche l’organisation dans sa totalité ou une partie de celle-ci. Stace et Dunphy (1991) synthétisent ces dimensions en distinguant le changement radical et le changement évolutif. Le changement radical est un changement majeur, global et rapide qui survient en situation de crise réelle ou appréhendée. Le changement évolutif se caractérise par une transformation graduelle de l’entreprise et se produit dans le cours normal des activités. Plus généralement, la littérature permet de repérer deux types de changement organisationnel. Watzlawick (1975) met en évidence trois niveaux de changement 4 . Le niveau 0 est celui où rien ne change; c’est la continuité, l’immobilité. Le système se situe dans un mouvement général. Le changement d’ordre 1 est correctif, mineur et permet à l’organisation de maintenir son équilibre. L’auteur prend l’exemple du thermostat qui régule la température en fonction des variations chaud/froid ou du cycliste qui effectue des mouvements à gauche puis à droite pour garder son équilibre.
La logique de ce changement demeure identique à la situation initiale car le mouvement s’inscrit dans le système sans le modifier. Il s’agit, par exemple, pour une entreprise de changer le système informatique du service de la comptabilité. Ce projet intervient dans le système, mais il ne modifie pas sa logique. Le changement de niveau 2 est un changement majeur qui vise à transformer complètement l’entreprise, ses valeurs, ses règles et à métamorphoser le comportement des salariés. Il s’agit d’un changement de logique qui modifie le système en pro - fondeur. Watzlawick le dénit comme le niveau «méta» qui fait se transformer le système en modifiant les normes.
La refonte du contrôle de gestion chez Air France constitue un exemple intéressant de changement de niveau 2. En 1999, Air France ouvre son capital aux salariés et aux investisseurs extérieurs, institutionnels ou particuliers. L’enjeu est d’assurer la rentabilité de ses capitaux. L’un des axes majeurs du plan stratégique de la société est d’«être rentable pour financer l’avenir». La confiance des investisseurs dépend de la capacité du groupe à financer sa croissance sans détériorer sa performance financière et à créer de la valeur pour ses actionnaires. Dans un secteur structurellement marqué par une faible rentabilité (de l’ordre de 2 % par an en moyenne), le groupe doit démontrer sa capacité à créer de la valeur.
C’est un changement en profondeur : les informations financières communiquées au marché «imposent» l’adoption d’une approche de type EVA. Alors qu’Air France ne dispose que des indicateurs «classiques» (résultat net, résultat courant, excédent brut d’exploitation, capacité d’autofinancement d’exploitation, montant des investissements et montant de la dette), le groupe doit désormais démontrer la rentabilité des capitaux investis dans chaque activité, processus et produit, entité ou marché, la finalité étant de montrer la contribution d’un produit, d’un marché ou d’une activité à la valeur boursière de l’entreprise. La refonte des modes de gestion entraîne notamment une réorganisation des systèmes d’information, des missions nouvelles pour les contrôleurs de gestion et les fournisseurs d’informations financières et comptables ainsi qu’une modification du système de valeur (la logique boursière s’oppose pour les syndicats à la logique industrielle de l’entreprise). La refonte du contrôle de gestion chez Air France illustre un changement de logique : les valeurs et les comportements sont touchés par la modification des systèmes de gestion.
Le travail fondateur de Watzlawick (1975) peut être complété par celui de Mintzberg et al. (1999). Mintzberg distingue les microchangements des macrochangements (schéma 1). Le microchangement ne concerne qu’un espace restreint de l’entreprise, alors que le macrochangement la concerne dans toutes ses dimensions. Ce travail de classication de Mintzberg permet de comprendre que certains change - ments sont plus amples. Pour l’auteur, les microchangements sont concrets et tangibles, alors que les macrochange - ments sont abstraits.
Le cube du changement (schéma 2) permet un éclairage complémentaire. Il montre deux grandes dimensions indissociables : les changements axés sur la stratégie sont relatifs à la direction vers laquelle l’entreprise s’oriente, tandis que les changements axés sur l’organisation portent sur l’état actuel de l’entreprise. Il est alors possible de distinguer des types de changements particuliers dont le degré d’abstraction est variable. Ainsi, les changements de vision et de culture sont conceptuels (abstraits) et vastes (macrochangements), tandis que les changements de produits ou de personnel sont concrets et locaux (microchangements).
Ce travail de classification met en évidence l’importance de l’interprétation. On la trouve dans la classification de Laughlin (1991), où l’auteur repère deux formes de changements de premier ordre (le refus et la réorientation) qui maintiennent la structure profonde de l’organisation et ne modifient pas les schémas interprétatifs, et deux formes de changements de second ordre (la colonisation et l’évolution) qui sont des transformations radicales contraintes ou délibérées impliquant un changement des schémas interprétatifs. L’impact sur le référentiel stratégique dominant constitue un repère majeur pour reconnaître l’importance des transformations. L’exemple de Renault est particulièrement frappant. Alors que l’entreprise est marquée par une très forte culture sociale (Renault est un «laboratoire social», l’entreprise des principales avancées sociales, dans laquelle on ne licencie pas même un OS), Georges Besse va conduire un changement stratégique radical, en rupture avec l’idéologie dominante : il décide de recentrer le groupe sur le métier de l’automobile, donc de céder de nombreuses participations et sur - tout de licencier par étapes plusieurs milliers de salariés.
Ce changement de second ordre heurte le référentiel interprétatif des acteurs et conduit à des évolutions symboliques et identitaires considérables. Il générera d’ailleurs des mouvements syndicaux et des grèves historiques (Loubet, 2001). Enfin, le travail de Mintzberg sou - ligne l’importance de la dimension processuelle, élément caractéristique déterminant pour évaluer la diversité des changements. Les changements résultent en effet de processus différents. Le processus (ou le déploiement) est un point essentiel de la gestion du changement.
. Il nous amène à distinguer des changements planifiés, conduits et spontanés. «Le changement planié est programmatique : il existe un système, ou un ensemble de procédures, qu’il faut suivre» (Mintzberg et al., 1999). Le changement est ici dirigé (volontaire) ou prescrit (Vandangeon-Derumez, 1998). Le changement dirigé est piloté par un acteur chargé de l’implanter selon des modalités dénies préalable - ment. Il y a séquencement du processus de changement. Le changement conduit ou guidé diffère quant aux modalités de mise en œuvre. Il s’agit de la formulation d’une vision par un dirigeant sur l’avenir d’une entreprise à laquelle les acteurs adhèrent. Ces derniers vont lui donner vie de façon informelle sans que les détails de l’implantation aient été préalablement définis. Ce changement est la résultante d’un processus d’émergence, dans lequel l’autonomie et la compétence des acteurs sont reconnues. Le changement se construit dans l’action (Vandangeon-Derumez, 1998). Dans ces deux processus, le cheminement du changement est clairement déterminé, il va du sommet à la base, du global au local (cas du processus dirigé) ou remonte vers le global pour être «reconnu» (cas du processus guidé). Enfin, le changement peut être organique; il émerge du «terreau organisationnel».
Dans ce cas, il est le résultat du «hasard» organisationnel, d’un apprentissage inductif. Personne ne donne une impulsion à la nouveauté, ni ne gère le processus selon une procédure de pilotage. Le changement résulte d’initiatives localisées qui peuvent rester dans des espaces organisationnels restreints ou se propager dans la globalité de l’organisation. Ce dernier processus est décelé par Mintzberg et Waters5 (1985) dans le champ de la stratégie. Au niveau organisationnel, Alter (2002) montre que l’innovation n’est que rarement le résultat d’une démarche délibérée. Elle obéit peu à une logique de programmation. Les innovations émergent des actions ordinaires effectuées par des «innovateurs du quotidien» (Alter, 2002) qui se transforment en véritables innovations. Le cheminement du changement est moins perceptible et prévisible : il va du local au global lorsque les initiatives sont connues et reconnues ou peut demeurer circonscrit au niveau local.
L’histoire du changement de métier d’Intel montre bien ce fait. Fondée en 1968, l’entreprise produit des mémoires pour ordinateurs. Son avance technologique lui permet en 1974 de devenir le leader avec 80 % du marché. Toutefois, Intel est quasiment balayée par ses concurrents japonais grâce à des coûts de production et à des prix plus bas, sa part de marché n’atteignant plus que 2 % en 1984. Les dirigeants refusent cependant d’abandonner leur activité historique. Ce sont les routines internes qui permettront un changement de métier. Le premier microprocesseur (le 4004) est développé en 1974 par un ingénieur pour répondre à la demande d’un client. La direction tolère cette initiative sans croire à l’avenir de ce produit. Pourtant, il assure le renouveau du groupe Intel. En effet, dans le système Intel, les différents produits sont en compétition pour l’octroi de la capacité de production. Sont lancés en priorité les produits qui maximisent la marge par plaquette de silicium. Les mémoires, à faible marge, sont systématiquement dépassées par les micro - processeurs. Le changement de métier se fera progressivement, sous l’effet d’initiatives locales, dans un processus largement émergent ayant conduit à une transformation de la stratégie.
Ces processus se différencient donc par les circonstances de l’émergence du changement, le mode de diffusion, la localisation de l’initiative et l’importance de la transformation. Il apparaît que les changements qui bouleversent les schémas interprétatifs dominants nécessitent des processus guidés, ce qui facilite le processus d’appropriation (Kets de Vries et Miller, 1988). Les changements émergents amènent donc à reconnaître à la dimension aléatoire des actions intentionnelles. Cela nous conduit à admettre la difficulté de piloter les changements purement intentionnels dont le contenu est défini. Or, il semble par exemple que les «outils de gestion» (qualité totale, gestion de la relation client, etc.) soient relativement figés quant à leur contenu, ce qui peut expliquer des résultats plus ou moins satisfaisants (Meston et Sturtzer, 2002). La typologie des changements nous permet de distinguer des changements dont la nature (contenu), l’impact sur l’organisation et le processus sont variables et caractérisés par une grande diversité. Nous devons dès lors interroger les modèles existants et évaluer leur capacité à aider les gestionnaires à mener des changements de nature variable au déroulement imprévisible.
Les modèles de gestion du changement
Les modèles de pilotage s’appuient sur la détermination de trois phases propres à l’évolution de la transformation. Elles correspondent à celles de tout processus humain de changement d’attitude ou de comportement qui ont été relevées par Lewin (1951). Ce sont le dégel (ou la décristallisation, où les individus prennent conscience du besoin de changement), le mouvement (ou le déplacement, soit le change - ment proprement dit) et le regel (ou la recristallisation, où les nouveaux comportements se pérennisent). Au niveau organisationnel, on trouve les mêmes phases. Vandangeon-Derumez (1998) note ainsi la maturation, le déracine - ment et l’enracinement 6 . Ces modèles 7 doivent constituer des guides pour l’action. Nous les passerons en revue et en évaluerons la portée normative.
On distingue des modèles unidimensionnels qui se focalisent sur une dimension particulière du changement et des modèles multidimensionnels intégrant les différentes dimensions.
Les modèles unidimensionnels
Denis et Champagne (1990) répertorient cinq grands modèles de gestion du changement, dont celui de la contingence. Selon nous, ce modèle permet de préciser et de comprendre les causes des changements, mais ses implications en ce qui concerne le pilotage demeurent limitées. Pour cette raison, nous ne l’incluons pas dans notre typologie.
Le modèle hiérarchique correspond à une conception traditionnelle du changement imposé et planifié. Il sous-tend une vision profondément interventionniste permettant le passage d’un état constaté A à un avenir désiré B. Les acteurs ont la capacité à agir sur l’organisation pour la transformer selon une logique «haut-bas». Dans cette optique, le changement est abordé comme une succession d’étapes (découverte du problème, détermination des options et choix de la meilleure solution) qui, si elles sont bien franchies, font le succès de l’opération. Selon cette conception programmable du processus, les organisations sont vues comme des systèmes mécanistes, des entités malléables dans lesquelles les individus sont censés adopter des comportements prévisibles. Le changement de statut de VVF (Villages Vacances Familles), provoqué par Edmond Maire, a suivi la même logique.
VVF devait modifier son statut associa - tif et devenir, sous l’effet de contraintes sectorielles (pression des concurrents sur les autorités de la concurrence pour annuler les avantages fiscaux dont bénéficie le tourisme associatif), une société anonyme. Cette transformation s’accompagnait d’une modification des systèmes de gestion et des comportements. Les télévendeurs devaient notamment devenir plus «agressifs», c’est-à-dire réaliser des appels sortants (ils étaient des «preneurs de commandes») et convaincre les clients potentiels grâce à des techniques de vente affûtées. De nouveaux indicateurs ont été mis en place (taux de transformation, taux de prise d’appels, etc.). Le contenu de ce changement a été défini au plus haut niveau de la direction et déployé vers l’organisation qui devait «suivre et s’aligner». Les syndicats et les salariés ont réagi brutalement à un changement qu’ils percevaient comme étant totalement imposé.
Le développement organisationnel constitue un courant essentiel dans l’étude des changements. Il concentre son analyse sur la dimension humaine. Il prétend qu’un style de management participatif permet de minimiser les résistances au changement. Le succès du changement repose sur les mesures d’accompagnement telles qu’une politique d’information et de communication, un système de récompenses et un dispositif de concertation. En un mot, le consensus est la pièce maîtresse du modèle. Le développement organisationnel voit l’organisation comme un système affectif.