Formation a propos du management du personnel et des ressources humaines
Formation a propos du management du personnel et des ressources humaines
INTRODUCTION
La gestion des ressources humaines : des méthodes au contexte
Dans un sens très général, la gestion des ressources humaines peut se définir comme La recherche et la régulation de l’adéquation des ressources humaines disponibles (internes et externes) aux besoins qu’en éprouve une organisation. L’adéquation recherchée porte sur les compétences :
- A un échelon collectif : il s’agit ici de gérer des effectifs en fonction des diverses natures et de divers niveaux de compétences requises ;
S’ouvre ici le large champ de la gestion prévisionnelle, du renouvellement des compétences par recrutement externe, de la réallocation des ressources humaines par mobilité interne, des politiques de formation, de recyclage et de perfectionnement, des décisions de licenciement collectif, du système de rémunération.
- A un échelon individuel : il s’agit de gérer les compétences et les potentiels individuels par l’appréciation de ceux-ci, par des microdécisions de formation, d’affectation. de rémunération, de mutation, de promotion, de licenciement, de mise à la retraite. En bref, une gestion de carrière.
L’adéquation entre ressources et besoin porte également sur un élément qualitatif : les motivations. On cherche à cet égard à raccourcir l’écart qui sépare les comportements et attitudes adoptés par le personnel des comportements et attitudes qui sont attendus de lui.
On trouve notamment ici, outre l’effet (dé)motivant des méthodes et pratiques de gestion courante (sélection, accueil, appréciation, rémunération, ... ) le recours à divers types de stimulants, le développement de politiques d»information, de communication, de participation, les pratiques de projet d’entreprise, de « culture d’entreprise » ... Il est fréquent de constater que les divers éléments de ce vaste champ de pratiques gestionnaires sont abordés sous un angle technique : utilise-t-on les « bons » outils, les « bonnes » méthodes, les « bonnes » techniques ? Ne peut-on en trouver de meilleures dam le supermarché des méthodes de gestion ou ... chez un concurrent ? Raisonner ainsi revient à adopter, sur la gestion des ressources humaines, un point de vue réducteur probablement sous-tendu par un postulat implicite selon lequel les « outils » de gestion s’appliquent à une matière inerte et doivent, s’ils sont bien utilisés, de conduire automatiquement au résultat escompté.
Cette approche « mécanicienne » met entre parenthèse la question des objectifs poursuivis et des acteurs concernés, ainsi que celle des contextes extra- et intra-organisationnels dans le cadre desquels s»exerce la gestion des ressources humaines. Par contexte extra-organisationnel, nous entendons l’environnement de l’organisation et particulièrement ses marchés (des facteurs de production, des produits et services). Par contexte intra-organisationnel, nous visons l’organisation comme système doté d’un ensemble de caractéristiques propres, et comme « milieu » au sein duquel des personnes exercent leur activité. Ces contextes ne tolèrent pas la poursuite de n’importe quel objectif.
Ainsi, vouloir que les travailleurs s’intéressent à leur tâche quand celle-ci est morcelée et dominée par la routine revient à poursuivre un objectif incompatible avec le contexte intra-organisationnel. Il n’y a donc pas de méthodes universelles idéales de gestion des ressources humaines. Mais peut-être y a-t-il des méthodes idéales dans le cadre d’un contexte spécifique, dûment circonstancié ?
Les méthodes de gestion des ressources humaines : un compromis entre acteurs
La notion de contexte ou d’environnement extra et intra-organisationnel à laquelle il vient d’être fait référence nous met sur la voie d’une compréhension moins mécanique de l’entreprise et de sa gestion. L’organisation (entreprise, hôpital, ...) est en interaction avec son (ses) environnement(s) externe(s) et se présente elle-même comme une entité complexe (un système) animée par de multiples interactions entre ses composantes. Ces interactions n’obéissent pas au hasard. L’entreprise, l’hôpital, considérés comme des organisations, sont des construits artificiels. Le management a précisément pour mission de maintenir cette « organisation » en état de marche, de fonctionnement, d’en assurer la survie, la permanence et si possible, la croissance, grâce à la réalisation d’objectifs intermédiaires (profit, image de marque, ...).
Le management doit donc contrôler, réguler, modeler les interactions de l’organisation avec ses environnements externes ainsi que les interactions internes de telle sorte que les objectifs essentiels de l’organisation puissent être atteints. Il se trouve, de ce fait, confronté à deux types de situations paradoxales ou conflictuelles.
L’environnement externe Pour atteindre ses objectifs, l’organisation - de par son activité spécifique - se trouve confrontée à des environnements (économique, social, politique, juridique, ...) qui sont eux-mêmes l’objet de régulations servant des objectifs macrosociaux (politiques gouvernementales ou régionales). Ainsi, un hôpital peut chercher à développer sa clientèle et accroître le nombre de lits. Mais il va se heurter à une politique de financement décidée par les pouvoirs publics et qui, pour des raisons d»équilibre budgétaire général, peut s’avérer restrictive. Nous nous trouvons dès lors devant des logiques différentes, voire antagonistes. S’il s’agit de simples différences, celles-ci peuvent être partiellement réduites. S’il s’agit d’antagonisme, celui-ci ne peut être résolu que par un compromis.
L’environnement interne L’organisation ne peut atteindre ses objectifs qu’en mobilisant, en vue de leur réalisation, un ensemble de ressources, notamment des ressources humaines. Les managers, les gestionnaires sont dès lors conduits à considérer le personnel comme un moyen qu’ils doivent asservir (au sens cybernétique) aux finalités de l’organisation. De leur côté, les personnes qui travaillent au sein de l’organisation poursuivent des objectifs qui leur sont propres et qui s»enracinent dans leur histoire personnelle, leur contexte familial, leur conception de la vie, c’est-à-dire un ensemble de contingences qui n»ont que peu de rapport avec la vie de l’organisation.
Porteuses d’enjeux qui leur sont propres, les personnes considèrent leur travail et l’organisation au sein de laquelle il s’exerce - comme un moyen, un ensemble d»opportunités potentielles d’arriver à leurs fins. Organisation et personnes au travail se trouvent ainsi engagées dans une relation nécessaire mais aussi nécessairement antagoniste, chacune des parties cherchant à réduire l’autre au statut de moyen, de ressource, par rapport à ses propres finalités. Les pratiques managériales et, en particulier, la gestion des « ressources humaines » ne peuvent dès lors constituer qu’un compromis qui permet provisoirement à l’organisation de fonctionner avec une relative efficacité et qui est, tout aussi provisoirement considéré comme supportable par les personnes au travail.
Ainsi, et pour répondre à la question laissée en suspens en fin du premier point, même dans un contexte dûment circonstancié, il n’y a pas de méthodes idéales de gestion mais seulement des méthodes résultant de compromis parfois explicites, souvent implicites et, de toute façon, influencées par les rapports de force qui régissent le jeu des acteurs en présence. L’histoire des pratiques managériales manifeste donc par l’évolution de ces dernières la fluctuance des interactions internes et externes de l’organisation et le caractère toujours provisoire des compromis réalisés.
La gestion des ressources humaines : un compromis avec la réalité
Au delà des contingences qui marquent le jeu des acteurs, il faut bien admettre que la connaissance qu»ont eux-ci de la réalité « organisation » et de la réalité « être humain » est toute relative. Ils peuvent, certes, substituer à leurs perceptions (inévitablement partielles) des observations méthodiques. Ils peuvent aussi remplacer leurs explications spontanées et leurs opinions (inévitablement partiales) par des interprétations raisonnées, des hypothèses, des théories. Mais nous savons que toute connaissance, même « scientifique », n’est qu’une approximation de la complexité du réel et, de plus, des auteurs tels que March et Simon qui ont analysé le processus de décision, ont bien du constater que les décideurs ne tiennent pas compte de toute l’information disponible, ni de toutes les solutions possibles. Pour ces chercheurs, les décideurs raisonnent la plupart du temps en fonction de schémas préalables, d’idées préconçues des décisions envisagées. C’est la raison pour laquelle March et Simon parlent de « rationalité limitée ». Ceci suggère combien les choix de gestion, les choix de méthodes de gestion, présentés comme rationnels et objectifs, ne sont en fait que des « compromis » avec le réel.
La démarche managériale, particulièrement dans le domaine de la gestion des ressources humaines se présente donc comme une démarche de type probabiliste. Ce sont les réactions, les chocs en retour du réel de l’environnement externe et de l’environnement interne qui provoquent une révision de ces choix.
LES TENANTS ET LES ABOUTISSANTS DE LA G.R.H.
Pour saisir le sens des pratiques observables dans le domaine de la gestion des Ressources Humaines et pour les modifier le cas échéant, il est nécessaire de les restituer à la fois comme élément (relativement) déterminé par certaines caractéristiques de l’organisation et comme élément (relativement) déterminant des comportements de travail individuels et collectifs.
Gestion des ressources humaines et « design » des situations concrètes de travail
Les méthodes de recrutement, de sélection, d’accueil, de rémunération, d’affectation, d’appréciation, … contribuent fortement au « design » des situations concrètes de travail. Ces situations de travail constituent une instance cruciale de la rencontre personne-organisation. La personne aborde en effet sa situation de travail en espérant pouvoir y réaliser tout ou partie de ses objectifs propres. La perception que la personne se donnera de sa situation de travail sera donc largement influencée, polarisée par les finalités que la personne poursuit. La personne va en quelque sorte « interpréter » sa situation de travail en termes d’opportunités ou de contrariétés.
De nombreuses observations suggèrent que, de manière générale, lorsque les personnes au travail perçoivent - à tort ou à raison - leurs situations de travail comme relativement « fermées » (présentant trop de contraintes par rapport aux opportunités) elles ont tendance à adopter des comportements de retrait (par exemple : absentéisme, négligences dans le travail, erreurs, malfaçons, baisse de productivité) ou des comportements agressifs (conflits, vandalisme, sabotage). Au contraire, dans la mesure où les situations de travail sont perçues comme relativement « ouvertes », les personnes au travail ont tendance à s’impliquer dans leur activité, à mobiliser leurs compétences. Certains chercheurs se sont efforcés d’objectiver le caractère ouvert ou fermé des situations de travail. Ainsi, D. Chave analyse-t-il les situations de travail à partir de critères tels que le rapport du travailleur au produit, au temps, au savoir, au pouvoir, aux autres travailleurs, tentant de mesurer ainsi le degré de maîtrise que le travailleur peut exercer sur sa situation. On constate donc que le « design » des situations de travail tel qu’il résulte dans une large mesure des méthodes de gestion du personnel et des modes d’organisation du travail peut influencer considérablement les comportements au travail et présente, de ce fait., une importance capitale.
Gestion des ressources humaines et contexte organisationnel
1. Logiques organisationnelles et GRH Il nous faut à présent tenter de découvrir comment s’opère le choix des méthodes de gestion du personnel. Ce choix n’est pas indépendant du contexte dans lequel il s’exerce. Un psychosociologue des organisations comme E. Enriquez établit pour sa part une relation étroite entre les structures d’organisation et les modes de gestion du personnel qui s’y développent. Tout comme d’autres chercheurs, E. Enriquez donne à la notion de structure d’organisation un sens assez large qui inclut le style des rapports humains, l’idéologie de l’organisation, les modes de répartition et d’exercice de l’autorité, les principes de fonctionnement. La notion de « logique organisationnelle » semble pouvoir englober ces différentes variables. Elle désigne en quelque sorte le principe de cohérence qui rend compte de la présence simultanée de caractéristiques structurelles, de caractéristiques culturelles et de modalités de fonctionnement propres à une organisation déterminée.
Il existe diverses typologies de logiques organisationnelles. Ainsi, par exemple, E. Enriquez distingue des logiques féodale, bureaucratique et coopérative. Burns et Stalker de même que Lawrence et Lorsch parlent de logique mécanique (ou bureautique) et de logique organique. C’est sans doute E. Enriquez qui s’efforce d’approcher du plus près la relation entre logique organisationnelle et pratique de gestion du personnel
En simplifiant quelque peu ses observations, on peut les résumer de la façon suivante :
La logique féodale se caractérise par une concentration du pouvoir de décision dans les mains du chef d’entreprise qui en est souvent le propriétaire. Cette autorité - arbitraire (critères de décision non explicites et variables) s’exerce sur un mode charismatique (la « personnalité », les « dons » de chef). Elle peut être partagée avec quelques collaborateurs (hommes-liges du patron) qui ont fait preuve de loyauté. Elle appelle, de la part du personnel, des comportements de soumission et, lorsqu’elle se teinte de paternalisme, une dépendance affective vis-à-vis du patron. La gestion du personnel, dans ce contexte, est nécessairement peu formalisée : absence de procédures, critères de décision implicites.
Gestion du personnel correspondante :
- Embauche : le recrutement se fait souvent pour des fonctions peu définies (manque de définition des fonctions) et de manière empirique (souvent par cooptation). L»individu recruté est mis à l’épreuve : aucune prévision n’est faite quant à ses possibilités de développement et de carrière. L’embauche se fait en dehors de plan de prévision, lorsque des « trous » doivent être comblés dans les effectifs ou lorsque l’entreprise se développe.
- Promotion : pas de plans de promotion ou de carrière. Les individus se « taillent » leur place ou peuvent stagner longtemps dans une fonction. La promotion dépend beaucoup de la loyauté envers le dirigeant.
- Les salaires : il n’existe pas de grille de salaires. Les sauts peuvent être brusques et les augmentations laissées à l’arbitraire du chef (manière de tenir le personnel « en main »).
- L’appréciation : porte sur les qualités personnelles et sur la loyauté de la personne.
- La formation s’exerce au coup par coup, en fonction de « besoins » décidés par le patron. Elle est presque toujours réservée aux proches et fidèles collaborateurs du patron.
La logique bureaucratique se caractérise par une formalisation poussée des structures, des processus de fonctionnement, des normes de comportement ou, en d’autres mots, par un système de rôles et de règles souvent définis dans le détail et justifiés par le critère de rationalité. Fondée sur l’autorité de la règle, l’organisation où domine la logique bureaucratique se présente comme un système hiérarchique impersonnel dont l’unité fondamentale est le « poste » à remplir. Les personnes y sont interchangeables : seul compte le fait que les comportements requis dans le fonction soient assurés.
Gestion du personnel correspondante :
- Le recrutement se fait pour des postes ou des catégories de postes bien définis. Il obéit à des règles et des critères précis et objectifs ;
- La promotion se fait suivant des règles rigides (tableaux d’avancement, ancienneté). Les critères d’âge, de diplômes, de filières suivies jouent un rôle important Le passage d’une catégorie à une autre est difficile et se fait souvent par concours ou examen ;
- Les salaires : ils obéissent à des barèmes tenant compte de l’âge, de la catégorie, de l’ancienneté, ...
- La formation : elle est surtout axée sur le respect et la bonne connaissance des procédures de travail. Il s’agit d’une formation technique permettant de rectifier les erreurs ou lacunes dans l’exercice de la fonction. L’objectif premier de la formation est donc la normalisation de savoir-faire techniques.
- L’appréciation porte sur le comportement professionnel et essentiellement la conformité aux règles et procédures établies.
La logique coopérative tire son principe d’une gestion axée sur la définition d’objectifs mesurables et sur l’interdépendance de ses membres, nécessaire à leur réalisation. La structure et les processus de fonctionnement sont ici conçus avec assez de souplesse pour être régulièrement ajustés aux nouveaux objectifs à atteindre et pour faire face aux turbulences de l’environnement. La réalisation des objectifs exige des réseaux de communication qui permettent une circulation fluide de l’information, ainsi que des instances de concertation qui organisent les collaborations indispensables à l’atteinte de bonnes performances.
Gestion du personnel correspondante :
- Embauche : plus globale, elle cherche moins à trouver un individu pour un poste déterminé qu’un collaborateur pouvant faire carrière et occuper des postes divers. La sélection renseignera d’ailleurs sur certaines lacunes que des programmes de perfectionnement permettront normalement de combler. L’embauche obéit à des plans à long terme dans lesquels s’inscrit la réponse aux besoins actuels.
- Les salaires : dépendent d’une part de la qualification du travail et d’autre part de la performance par rapport aux objectifs (primes éventuelles variables et jamais automatique).
- La formation : plus individualisée, elle doit accroître le potentiel de chaque collaborateur. Elle est orientée par les discussions relatives à l’appréciation des performances et aux difficultés rencontrées dans la poursuite des objectifs.
- L’appréciation : les performances sont définies pour un temps donné et elles sont mesurables. Elles sont discutées par l’échelon qui doit les réaliser et par l’échelon supérieur.
Lorsque la structure coopérative est « démocratique », les personnes s’autoévaluent plus qu’elles ne sont évaluées et les relations de collaboration y prennent la forme d’entraide. Lorsque la structure est plutôt « technocratique », les individus sont évalués sur les résultats bruts de leur activité et les conséquences d’une performance insuffisante peuvent aller jusqu’au licenciement.
2. Logiques internes et environnement externe
Ainsi, les différentes logiques que nous venons d’évoquer orientent-elles fortement le choix des méthodes de gestion du personnel au sein des organisations. Mais chacune de ces logiques exprime en quelque sorte la morphologie (aspects structurels) et le métabolisme (aspects, processus et comportements) dont une organisation a du progressivement se doter pour survivre dans un environnement. C’est donc dans l’exploration de celui-ci que doit se trouver une explication au moins partielle du développement de telle ou telle logique au sein d’une organisation déterminée. Rappelons simplement ici que l’école des théories contingentes des organisations (par exemple, Burns et Stalker, Lawrence et Lorsch) désigne, sur base d’études empiriques, le caractère plus ou moins (im)prévisible, (in)certain, (in)stable de l’environnement comme un facteur particulièrement influent sur le type de logique organisationnelle qu’adoptera l’entreprise. Plus l’entreprise ou l’organisation se trouve confrontée à un environnement relativement stable, plus elle aura tendance à adopter une logique de type mécanique ou bureaucratique. Au contraire, l’organisation dont l’environnement présente un haut degré d’incertitude ne pourra survivre qu’en s’orientant vers une logique organique ou coopérative (ou. si elle est de plus petite taille, vers une logique de type féodal).
Table des matières :
Introduction
La GRH : des méthodes au contexte
Les méthodes de la GRH : un compromis entre acteurs
La GRH : un compromis avec la réalité
Les tenants et les aboutissants
La GRH et le « design » : des situations concrètes de travail
GRH et contexte organisationnel
La GRH et les modèles managériaux
Le modèle classique et l’Administration du personnel
Le management participatif et la gestion des ressources humaines
Le management par la négociation et la gestion sociale
Conclusions