Cours sur la strategie commerciale et marketing entreprise
Cours sur la stratégie commerciale et marketing entreprise
- Définition, intérêts et outils de la démarche stratégique
D’après la définition de Michael Porter, enseignant à Harvard, la stratégie est « l’art de créer des avantages concurrentiels ». Il y associe le concept de trade-off. L’exemple de la stratégie suivie pour démarquer le savon Neutrogena sur son marché illustre l’importance de la définition de son offre et de sa clientèle. Neutrogena a en effet décidé que ce savon existerait pour préserver les mains de ses clients et non simplement pour les laver. D’après le Directeur Général de HEC, Monsieur Ramanantsoa, la stratégie est l’allocation de ressources qui engage irrémédiablement l’avenir de l’entreprise. Il convient donc de déterminer si l’argent est placé au bon endroit et utilisé à bon escient. Ce problème d’arbitrage est d’autant plus crucial dans le cadre de structures où les moyens sont rares ou réduits. La stratégie consiste aussi à savoir pourquoi certaines entreprises sont plus performantes que d’autres. D’après un article du journal Les Echos daté du mois de janvier 2006, France Télécom et PSA « souffrent de la guerre des prix ». Les dirigeants de ces deux géants évoquent une concurrence de plus en plus agressive pour justifier une baisse des résultats de leurs firmes.
Or il est absurde de reprocher à ses concurrents d’être de plus en plus efficaces. Tel est l’objet de la concurrence. Ne pas le prendre en compte, ne pas l’anticiper revient à se comporter en piètre stratège. Une stratégie correctement défi nie doit pouvoir prendre en compte l’avenir de l’entreprise sur les 5 à 10 années à venir. Le temps dont on dispose est généralement beaucoup plus étendu qu’on ne l’imagine. Il s’agit de tracer une voie sur plusieurs années pour son entreprise, ses collaborateurs, ses associés, etc. Un patron d’entreprise a la responsabilité d’effectuer des choix. Un exemple de tous les métiers qu’il est possible d’exercer à partir d’une start-up spécialisée dans la laine de verre ultrafi ne montre que les métiers, les applications, les clients, etc. diffèrent totalement en fonction de l’orientation qui sera choisie. Avant de prendre une décision stratégique déterminante pour l’avenir de son entreprise, il faut s’attacher à dessiner une cartographie de toutes les applications que sa technologie peut générer, puis de comprendre dans lesquelles la création de valeur sera la plus intéressante pour les clients.
En distinguant correctement les notions de technologie, d’application et de métier, il est possible de bénéficier d’une vue générale et de définir en connaissance de cause une offre créant de la valeur pour un type de client particulier. En matière de stratégie, il existe des partisans du techno-push, qui consiste à considérer sa technologie comme étant la meilleure ou unique et partir du principe que cette excellence permettra de trouver un produit ou un service, puis des clients. D’autres sont adeptes du market-pull qui revient à identifier un marché de clients ainsi que leurs besoins, en fonction desquels une application technologique sera défi nie. La théorie des ressources considère que la façon dont l’entreprise combine ses ressources, si possible uniques et difficiles à copier, détermine la stratégie à suivre et qu’il faut se préoccuper de la question des clients dans un second temps. Lorsqu’ils utilisent une rupture technologique, les nouveaux entrants sur un marché l’emportent dans 70 % des cas face au leader. De très grandes entreprises, comme IBM, pratiquent encore et toujours une approche très techno-push. Toutefois, il est hautement recommandé de combiner ces deux approches. Il faut créer de la valeur pour les clients, tout en étant conscient de leurs besoins réels.
Or dans 50 % des cas, l’opinion du client n’est pas du tout prise en compte, ou alors au dernier moment (c’est-à-dire au moment de la commercialisation du produit). Une entreprise détenant 95 % du marché peut se permettre de se comporter de la sorte mais tel est loin d’être le cas de toutes les entreprises. Pour autant, il ne faut pas toujours suivre à la lettre l’opinion du client. Dec (entreprise pionnière dans l’industrie informatique) a fait une croix sur l’option du PC à une époque où cette technologie commençait à atteindre sa maturité, parce que ses clients avaient déclaré qu’ils n’étaient pas intéressés par le PC, alors que Dec possédait toutes les ressources nécessaires pour pouvoir se lancer sur ce marché. Cette entreprise n’a pas fourni l’effort de vérifi er si d’autres clients auraient pu être intéressés par cette technologie et elle l’a payé cher par la suite, puisqu’elle a fait faillite. Transformer des non-clients en clients : La société Callaway Golf a accru le nombre de joueurs de golf, simplement en mettant au point un club répondant aux attentes latentes d’un certain nombre d’entre eux. Elle est ainsi devenue leader de ce marché. Le même principe de création de valeur a été suivi par la société Piaggio, qui a mis au point le scooter à trois roues, améliorant ainsi la stabilité de cet engin et incitant davantage de personnes à l’utiliser, ou encore par la fi rme qui a fabriqué des raquettes de tennis à tamis plus large. Il est ainsi possible de transformer des non-clients en clients.
La stratégie est au cœur de la démarche entrepreneuriale. Le business plan doit contenir : les opportunités, le savoir-faire de l’entreprise, l’étude de marché, le positionnement stratégique, le team building, le plan opérationnel, les éléments fi nanciers. Agir en stratège revient à optimiser ses ressources. Une start-up n’a pas les moyens de se tromper. 50 à 80 % des produits ou services mis sur les marchés essuient un échec. Il s’agit de négocier le transfert de propriété intellectuelle en fonction du marché et du métier sur lesquels l’entreprise se focalisera, ce qui permet de réduire le coût inhérent à ce transfert. Il s’agit également de faire appel à des compétences orientées en fonction du business ciblé, de fournir des R&D en fonction de la valeur perçue par les clients et non de manière absolue. Enfi n, l’outil de production doit être particulièrement bien dimensionné. Il existe 40 à 50 outils d’analyse stratégique, mais il est possible d’en dégager quelques-uns particulièrement effi caces.
Premier outil Les 5 forces de Porter pour analyser l’attractivité d’un business. Il s’agit de mesurer :
- la rivalité entre les compétiteurs (concurrents) ;
- les barrières à l’entrée de marché (technologiques, contractuelles, politiques…) ;
- les menaces et substituts (application comparable proposée par une entreprise concurrentielle non directe) ;
- le pouvoir de négociation des clients et des distributeurs ;
- le pouvoir de négociation des fournisseurs.
Deuxième outil
La chaîne de la valeur. La chaîne de la valeur est constituée de « maillons » intermédiaires entre le produit et le consommateur fi nal : chaque maillon crée une valeur ajoutée par rapport au précédent, justifi ant d’une augmentation du prix. En 1980, Coca-Cola se limitait à la production de son sirop. Après enquête, la compagnie s’est rendue compte que les plus fortes marges se situaient au niveau des fontaines et des distributeurs automatiques de boisson. Coca-Cola a donc décidé de conquérir la totalité de la chaîne de valeur de son produit, soit en prenant des participations soit en rachetant les entreprises concernées. A partir de 1996, Coca-Cola est ainsi présente sur toute la chaîne de la valeur et, notamment, dans les zones de profi t les plus élevées. Michael Dell, fondateur du fabricant de PC, a quant à lui déterminé que les distributeurs de produits informatiques captaient environ un tiers de la valeur de la chaîne. Il a donc décidé de supprimer purement et simplement ce maillon, en assurant lui-même la distribution directe de ses produits au client fi nal.
…
- Une méthode possible pour les start-up
Le concept d’offre de référence (OR) Il n’est de valeur que perçue et relative. La valeur n’existe pas sans référence. Le client estime qu’une offre ou un produit vaut tant, parce qu’il se réfère à un autre produit ou un autre service pour comparaison. Il est diffi cile de comparer plusieurs concurrents et encore plus d’en faire la synthèse. Il existe presque toujours une offre de référence. Il s’agit de la cerner. Aucune entreprise ne peut se prétendre innovante si elle ne connaît aucune concurrence. Il est conseillé d’utiliser son concurrent le plus dangereux pour déterminer cette offre de référence. Apple a essuyé un échec avec son Newton, parce qu’elle avait pris comme offre de référence le PC. En revanche, le Palm a été une réussite, parce que l’offre de référence choisie était correcte : l’agenda papier. Une fois ces éléments précisés, il faut modifi er les attributs de la valeur de l’offre de référence. Pour cela, on peut se référer à 4 mots-clefs (exposés par W.
Chan Kim et Renee Mauborgne dans leur livre Blue Ocean Strategy) :
- réduire, voire supprimer les attributs qui ne génèrent pas de valeur pour diminuer les coûts. Tel fut le cas du Cirque du Soleil, concept créé par un ex-SDF canadien qui a décidé de constituer un cirque sans animaux sauvages (engendrant 60 % des coûts et 80 % des problèmes dans un cirque traditionnel) et sans star. Tel est également le cas des compagnies aériennes low cost, qui ont supprimé les plateaux repas, la réservation des places, la proximité des aéroports, etc.
- augmenter ou créer de nouveaux attributs pour augmenter la valeur. Le porte-mug dans les voitures japonaises pour pénétrer le marché américain, le développement instantané mis au point par Polaroïd, la troisième roue du scooter Piaggio représentent autant d’exemples. Le cas de Formule 1 mérite encore d’être cité. Formule 1 a pris comme benchmark l’hôtel 1 étoile typique. Formule 1 a supprimé l’aspect architectural et le restaurant présents dans un hôtel 1 étoile. Les chambres sont très ergonomiques et le mobilier est réduit à sa plus simple expression. Sur ces critères, l’offre de Formule 1 se situe en deçà de l’offre de référence. En revanche, le niveau de confort et de silence atteint pratiquement celui d’un hôtel 3 étoiles. Formule 1 a ainsi totalement recombiné son offre, ce qui lui a permis de rencontrer le succès que l’on sait.
…
Business Model : défi nition En inventant la carte à puces en 1973, Roland Moreno voulait offrir une alternative à la clef mécanique, qu’il ne jugeait pas très pratique1 .Il a donc mis au point une carte permettant de stocker des informations et d’ouvrir des portes. Comment a-t-il valorisé cette invention ? Il a d’abord déposé un brevet. A partir de là, plusieurs options s’offraient à lui :
- vendre son brevet ;
- vendre des licences d’utilisation, ce deuxième choix présentant l’avantage de lui procurer un revenu régulier si cela fonctionne, tout en sachant que le retour sur investissement n’est pas immédiat et n’est pas garanti ;
- produire, ce qui suppose de monter une usine, d’acquérir et développer certaines compétences et d’investir massivement ;
- devenir prestataire de service, en produisant et en constituant, par exemple, un réseau de cabines téléphoniques à carte à puce.
Ces quatre options, qui traduisent des positionnements plus ou moins larges dans la chaîne de valeur, présentent des avantages et des inconvénients, évaluables selon quatre critères :
- les délais
- l’intensité capitalistique et les compétences requises
- la facilité d’accès au marché
- les barrières à l’entrée
Il est bien entendu possible d’avoir recours à des solutions mixtes. Roland Moreno a fi nalement décidé de vendre des droits sur son brevet. La création de valeur correspond à la capacité à augmenter l’utilité d’un certain nombre d’acteurs économiques. Il existe trois types de création de valeur : une valeur de rupture (qui apporte quelque chose qui n’existait pas), une valeur démultiplicative (qui permet d’améliorer ce qui existait) et une valeur économique (qui permet de réduire le coût de ce qui existait). La proposition de valeur consiste à organiser le partage de la valeur au bénéfi ce du marché visé. La chaîne de valeur est constituée de l’ensemble des acteurs économiques du marché visé. Une fois la chaîne de valeur défi nie, il faut décider sur quel maillon l’entreprise se positionnera. Roland Moreno, en inventant la carte à puce, souhaitait proposer aux particuliers une solution plus légère et moins encombrante que la clef mécanique, mais cette proposition de valeur n’a pas fonctionné. Il a donc révisé sa stratégie d’approche en se positionnant en amont de la chaîne de valeur, en tant que détenteur du brevet et exploitant de droits de fabrication et d’utilisation de son invention. Il y a plusieurs défi nitions de la notion de business model. Mode de génération de revenus, ventilation du compte de résultats sont les acceptions les plus usitées. Nous retenons la défi nition plus générale d’Alajdidi et Maître : il s’agit à la fois d’une structure de l’offre, d’une manière de générer des revenus, d’une organisation et d’une structure des coûts, ainsi que d’une intégration dans la chaîne de valeur (selon un modèle de croissance).
Le cas NovoCiné, riche d’enseignements
Nous avons suivi le cas de cette start-up, spécialisée dans le cinéma numérique, pendant plusieurs années. Il ne s’agit pas d’une success story, mais cet exemple n’en est pas moins riche d’enseignements. En France, la technologie du numérique a désormais investi tous les niveaux du cinéma, hormis un seul : la projection des fi lms dans les salles de cinéma. Il y a quelques mois, seulement trois ou quatre salles étaient équipées pour une projection numérique. Les fondateurs de NovoCiné partaient du principe que le numérique investirait forcément les salles de cinéma, pour une raison simple : le coût d’une bobine analogique et de son transport peut être en partie économisé grâce au numérique. En général, une bobine est louée pendant une semaine, au cours de laquelle elle est utilisée non-stop. Le numérique élimine ce genre de contrainte et offre une plus grande souplesse de programmation. Il serait, par exemple, possible de diffuser un fi lm en français à 14 heures, puis en version originale à 20 heures le même jour. Enfi n, le taux d’occupation des salles de cinéma en France est de 15 % à l’heure actuelle.
Les équipements actuels, qui ont nécessité des investissements assez conséquents ces dernières années, ne sont donc pas utilisés pendant 85 % du temps. Or le numérique permettrait d’améliorer ce taux d’occupation des salles. Malgré ces évidences, le numérique ne supplante pas l’analogique dans les salles, car il existe trois écueils. Les fi lms sont encore produits en analogique, parce qu’aucune salle de projection n’est équipée en numérique. Le coût d’encodage en numérique n’est pas négligeable. En outre, les distributeurs bénéfi cieraient du passage au numérique, tandis que ce sont les salles qui devraient investir dans un nouvel équipement pour assurer ce passage. L’investisseur n’est donc pas le gagnant. Enfi n, le marché du cinéma est très réglementé. Le numérique repose sur plusieurs standards, plusieurs formats, contrairement à l’analogique. Il faudrait défi nir un standard unique pour favoriser la projection numérique.
NovoCiné a été fondée en 2001 par deux passionnés du cinéma, détenant les compétences adéquates, sur la base de trois convictions :
- le numérique permet de proposer une offre renouvelée, beaucoup plus diversifi ée, au public ;
- le numérique peut bouleverser la donne ;
- le numérique offre une réelle opportunité pour de nouveaux entrants.
Ils avaient conscience de construire un business model à long terme, qui devrait suivre une trajectoire préalablement défi nie. Ils ont ainsi envisagé NovoCiné comme une entreprise détentrice de droits, détenant un portefeuille de fi lms quelque peu différent du portefeuille propre au mode général de diffusion et exploitant un petit réseau de salles. Ils ont identifi é le talon d’Achille de l’industrie du cinéma : la publicité. Le fonctionnement des fi lms publicitaires projetés en salle de cinéma est en effet très archaïque et dépend de deux régies. Ils ont tenté cette approche, partant du principe que les annonceurs fi nanceraient l’acquisition d’un équipement de projection numérique, parce qu’ils bénéfi cieraient d’un ciblage beaucoup plus pertinent de leurs fi lms publicitaires. Les fondateurs de NovoCiné ont alors décidé de construire un réseau en rachetant des salles de cinéma, mais ils ont pu constater que cela était beaucoup plus long que ce qu’ils avaient escompté, et donc peu en adéquation avec leurs ressources. Ils ont néanmoins fait l’acquisition d’une salle, ce qui leur a permis d’apprendre le métier d’exploitant de salle de cinéma. Ils ont pris conscience de l’importance de l’ergonomie du projecteur numérique. Puis une opportunité s’est présentée à eux et ils ont décidé de changer de business model en devenant en quelque sorte le Canal+ du cinéma numérique, en proposant aux salles une offre de prêt d’équipement numérique et un catalogue de fi lms par le biais d’un abonnement. Les créateurs de NovoCiné ont accru leurs compétences techniques. Toutefois, cette stratégie n’était pas assez payante.
Une nouvelle opportunité s’est présentée à eux pour entrer dans un réseau de distribution de fi lms, en s’alliant avec d’autres acteurs européens. Il s’agissait d’un nouveau business model : celui de distributeur de fi lms. Que nous enseigne ce cas ? Le passage de la valeur au business model n’est pas évident. Le facteur temps est important à prendre en compte. Le poids des déterminants extérieurs, la rareté des ressources (fi nancières, compétences, etc.) ont également leur importance. Enfi n, la construction du business model nécessite de concevoir et de gérer une trajectoire pour son entreprise en prenant en considération la notion d’apprentissage et de nouvelles compétences résultant de l’expérience.
Martin DUVAL, Directeur d’Orange Start-Up Program
Tout d’abord, il s’agit de rappeler que le groupe France Telecom et sa marque Orange ont été parmi les premiers à faire le choix de la convergence. En effet, la marque Orange couvre désormais bien sûr le mobile, mais aussi l’internet, la TV et les contenus. Orange est ainsi devenu un acteur majeur du Digital Entertainement tant sur la musique, le cinéma que le sport. La notion d’écosystème est importante. Elle est un élément constitutif d’une approche d’Open Innovation et concerne des partenariats non seulement avec d’autres grands partenaires industriels (comme les fabricants de terminaux par exemple dans le cas d’Orange), mais aussi des start-up et des PME, des universités ou même des clients eux mêmes qui peuvent se révéler d’excellentes sources d’idées et d’innovation. Peu de grands groupes sont aujourd’hui proactifs et structurés dans l'approche de leur écosytème. Pour correctement défi nir le business model d’un nouveau service ou produit, il est donc nécessaire non seulement de bien comprendre celui des autres acteurs de son écosystème mais aussi d’envisager de les impliquer très en amont de son élaboration avec une vraie logique ouverte et collaborative.