Cours sur la modelisation statistique des risques financiers
Modélisation mathématique des risques financiers: Nouveaux défis et nouveaux horizons
Rama CONT
Horizon Maths 2013
Fondation des Sciences Mathématiques de Paris
En collaboration avec
Marco AVELLANEDA (New York University)
Lakshithe WAGALATH (Doctorant LPMA- Univ Paris VI)
Adrien DE LARRARD (Doctorant LPMA- Univ Paris VI)
Andreea MINCA (Cornell University)
Hamed AMINI (EPFL, Lausanne)
Equipe de Stabilité Financière, Banque Centrale de Norvège
Division Stabilité Financière, Banque d’Angleterre
La modélisation statistique des risques financiers
La pratique de la mesure, gestion et la régulation des risques financiers est dominée par le paradigme de la modélisation statistique des prix de marché des instruments financiers. Cette approche représente les rendements des actifs financiers (prix, taux de change, taux d’intérêt ,indices, ) comme des variables aléatoires dont le modèle spécifie la distribution
Cette loi est ensuite estimée sur des données de rendements (journaliers, haute fréquence, ) et utilisée pour calculer ou simuler la distribution des pertes de portefeuilles, mesurer leur risque, les optimiser, valoriser les contrats financiers (produits dérivés), simuler des scéarios de stress,.. Des dizaines de milliers de variables, des freéquences d’observations allant de 10 3s à 104 (jour)
Une grande variété de modèles statistiques: modèles à facteurs statiques Gaussiens, modèles GARCH, modèles de di?usion, processus de Lévy, processus à sauts, .
La modélisation statistique des risques financiers
Néanmoins tous ces modèles statistiques de risque ont certains traits en commun:
Représentation des risques de marché comme aléa exogène.
La modélisation statistique des rendements: facteurs de risque = rendements d’indices, d’instruments de référence.
Hypothèse de stationnarité: le comportement statistique du marché dans le passé prédit son comportement statistique dans le futur.
Linéarité des prix: valeur de 100 contrats = 100 x valeur d’un contrat
Modélisation des variations de ’prix/valeur de marché’, par opposition à la valeur liquidative.
Représentation et calcul des risques au niveau de portefeuilles statiques: Value at Risk, capital réglementaire,
Ces modèles statistiques ont, à plusieurs reprises, failli lorsque confrontés à des crises de marché:
Krach de 1987
La faillite du fonds LTCM (1998)
La crise des ’subprimes’ et la ’perte de diversification’ des investisseurs institutionnels
”Quant crash” d’ Aout 2007: grosses pertes de - 20% / jour pendant 3 jours consecutifs dans les hedge funds ’neutres au marché’ investis dans les actions américaines.
La turbulence de marché suite au défaut de Lehman Brothers en Sept 2008
La ’Baleine de Londres’: perte de > 5 Millards $ lors du débouclage des ’Credit Default Swaps’ de JP Morgan E?ets de contagion de la crise de l’Euro: Grèce, Chypre,
Ces situations sont caracterisées par des variations soudaines / ”décrochages” de prix et de paramètres de volatilités et corrélations des facteurs de risque: changement derégime?
Figure: EWMA average correlation in Eurostoxx 50 returns, 2006-2010.
The Quant crash of August Flash Crash: Intraday evolution
2007 (Lo & Khandani, 2009). of prices and transaction volume on IBM Shares, May 6, 2010.
Rama CONT: Measuring and modeling systemic risk
Feb Mar Apr May Jun Jul Aug Sep Oct Nov Figure: EWMA average correlation among SPDRs and Eurostoxx 50
La modélisation quantitative face aux crises
Dans tous ces exemples un événement de marché fait passer abruptement d’un régime de comportement de marché ’calme’ à un régime ’turbulent’.
Les modèles statistiques usuels n’ont pas d’explication convaincante ni pour les fluctuations anormales observées ni pour leur concentration dans le temps et les règles de couverture et de gestion ’optimale’ qui en découlent ont échoué dans ces cas.
La modélisation quantitative face aux crises
Dans tous ces exemples un événement de marché fait passer abruptement d’un régime de comportement de marché ’calme’ à un régime ’turbulent’.
Les modèles statistiques usuels n’ont pas d’explication convaincante pour ces fluctuations anormales et leur concentration dans le temps et les règles de couverture et de gestion ’optimale’ qui en découlent ont échoué dans ces cas.
Face à ces exemples, l’argument qui consiste à dire que ’les modèles ont été utilisés hors de leur contexte’ n’est pas tenable: qui veut un parapluie qui ne fonctionne pas quand il pleut?
Au contraire: nous pensons que, loin d’être des ’aberrations’ (’outliers’), ces exemples fournissent la clé pour explorer de meilleures approches de modélisation.
‘Cygne Noir’: une contre–vérité qui arrange (certains)?
(avec nos excuses à Nassim Taleb et Al Gore)
Il est convenable (ex-post) d’appeler de tels événements des risques ’totalement imprévisibles –ou ’cygnes noirs’: cela a le mérite d’enlever toute responsabilité aux gestionnaires de risques, régulateurs et modélisateurs
Cette position est renforcée par certains pourfendeurs des mathématiques qui, sans comprendre l’enjeu de la modélisation quantitative des risques, en profitent pour dire que tout système humain échappe à la modélisation mathémtique.
Nous essaeirons d’argumenter, au contraire, que l’échec des modèles statistiques de risques n’est pas tant duˆ à des occurrences ’parfaitement imprévisibles’ mais à des mécanismes économiques prévisibles que l’on peut modéliser de fa¸con déterministe et qui permettent de comprendre de démystifier ces ’cygnes noirs’
Le défi de la Haute Fréquence
Une idée simple: l’impact des transactions sur le prix
Les transactions de grande taille, notamment d’investissuers institutionnels, influencent le prix de marché. Ce phenomène bien documenté est connu sous le nom d’impact d’un ordre sur le marché: il peut être modélisé de fac¸on linéaire ou non–linéaire (Obizhaeva 2008; Cont Kukanov Stoikov 2010): après une transaction de taille X le prix varie selon
S(t + t) S(t) X
= ?(t) + I( )
S(t)
r(t): variable aléatoire (bruit) représentant l’aggrégation des autres facteurs influencant le prix
I(.): price impact function/ price elasticity of demand measures the market depth.
A stylized model of fire sales
Consider a large institutional investor with positions i in asset
(classes), with prices
Si(it(t)) = XAij?j(t) S
j
Aij reflect ’historical’/normal volatilities/correlations . Fund value
V(t) = P?iSi(t))
We want to model how fire sales in such a portfolio impact price dynamics, realized volatility and realized correlations of assets liquidated by the fund.
A stylized model of fire sales
”Market stress”: Fund value drops to V (t) < V(t)
V (t) exceeds a threshold (linked to capital
requirements, liquidity ratios or performance with respect to a benchmark) fund liquidates positions over horizon T.
Liquidation strategy: X(t) = (X1(t), ,Xn(t)) with
Xi(0) = ?i, Xi(T) = 0
Market impact of liquidation:
Market impact
Si(t) { Si(t) ij
?i(t): risk factors, Aij= factor loadings, i market depth.
Deleveraging schedule
Figure: As fund value drops, manager/investors exit their positions: this is modeled by a ’liquidation schedule’ f (.): Xi(t) = ?if (V(t)/V(0))
Statistical risk models
Liquidity and market impact
Endogenous risk
Fixed mix strategies
Figure: Distribution of realized correlation between the two securities
(with ? = 0) with and without feedback eRama CONT Channels of Contagion?ects due to distressed selling
Statistical risk models
Liquidity and market impact
Endogenous risk Fixed mix strategies
Introduction
A multi-asset model of price impact from distressed selling Numerical experiments
Introduction
A multi-asset model of price impact from distressed selling Numerical experiments
Black Swans
A simple model for endogenous risk
Simulation examples
Di?usion limit and realized correlation
Endogenous risk and spillover e?ects
Consider now a small fund with (dollar) positions
.
Statistical risk models
Liquidity and market impact
Endogenous risk
Fixed mix strategies
Spillover e?ects
Distressed selling
Conclusions
Portfolio overlaps as a factor for contagion
Excess volatility generated by price-mediated contagion is driven by the overlap between portfolios, weighted by market depth:
Pi
i i i
In particular, under the ’orthogonality’ condition:
1?i?n i
distressed selling in fund ? does not a?ect fund µ’s variance!
If all assets equally ’liquid’ ! a dollar neutrality condition. On the contrary, contagion is maximized when allocations have large overlap.
Channels of Contagion
Risque endogène: implications pour la régulation
Existence de règles autodestructrices: certaines contraintes imposées sur le capital ou fonds propres des banques peuvent, dans un scénario de crise, les pousser à déboucler simultanément et rapidement leurs portefeuilles, amplifiant ainsi les instabilités de prix et générant une instabilité systémique.
La contagion d’un portefeuille à l’autre étant fonction de leur ’overlap’, plus les portefeuilles sont diversifiés (ce qui est en principe ’bénéfique’ pour leur risque), plus on crée des couplages entre di?érents marchés
Diversification vs diversité: en e?et, la contagion est maximale dans un marché ou` tous les portefeuilles sont diversifiés de fac¸on similaire, donc alignés. A l’opposé, le risque systémique est diminue avec la diversité des portefeuilles.
Applications
Incorporation du risque endogène dans les modèles de risque de portefeuille.
Etude/simulation de l’impact sur le marché de la liquidation d’un grands fonds
Simualtion de scénarios de stress systémiques tenant compte de la contagion et le risque endogène résultant
Modélisation du lien entre liquidité et risque de marché.
Chantiers en cours avec:
Equipe de Stabilité Financière, Banque Centrale de Norvège
Division Stabilité Financière, Banque d’Angleterre
Le défi de la Haute Fréquence
Ces problèmes sont rendus plus complexes dans les marchés électroniques ou` divers types d’intervenants envoient des ordres sur une large gamme de fréquences, allant da la milli-seconde (trading haute fréquence) au mois (fonds de pension, assurances).
Ordres de vente et achat centralisés dans un carnet d’ordre
électronique qui éxecute les ordres selon des règles de priorité en temps et en prix et génère une suite de prix de transaction. ”BigData”: plusieurs TeraOctets de messages envoyés par les intervenants de marché chaque jour
Dynamique discrète à haute fréquence (10 3 10 1 sec): prix déterminés par le flux d’ordre dans le carnet (modèles de file d’attente: C & Larrard, 2011, 2012)
Dynamique de type di?usion à basse fréquence (heure, jour) Dynamique intermédiaire plus complexe: coexistence de variables di?usives (’homogénéisées) et discrètes (composante basse fréquence): liquidité finie + volatilité.
Rama Cont and Adrien LARRARD Stochastic modeling of limit order books: high-frequency dynamics and di?usi
Limit Order book: average profile
Tracking traders in the LOB
Classification des types de flux d’ordre
Etude des données de la CFTC (Cont, Kukanov, Vinkovskaya
2012)
Données brutes de message en format FIX avec identifiant du participants de marché
Classification des flux d’ordres des participants avec des critères statistiques: algorithme CART (Breiman et al). Cette classification montre une division claire en catégories,
Traders Haute Fréquence: fréquence ? 10 3s, n’accumulent pas d’inventaire, ordres allant en haut du carnet, bcp
d’annulations (> 80%) en vrac
Teneurs de marché (market makers)
Acheteurs et vendeurs directionnels à ”basse fréquence”:
longues séquence d’ordres dans le meme sens Existence de plusieurs échelles de temps
Rama CONT Modélisation mathématique des risques financiers
La gamme des échelles de temps en finance
Régime | Echelle de temps | Sujets |
Ultra-haute fréquence | ? 10 3 1 s | Microstructure, Latence |
Haute Fréquence (HF) | ? 10 102 s | Execution d’ordres |
“Journalier” | ? 103 104 s | Stratégies de trading, Couverture des risques |
L’existence de cette hierarchie suggère l’emploi de méthodes asymptotiques pour relier les dynamiques à di?érentes fréquences. Idée: partir d’une description statistique du flux d’ordre à échelle fine et en déduire l’asymptotique de la dynamique de marché à des
échelles plus grandes
Analogie avec les limites hydrodynamiques des modèles de particules en physique.
Représentation du carnet d’ordre comme une paire de mesures (aléatoires) ?N = (?N,?+N) representant le nombre et l’emplacement des ordres de vente et achat dans le carnet d’ordre.
Theorem (Dynamique d’un marché multi-fréquence)
Sous des hypothèses d’échelle (correspondant aux observations empiriques) lorsque le nombre d’intervenants N !1, le carnet?N = (?N,?+N) converge faiblement vers une paire de mesures avec densités (?+, (t, x),? , (t, x), t 0, x> 0) solution d’un problème aux frontières libres stochastique:
@?+ +2 @2?+ @?+
@t = 2 @x2 + b+ @x x< St; ?+(x) = 0 x> St
@? 2@2? @?
@t = 2 @x2 + b@x x> St; ?+(x) = 0 x< St
dSt dWt
Demande agrégée
Rama CONT Modélisation mathématique des risques financiers
Comportement du carnet dans un marché multi-fréquence
Problème de Stefan’ avec terme de bruit blanc à la frontière libre.
Version stochastique du modèle de formation de prix étudié par Lasry & Lions (2007), Ca?arelli et al (2012)
Fournit une fondation micro-structurel du modèle de Lasry & Lions (2007)
Permet d’étudier l’impact du trading haute fréquence sur la stabilité, volatilité et liquidité de marché.
Lien avec ’jeux à champs moyen’ (Lasry Lions 2006).
Synthèse
De multiples situations, caractérisées par l’impact non-négligeable de l’o?re/demande de participants de marché sur le prix, ou` il n’est pas su sant, pour modéliser les risques financiers, d’avoir une représentation statistique –exogène et stationnaire– des mouvements de prix.
Traits communs: risque endogène, prise en compte de la liquidité et du mécanisme de formation de prix
Bonne nouvelle: des approches de modélisation mathématique existent et sont tractables/ accessibles:
Modèles dynamique de rétroaction (feedback) non-linéaire prix/ demande
Méthodes asymptotiques et lien entre dynamique à di?érentes
échelles
Ces modèles jettent un nouveau regard sur le risque de portefeuille, la valeur liquidative vs prix nominal de marché, le lien entre haute et basse fréquence et l’anatomie des Cygnes Noirs
Conclusion
On ne peut pas tout représenter tous les risques financiers avec une approche de modélisation (purement) statistique: il faut distinguer risques récurrents -extrêmes ou pas- des risques endogènes déclenchés par l’action des intervenant de marché. Les situations de crise comportent une composante non-négligeable de risque endogène qu’on ne peut décrire comme un aléa statistique indépendante.
La modélisation du couplage entre l’action des intervenants de marché et les fluctuations de prix qui en résulte passe par le mécanisme (déterministe) de formation de prix, tenant compte de la liquidité du marché.
Lorsqu’on tient compte du risque endogène, des règles de ’gestion/minimisation de risque’ peuvent en fait générer des instabilités et augmenter le risque
Cela appelle à mieux intégrer les règles de gestion et mécanismes de régulation dans les modèles de risque.
Références: risque endogène
R Cont, L Wagalath (2013)
Mathematical Finance.
R Cont, L Wagalath (2012)
R Cont, A Moussa, E B Santos (2013)Network Structure and
Handbook of Systemic
Risk, Cambridge Univ Press,
Références: données haute fréquence
Rama CONT (2011) Statistical modeling of high frequency data: facts, models and challenges, IEEE Signal Processing, Vol 28, No 5, 16–25.
Rama Cont and Adrien de Larrard (2010) a SIAM Journal on Financial Mathematics,
Rama Cont and Adrien de Larrard (2011) dynamics in liquid markets: limit theorems and di?approximations,
Rama Cont and Adrien de Larrard (2012) limit order markets: linking volatility with order flow, Working Paper.