Cours de mathematiques financieres : taux d’interet, actualisation et credits
Cours de mathématiques financières : taux d’intérêt, actualisation et crédits
Ce chapitre présente les notions et les méthodes élémentaires de mathématiques financières. Celles-ci concernent les taux d’intérêt, ainsi que l’actualisation qui permet d’estimer la valeur aujourd’hui de flux disponibles dans l’avenir et de définir et calculer la rentabilité des investissements et le coût des financements. Ces outils mathématiques élémentaires et fondamentaux sont utilisés tout le long de cet ouvrage. Dans ce chapitre, ils sont appliqués à l’étude des investissements et des opérations de prêts-emprunts.
Une première section, introductive, explique comment on représente les opérations de prêts-emprunts et, plus généralement, les investissements-financements par des échéanciers de flux. La deuxième section porte sur les opérations à deux flux qui permettent de présenter simplement les taux d’intérêt et les différentes conventions auxquelles ils donnent lieu. Les opérations à plusieurs flux, les méthodes d’actualisation et leur application à l’analyse des investissement sont traitées en section 3. La section 4 est consacrée à l’étude des crédits à long terme.
Section I
Les échéanciers de flux
D’un point de vue mathématique, une opération d’investissement ou de financement est définie par l’échéancier des flux de trésorerie qu’elle génère. Un flux de trésorerie est une somme d’argent transférée d'un agent à un autre. Un flux reçu (encaissement) est représenté par un nombre positif alors qu’un flux versé (décaissement) est quantifié par un nombre négatif. Tout flux positif pour l’emprunteur est négatif pour le prêteur et réciproquement. Deux points de vue symétriques peuvent être adoptés: celui du prêteur-investisseur (qui prête, place ou investit une certaine somme d’argent) et celui de l’emprunteur (qui souscrit/contracte l’emprunt et reçoit cette somme).
L'octroi d'un prêt représente un investissement (ou un placement) pour le prêteur : en effet, il implique une mise de fonds initiale (sortie d'argent égale au montant du prêt) en contrepartie de revenus (rentrées d'argent) espérés par la suite sous forme de remboursements progressifs de ce capital majorés d'intérêts. Pour l’emprunteur, l'opération est un financement. Le taux du prêt correspond à la rentabilité de l’investissement pour le prêteur et au coût du crédit pour l’emprunteur.
Avant toute tentative de représentation des échéanciers de flux générés par les opérations financières, il convient de préciser l’unité en laquelle le temps est compté. On appelle période de référence la période sur laquelle est défini le taux de l'opération. Ainsi, si le taux donné est un taux annuel, la période de référence est l'année, si le taux est mensuel, la période de référence est le mois, etc. La période de référence choisie est en général, soit l’année, soit la période séparant deux coupons dans les opérations de prêts-emprunts. Une durée est donc exprimée en nombre de périodes de référence et ce nombre n’est pas nécessairement un entier.
Le déroulement dans le temps ou échéancier des flux peut être représenté soit par un diagramme de flux,soit par un vecteur (ou séquence ou chronique de flux).
Un diagramme de flux comprend un axe horizontal représentant le temps sur lequel chaque flux est placé à la date de sa tombée; les flux reçus sont représentés par des flèches vers le haut, les flux versés par des flèches vers le bas.
Exemple :
Le diagramme représenté sur la figure 1-a ci-dessous représente un emprunt de 100 contracté en t = 0, donnant lieu à des remboursements (capital et intérêts) de 0, 20, 30 et 115 au terme de la première, deuxième, troisième et quatrième année, respectivement. L’année constitue ici la période de référence. Le diagramme de la figure 1-b représente la même opération vue par le prêteur.
Le diagramme des flux permet de visualiser de façon synthétique une opération financière et nous l’utiliserons dans ce chapitre et, occasionnellement, dans la suite de l’ouvrage.
Le diagramme des flux du prêt (i.e. l'opération vue par la prêteur) est symétrique de celui de l’emprunt :
Figure 1-b
+20 +30 +115 t
1 |
2 |
3 |
4 |
-100
De façon plus synthétique, l'échéancier des flux peut être représenté par une séquence ou un vecteur. Ainsi, le prêt de l’exemple ci-dessus a pour représentation la séquence {-100, 0, 20,30, 115} et l’emprunt correspondant : {+100, 0, -20, -30, -115}.
Section II
Opérations à deux flux
La plupart des concepts de base en matière de taux d’intérêt peuvent s’expliquer simplement à partir d’opérations à deux flux. En outre, dans la pratique, l’essentiel des opérations à court terme (moins d’un an) ne génèrent que deux flux. C’est pourquoi nous allons consacrer l’intégralité de cette section à l’étude de telles opérations. Les opérations d’une période de
durée seront abordées avant celles qui portent sur plusieurs périodes et donnent lieu à différents modes de calcul des intérêts.
1. Opérations de prêt-emprunt engendrant deux flux sur une période
Nous considérons d’abord des opérations financières se déroulant sur une seule période qui va de la date t =0 à la date t =1 (la période de référence correspond à l’intervalle temporel séparant les deux flux). Ces opérations impliquent donc deux flux, C (capital prêté en 0) et F (flux final, en t=1, comprenant remboursement du capital et intérêts I, avec I = F-C)
Dans le cas de l'emprunt d'un capital C au taux d'intérêt r entre les dates t =0 et t =1, le diagramme des flux est conforme à celui de la figure 2 :
Figure 2
…
F= - (C+I)= - C(1+r)
L'emprunteur reçoit à la date t =0 un capital C. En t =1, il rembourse le capital et les intérêts, dont le montant est égal au taux d'intérêt r multiplié par le capital emprunté C. En t = 1, le flux total F est donc égal à - C (1+r). Plus simplement, l’emprunt est représenté par la séquence :{ +C , -C(1+r)}.
Le diagramme du prêt est le symétrique par rapport à l'axe du temps de celui de l’emprunt ; le prêt génère la séquence :{ -C , +C(1+r)}.
2. Opérations à deux flux sur plusieurs périodes
Nous considérons maintenant une opération à deux flux, C et F, séparés par n périodes ; ici la durée de l’opération diffère de la période sur la base de laquelle le taux est défini. Par exemple, n = 6 si la période de référence est le mois (associé à un taux mensuel) alors que la durée du crédit est de six mois.
Pour l’emprunteur, C >0 et F<0 et le diagramme des flux se présente alors comme suit :
Figure 3-a
…
Le flux F terminal comprend le remboursement du capital prêté, C, et les intérêts, F- C.
Deux méthodes sont possibles pour calculer les intérêts : la méthodes dite "des intérêts simples" et celle "des intérêts composés". Nous les étudierons successivement puis nous les comparerons.
a) Les intérêts simples (ou proportionnels, ou linéaires)
L’opération se déroule sur n périodes et nous l’analysons du point de vue de l’emprunteur (celui du prêteur est symétrique).
Dans le cas d'un emprunt d'un capital C au taux d'intérêt r entre les dates t =0 et t =n, avec un remboursement du capital et des intérêts en une fois à la date finale t=n, les intérêts « simples » ou « proportionnels » sont proportionnels au taux r et au nombre de périodes n :
I = C r n
Le flux terminal est donc F = - (C+C r n ) et le diagramme des flux est le suivant :
F= - C (1+ nr)
Souvent, le nombre n de périodes n'est pas un entier. Tel est le cas, notamment, si le taux est annuel et si la durée de l'emprunt est inférieure à un an. En appelant T la durée de l'emprunt (en fraction de période), les intérêts (simples) et le flux terminal ont pour montant :
I = C r T
(1)F= - C(1 + rT)
Le plus souvent, la formule (1) s’applique avec un taux annuel (donc une période de référence égale à un an) et une durée T < 1. Deux conventions (ou « bases ») sont en vigueur pour le calcul de T :
- La convention dite « exact/exact » pour laquelle :
T =NaNj
où Nj est la durée de l’opération exprimée en nombre de jours et Na est égal au nombre exactde jours compris dans l’année (365 ou 366 les années bissextiles). Il est essentiel de remarquer que Nj est le nombre exact de jours intervalles entre les deux dates 0 et n. Par exemple, Nj est égal à 47 entre le 11 avril (t=0) et le 28 mai (t=n).
- La convention dite « exact/360 » pour laquelle : T=Nj/360 ; les conséquences de cette règle de calcul, qui augmente artificiellement la durée T, seront étudiées dans le paragraphe 4.
Exemple :
Soit un emprunt d'un capital C = 1 000 euros sur une durée de 6 mois, entre le 1er janvier n et le 1er juillet n, au taux annuel r = 5%. La durée de l'emprunt est de 181 jours, l’année n n'étant pas bissextile. D'où, pour la convention « exact/exact» :
T = 181 / 365 = 0,49589…≅0,5 année
I = 1 000×(181/365)×5% = 24,79 euros
NB : alors qu'on aurait pu penser utiliser de façon approchée 6 mois = 1/2 année d'où T=0,5, on utilise pour le calcul la valeur exacte de T, c'est-à-dire la fraction 181/365.1
Il est à noter que la méthode des intérêts simples est utilisée en général pour les opérations de durée inférieure à une année. Dans le cas d'opérations de durée supérieure à un an, la méthode des intérêts simples n'est pas utilisée (c’est la méthode des intérêts capitalisés, exposée maintenant, qui prévaut).
b) Les intérêts composés (ou capitalisés)
Le principe du calcul est le suivant : supposons un capital C placé à un taux d’intérêt r pendant n périodes situées entre t=0 et t=n et notées 0-1, 1-2, …, (n-1)-n ; les intérêts sont calculés à la fin de chaque période puis ajoutés au capital (on dit qu’ils sont « capitalisés ») et produisent à leur tour des intérêts au même taux r dans les périodes ultérieures.
Si l'opération ne durait qu’une période (n=1) elle serait représentée par la chronique suivante : {-C, + C(1+r)}.
En fait, quand n>1, aucun versement n’est opéré à la date t =1 et les intérêts Cr sont ajoutés au capital de sorte que le capital dû par l’emprunteur au début de la période 1-2 est égal à C(1+r) ; tout se passe comme si l'investisseur « réinvestissait » en t=1 le montant C(1+r) dansle même placement de taux r. Insistons sur le fait qu’il n'y a pas de transfert effectif d'argent en t =1: les intérêts sont simplement calculés à la fin de la période et ajoutés au capital, donc réinvestis et porteurs de futurs intérêts.
Au terme de la deuxième période, c'est-à-dire à la date t =2, le montant dû par l’emprunteur est [C(1+r)] (1+r) = C (1+r)2. La séquence des flux relative à une opération de durée égale à deux périodes (0-1 et 1-2) est donc: {-C, 0, +C(1+r)2}. Quand n>2, le montant C(1+r)2 n’est pas versé par l’emprunteur mais ajouté au capital dû (donc replacé par le prêteur sur la période 2-3) et ainsi de suite jusqu’en t = n-1. Le capital dû est donc multiplié par (1+r) au terme de chaque période. En n, qui est la date terminale ou échéance du prêt, l’emprunteur rembourse C(1+r)n. Ce prêt aura donc généré la séquence : {-C, 0, …,0, +C(1+r)n}, représentée par le diagramme de la figure 4:
…
Remarquons que les intérêts sont égaux à :
I = F – C = C (1+r)n – C, soit C [(1+r)n - 1].
Dans le cas général, le nombre de périodes n'est pas un entier. On appelle alors T la durée de l'emprunt ; pour un capital prêté C en t=0, le prêteur reçoit (l’emprunteur paye) en T :
(2)F = C (1+r)T
Les intérêts ont donc pour montant :
I = C(1+r)T- C = C ((1+r)T- 1)
Notons pour terminer que lorsque le taux r est associé à un calcul de capitalisation des intérêts il est qualifié de taux actuariel ; quand il donne lieu à des intérêts proportionnels, il est appelé taux proportionnel (ou linéaire, ou arithmétique).
Remarque :
La formule (2) est complètement générale et ne requiert que la cohérence entre r et T : r est le taux période de capitalisation et T le nombre (éventuellement fractionnaire) de périodes decapitalisation, quelle que soit la durée de la période. Si r est un taux annuel, T est un nombre d’années, mais si r est un taux mensuel, T est un nombre de mois, etc.
Exemple :
1 000 € capitalisés au taux de 7% annuel produisent au terme de 10,25 ans des intérêts capitalisés égaux à 1 000,71 € (le capital a doublé). Capitalisés à 1,75% (7/4 %) par trimestre pendant 41 trimestres (donc la même durée), ils produisent des intérêts de 1 036,63 €.
c) Valeur acquise, Valeur présente et taux de rendement
La valeur acquise (ou future) est égale au montant final (capital et intérêts) récupéré par leprêteur à l'échéance de l'opération. Pour un capital placé C sur une durée T à un taux r, la valeur acquise est donnée par les relations (1) ou (2), selon que le taux r est proportionnel ou actuariel:
Vacq = F = C (1+rT ) si r est proportionnel ; Vacq = F’ = C (1+r)Tsi r est actuariel.
Inversement, un flux F en T peut être obtenu (ou acquis) moyennant un placement au taux r, en t =0, d’un montant égal à :
C = |
F |
si r est proportionnel ; |
|||
1 + rT |
|||||
C’ = |
F |
si r est actuariel. |
|||
(1 + r)T |
|||||
Les expressions 1 + rT (si r est proportionnel) et(1 + r)T (si r est actuariel) sont appelées valeur présente (en 0), ou encore valeur actualisée (en 0), du flux F disponible en T.
Considérons maintenant le placement d'un capital C donnant lieu à un flux terminal (valeur acquise) F à la fin d'une période de durée T . Par définition, le taux de rendement ou taux derentabilité est le taux d’intérêt qui permet d'obtenir le flux F par un prêt de C sur une durée T .Dans ce problème, F, C et T sont donnés et le taux est l’inconnue. Selon que le taux recherché est proportionnel ou linéaire, le résultat est différent.
Dans le cas où les intérêts sont proportionnels, on note rp ce taux, nommé taux de rendement arithmétique (ou proportionnel), et on a : F = C (1 + T rp), d’où :
rp = F–CCT
Dans le cas où les intérêts sont composés, on note ract le taux actuariel recherché, et on a : F= C (1 + ract)T, d’où : F 1/Tract =- 1C
3. Comparaison des intérêts composés avec les intérêts simples
Puisque le taux actuariel et le taux proportionnel (ou arithmétique) conduisent à des résultats différents, deux questions se posent : à taux r et durée T donnés, les intérêts simples sont-ils inférieurs ou supérieurs aux intérêts composés? A quelle condition un taux arithmétique et un taux actuariel donnés sont-ils « équivalents »?
a) Comparaison des intérêts simples aux intérêts composés, à taux donné
La proposition suivante répond à la question concernant la comparaison du montant des intérêts selon que ceux-ci sont simples ou composés.
Proposition :
En supposant que les taux sont positifs, C(1+ r T) < C(1+r)T si et seulement si T > 1 : donc, pour un taux r, un capital C et une durée T donnés, les intérêts simples sont inférieurs auxintérêts composés si et seulement si T > 1 .
Si T = 1, les intérêts simples sont égaux aux intérêts composés.
Démonstration graphique :
1+rT (fonction linéaire de T)
1+r
(1+ r)T (fonction convexe de T)
Les graphiques ci-dessus représentent f(T) = 1+rT (droite en pointillé) et g(T)=(1+r)T (courbe convexe en trait plein). Puisque les deux fonctions coïncident pour T =0 (f(0) = g(0) = 1) et pour T=1 (f(1) = g(1) = 1+r ), la courbe représentant g est située en dessous de la droite représentant f pour T < 1 et au dessus pour T > 1 : donc (1+r)T< 1+rT si et seulement si T >1.
Exemple numérique :
Considérons 100 euros placés à un taux de 10% sur différentes durées.
- S’il sont placés sur deux ans (T > 1) :
Selon la méthode des intérêts simples, la valeur acquise est 100×(1+2×0,1) = 120 Selon la méthode des intérêts composés, la valeur acquise est 100×1,12 = 121 (> 120)
• S’ils sont placés sur 9 mois (les 9 premiers mois d’une année qui n’est pas bissextile): Selon la méthode des intérêts simples, la valeur acquise est 100×(1+ 365273 ×0,1) = 107,48 Selon la méthode des intérêts composés, la valeur acquise est 100×1,1273/365 = 107,39 < 107,48
Rappelons qu’on utilise le plus souvent l’année comme période de référence (car les taux affichés sont en général annualisés), la méthode des intérêts composés pour les durées supérieures à un an (moyen et long terme) et la méthode des intérêts simples pour les durées inférieures à un an (court terme). Les pratiques de marché favorisent donc les prêteurs et désavantagent les emprunteurs.
b)Calcul de taux « équivalents »
On utilisera dans la suite le concept « d’équivalence » en matière de taux.
Définition : deux taux sont équivalents sur une durée donnée T, s’ils conduisent au même flux terminal F, pour le même capital placé C.
Considérons le placement d’un capital C sur une durée T. Si le taux du placement rp est proportionnel, le flux terminal est F = C(1+ rpT) alors que s’il est actuariel le flux terminal est F’ = C (1 + ract)T. Pour que ces deux taux soient « équivalents », tant pour le prêteur que pour l’emprunteur, il faut que les flux qu’ils génèrent, F et F’, soient égaux . Dès lors, rp et ractsont équivalents si:
F= F’= C (1+ T r rp) = C (1 + ract)T, c’est à dire:
(3)(1+ Trp) = (1 + ract)T
La relation (3) peut être utilisée dans les deux sens : pour trouver le taux proportionnel équivalent au taux actuariel ou pour trouver le taux actuariel équivalent au taux proportionnel. Remarquons que deux taux ract et rp équivalents sur une durée T ne le sont pas sur une durée T’ différente de T.
Exemple :
Soit un placement de 100 euros sur 2 ans au taux proportionnel de 10%. La valeur acquise selon la méthode des intérêts simples est
Vacq = 100 (1 + 2 × 10%) = 120
Pour obtenir la même valeur acquise en utilisant la méthode des intérêts composés, il aurait fallu appliquer un taux ract tel que :
120 = 100 (1 + ract)2 , soit ract = (120/100)1/2-1 = 9,54%
4. Deux "complications" d’ordre pratique
Les pratiques des marchés et des opérations de banque "compliquent" le calcul des intérêts. Ces complications tiennent au mode de calcul de la durée, d’une part, et aux modalités du paiement des intérêts, d’autre part.
a) Calcul de la durée T : les bases 360 et 365-366
Dans la plupart des pays et dans la plupart des cas, la période de référence est l'année (c'est-à-dire que, sauf mention explicite du contraire, les taux donnés sont annuels). Mais dans de nombreux cas la durée de l'opération n'est pas égale à un nombre entier d’années. Quelles sont alors les conventions en vigueur pour le calcul de la durée T de l'opération?
Deux cas doivent être distingués selon que T est inférieur ou supérieur à un an.
- Si la durée de l'opération est inférieure à un an :
- pour les opérations bancaires (entre une banque et son client non bancaire, hors marché monétaire), T = Nj/Na ; rappelons que Nj représente le nombre de jours de durée de l’opération et Na le nombre exact de jours de l’année ; la base de calcul est dite exacte (ou plus simplement 365).
- pour les opérations sur le marché monétaire (cf chapitre 3), T = Nj/ 360 (base 360) 2.
- Si la durée de l'opération est supérieure à un an, on utilise toujours T = Nj/Na (baseexacte).
Le calcul des intérêts sur une base 360 majore évidemment les intérêts, donc le taux, dans le rapport 365/360 ou 366/360.
Exemple : soit un emprunt de 1 000 euros sur 67 jours, du 1erfévrier au 8 avril de l’année n bissextile, au taux de 5%. Les intérêts I sont calculés selon la méthode des intérêts simples car T < 1 an.
En base 360 : I = 1 000 × 5% × 67/360 = 9,31 euros
En calcul exact (ici, base 366) : I = 1 000 × 5% × 67/366 = 9,15 euros. Les intérêts sont donc supérieurs en base 360, dans le rapport 365/360.
b) Les modalités de paiement des intérêts :
Les intérêts peuvent être payés en fin de période : on dit qu’ils sont post-comptés ou termeéchu. Ils peuvent également être payés en début de période : on dit qu’ils sont payés d’avance,ou précomptés, ou encore, terme à échoir.
- Intérêts post-comptés (terme échu)
Le taux d'intérêt r est dans ce cas appelé "taux post-compté" ou "taux in fine".
Par exemple, la figure 5 ci-dessous présente le diagramme des flux du prêt à intérêts post-comptés d'un capital C au taux proportionnel r, sur une durée T :
- C
Exemple :
Soit, sur le marché monétaire, l’emprunt à intérêts post-comptés, sur une durée de 60 jours, d'un capital de 1 000 euros, au taux d'intérêt annuel de 3,5% proportionnel base 360.
Le flux final est égal à -1 000 (1+ 3,5% × 36060 ) = - 1 005,83 €.
NB : la base de calcul est 360 car il s’agit du marché monétaire).
- Intérêts précomptés.
Les intérêts sont alors versés au début de l'opération. Le flux initial F0 est d’un montant égal au capital diminué des intérêts I ; le capital (ou valeur nominale de l’opération) est versé par l’emprunteur en fin de placement. Le diagramme des flux pour le prêteur se présente donc comme suit :
Dans ce cas d'intérêts payés d’avance, on distingue deux formes de calcul du flux F0 = C - I, selon que les intérêts sont calculés à partir d'un "taux précompté" (dit aussi "tauxd'escompte"), ou à partir d'un taux post-compté ou in fine.
Premier mode de calcul : utilisation d'un taux précompté ou taux d'escompte
Cette méthode consiste à calculer les intérêts, de manière classique, en appliquant le taux prorata temporis au montant C du capital, et à les retrancher du capital prêté, pour obtenir leflux F0 initial. On a alors
F0 = C - r C T = C (1-r T )
Exemple : l’escompte commercial.
Les opérations d’escompte d’effets de commerce donnent lieu à des intérêts précomptés calculés avec un taux précompté.
Soit un effet de commerce d’un montant de 1 000 euros émis par un client commercial de l’entreprise X, à échéance de 60 jours. X ayant besoin de fonds, elle négocie auprès de sa banque l’escompte immédiat de cet effet , à un taux d’escompte annuel de 3,5% sur la base de 365 jours. Les flux, pour la banque (le prêteur), seront alors :
En t =0, les intérêts = 1 000 × 3,5% × 60/365 = 5,75, donc : -F0 = -(1000 – 5,75) = - 994,25 euros.
En t = 1, la banque récupère C = + 1 000 euros.3
A montant d’intérêts donnés, l’emprunteur préfère les intérêts post-comptés aux intérêts précomptés puisqu’il les paye plus tard.
Deuxième mode de calcul : utilisation d'un taux post-compté (in fine)
Comme le paiement immédiat des intérêts est pénalisant pour l'emprunteur si l'on utilise le même taux que pour des intérêts post-comptés, dans certaines opérations à intérêts précomptés (notamment sur le marché monétaire), le taux utilisé est ajusté à la baisse, pour le rendre « équivalent » au taux « in fine » affiché. Les intérêts sont réduits pour compenser le fait qu'ils sont payés d’avance.
exact/exact (T = Nj/Na) .
3 La banque recouvre la créance escomptée (1 000) directement auprès du client commercial de son emprunteur X qui avait émis l’effet en t=0 : c’est avec ce recouvrement que la banque récupère sa créance et gagne des intérêts. Du point de vue de X, la chronique s’analyse financièrement comme l’emprunt {+ 994,25 ; -1000}, le
On a alors : F0= C /(1+rT).
Les intérêts sont égaux à C - C /(1+rT) = CrT/(1+rT).
Remarques :
- Cette réduction se concrétise par le fait que les intérêts CrT (qui seraient payés terme échu) sont actualisés par le facteur (1+rT).
- r est bien le taux in fine (rentabilité arithmétique) de la séquence (-F0, C) puisque C = F0
(1+rT ). Le diagramme ci-dessous représente une telle opération.
- C/(1+rT)
- Ceci démontre que la pratique d’intérêts pré-comptés est purement conventionnelle (arbitraire) et ne change rien au fond, le taux de l’opération étant toujours le taux in fine r : il suffit d’appeler « capital prêté » la somme C/(1+rT) pour qu’il soit évident que le flux final remboursé est C.
Exemple :
Soit le placement d'un capital C de 1 000 € (il peut s’agir, par exemple, de l’achat d’un titre à court terme sur le marché monétaire). Les intérêts sont précomptés mais le taux est in fine. Le flux terminal auquel le placement donne droit est égal à +C = +1 000 € puisque les intérêts sont payés à la date initiale. Le taux d'intérêt annuel in fine est de 3,5%, la durée du titre est de 60 jours et la base de calcul de 360 jours.
Le flux initial est - F0 = - 1 000 /(1 + 3,5% × 60 / 360) = - 994,20 €.
dernier flux ne matérialisant pas un réel décaissement, mais le non-encaissement de sa créance (de 1 000) sur son client commercial (puisque c’est la banque qui encaisse à sa place).
c) Tableau récapitulatif des pratiques de taux
De façon générale les opérations à moins d’un an sont traités sur la base de taux proportionnels 365 ou 360, selon le cas, et celles dont la durée (initiale) est supérieure à un an à l’aide de taux actuariels exact/exact. La capitalisation d’intérêts sur des périodes infra-annuelles, qualifiée « d’anatocisme » est par ailleurs proscrite par le code civil (mais pas par le droit commercial). Le tableau suivant synthétise les différentes pratiques.
Durée |
Type d'opérations |
Base de calcul Intérêts |
Base de calcul Durée |
Court terme |
Opérations |
Simples |
T = nb de jours / |
(< 1 an) |
bancaires |
Taux précompté ou in fine |
365 |
Opérations de |
Simples |
T = nb de jours / |
|
marché |
Taux in fine |
360 |
|
Moyen et long |
Toutes |
Composés |
T = exact / exact |
terme(> 1 an) |
opérations |
Taux actuariel |
5. Les taux continus
Nous avons étudié deux bases de calcul des intérêts, donc de la valeur acquise : les intérêts proportionnels et les intérêts composés.
Une troisième convention de calcul s’appuie sur le principe d’intérêts capitalisés à l’aide d’un taux d’intérêt r dit continu. Les intérêts sont calculés dans tout intervalle (t, t+dt). Ces intérêts, proportionnels au taux r, à la valeur V(t) acquise en t et à la durée dt, sont ajoutés à la valeur acquise qui augmente donc de dV = r V(t) dt.
Cette équation différentielle exprime le fait que V(t) croît exponentiellement, au taux constant
1dV = r et dont la solution est : V(t) = V(0)ert= C ert.
V dt
Dès lors, un capital d’un montant C placé entre 0 et T avec capitalisation des intérêts en continu, au taux r, se traduira par un flux terminal F=C ert, et nous écrirons la séquence de flux : { - C , C ert}.
Le taux continu n’est pas utilisé dans la pratique des marchés. Il est toutefois très commode car il conduit souvent à des formules plus simples que les taux discrets et permet de se rapprocher de la réalité quand les flux sont quotidiens ou même plus fréquents. Nous utiliserons maintes fois les taux continus dans la suite de cet ouvrage.
6. Formules générales d’équivalence de taux différant par la base de calcul des intérêts ou par la durée de la période de référence.
a) L’équivalence de taux définis sur des bases différentes
La cohabitation des différentes bases de calcul des intérêts rend souvent nécessaire la comparaison de deux taux définis sur des bases différentes. Cette comparaison exige le calcul d’un taux-base x équivalent d’un taux-base y. Rappelons que deux taux sont équivalents sur une durée T si, pour un même montant placé, ils donnent le même flux terminal F. Appelons rcun taux continu (exact), ractun taux actuariel exact, rp1un taux proportionnel in fine-365jours, rp2 un taux proportionnel in fine-360 jours et re un taux d’escompte (précompté-365 jours). La relation (4) suivante exprime la condition qui doit prévaloir pour que ces différents taux soient équivalents sur une durée donnée T. Elle est obtenue en égalisant les flux terminaux F, obtenus par le placement de 1 € sur T périodes, selon les différents modes de calcul des intérêts.
(4) |
ercT = (1+ ract)T = 1+ rp1T = 1+ rp2T |
365 |
= |
1 |
|
360 |
1− r T |
où T = Nj/Na (exact/exact).
Cette relation permet de transformer un taux de base quelconque en un taux équivalent de base différente. Elle implique, en particulier, que le taux continu équivalent à un taux actuariel ractdonné est rc= Log(1+ ract), indépendamment de la durée T de l’opération4; elle impliqueaussi, on l’a vu, que, pour tout T, un taux in fine-365 jours (rp2) équivaut à un taux in fine-360
jours (rp1) multiplié par 360365.
Remarquons que si deux taux proportionnels rp1 et rp2 sont équivalents sur une durée T ils sont aussi équivalents sur toute autre durée T’. Il en est de même pour deux taux composés tels que rcet ract. En revanche, on rappelle que si un taux proportionnel tel que rp1et un taux composétel que ract sont équivalents pour une durée T particulière, il ne le seront pas pour une durée T’ différente de T.