Tutoriel de marketing pas à pas

CHAPITRE I : LE MARKETING DANS L’ENTREPRISE MODERNE
OBJECTIFS
- Rappeler le caractère évolutif de la fonction marketing.
- Mettre en exergue la nécessité d’une restructuration de l’entreprise pour une meilleure coordination interfonctionnelle et l’implantation d’une "culture marketing".
- Introduire le concept d’"orientation- marché".
INTRODUCTION
De plus en plus d’entreprises ressentent aujourd’hui la nécessité de repenser leur mode d’organisation et de gestion. Les nouvelles technologies de l’information, la globalisation des marchés, la sophistication croissante des clients et des concurrents constituent autant de forces menaçant les habitudes du passé.
Dans le cadre de cette présentation, nous rappelons l’évolution de la fonction marketing liée à son rôle dans l’entreprise. Ensuite, nous soulignons la nécessité d’une restructuration du département marketing de l’entreprise pour réagir beaucoup plus rapidement aux modifications de tendance du marché. Ainsi, nous examinons comment le département marketing a vu sa place évoluer dans l’entreprise puis, nous passons en revue quelques problèmes issus d’une absence de coordination entre les différents départements de l’entreprise.
Dans une autre section, nous argumentons comment la naissance d’un esprit marketing a entraîné des modifications profondes dans la structure de l’entreprise. Non seulement, cette nouvelle philosophie dite "culture marketing" réussit à mieux gérer les conflits entre les différents départements (marketing et R&D, marketing et production, marketing et finance…) ; mais encore elle leur permet d’être "orientés vers le client", puisque leurs activités et leurs décisions affectent plus ou moins directement la satisfaction du client, objectif primordial de toute entreprise moderne.
Enfin, ce chapitre introduit le concept d’orientation–marché (culture, analyse et action) en remplacement du concept marketing. Vu la complexité nouvelle des marchés dans ce nouveau millénaire, pour réussir, il ne suffit plus d’être orienté- client, il faut considérer également l’impact des autres acteurs (distributeurs, prescripteurs, concurrents…) sur l’élaboration de la stratégie. Toutes les fonctions contribuant à créer une valeur pour le client, toutes les fonctions dans l’organisation doivent être associées à cette culture et pas seulement la fonction marketing. C’est notamment en adoptant une organisation inter-fonctionnelle et des équipes plurifonctionnelles que l’entreprise pourra atteindre cet objectif.
A la fin de ce chapitre, un outil de diagnostic est proposé permettant l’évaluation du degré d’orientation -marché, («market-driven management ») d’une entreprise.
I- LE CARACTERE EXPANSIONNISTE DU MARKETING
De nos jours, le marketing connaît une expansion dans l’entreprise. L’évolution des conceptions relatives au rôle du marketing au sein de l’entreprise peut être récapitulée dans un simple processus que voici :
- Au début, la fonction commerciale est envisagée comme l’une des quatre principales fonctions contribuant, à part égale, à l’équilibre global de l’entreprise (figure 1).
- Une insuffisance de demande conduit les responsables marketing à considérer que leur fonction est plus importante que les autres (figure 2).
- Certains, emportés par leur enthousiasme, voient même le marketing la fonction primordiale de l’entreprise, puisque ce sont les clients qui permettent à cette dernière d’exister. Le marketing devient alors le noyau d’activité de la firme, toutes les autres fonctions gravitant autour de lui (figure 3).
- Naturellement, une telle prise de pouvoir du marketing irrite les autres départements qui se trouvent ainsi dans une position subordonnée. Le directeur du marketing doit alors expliquer qu’en fait, c’est le client et non le marketing, qui est au centre de l’affaire (figure 4).
- Le directeur marketing fait de la valeur créée pour la clientèle l’objectif suprême de l’activité managériale. Enfin, certains, soutiennent qu’afin d’interpréter correctement
et de satisfaire efficacement les besoins des clients, le marketing doit occuper une place privilégiée au sein de l’entreprise (figure 5). Leur argumentation se tient en quelques points :
- La valeur de la firme est subordonnée à l’existence d’une clientèle.
- L’objectif prioritaire de l’entreprise est donc d’obtenir et de conserver des clients.
- C’est en offrant des produits et services à la hauteur de ses promesses que l’entreprise peut attirer et conserver sa clientèle.
- La mission du marketing consiste à définir des promesses appropriées et à faire en sorte que les clients soient satisfaits.
- La satisfaction du client dépend cependant aussi de la performance des autres services de l’entreprise.
- Il est donc naturel que le marketing influence ou contrôle ces services afin d’assurer la satisfaction de la clientèle.
II- LA RESTRUCTURATION DU DEPARTEMENT MARKETING
Il convient d’analyser le rôle et la structure du département marketing. Comment ce département a t-il évolué dans l’entreprise ? Quelles relations entretient-il avec les autres départements ?
1) Evolution du département marketing
Le département marketing tel qu’il existe aujourd’hui dans nombre d’entreprises est le résultat d’une évolution que l’on peut décomposer en six étapes : le service des ventes, le service commercial, le service marketing autonome, le département marketing, l’entreprise orientée vers le marketing et enfin l’entreprise organisée à partir de centres d’activités.
1/ Le service des ventes
La fonction de vente est prise en charge par un chef (ou directeur) des ventes qui gère des représentants. Eventuellement, il se charge d’études ou de campagne publicitaire.
2/ Le service commercial
A mesure que l’entreprise se développe, un directeur commercial est nommé. Il s’occupe prioritairement de la force de vente et engage un responsable marketing pour prendre en charge les autres activités (études de marché, publicité…) et pour assurer un service clientèle de façon plus régulière.
3/ Le service marketing autonome
La croissance de l’entreprise renforce inévitablement l’importance de ces autres activités (études et recherches, lancement de nouveaux produits, publicité, promotion, service clients) aux dépens de l’activité de vente. L’entreprise prend alors l’initiative de créer un service marketing autonome. Les deux sont considérés comme fonctions distinctes, généralement d’égale importance.
Figure 3 (3ème étape) : Le service marketing autonome
4/ Le département marketing
Le directeur commercial n’accepte guère de voir l’importance de la force de vente diminuer au sein du marketing- mix, et le directeur du marketing cherche à étendre son autorité à toutes les fonctions qui ont un impact sur le client et afin d’adapter la stratégie aux besoins de la clientèle. S’il y a trop de conflits entre ces deux unités, l’une des solutions, choisie en fin de compte par un nombre croissant d’entreprises donnent naissance au département marketing moderne, géré par un directeur assisté de spécialistes en charge des différentes fonctions marketing, y compris la gestion des ventes.
5/ L’entreprise orientée vers le marketing
Une entreprise peut avoir un département marketing sans pourtant travailler dans une optique marketing comme il se doit. Tout dépend de l’attitude des autres fonctions. Ce n’est que lorsqu’elles acceptent de reconnaître que tout le monde «pense et travaille pour le client » que le marketing devient une véritable philosophie d’entreprise.
Figure 4 (4ème et 5ème étapes) : Le département marketing et l’entreprise orientée vers le marketing
6/ L’entreprise organisée à partir de centres d’activités
De nombreuses entreprises se réorganisent aujourd’hui autour de leurs activités et non de leurs fonctions. Les barrières départementales sont de plus en plus considérées comme des obstacles à la bonne gestion des processus (Process) et des flux (lancement de nouveaux produits, conquête et rétention de clientèle, service client, etc.). L’entreprise crée alors deséquipes multifonctionnelles dans lesquelles le marketing est représenté.
Chaque équipe évalue régulièrement le travail de ses membres. Le rôle du département marketing reste essentiel dans le domaine du recrutement, de la formation et du contrôle de performance.
Figure 5 (6ème étape) : Les équipes multifonctionnelles
2) Absence de coordination (relations ou interfaces) entre le département marketing et les autres départements de l’entreprise
Dans une entreprise, chaque département a des autres une image préconçue. La plupart du temps, cette image est peu flatteuse. Et comme tous se disputent les mêmes ressources, chacun essayant de démontrer qu’il pourra en faire le meilleur usage, cela ne les empêche de collaborer harmonieusement.
En réalité, les rapports interdépartementaux sont caractérisés par de profondes rivalités et incompréhensions. Certains conflits naissent de divergences de vues concernant le meilleur intérêt du département et celui de la société. D’autres sont issus de stéréotypes et de préjugés. Dans les autres départements, l’image du marketing se réduit parfois à celle d’une bande de vendeurs qui parlent à toute vitesse et obtiennent par la flatterie des budgets importants, sans jamais apporter la preuve de leurs résultats, quand ce ne sont pas des escrocs piégeant les clients à coups d’arguments malhonnêtes ou des publicitaires agressifs, poussant le département R&D à rendre les produits toujours plus attirants, mais pas forcément plus performants.
Or, le département marketing propose d’assurer la coordination entre les différents départements car d’une part, la satisfaction de la clientèle résulte de la totalité de son expérience, et d’autre part, chaque département, outre ses activités et ses décisions, a un impact plus ou moins direct sur la satisfaction des clients. Les autres départements sont naturellement réticents à subordonner leurs efforts au bon vouloir du responsable marketing et chacun essaye de mettre en valeur l’importance de son activité. Or, le pouvoir du marketing est lié à sa capacité de persuasion et non à son autorité hiérarchique.
Afin de présenter les principales relations conflictuelles entre le marketing et les autres départements de l’entreprise, on propose de consulter le tableau suivant qui résume les divergences de vues entre les différents départements.
Département |
Ses priorités |
La priorité du marketing |
Recherche et développement Ingénierie et méthodes Achats Production Finance |
Recherche fondamentale. Qualité réelle. ![]() Caractéristiques fonctionnelles. Conception prévue longtemps à l’avance. Peu de modèles. Composants standardisés. Gamme de produits restreinte. Pièces standards. Prix du matériau. Lots économiques. Achat peu fréquent. Long délai de production. Nombreuses séries sur peu de modèles. Peu de modifications de modèles. Commandes standard. Facilité de fabrication. Contrôle de qualité habituel. Principes stricts d’engagements |
Recherche appliquée Qualité perçue Caractéristiques commerciales Délai de conception réduit. Multiples modèles. Composants répondants aux exigences du client. Gamme de produits étendue. Pièces à la demande. Qualité du matériau. Lots de sécurité pour éviter les ruptures de stock. Achat immédiat en fonction des besoins des clients. Délai de production court. Petites séries sur de nombreux modèles. Fréquentes modifications des modèles. Commandes spéciales. Apparence esthétique. Contrôle de qualité renforcé. Arguments intuitifs pour justifier les |
Comptabilité Crédit |
de dépenses. Budgets rigides. Prix couvrant les coûts. Transactions standard. Peu de relevés. Examen financier complet des clients. Faibles risques en matières de crédit. Conditions de crédit serrées. Procédures de recouvrement sévères. |
dépenses. Budgets flexibles. Prix permettant un développement du marché. Conditions et rabais spéciaux. De nombreux relevés. Examen financier minimum des clients. Risques moyens en matières de crédit. Conditions de crédit faciles. Procédures de recouvrement souples. |
Source : P. Kotler et B. Dubois, Marketing Management, 8ème édition, Nouveaux Horizons, 1994, p 691.

III- L’IMPLANTATION DE L’ESPRIT MARKETING DANS L’ENTREPRISE
Comme nous l’avons mentionnés précédemment, la fonction du marketing est généralement confiée à une direction de l’entreprise. C’est à la fois une bonne et une mauvaise chose. L’avantage, c’est que cette entité rassemble un certain nombre de personnes qualifiées, dotées de compétences spécifiques pour comprendre et servir le consommateur de façon à en faire un client heureux. L’inconvénient, c’est que les autres directions de l’entreprise se croient exonérées de tout effort en la matière, le marketing étant censé être l’apanage exclusif de la direction qui lui est consacrée. Selon certains professionnels le marketing, c’est bien trop important pour être confié exclusivement à la direction marketing…Dans une entreprise réellement performante, on ne peut pas dire qui fait partie du département marketing ; tout le monde doit prendre ses décisions en fonction de leur impact sur le client.
La même réflexion a été exprimé par P. Drucker : "le concept marketing n’est pas une fonction séparée de l’entreprise mais une philosophie de gestion, un ensemble de croyances et de valeurs destinées à guider l’organisation".
"Le marketing est trop essentiel pour être considéré comme une fonction à part (…) Il embrasse toute l’entreprise, mais dans l’optique de sa vocation ultime, à savoir le client".
Il est donc réducteur de considérer seulement les dimensions d’analyse et d’action de la démarche marketing. L’autre dimension dite" philosophie" ou "culture" met en évidence les limites du marketing traditionnel liées essentiellement à la dissémination de la culture (l’esprit) marketing au sein de l’ensemble de l’organisation. Par culture d’entreprise, il faut entendre « les valeurs, normes, expériences et croyances qui caractérisent la firme ».
Seul un tout petit nombre de sociétés françaises, l’Oréal, Danone, Renault, Carrefour et quelques autres, ont véritablement adopté l’optique marketing (orientation -marché). La plupart des autres continuent à faire du commerce (manque d’esprit marketing.). D’où le risque de perte de marché important, le problème de compétitivité des autres entreprises, le déclin des bénéfices etc. Par conséquent, toute entreprise doit s’efforcer de diffuser l’espritmarketing chez elle.
1) La coordination interfonctionnelle et l’entreprise « orientée client »
Les indicateurs d’une telle coordination pourraient se concrétiser par les éléments suivants :
- la diffusion de l’information- marché à tous les niveaux ;
- l’échange informel d’informations entre les fonctions ;
- les contacts directs avec les clients à tous les niveaux ;
- les réunions interfonctionnelles portant sur le marché ;
- l’élaboration concertée de la stratégie marketing ;
- la mesure des contributions de chacun à la satisfaction des clients.
La coordination interfonctionnelle au sein d’une entreprise est indispensable et considérée comme un facteur d’organisation qui facilitera l’implication de tous les niveaux de l’organisation dans la création d’une culture orientée vers le client.
Cette coordination s’opère entre les différents départements de l’entreprise tels que le département marketing, le département R&D, le département production, le département achats, le département finance, le département comptabilité :
a) La recherche et le développement (R & D)
- La R & D passe beaucoup de temps au contact des clients, à l’écoute de leurs problèmes.
- Elle accueille favorablement une implication du marketing, de la production et des autres départements dans tout nouveau projet.
- Elle pratique le benchmarking concurrentiel et connaît les meilleures solutions disponibles sur le marché.
- Elle sollicite les commentaires et suggestions de la clientèle au fur et à mesure de l’avancement des projets.
- Elle améliore sans relâche les produits à partir des réactions du marché.
- b) La production
- La production ouvre ses portes et invite la clientèle à visiter les usines.
- Elle visite elle-même les usines de ses clients afin de comprendre comment ses produits sont utilisés.
- Elle ne rechigne pas aux heures supplémentaires lorsqu’il s’agit de respecter les délais promis.
- Elle cherche continuellement à produire plus vite et moins cher.
- Elle cherche continuellement à améliorer la qualité, en se rapprochant du zéro défaut.
- Elle accepte d’adapter ses produits aux souhaits des clients lorsque cela reste rentable.
c) Le département achats
- Ce département recherche activement les meilleurs fournisseurs sans se limiter à ceux d’entre eux qui les contactent.
- Il entretient des relations à long terme avec les fournisseurs les plus fiables.
- Il ne compromet jamais la qualité pour bénéficier de réductions de prix.
d) Le marketing
- Le marketing étudie et comprend les désirs et les besoins des clients.
- Il répartit ses efforts en fonction de la rentabilité à long terme des segments choisis.
- Il développe une offre attrayante pour chaque segment.
- Il mesure en continu l’image de l’entreprise et la satisfaction de la clientèle.
- Il collecte sans cesse des idées de nouveaux produits, et améliore les produits et services existants.
- Il sensibilise les autres départements à l’importance de l’orientation –client.
e) La finance
- Elle comprend et soutient les projets d’investissement marketing qui engendrent la préférence et la fidélité de la clientèle.
- Elle adapte ses offres de financement aux désirs des clients.
- Elle décide rapidement sur les dossiers de crédit.
f) La comptabilité
- La comptabilité mesure la rentabilité par produits, par segments, par zones géographiques, par taille de commande et par clients.
- Elle transmet des factures adaptées aux besoins des clients et répond à toute interrogation les concernant de façon rapide et professionnelle…
2)Comment parvenir à instaurer « l’esprit marketing » dans l’entreprise? Différents moyens permettent de diffuser la culture marketing au sein de l’entreprise, à savoir : le soutien de la direction générale, la constitution d’un comité marketing, le recours à un conseil extérieur en marketing, la modification des bases d’évaluation de performance, la mise en place d’un département marketing de haut niveau, la création de séminaires internes de marketing, l’élaboration d’une planification stratégique de marketing, la mise e place d’un système de promotion de l’excellence, l’orientation "Process" et la valorisation des employés.
a) Le soutien de la direction générale
C’est un préalable indispensable à la réorganisation marketing de l’entreprise. Le directeur marketing ne peut, en effet, espérer à lui seul convaincre les autres responsables fonctionnels de modifier leurs activités pour satisfaire le marché. Le PDG doit être personnellement convaincu de l’intérêt d’une approche marketing en tant que tremplin de croissance et de prospérité qu’il favorisera à travers ses interventions. Ainsi, on raconte que le PDG d’IBM passe cent jours par an chez des clients, malgré ses nombreuses responsabilités.
Cette réflexion a été fort bien exprimée par le professeur Philippe Naert : «Ce n’est pas en créant en toute hâte une direction ou une équipe marketing que vous obtiendrez une vraie culture marketing, même si vous y affectez des personnes extrêmement compétentes. Le marketing commence à la direction générale. Si cette dernière n’est pas convaincue de la nécessité d’être à l’écoute du client, comment deviendrait-il une discipline s’imposant au reste de l’entreprise ? ».
b) La constitution d’un comité marketing (comité ad hoc)
Une fois acquis à l’idée, le PDG doit instaurer un comité chargé de convertir l’ensemble de l’entreprise à l’esprit marketing. Le PDG, le directeur général, les directeurs des principales fonctions de l’entreprise constitueront ce comité.

Ce dernier se réunira périodiquement pour mesurer le chemin parcouru et relancer son action à travers de nouvelles initiatives. De tels comités existent par exemple dans les caisses régionales du Crédit agricole.
c) Le recours à un conseil extérieur en marketing
L’entreprise pourra faire appel à un consultant externe en marketing qui assistera le comité marketing dans l’élaboration de ses plans et stratégies. Le dit comité aura donc avantage à s’adjoindre de façon régulière un consultant externe.
d) La modification des bases d’évaluation de performances
Le département achats, le département finance, le département production, le département R&D, ainsi que les autres départements doivent être responsabilisés sur la base de critères d’évaluation qui intègrent la satisfaction du client. Sinon il ne faudra pas s’attendre à une évolution de la part de ces différents départements.
e) La mise en place d’un département marketing de haut niveau (au niveau du siège)
Probablement c’est l’étape la plus importante du processus. Un tel département, souvent dirigé par une personne venue de l’extérieur, procédera à l’examen des ressources et des besoins de chaque division. Ultérieurement, chaque division aura cependant besoin d’un directeur marketing.
f) La création de séminaires internes de marketing (séminaires de formation)
Un programme intensif de séminaires internes devra être créé par le département marketing afin de provoquer des changements d’attitude et de comportement au niveau de la direction générale, des directeurs de divisions et de directeurs fonctionnels de chaque division. Il est souhaitable de commencer par le niveau supérieur hiérarchique. Entre 1981 et 1994, le groupe Bull a développé toute une série de séminaires dans le domaine du marketing.
g) L’élaboration d’un système de planification marketing
Les différents départements de l’entreprise élaborent leurs plans marketing autour des prévisions et des stratégies de marché et en termes d’opportunités commerciales et de lier l’élaboration des stratégies à l’analyse de ces opportunités. Il s’agit d’habituer l’entreprise à « penser client » à travers un système de planification orienté vers le marché.
Le plan marketingest l’instrument central de pilotage et de coordination du marketing dans l’entreprise. Il est élaboré par le département marketing avec l’aide des autres départements de l’entreprise.
Le plan marketing stratégique détermine en fait toute l’activité économique de l’entreprise et a des implications directes sur les autres fonctions, la R&D, la production et la gestion financière:
- La R&D : les besoins du marché doivent être traduits en produits nouveaux, améliorés ou adaptés.
- La finance : les prévisions d’activités ou de développement du marketing sont soumises aux contraintes de disponibilité des ressources.
- La production : les volumes de ventes sont tributaires des capacités de production disponibles et des délais de fabrication.
- Les ressources humaines : la réalisation du plan implique la disponibilité d’hommes compétents et formés.
Les impulsions données par le plan concernent donc toutes les fonctions et pas seulement la fonction marketing. La planification stratégique doit conduire à une meilleure intégration de l’ensemble des activités de la chaîne de valeurs de manière à augmenter les chances de réalisation des objectifs stratégiques. Dans une organisation orientée marché, le marketing stratégique a pour mission d’orienter et de réorienter continuellement les activités de l’entreprise vers des domaines porteurs de croissance et de rentabilité en tenant compte des ressources et des savoirs-faire disponibles. Ce rôle est beaucoup plus vaste que celui de la gestion traditionnelle et implique une coordination interfonctionnelle étroite.
h) La mise en place d’un système de reconnaissance et de promotion del’excellence
Un tel système permettra à l’entreprise de reconnaître les performances des cadres qui ont orienté leurs activités dans une optique marketing, notamment lorsqu’il s’agit de procéder à la nomination des directeurs de division.
Ainsi, Accenture et DuPont ont mis en place un programme de reconnaissance de l’excellence marketing.
i) L’orientation " Process "
L’entreprise définira ses processus managériaux-clés tels que le développement de nouveaux produits, la conquête et la fidélisation des clients. Puis, elle formera des équipes multifonctionnelles (on remet en cause les organisations traditionnelles en départements) chargées de gérer ces "Process" ou ces activités. Xérox, ATT, Polaroid, Motorola ont ainsi réorienté avec succès leurs opérations.
L’entreprise doit s’assurer que le marketing participe effectivement à ces travaux.
j) La valorisation des employés
L’entreprise encouragera les employés à proposer de nouvelles idées et à trouver des solutions aux insatisfactions des clients, quitte à leur donner un budget spécifique.
Diffuser l’état d’esprit marketing dans une entreprise est un travail ardu et de longue haleine. Plusieurs entreprises, surtout dans les économies développées comme le Japon et les USA, ont su y parvenir avec succès. Il ne s’agit pas d’asservir toute décision au bon vouloir du client, quel qu’en soit le coût, mais plutôt de rappeler à chacun que l’existence d’une clientèle est la raison d’être d’une entreprise.
IV- L’ORIENTATION-MARCHE
1)Les degrés d’orientation- marché et le « market-driven » management Masiello (1988) propose quatre raisons qui peuvent expliquer pourquoi beaucoup d’entreprises n’adoptent pas spontanément une orientation -marché (OM).
- Le concept d’orientation -marché est souvent mal compris par les autres fonctions.
- Le personnel ne sait pas concrètement comment adopter une orientation clients ou une orientation- marché dans l’exercice de sa responsabilité fonctionnelle habituelle.
- La plupart du temps, les responsables d’une fonction comprennent mal le rôle des autres fonctions.
- Le personnel de chaque fonction est peu ou pas sollicité pour l’élaboration de l’orientation -marché de l’entreprise.
En plus de ces obstacles organisationnels, Webster (1994) met en évidence deux autres facteurs. Tout d’abord, les dirigeants des autres fonctions ont leur clientèle propre (les actionnaires, les fournisseurs, le personnel…), qui doit être satisfaite. Ensuite, les dirigeants des autres fonctions peuvent penser en toute bonne foi qu’ils travaillent dans l’intérêt des clients et refusent de se laisser guider par l’information fournie par le seul département marketing.
Vu la complexité nouvelle des marchés dans ce nouveau millénaire, pour réussir, il ne suffit plus d’être orienté- client, il faut considérer également le rôle des autres acteurs (distributeurs, prescripteurs, concurrents…) dans l’élaboration de la stratégie. Toutes les fonctions contribuant à créer une valeur pour le client, toutes les fonctions dans l’organisation doivent être associées à cette culture et pas seulement la fonction marketing. C’est notamment en adoptant une organisation interfonctionnelle et des équipes plurifonctionnelles que l’entreprise pourra atteindre cet objectif.
Lambin, Chupitaz et de Moerloose présentent le concept d’orientation–marché (comme un substitut au concept marketing traditionnel) en se référant à ses trois dimensions, à savoir : culture (philosophie de gestion), analyse (compréhension des marchés) et action (conquête des marchés) :
- La culture : qui décrit le système de pensée.
- L’analyse : qui concerne le marketing stratégique (souvent sous-estimé).
- L’action : qui correspond au marketing opérationnel (la tendance la plus fréquemment rencontrée est de réduire la démarche marketing à la dimension action).
L’ensemble de cette démarche étant celle d’une gestion orientée vers le marché, ce que ces 3 auteurs appellent le market-driven management, c’est-à-dire que l’entreprise est orientée marché et dialogue avec tous les acteurs actifs sur le marché.
L’OM implique que l’entreprise prenne en compte, dans son analyse, tous les acteurs et intervenants qui, de près ou de loin, influencent la décision d’achat du client et font donc partie du « marché » entendu au sens large. Dans le cas général, cinq acteurs clés sont à prendre en considération :
- Le client direct et/ou final
- Le client distributeur
- Les concurrents
- Le client prescripteur
- L’environnement macromarketing
Pour chacun de ces acteurs, les trois auteurs proposent plusieurs indicateurs observables, l’objectif étant de déboucher sur une mesure opérationnelle de l’orientation -marché. Pour construire une mesure valide du degré d’orientation- marché, des jeux d’indicateurs (analyse et action) ont été choisis pour chaque acteur du marché, et un jeu d’indicateurs pour mesurer le degré de coordination interfonctionnelle. Ces indicateurs sont présentés ci-dessous. Ils doivent bien sûr être adaptés aux caractéristiques du secteur étudié.
2) Un exemple de mesure de l’orientation- marché
Vu l’importance de l’orientation- marché, plusieurs chercheurs se sont penchés sur l’élaboration d’une démarche pratique pour son opérationnalisation.
Entre autres, le questionnaire ci-après, puisé dans l’ouvrage de Lambin, Chupitaz et de Moerloose, présente quarante propositions qui décrivent le comportement d’une entreprise dans ses relations avec le marché. Le questionnaire procède de la façon suivante : pourriezvous indiquer dans quelle mesure chaque proposition caractérise bien le comportement réel de votre propre entreprise et cela en vous référant aux trois dernières années de la vie de l’entreprise.