Document de formation sur le marketing à l’international
Leçon 1 : L’introduction au marketing international et son environnement
I. L’évolution du marketing international
1. Définition du “marketing international”
Comme pour beaucoup de concepts en gestion, les définitions du “marketing international” sont nombreuses. La plus simple consiste à qualifier le marketing international comme l’exécution d’au moins une des tâches du marketing, au-delà des frontières nationales. Pour Keegan (1995, page 3, traduction par nos soins), le marketing global est “… le processus qui vise à optimiser les ressources et à axer lesobjectifs d’une organisation au travers des opportunités d’un marché global”.
La spécificité du marketing international ou global résiderait donc à dépasser les frontières, à opérer sur un marché global. Implicitement, les définitions du “marketing international” renvoient aux définitions de base du marketing. Dans une conception moderne, le marketing peut être considéré comme l’ensemble des activités liées à la gestion de la relation avec le client.
2. Stades de développement du marketing international
Depuis des siècles, voire des millénaires, les peuples et cultures échangent leurs produits. Dans un premier temps, cela était qualifié comme troc (échange d’une fourrure contre du blé), puis appelé commerce (échange du sel contre de l’or). Depuis la deuxième guerre mondiale seulement, le terme marketing international est employé de manière plus systématique. L’esprit commercial des peuples marchands des temps anciens n’est à la base pas différent de l’esprit marketing d’aujourd’hui. Les deux reposent sur la compréhension du client, la prise en compte sincère de ses besoins et désirs. Mais le marketing, dans sa conception moderne, rajoute à cet esprit de base une démarche rigoureuse (par exemple le plan marketing) et des techniques spécifiques (par exemple les études de marché).
Tout comme le “marketing”, le “marketing international” est tout d’abord un “produit” américain. Dès la fin de la deuxième guerre mondiale, les entreprises américaines s’installent en Europe afin de satisfaire la demande européenne. De nombreuses filiales américaines s’implantent en Europe de l’Ouest, notammment en Grande Bretagne et en Allemagne. Elles apportent de nouvelles méthodes de gestion permettant de faire connaître leur offre dans des pays différents, de les distribuer dans de bonnes conditions et de soutenir ainsi la demande locale.
Une deuxième phase du développement du marketing international est liée aux chocs pétroliers des années 1973 et 1979. Face à la crise économique dans les principaux pays industrialisés à cette époque, les entreprises internationales réagissent afin de survivre dans une situation concurrentielle plus difficile :
- recherche de nouveaux marchés, notamment dans les nouveaux pays industrialisés (Singapour, Hong-Kong, Taiwan et Corée du Sud, Brésil, Mexique,…),
- affinement des études de marché internationales afin de mieux connaître les clients étrangers,
- réflexions plus poussées sur les possibilités de la standardisation de l’offre internationale et sur la coordination d’un réseau de filiales plus étendu.
L’émergence et l’élargissement de blocs commerciaux marquent la troisième phase de l’évolution du marketing international. La plus forte intégration économique (par exemple entre pays membres de l’Union Européenne) facilite davantage les échanges internationaux. Toutefois, une partie croissante des échanges se réalise désormais à l’intérieur de zones économiques bien spécifiques. Cela amène beaucoup d’entreprises à établir des stratégies marketing, d’abord “régionales”, et dans un deuxième temps seulement “globales”. Les zones d’intégration économique renforcent naturellement l’esprit “régiocentrique” des entreprises.
L’avènement d’Internet sonne la quatrième phase du marketing international. Internet permet plus que jamais de dépasser la logique “régionale” des zones économiques, et ouvre la voie à un marketing réellement global. Grâce à Internet, les barrières (notamment financières) de l’accès aux marchés mondiaux sont réduites de manière considérable. Une petite entreprise venant d’un pays en voie de développement n’est plus coupée des marchés des pays industrialisés, faute de moyens d’y pouvoir établir un réseau de distributeurs. Avec Internet, l’offre, aussi bien que la demande sont globales. Théoriquement, n’importe qui, n’importe où, peut faire part de son offre et n’importe qui, n’importe où, peut accéder (au moins virtuellement) à cette offre. Toutefois, en réalité, trois barrières importantes d’accès à l’offre globale subsistent :
- l’accès à Internet,
- les compétences à présenter son offre sous forme adéquate sur Internet,
- le pouvoir d’achat.
Ainsi, à court et moyen terme, Internet ne changera pas réellement la disparité des revenus entre pays pauvres (notamment du Sud) et pays riches (notamment du Nord).
II. Les théories principales du commerce international
D’autres chercheurs ont par la suite tenté d’affiner les théories de base, en réfléchissant sur la disponibilité relative des facteurs. Ainsi, Heckscher et Ohlin prennent en compte deux facteurs de production : la main d’œuvre et le capital. Selon leur “loi des proportions des facteurs” (aussi appelé “théorème d’Heckscher-Ohlin”), chaque pays tend à se spécialiser dans la fabrication et l’exportation de biens incorporant de façon intensive les facteurs de production relativement abondants sur le territoire, et à importer les produits nécessitant le recours à des facteurs relativement rares dans le pays. Un pays disposant d’une main d’œuvre abondante produirait ainsi des biens qui nécessitent fortement ce type de facteur (par exemple le cuir, le bois). Tandis qu’un pays riche en capitaux produirait des biens nécessitant davantage de ce deuxième type de facteur (par exemple la fabrication de circuits intégrés pour ordinateurs, l’aéronautique).
Les difficultés qu’éprouve Leontief (1956) en 1947 à valider empiriquement la loi des proportions des facteurs pour le cas des Etats-Unis (“paradoxe de Leontief”) – amènent les chercheurs à inclure encore d’autres facteurs dans leurs explications du commerce international.
Les économies d’échelle et les effets d’expérience sont d’autres facteurs poussant les entreprises à se développer en dehors de leur marché domestique. Observé depuis les années 1920 dans l’industrie aéronautique américaine (Wright, 1936) mais plus largement diffusés en tant que modèle stratégique de l’internationalisation par le cabinet de conseil “Boston Consulting Group” à la fin des années 1960 seulement, les effets d’expérience sont à l’origine d’une baisse des coûts de production en fonction de la quantité de production d’un bien (cf. schéma 1.2). Plus précisément, il a été observé empiriquement qu’avec chaque doublement de la production cumulée d’un bien, les coûts de production de ce bien baissent d’un pourcentage constant. L’ampleur relative de la baisse dépend de l’industrie concernée. Elle peut atteindre les 30% pour l’industrie aéronautique et se situe vers 10% pour l’industrie automobile.
…
Trois phénomènes liés sont à l’origine des effets d’expérience :
- l’apprentissage direct : avec chaque répétition d’une tâche, l’ensemble des acteurs impliqués (ingénieurs, administrateurs, ouvriers) apprennent à produire un bien d’une manière plus efficiente. Les ouvriers montent le produit plus rapidement et commettent moins d’erreurs (problèmes de qualité), les machines et processus de production sont améliorés, les produits (composantes) sont mieux conçus (“économies d’envergure”), …
- les économies d’échelle : avec l’augmentation de la production cumulée, l’ensemble des coûts fixes (coûts de recherche et développement, terrains, bâtiments, machines, …) se répartissent sur un plus grand nombre d’unités. Ainsi, le coût unitaire de production baisse.
- La concentration des effets de recherche sur un domaine de compétence particulier augmente généralement la capacité d’innovation d’une entreprise.
Le modèle de l’avantage compétitif des nations, développé par Porter (1993), aborde l’internationalisation en tenant compte d’un nombre plus important de variables. Il explique le succès d’une entreprise par un système interactif et interdépendant de quatre déterminants liés à son environnement national :
- les facteurs : la position de la nation dans le domaine des facteurs de production (par exemple personnel qualifié, infrastructures),
- la demande : la nature de la demande intérieure,
- la stratégie, la structure et la rivalité des entreprises : les conditions qui président à la création, à l’organisation et à la gestion des entreprises, la nature de la compétition nationale,
- les industries amont et apparentées : l’existence, au plan national, d’industries amont et d’industries apparentées compétitives.
En bref, l’idée de Porter consiste à dire que le succès d’une entreprise à l’international dépend de son environnement national. Plus cet environnement national est dynamique - c’est-à-dire plus les clients nationaux sont exigeants, plus la concurrence nationale est forte, plus la qualité des facteurs de production est élevée et plus les entreprises nationales sont intégrées dans un réseau de partenaires nationaux performant – plus les entreprises ont des chances de réussir à l’étranger.
Pour compléter sa théorie, Porter rajoute deux autres variables dont l’influence peut être significative : le hasard et la puissance publique. La dernière variable, synonyme de l’Etat, dispose de budgets et d’instruments (fiscaux, monétaires, légaux) qui permettent de stimuler les industries amont ou apparentées (subventions publiques), de modifier la concurrence (lois anti-trust), d’améliorer la qualité des facteurs (éducation) ou encore de stimuler la demande intérieure (fiscalité).
III. L’environnement culturel
1. Stéréotypes et culture
Il existe une boutade bien connue sur les Européens qui stipule que :
«Heaven is where the cooks are French, the mechanics are German, the policemen are English, the lovers are Italian, and it is all organized by the Swiss.
Hell is where the policemen are German, the mechanics are French, the cooks are English, the lovers are Swiss, and it is all organized by the Italians».
Cette boutade fait rire la plupart des personnes familières avec les cultures européennes … du fait qu’elle est perçue comme vraie. Il ne s’agit là, bien sûr, pas d’une définition de culture mais d’un ensemble de stéréotypes relatifs aux Européens.
L’attrait des stéréotypes qui représentent une certaine “vérité” réside dans le fait qu’ils permettent une rapide classification de sa propre culture par rapport à d’autres. En même temps, cela les rend dangereux parce que l’on se contente trop souvent de la perception d’une différence apparente, sans se soucier ni du bien fondé du présupposé, ni du pourquoi de la différence. De plus, un stéréotype présente, dans le meilleur des cas, une certaine valeur moyenne ou médiane d’une culture. Il fait oublier les exceptions qui font la règle, les différences qui existent au sein d’une même culture, la personnalité des individus.
2. Sources de culture
Les sources de la culture sont multiples. C’est précisément cette multitude de sources qui explique la complexité du construit “culture” et la difficulté de l’opérationnaliser, voire de le mesurer.
Des mots comme “deadline” en anglais (traduction libre : “délais”, traduction littérale : “ligne de mort”) ou des expressions comme “Quelle heure est-il?” en français, sont des indicateurs de certaines valeurs culturelles. Tout comme un Français peut être surpris de voir un délai – et surtout le non respect d’un délai – associé à la mort, les membres de cultures où la ponctualité est une valeur importante sont étonnés de voir les Français mesurer le temps en “heures” (et non pas en minutes et secondes).
La nationalité renvoie, en tant que problématique marketing, à la gestion des images nationales.
L’éducation générale et professionnelle déterminent, entre autres, comment une organisation est gérée. Elles sont intimement liées à des questions de qualité et plus généralement de confiance entre les partenaires commerciaux. Davoine, Walliser et Riera (2000), par exemple, montrent en quoi les différences entre le système de formation professionnelle en France et en Allemagne influencent les mécanismes de construction de confiance et de méfiance entre les acteurs impliqués. Il en ressort en dernière analyse une plus grande capacité des acteurs allemands à coopérer, une plus grande confiance accordée aux apprentis et - la formation terminée - aux spécialistes/collègues qui sortent de ce système de formation.
La religion est depuis longtemps (Weber, 1964) identifiée en tant que déterminant de l’attitude à l’égard de l’argent et ainsi également du comportement du consommateur. Schématiquement, les pays luthériens (protestants) s’opposent aux pays catholiques. Les consommateurs des premiers auraient une plus forte préférence pour les produits durables, solides – mais aussi plus chers – que ceux des derniers, plus influencés par l’apparence.
Enfin, les classes sociales, aussi bien que les organisations, sont des regroupements de personnes ayant certains traits culturels en commun qui les prédisposent à des comportements spécifiques.
Table des matières :
Leçon 1 : L’introduction au marketing international et son environnement
I. L’évolution du marketing international
1. Définition du “marketing international”
2. Stades de développement du marketing international
II. Les théories principales du commerce international
III. L’environnement culturel
1. Stéréotypes et culture
2. Sources de culture
3. Résoudre un problème interculturel
Conclusion