Formation sur le marketing strategique pour les institutions de microfinance
Formation sur lemarketing stratégique pour les institutions de microfinance
Introduction
La microfinance se développe actuellement pour dépasser le stade du « crédit aux entreprises » et s’élargir aux « services financiers destinés à réduire la vulnérabilité et améliorer le niveau de vie ». Dans le contexte des Objectifs du Millénaire pour le développement, cette évolution de la portée de la microfinance est opportune et essentielle. Outre le besoin évident de diversification des produits, de façon à offrir aux clients des institutions de microfinance une plus large gamme de services, il est vital pour les IMF de chercher à optimiser leurs systèmes de distribution et de communication. Le secteur de la microfinance peine encore à maximiser l’efficience et l’orientation client de ses systèmes de distribution, et c’est là que réside l’un des ses principaux défis pour la décennie à venir. De plus, les IMF sont sans cesse en butte à des problèmes de communication avec leurs clients et marchés, et perdent ainsi de précieuses occasions de fidéliser et de servir les clients existants ou d’attirer de nouveaux clients. Les stratégies produits et, dans des environnements de plus en plus compétitifs, les stratégies de marque sont devenues essentielles pour la pérennité des IMF.
Tous ces défis couvrent un large spectre de domaines opérationnels, du développement de produit aux systèmes de prestation, le tout dans le contexte général de la compréhension de l’environnement compétitif, autrement dit du « paysage financier ». Sont également concernés la gestion des ressources humaines, les programmes d’incitation du personnel, les systèmes informatiques et le développement des infrastructures physiques. Les fonctions de base à prendre en considération dans une approche orientée marché sont donc très diverses, ce qui n’est pas sans poser problème aux IMF – comme, d’ailleurs, aux entreprises de presque tous les secteurs économiques dans le monde. Par définition, une approche orientée marché concerne pratiquement tous les aspects de l’activité d’une institution, et le directeur marketing doit donc maîtriser l’art de la constitution de réseaux, de la conclusion d’alliances et de la collaboration à l’intérieur de l’organisation.
Marketing stratégique – définition de Philip Kotler
« Le marketing a pour objectif de comprendre les besoins de la clientèle et d’adapter les activités en vue de répondre à ces besoins et d’améliorer la pérennité... Le marketing est une discipline complète, qui a pour but de renforcer une institution en accordant une attention privilégiée au client. Dans ce contexte, il crée des échanges qui servent les objectifs individuels et organisationnels. »
Le cadre de marketing stratégique
MicroSave-Africa et TMS Financial (une entreprise sud-africaine de marketing disposant d’une vaste expérience dans le marketing des services financiers) ont élaboré un cadre destiné au secteur de la microfinance.
Les trois stratégies primaires portent sur les aspects suivants :
1. Marque et identité institutionnelles, un aspect très important dans les environnements compétitifs, et plus particulièrement (mais non exclusivement) pour les IMF offrant des services d’épargne.
2. Stratégie produits, qui comprend le développement et la différenciation des produits, le calcul des coûts/la tarification et les stratégies de vente/de communication mises en œuvre par les IMF.
3. Stratégie de distribution et de service à la clientèle, qui concerne la façon dont les IMF distribuent leurs produits et l’expérience qu’en ont les clients.
Sources d’information pour appuyer les stratégies marketing
Il importe que toutes ces stratégies et les activités qui s’y rattachent se fondent sur une recherche et une analyse approfondies. Le processus de collecte de l’information nécessaire n’est pas si coûteux qu’on pourrait le penser. Il existe, pour l’essentiel, quatre agrégats d’information nécessaires à toutes les stratégies marketing, qui doivent être complétés par une analyse périodique ad hoc – notamment lors du test des supports de communication. Soulignons en outre que, avant de se lancer dans une étude primaire, l’IMF doit examiner avec attention les sources existantes et effectuer une analyse des données secondaires. Des données secondaires sont souvent disponibles auprès d’organisations gouvernementales, d’agences de bailleurs de fonds, de réseaux et d’associations commerciales, etc., ainsi que (pour l’essentiel) à l’intérieur du propre système d’information de gestion de l’IMF.
Le marché des services financiers est l’un des plus difficiles à étudier car les réponses des personnes interrogées aux questions concernant l’argent et les aspects financiers sont souvent influencées par un conditionnement social. De plus, il existe souvent un décalage entre ce que les gens disent des services financiers et la façon dont ils les utilisent en réalité – c’est pourquoi il faut apporter beaucoup de soin à l’étude de marché, qui requiert souvent des méthodes non traditionnelles.
Quatre agrégats d’information viendront appuyer pratiquement tous les aspects des activités de marketing des IMF :
1. analyse du marché – dresse le profil et permet la compréhension du marché cible/potentiel de l’IMF ;
2. analyse de la concurrence – dresse le profil et permet la compréhension des concurrents de l’IMF ;
3. analyse de la clientèle – détermine la performance de l’IMF par une étude de la clientèle, notamment par une analyse de la satisfaction des clients ; 4. analyse PEST – examine l’environnement politique, économique, social et technologique dans lequel évolue l’IMF.
En complément, l’IMF devra effectuer des études ad hoc pour répondre à des besoins spécifiques, par exemple :
Ø pré- et post-test des slogans, des noms et des concepts de produit, du matériel publicitaire, des guides FAQ (questions fréquemment posées), etc.
Ø évaluation des besoins des acteurs tels que les bailleurs de fonds, les investisseurs, les décideurs
Ø calcul des coûts par produit et par agence pour déterminer les plus rentables
Ø cartographie des processus afin d’optimiser les processus de prestation de services
Ø analyse coût-bénéfice d’outils informatiques et analyse des risques, afin d’étudier de nouvelles options technologiques pour la prestation de services
Ø étude de faisabilité pour l’ouverture de nouvelles agences/nouveaux points de distribution afin de guider les plans d’expansion
Conclusion
La mise en place de systèmes adaptés et efficients pour la distribution d’une gamme de produits orientés marché et une communication efficace est nécessaire :
Ø pour la pérennité à long terme des IMF (qui est aujourd’hui souvent compromise par les départs de clients) ;
Ø dans le cadre de la maturation du marché de la microfinance et de la transformation progressive des IMF en sociétés commerciales ;
Ø pour élargir la gamme de clientèle des IMF – vers le haut et vers le bas – au-delà des petits commerçants ;
Ø pour générer un réel changement du niveau de vie des clients et réduire leur vulnérabilité ;
Ø pour les IMF évoluant dans un environnement compétitif (et souhaitable pour toutes les autres).
La transition vers une approche orientée marché de la microfinance commence en général par des activités relativement modestes de développement de produit, mais les IMF qui s’engagent sérieusement dans cette voie réalisent rapidement que l’orientation marché implique des transformations profondes et durables de l’approche, des conceptions et des systèmes dans presque tous les domaines de leur organisation.
Le passage à une approche orientée marché s’avère toujours payant, et ses bénéfices se manifestent de façons très variées : satisfaction du personnel, fidélité de la clientèle, impact sur le développement et accroissement de la rentabilité. Plusieurs partenaires en recherche-action de MicroSave-Africa, notamment l’Equity Building Society au Kenya, la Tanzania Postal Bank, l’Uganda Microfinance Union et la Teba Bank en Afrique du Sud récoltent déjà les fruits de cette mutation. A l’heure actuelle, ces institutions appliquent la plupart des composantes du cadre présenté dans ce rapport et connaissent une transformation et une croissance rapides, en conséquence directe de ces mesures.
…
« A mesure que les acteurs se multiplient sur le marché et que la concurrence s’intensifie, la microfinance s’éloigne inévitablement de l’approche axée sur l’offre, appliquant une gamme restreinte de méthodologies de prêt à une multiplicité de situations, pour évoluer vers une approche axée sur la demande et orientée client. »
Introduction
La microfinance a prouvé qu’elle était capable d’aider les pauvres à réduire leur vulnérabilité, à améliorer leur niveau de vie, à accéder à des soins de santé élémentaires et à financer l’éducation de leurs enfants (Littlefield et al., 2003). De nombreuses institutions de microfinance (IMF) ont démontré leur capacité à fournir des services financiers aux pauvres de façon durable et rentable. Ce succès a amené de nombreux bailleurs de fonds et une grande variété d’organisations à s’intéresser à la microfinance. En conséquence, sur un nombre croissant de marchés, la concurrence s’intensifie, et les clients voient constamment s’élargir la gamme des prestataires leur proposant des services financiers. La grande majorité des IMF se contentant de proposer des produits de crédit à court terme, les clients peuvent choisir de garder ou de quitter leur prestataire actuel à la fin de chaque cycle de prêt. Dans les marchés compétitifs, ils exercent ce pouvoir de choix avec une très grande régularité. Beaucoup « désertent » leur institution pour en essayer une autre, ou simplement pour « se reposer » après la discipline imposée par les conditions qu’appliquent les IMF.
Les nombreuses publications traitant des raisons et des coûts de ces taux élevés de départ, « abandons » ou « désertions » (voir par exemple Hulme et al., 1999, Brand et Gershick, 2000, et Wright 2000) ont incité les IMF à réexaminer leurs produits et leurs systèmes de distribution afin de mieux répondre aux besoins de leurs clients. De plus, la concurrence croissante sur de nombreux marchés amène de plus en plus d’IMF à explorer de manière plus approfondie les attentes et les préférences de leur clientèle. Ainsi, beaucoup d’entre elles adoptent à présent une approche orientée marché (Anyango, Sebtsad et Cohen, 2002). Le développement d’une approche de la microfinance plus réactive aux attentes des clients, plus orientée marché est une étape importante pour ce secteur, jusqu’alors largement dominé par l’idée erronée que la simple reproduction de modèles qui ont fonctionné dans un pays suffit à garantir le développement à grande échelle et la pérennité. Comme le note Hulme : « Ironie du sort, c’est le succès de la « première vague » des programmes de finance pour les pauvres … qui constitue le principal obstacle à l’expérimentation future » (Hulme, 1995 citation in Rogaly, 1996).
Pour la plupart des IMF, la réactivité au marché se limite au développement de nouveaux produits répondant aux besoins de leurs clients. Cependant, d’autres commencent à évoluer vers une approche de marketing stratégique, qui s’attache à la marque et à l’identité institutionnelles ainsi qu’aux stratégies de distribution et de service à la clientèle, en plus de la stratégie produits. Les avantages sont nombreux pour les IMF comme pour leurs clients. Pour les IMF, l’approche orientée client fidélise la clientèle et réduit les taux de départ, ce qui augmente la rentabilité (Churchill et Halpern, 2001). Les clients bénéficient quant à eux de produits mieux adaptés pour gérer les finances de leur ménage. Ils ont accès à une variété de services et de produits financiers, dans lesquels ils ont confiance, fournis par des systèmes et des professionnels garantissant fiabilité, efficacité et satisfaction.
Qu’est-ce que l’orientation marché ?
« L’orientation marché se fonde sur le principe suivant : « le succès est promis aux organisations qui déterminent le mieux les perceptions, les besoins et les désirs des marchés cibles et y répondent par la conception, la communication, la tarification et la distribution d’offres adaptées et compétitives »1 . Par opposition à l’orientation marché, « l’orientation produit », qui caractérise la majorité des IMF, repose sur l’idée suivante : « le succès est promis aux organisations qui commercialisent des produits et services dont elles sont convaincues qu’ils sont bons pour le public »2 .
La transition de l’orientation produit à l’orientation client est un processus qu’ont connu la plupart des secteurs matures. Le secteur de la microfinance est simplement plus jeune et immature que les autres : il doit encore passer par cette phase. Ce passage est même absolument nécessaire s’il veut survivre et prospérer. La question qui se pose aux IMF est : comment faire d’un concept abstrait comme l’orientation marché une réalité entrepreneuriale/opérationnelle ? Sur 48 études menées sur la relation entre l’orientation marché et la performance institutionnelle, 44 ont révélé une relation positive entre l’orientation marché et au moins un indicateur de performance institutionnelle, comme la rentabilité, le chiffre d’affaires, la part de marché ou le succès des innovations. Les mêmes études ont relevé des corrélations positives entre l’orientation marché et d’autres variables organisationnelles, telles que la fidélisation de la clientèle, le service à la clientèle, l’esprit de corps, la confiance dans les organes de direction, la satisfaction professionnelle et l’intention de rester dans l’institution. Le poids de ces résultats empiriques apporte une preuve tangible de la relation de cause à effet entre un haut niveau d’orientation marché et une performance institutionnelle élevée.
Implications pour la microfinance
Les implications de l’orientation marché, et des études menées dans ce but, sont nombreuses pour les IMF :
• l’orientation marché est, par extension, un facteur important de performance pour les IMF (en termes, par exemple, d’autosuffisance financière, de croissance des revenus, de départs de clients, de taux de remboursement, etc.) ;
• la meilleure façon d’atteindre l’autosuffisance financière à long terme et à la fois d’approfondir la portée consiste à identifier les besoins et les attentes des très pauvres et à proposer des produits qui leur sont utiles ;
• dans la mesure où les IMF ciblent explicitement les très pauvres et créent des institutions pédagogiques en accord avec leurs besoins et attentes, la concurrence et la course à l’avantage compétitif durable poussent les IMF à trouver des moyens de servir les très pauvres selon des méthodes de plus en plus économiques et efficientes ;
• la création d’une culture institutionnelle orientée marché et de pratiques institutionnelles orientées marché relève clairement de la responsabilité de la direction. Sans la participation explicite et active de la direction (en paroles comme en actes), la transition vers l’orientation marché est vouée à l’échec ;
• la création d’un système approprié de gratification du personnel centré sur le service à la clientèle est indissociable de la transition vers l’orientation marché. La connexion entre rhétorique et pratique passe obligatoirement par un énoncé sans ambiguïté des valeurs entrepreneuriales ;
• d’autres pratiques orientées marché doivent être envisagées, telles que le suivi régulier de la satisfaction de la clientèle ou autre, la sollicitation du feed-back des clients, l’embauche de personnel au comportement orienté client et le licenciement du personnel au comportement inadéquat, le renforcement des interactions et la réduction des conflits entre les différents services ou le déplacement du niveau de prise de décision pour le rapprocher du client. »
Le processus de maturation du secteur de la microfinance a débuté, et la maturité appelle le changement. Il existe quatre concepts alternatifs sur lesquels les organisations peuvent axer leurs activités – correspondant aux phases de développement d’une philosophie marketing. Ces concepts ont caractérisé la maturation de la plupart des secteurs dans l’histoire industrielle et s’appliquent également au secteur de la microfinance. Le processus de maturation est généralement (mais pas toujours) linéaire, le secteur passant successivement par chaque phase. Les concepts qui sous-tendent les activités organisationnelles sont les suivants :
Ø la production : l’accent est mis sur la production de produits et de services revenant le moins cher possible ;
Ø le produit : l’accent est mis sur la qualité des produits et des services ;
Ø la vente : l’accent est mis sur la persuasion, pour amener les clients potentiels à acheter les produits et les services ;
Ø le marketing : l’accent est mis sur la compréhension des besoins du/des marché(s) cible(s), pour une réponse appropriée à tous les niveaux opérationnels de l’organisation.
Le concept marketing adopte une perspective de l’extérieur vers l’intérieur – l’organisation adopte la perspective du client pour fonder ses décisions (soumises aux contraintes financières et organisationnelles). En optant pour le concept marketing, les organisations décident qu’il est préférable de retenir des clients plutôt que d’attirer de nouveaux clients entraînant un coût plus élevé. Ce concept cherche davantage à identifier les besoins des clients et à y répondre de façon rentable, tout en maximisant la satisfaction des clients avec les produits existants.
Contexte de l’étude
MicroSave-Africa a passé en revue les stratégies marketing de huit institutions diverses parmi ses partenaires en recherche-action (PRA), en collaboration avec TMS Financial, une société de marketing basée en Afrique du Sud. Ces partenaires comprenaient :
Ø des IMF-ONG (FINCA-Ouganda et l’Uganda Microfinance Union) ;
Ø des banques commerciales (la Centenary Rural Development Bank et la Teba Bank) ;
Ø des institutions financières publiques (la Kenya Post Office Savings Bank et la Tanzania Postal Bank) ;
Ø des institutions financières non bancaires (l’Equity Building Society et la Credit Indemnity).
Cette diversité a permis aux enquêteurs de se faire une bonne idée générale des problèmes rencontrés par l’ensemble du secteur.
L’étude s’est penchée sur tous les aspects des stratégies marketing des PRA, en considérant le marketing dans son acceptation la plus large, telle que définie ci-dessous :
Définition du marketing stratégique
« Le marketing a pour objectif de comprendre les besoins de la clientèle et d’adapter les activités en vue de répondre à ces besoins et d’améliorer la pérennité. Il aborde les questions liées au développement de nouveaux produits, à la tarification, à la localisation des opérations et à la communication autour de l’organisation et de ses produits. Le marketing est une discipline complète, qui a pour but de renforcer une institution en accordant une attention privilégiée au client. Dans ce contexte, il crée des échanges qui servent les objectifs individuels et organisationnels. »
Les résultats de l’étude Besoin de fonction marketing Dans les huit IMF passées en revue, les dirigeants étaient conscients de la nécessité et de la valeur de la fonction marketing à l’intérieur de leurs organisations et faisaient l’observation suivante : « A l’avenir, la survie et la rentabilité de l’organisation dépendront de l’efficacité des stratégies marketing… »… « la nature de plus en plus compétitive de l’environnement de la microfinance/du secteur micro-bancaire est le principal inducteur de ce besoin » (Hudson et Mutesasira, 2002).
Importance et rôle de la stratégie marketing et du plan marketing Les IMF sud-africaines étaient nettement plus sophistiquées en matière de marketing stratégique, mais seul un PRA sur les huit disposait d’une stratégie et d’un plan marketing formalisés – cette question est à présent à l’étude dans la plupart des organisations. Le rapport a souligné « l’importance de la planification formelle associée au développement des stratégies et surtout à sa mise en œuvre. Les plans marketing servent de plan de route pour une distribution conforme aux objectifs stratégiques et l’optimisation de la cohérence, du calendrier, de la dynamique et du contrôle général des processus » (Hudson et Mutesasira, 2002).