Document de formation sur le segmentation strategique et le marketing B2B
Document de formation sur le segmentation stratégique et le marketing B2B
NTRODUCTION
Depuis une vingtaine d’années, le marketing Business to Business se développe dans les entreprises exerçant sur des marchés professionnels. « La compréhension et l’analyse des attentes des clients et des comportements des acheteurs professionnels sont devenues dans plusieurs secteurs d’activités, aussi importantes pour la performance que pouvaient l’être, par le passé, leurs compétences techniques ou technologiques » 1 . Or, les marchés interentreprises présentent bien des spécificités. D L’expression "Business to business" est un anglicisme qui désigne « l’ensemble des entreprises fournissant des produits ou des services à d’autres entreprises, administrations ou collectivités locales » 2 , en l’abrégeant, on obtient "B to B".
Le marketing B to B est donc le marketing des entreprises qui concluent des transactions et vendent à des professionnels : entreprises, artisans, professions libérales, associations…par opposition au marketing de la grande consommation (Business to Consumers) où les acheteurs et les consommateurs sont des individus.
Plusieurs auteurs francophones ont essayé d’adapter l’expression anglaise au contexte français en proposant différentes solutions sans que l’une d’elles soit vraiment satisfaisante, il y aurait au moins quatre solutions. Le marketing d’entreprise à entreprise est certes la traduction la plus logique, mais elle est restrictive dans la mesure où elle exclut les organisations qui ne sont pas des entreprises au sens classique du terme, telles que les collectivités locales. Le marketing industriel est un terme facile à retenir et à comprendre, or, si le terme est valable pour les firmes opérant dans les domaines de l’aéronautique, de l’automobile ou des travaux publics, les firmes du secteur des services elles, ne se retrouvent pas dans ce vocable. Le marketing professionnel est la troisième solution proposée, elle présente l’inconvénient de l’ambigüité du terme "professionnel" qui laisse entendre que c’est un marketing pour spécialistes, ce qui est tout à fait péjoratif.
La dernière traduction proposée est le marketing d’affaires qui n’est pas tout à fait significative puisque l’expression est utilisée spécialement pour désigner les firmes dont l’activité est cyclique et organisée autours de projets, de chantiers ou de missions successives commandées par le client, c’est pour cette raison d’ailleurs que l’on lui attribue également l’appellation de "marketing de projet". On conclut donc de ceci qu’il n’existe pas d’équivalent assez englobant que l’expression anglaise, par conséquent, on a souvent tendance à l’utiliser même en français.
Un marché B to B est constitué des professionnels clients actuelles et potentiels auxquels on vend un produit ou un service, mais il est influencé directement par les marchés avals, c'est-à-dire les marchés des clients du client. La valeur générée par le marketing d’une entreprise au profit d’autres entreprises a deux composantes : la valeur directe créée par le client (performance du produit vendu, prix, conditions de paiement…) et la valeur indirecte perçue par le client du client ; exemple : des fenêtres en verre incassables et antisonores vendu à un constructeur en Bâtiment peut devenir pour celui-ci un argument commercial fort et différenciant car ses qualités rendent l’offre plus intéressante pour les professionnels et hommes d’affaires souhaitant acquérir des bureaux au centre ville.
Les processus de décision en milieu B to B sont plus complexes à analyser qu’en B to C en raison du nombre plus élevé d’intervenants de nature différente. De plus, le client à souvent un rôle actif en partenariat avec le producteur ou le vendeur pour définir les caractéristiques du produit et des services qui l’accompagnent. Pour ces raisons là et bien d’autres, la segmentation s’avère nécessaire à un moment donné, or, il est primordiale de distinguer entre la segmentation stratégique et la segmentation marketing(ou mercatique).
En intervenant sur plusieurs terrains différents, la plupart des entreprises sont confrontées au problème de l’allocation optimale de leurs ressources, en effet, faut-il investir dans tous les domaines ou s’agit-il d’en privilégier l’un ou l’autre ? Apparaît donc la nécessité de découper l’ensemble des activités de la firme en domaines plus ou moins homogènes et indépendants les uns des autres : les domaines d’activité stratégique(DAS). Ceci fait l’objet de la segmentation stratégique, en effet, cette dernière est une phase importante de tout un processus de diagnostic stratégique. Elle occasionne une réflexion active sur les chemins possibles pour améliorer ou retrouver la compétitivité. Le résultat de cette segmentation est déterminant pour la constitution des plans d’action (planification) et l’orientation des décisions d’allocation de ressources (budgets et reporting, ceci fait son intérêt.
La démarche de la segmentation stratégique a pour but d’identifier l’existant et de profiler l’évolution de la firme. Elle incite à accroître l’attention des managers sur des combinaisons d’activités, des cessions ou acquisitions et alliances. considérée comme le point de départ de toute analyse stratégique, doit permettre de dégager une vision claire de l’attrait de telle ou telle activité de l’entreprise, de déterminer les facteurs clefs de succès(FCS) spécifiques à chacune de ces activités, ensuite, d’évaluer le degré de maîtrise des facteurs clés dans chaque domaine. De plus, c’est la base de toute décision stratégique, car elle aide à fixer des priorités en matière d’allocation des ressources (humaines, financières…), et à décider éventuellement, des DAS que l’entreprise devra théoriquement développer et ceux qu’il faudra abandonner.
Toute cette réflexion sur les critères qui peuvent se révéler stratégiques pour l’avenir de la firme s’articulent atours d’un but unique : celui de la compétitivité. Dans le cas de la segmentation marketing, le segment correspond à une tranche de marché, et la stratégie en découlant va viser normalement le client professionnel, ou dans certains cas, le produit. Il s’agira surtout, d’adapter et d’optimiser l’offre par rapport à une certaine tranche de clients dont la demande s’avère homogène. La segmentation marketing est un des aspects essentiels de l’analyse marketing dans la mesure où elle commande à la fois la stratégie d’offre et l’approche commerciale des clients
La segmentation stratégique est guidée par une seule préoccupation-qui constitue d’ailleurs sa problématique- : trouver le découpage des activités de l'entreprise qui rende le mieux compte de la diversité et des spécificités des formules de création de la valeur. Pour la segmentation marketing: est-elle systématique ou dépend-t-elle de la taille de l'entreprise ?
Ainsi, dans une première partie, on essayera après avoir expliqué le concept de la segmentation stratégique en B to B, de monter la démarche d’élaboration des différents DAS ainsi que leurs méthodes d’évaluation et leurs utilité, pour ensuite aborder les différentes stratégies mises en œuvre en matière de segmentation stratégique : c’est l’analyse de macrosegmentation. Par la suite, on verra naturellement la segmentation marketing qui vient compléter la première et non la contredire. A travers ses méthodes spécialement orientés B to B, ses critères, ses étapes et stratégies : c’est l’analyse de microsegmentation. Pour illustrer notre travail, on présentera une étude de cas pratique portant sur MICHELIN.
I- LA SEGMENTATION STRATÉGIQUE EN B TO B :
L’ANALYSE DE MACRO-SEGMENTATION
L'entreprise est souvent une entité trop complexe pour qu'une seule stratégie puisse être appliquée à toutes ses activités. Si la stratégie peut et doit être considérée comme le libre arbitre de l’entrepreneur, cela revient à donner la possibilité, ou plutôt obliger l’entrepreneur à faire des choix d’allocations de ressources entre plusieurs stratégies alternatives. Mais il n’est pas facile de dégager les éléments objectifs et prospectifs permettant de poser ces choix, que ce soit au niveau des potentiels de ces stratégies, ou de la manière dont l’entreprise va s’organiser.
La segmentation stratégique en B to B possède les mêmes principes qu’en B to C, c’est au niveau de la microsegmentation qu’apparaît la différence entre le Business to business et la grande consommation.
A. Finalité et spécificités de la segmentation stratégique B to B
1) Concept et finalité
La segmentation stratégique est une pratique consistant à repérer les activités pour lesquelles une stratégie spécifique devra être développée afin:
Ø Organiser l’entreprise en unités stratégiques ayant un sens vis-à-vis des différents marchés ;
Ø Permettre une analyse concurrentielle pertinente ;
Ø Développer un avantage concurrentiel à partir de l’identification des F.C.S. propres au secteur.
L’identification des groupes d’acheteurs-cibles est l’objectif de la démarche de segmentation stratégique qui va décomposer le marché de référence (c'est-à-dire le marché sur lequel l’entreprise veut se démarquer et définir une stratégie de présence) en sous-ensembles homogènes du point de vue des attentes et des comportements d’achat. Cette démarche de segmentation est d’une importance stratégique pour l’entreprise, puisqu’elle conduit à définir son domaine d’activité et à identifier les facteurs clés à maîtriser pour être gagnant dans ces marchés-cibles.
La mise en œuvre d’une stratégie de segmentation suppose au départ la définition de la mission de l’entreprise, c’est-à-dire son rôle et sa fonction dans une orientation-marché. Cette description permet d’identifier :
Les clients que l’on veut servir;
Les concurrents directs que l’on va devoir affronter;
Les facteurs clés de succès qu’il faut pouvoir maîtriser;
Les technologies alternatives ou les concurrents indirects àü surveiller;
Les principaux acteurs avec qui il va falloir compter.ü
Dans la définition d’une mission stratégique, trois questions doivent être clairement posées et analysées :
Quel est notre domaine d’activité?ü
Dans quel(s) domaine(s) d’activité devrions-nous être?
Dans quel(s) domaine(s) d’activité ne devrions-nous pas être?
La réponse à ces questions doit être considérée sous l’angle des besoins de l’acheteur afin d’éviter le risque de « myopieproduit » 3 :
Pour un acheteur, un produit s’identifie à la solution qu’il apporte;
Différentes technologies peuvent apporter la même solution recherchée;
Les technologies évoluent rapidement alors que les besoins génériques restent stables.
L’objectif est donc de définir le marché de référence du point de vue de l’acheteur et non pas du point de vue du producteur. Pour atteindre cet objectif, on définira le marché de référence en se référant aux trois questions suivantes :
Quels sont les différents groupes d’acheteurs potentiellement intéressés par le produit?
Quels sont les besoins, les fonctions ou les solutions à rencontrer?
Quelles sont les technologies existantes ou les métiers susceptibles de produire ces fonctions?
Tous ces objectifs découlent vers une seule et unique finalité ; à savoir l’amélioration de la création de la valeur, puisque celle-ci offre à la fois un retour sur investissement et un retour d’expérience positif.
a) Le domaine d’activité stratégique
Les DAS sont l’objet de la phase de segmentation stratégique, ce sont des sous-ensembles d’activités d’une entreprise qui ont des facteurs clefs de succès semblables et qui partagent des ressources et des compétences.
Ces activités contribuent donc à créer de la valeur de manière suffisamment similaire pour nécessiter une stratégie d’affaires spécifique et cohérente. Par définition, les facteurs clefs de succès sont différents d’un DAS à l’autre.
b) L’évaluation du domaine d’activité stratégique
Chaque domaine d’activité stratégique doit être évalué afin de pouvoir lui appliquer la stratégie adéquate à long et moyen terme. Il existe plusieurs méthodes d’évaluation des DAS basées sur les matrices BCG, MAC KINSEY et ADL.
La matrice BCG (Boston Consulting Group) :
La matrice BCG est une technique d’analyse de portefeuille d’activités. Deux axes d’analyse y sont utilisés :
• le marché : le critère retenu est le taux de croissance du segment sur lequel l’entreprise est présente avec ses différents produits. Il peut être fort ou faible.
• la position de l’entreprise sur le marché : c’est la part de marché relative qui est utilisée comme critère d’évaluation. Elle peut être forte ou faible.
Cette matrice définit ainsi quatre catégories de produits : les vaches à lait, les étoiles, les dilemmes et les poids morts.
…
Les quatre cases correspondent chacune à quatre situations particulières. Or ce qui nous importe ici est de connaître l’utilité de cette matrice pour le marketing B to B : en effet, en positionnant les produits sur un marché souvent de faible concurrence et composé de nombre restreint de clients, la matrice BCG permet au décideur de mieux visualiser la situation de chacun de ses produits et d’évaluer l’équilibre entre ses différentes activités :
celles que l’on maintient par inertie;
celles qui rapportent de l’argent et permettent de financer d’autres activités;
celles qui assurent la croissance de l’entreprise;
celles qui, bien gérées, pourraient représenter l’avenir de l’entreprise.
Cette matrice soufre de plusieurs limites, à savoir son aspect réducteur et statique puisqu’elle prend en compte une position à un moment donné. Cette méthode n’est pas à préconiser en B to B où la concurrence s’intègre par rapport aux clients et aux technologies, des facteurs en changement constant.
La matrice MAC KINSEY
La Matrice Mac Kinsey est plus une grille de réflexion qu’un modèle de comportement stratégique. Elle est à privilégier en B to B puisqu’elle présente plusieurs avantages en adéquation avec se domaine, à savoir :
Le réalisme et l’universalité.
La prise en compte de la capacité et l’identité de l’entreprise (atouts de la firme)
La grande variété des variables qu’elle utilise (ce qui nécessite une parfaite connaissance de l’environnement, de l’activité et des forces et faiblesses de la firme mais complète d’autant son analyse).
La prise en compte de variables qualitatives (culturelles, identitaires) et d’éléments de synergies qui soulignent les interrelations très étroites entre activités au sein du portefeuille d’activité produits, que l’entreprise ne doit pas négliger.
Le passage d’une approche quantitative voir statique (BCG) à une approche plutôt qualitative et dynamique.
· La matrice ADL (Arthur D. LITTLE)
L’ADL structure son tableau d’analyse stratégique à partir du degré de maturité de l’activité et de la position concurrentielle de l’entreprise sur le domaine d’activité. La plus grande qualité de la matrice ADL est qu’elle offre une évaluation qualitative puisqu’elle ne considère pas la compétitivité uniquement sur les prix, ce qui la rend plus proche de la réalité à travers une mesure relative par rapport aux concurrents, aussi, la matrice ADL offre-t-elle une analyse dynamique par l’introduction du cycle de vie. En revanche, cette matrice présente des difficultés de mise en œuvre par rapport à la BCG par exemple, dans la mesure où les PME ne peuvent s’aventure dans une évaluation aussi coûteuse, de plus, elle ne peut être pertinente que pour les entreprises fortement diversifiées.
2) Les spécificités de la segmentation stratégique en B to B
Le business to Business est caractérisé par le nombre des secteurs d’activité qu’il concerne et par la complexité de son environnement, radicalement différent de celui de la grande consommation. Il existe donc des caractéristiques spécifiques à la segmentation stratégique en B to B selon les différents domaines d’activités de celui-ci. Les biens industriels, dans leur acception la plus large, comprennent l’ensemble des produits et services, fabriqués et vendus par des entreprises à d’autres entreprises : industriels, organismes ou professionnels. C’est l’une des différences majeures avec le secteur de la grande consommation, en effet, cette différence réside dans la nature très diversifiée des clients qui achètent des biens à titre professionnel, c'est-à-dire des biens qui entrent dans le cadre du fonctionnement de leur organisation, les biens industriels s’adressent aux producteurs de matières premières, aux assembleurs, aux fabricants de produits semi-finis, aux distributeurs et aux prestataires de services.
C’est ce qui fait que les biens industriels se caractérisent par une grande hétérogénéité : blé, coton, ciment, moteurs, microprocesseurs, avions, services financiers…C’est pour cette raison encore, que KOTLER et SAPORTA ont classifié les biens industriels en trois principales catégories :
Les biens entrant dans le produit final
Les biens d’équipement entrant directement dans le processus de fabrication
Les biens et services industriels n’entrant pas directement dans le processus de fabrication4
Tous ces éléments contribuent à la difficulté d’élaborer des macro-segments homogènes et susceptibles de réaliser des synergies.
B. Modalités de la segmentation stratégique en B to B
La segmentation stratégique peut être réalisée soit par découpage soit par regroupement.
1) Segmentation stratégique par découpage
Le découpage consiste à considérer l'entreprise globalement et à tenter d'identifier les différents segments stratégiques qui constituent son activité, il est le résultat d'une analyse des différences entre chacune des activités en se fondant sur les critères suivants :
Le type de clientèle concernée : Ici les entreprises et industries
La fonction d'usage : besoins / critères d'achat
La concurrence : pas aussi accrue que dans le secteur de la grande consommation
La technologie : type de techniques industrielles…
…
C. La démarche de mise en œuvre de la segmentation stratégique
La différence qu’il peut y avoir entre la segmentation stratégique B to B et celle du marché de la grande consommation est le fait de regrouper les produits de l’entreprise en une seule activité selon les convergences qui existent, le découpage n’est pas à préconiser dans la mesure où il peut s’avérer le plus souvent coûteux, particulièrement dans le cas des petites et moyennes entreprises.
SOMMAIRE
Introduction
I- La segmentation stratégique en B to B : L’analyse de macro-segmentation :
A. Finalité et spécificités de la segmentation stratégique en B to B
1) Concept et finalité
2) Spécificités
B. Modalités de la segmentation stratégique en B to B
1) Par découpage
2) Par regroupement
C. Démarche de mise en œuvre de la segmentation stratégique en B to B
1) Énumération des activités élémentaires de l’entreprise en termes de trinômes TAC (Triade d’ABELL et HAMMOND)
2) Recherche des facteurs clés de succès (FCS) propres à chaque trinôme TAC
3) Regroupement des trinômes TAC en domaines d’activités stratégiques (DAS)
4) Regroupement des domaines d’activités stratégiques (DAS) en bases stratégiques (BS)
D. Les stratégies de segmentation stratégique en B to B
1) La stratégie de concentration
2) La stratégie de spécialisation produit
3) La stratégie de spécialisation client
4) La stratégie de diversification
5) La stratégie de couverture complète
E. Les avantages et difficultés de la segmentation stratégique B to B
1) Les avantages
2) Les difficultés
II- La segmentation marketing en B to B : L’analyse de micro-segmentation :
A. Les méthodes de segmentation utilisées en B to B
1) La segmentation de WIND et CARDOZO
2) La segmentation de BANOMA et SHAPIRO : L’approche imbriquée
B. Les critères de segmentation marketing B to B
C. Les étapes de segmentation marketing en B to B
1) La démarche générale
2) La démarche dans les PME industrielles
D. Les stratégies de segmentation marketing B to B
1) La segmentation par avantages recherchés
2) La segmentation descriptive
3) La segmentation comportementale
E. Les avantages et difficultés de la segmentation marketing B to B
1) Les avantages
2) Les difficultés
III- Cas pratique: Etude de cas de MICHELIN
Conclusion