Document de formation sur le marketing agroalimentaire
Section 1 Mise en contexte
Depuis 2006, l’action publique au Québec concernant la saine alimentation évolue dans le contexte du Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids. Ce plan propose des actions qui ciblent la modification des environnements afin qu’ils facilitent, entre autres choses, l’activité physique et la saine alimentation. Afin de préciser pour tous les acteurs du système agro-alimentaires au Québec ce que constitue une saine alimentation, le gouvernement a présenté plus récemment un document de vision qui la définie comme étant « constituée d’aliments diversifiés et donne priorité aux aliments de valeur nutritive élevée sur le plan de la fréquence et de la quantité. (…) La saine alimentation se traduit par le concept d’aliments quotidiens, d’occasion et d’exception, de même que par des portions adaptées aux besoins des personnes. » Le Ministère de la Santé, en collaboration avec des partenaires et en consultation avec des acteurs du système agro-alimentaire est en train de rédiger une politique de la saine alimentation qui viendra spécifier les actions prioritaires afin de transformer les environnements alimentaires au Québec afin de faciliter les choix plus sains.
Dans ce contexte d’intérêt croissant sur la question de comment amener les acteurs agro-alimentaires, de la ferme à l’assiette, à adopter de nouvelles manières de faire, l’organisation Québec en Forme cherche à développer ses activités de soutien au changement vers une alimentation plus saine chez les jeunes. L’organisation s’est jusqu’à récemment concentrée à soutenir la mobilisation et les diverses interventions des regroupements locaux afin de faciliter la pratique de l’activité physique chez les jeunes.
La majorité des regroupements communautaires supportés par Québec en Forme ont aussi déjà entrepris des efforts au niveau local et certaines interventions au niveau régional et national qui visent aussi la saine alimentation. Cependant, plusieurs acteurs impliqués dans la chaine qui lie la ferme à l’assiette doivent encore être mobilisés afin de trouver une solution durable à cette problématique et permettre aux interventions des communautés d’atteindre une plus grande échelle (voir la figure 1 qui offre une représentation simplifiée de cette chaîne).
Le présent projet consiste à réaliser une lecture de l’environnement agro-alimentaire en prenant comme point d’ancrage trois communautés : le quartier Notre-Dame de Grâce (NDG), et les MRC Pierre de Saurel et Rivière-du-Nord. L’objectif est de déterminer les principaux défis et leviers vers l’atteinte d’une plus saine alimentation et d’identifier de possibles interventions visant à augmenter la consommation d’aliments sains chez les jeunes, en particulier de fruits et légumes.
Les objectifs précis du projet de recherche sont les suivants :
Quels sont les barrières vers une plus saine alimentation ? Quels sont les acteurs clés sur le terrain ainsi que leurs contraintes ? Quels autres acteurs pourraient éventuellement être mobilisés ?
Habitudes alimentaires et marketing alimentaire : Faits saillants des trois communautés sélectionnées
Les trois communautés sélectionnées pour cette étude l’ont été afin de représenter différentes facettes de la réalité québécoise: elles incluent des milieux urbains, péri-urbains, et ruraux de même que différents milieux socio-économiques. Cette section fait un survol de certaines des
caractéristiques qui sont propres à ces trois communautés, en termes d’habitudes alimentaires et de marketing alimentaire. Notons aussi qu’étant donnée la nature des données disponibles, nous ne pouvons pas toujours comparer les habitudes et les pratiques de marketing pour les communautés sélectionnées mais plutôt pour les régions dans laquelle elles se trouvent. Les informations de cette section proviennent du rapport technique en annexe du rapport synthèse.
Si on observe des indicateurs de santé liés à l’alimentation (l’excès de poids et le diabète), les trois régions sont représentatives de la population en général. La prévalence de l’obésité au Québec est de 15.4%; les trois régions sous examen ne se démarquent pas de façon significative avec un taux de 14.9% pour Montréal et Laurentides et de 15.8% pour Montérégie. De même, la prévalence du diabète est semblable dans les trois régions, allant de 5% en Montérégie jusqu'à 5.6% dans l'ensemble du Québec.
Si on examine les habitudes alimentaires des jeunes de ces trois communautés, elles se distinguent quelque peu de celles des autres écoliers québécois. On constate que les jeunes dans le reste du Québec ont tendance à boire plus de boissons gazeuses et de boissons énergisantes que les jeunes dans les trois régions. Les jeunes dans le reste du Québec tendent aussi à manger moins de fruits, légumes, de blé entier, que les trois régions sous examen.
Pour ce qui est des habitudes de vie telles que la tendance à sauter des repas, à manger dans les restaurants-minutes, ou à prendre leurs repas avec un membre adulte de la famille, on observe que les jeunes des trois régions ont plus tendance à manger devant la télévision, à manger des collations ou dans les restaurants-minutes, mais aussi à prendre leur repas avec un adulte. Par contre, notre analyse statistique des résultats de l'enquête montre que les différences entre les habitudes des filles et des garcons sont plus importantes que les différences entre les régions. Ainsi, les filles consomment moins de fruits et légumes, mais les garcons consomment plus de boissons sucrés et énergisante
Le milieu socio-économique joue un rôle important dans les habitudes de vie. En effet, les enfants d’un milieu défavorisé ont plus tendance à manger dans les restaurants-minute, à prendre leurs repas devant la télévision ou à manger sans la présence d’un adulte de la famille; et moins tendance à prendre de déjeuners et de lunch.
Notre analyse des résultats de cette enquête fait ressortir l’importance de ces habitudes de vie sur les habitudes alimentaires. Ainsi, les jeunes qui prennent leurs repas devant leur ordinateur ont tendance à boire du soda ainsi que de la boisson énergisante; ceux qui mangent devant la télévision ont tendance à moins manger des fruits et légumes. Les jeunes qui prennent leur repas en présence d’un adulte ont tendance à boire moins de soda ainsi que de boisson énergisante et à manger plus de fruits et légumes.
Notre examen des statistiques Nielsen concernant les pratiques de marketing alimentaires dans les trois régions nous révèle quatre constats principaux. Le premier concerne le prix des aliments. Afin d’examiner le prix moyen payé par semaine par une famille dans les trois communautés, nous avons utilisé l’information de la Direction de santé publique du Québec sur la composition d’une famille typique et sur la quantité hebdomadaire que l’on d e vra it re tro u ve r dan s un panier nutritif pour chaque consommateur. En combinant ces informations avec nos données d’achat d’aliments provenant de Nielsen, nous pouvons calculer les sommes qui seraient requises pour se procurer cinq catégories d’aliments, incluant les fruits et légumes (Tableau 1). On constate en particulier que le coût de fruits et légumes à NDG est moindre que dans les deux autres communautés et au Québec en général. Quant au prix des fruits dans les MRC Pierre de Saurel et Rivière du Nord, ils sont similaires à la moyenne québécoise; ils sont un peu moindres pour les légumes.
…
*En supermarché
En deuxième lieu, l’analyse des données Nielsen permet d’examiner l’intensité de la publicité au Québec, mais les données sont disponibles seulement pour la région de Montréal, la région de Québec et le reste du Québec. L’intensité de la publicité est mesurée en terme de pourcentage de dépense en dollar en publicité par rapport au total d’achat d'une certaine catégorie. On note peu de publicité pour les fruits et légumes; par contre, beaucoup plus d’investissements en publicité ont lieu pour le yogourt et les céréales de déjeuner, de même que pour les boissons gazeuses, les boissons énergisantes et le lait, et ce, en particulier dans la région de Montréal (Tableau 18 du rapport technique).
Troisièmement, les données Nielsen nous permettent aussi d’observer d’autres pratiques de promotion que la publication, soit les activités d’étalage et de publicité en circulaire. On observe, comme pour la publicité, des activités de promotion substantielles pour les catégories yogourt, céréales à déjeuner, boissons gazeuses régulières et diète, boisson énergétique, tandis que les investissements en étalage et publicité en circulaire pour les fruits et légumes sont beaucoup moins élevés (Tableaux 19 et 20 du rapport technique en annexe).
Quatrièmement, nous avons aussi examiné l’effet des activités de marketing pour huit catégories (fruits et légumes, lait, yogourt, céréale à déjeuner, boissons gazeuses régulières et diète, et boissons énergétiques). En général, nous constatons que les activités de marketing jouent un rôle très important à encourager l’achat des fruits et légumes. Cet effet est aussi fort que l’effet des activités de marketing sur les catégories moins santé comme les boissons gazeuses. Nous avons aussi étudié l’impact des prix sur la consommation des aliments afin de mesurer la sensibilité des consommateurs aux prix des fruits et légumes, ce qu’on appelle aussi l’élasticité des prix. Nous avons observé que l'élasticité des prix pour les légumes est plus élevée que celle des fruits, c'est-à-dire que les consommateurs sont plus sensibles aux prix pour les légumes que pour les fruits. Toutefois, les achats de fruits sont plus sensibles à des augmentations dans la fréquence de remise de prix, par rapport à l'achat de légumes. (Tableau 21 du rapport technique) On a aussi noté que les activités liées à l’étalage en magasin ont plus d’impact sur la consommation de légumes que celle de fruits; de plus, les résultats indiquent que les consommateurs avec des faibles revenus sont plus sensibles aux activités d’étalage (Tableau du rapport technique). Le lait, yogourt, et les céréales à déjeuner ont quant à eux une très grande élasticité des prix.
En général, les consommateurs sont très sensibles aux activités de marketing pour les boissons gazeuses régulières et diètes. Cependant, il est clair que la sensibilité aux prix, la fréquence de remise de prix, et les activités d’étalage et de circulaire sont plus élevées pour les boissons gazeuses régulières que pour les boissons diètes. Les consommateurs sont pour la plupart sensibles aux variables liées au prix quand il s'agit des boissons énergétiques. La demande de boisson énergétique est très élastique et elle est influencée par l’augmentation de la fréquence de remises de prix.
Section 2 Méthodologie de recherche
Un établissement scolaire et son environnement de proximité, NDG
La collecte d’information menant aux conclusions et recommandations de ce rapport de recherche est fondée sur trois composantes. La première composante est un portrait des systèmes agro-alimentaires dans les trois communautés sélectionnées pour ce projet : le quartier de NDG sur l’île de Montréal, la MRC de Pierre de Saurel dans la Montérégie et la MRC Rivière du Nord dans les Laurentides. Ce portrait examine les caractéristiques socio-sanitaires et les habitudes alimentaires des jeunes des trois communautés, les pratiques de marketing alimentaire et les spécificités de production, transformation et distribution agro-alimentaire dans les trois communautés.
Ce portrait est fondé sur quatre types de source de données. Pour les données socio-sanitaires, nous avons utilisé les enquêtes les plus récentes sur la santé des collectivités canadiennes de Statistique Canada. Pour les données sur les habitudes alimentaires, nous avons utilisé les résultats de l’enquête menée auprès des jeunes québécois âgés de 11 à 17 ans durant l’année scolaire 2011-2012. Le questionnaire auto-administré visait à faire ressortir les attitudes et comportements reliés à l’alimentation des jeunes. Les données sur le marketing alimentaire ont été obtenues de la firme d’information commerciale Nielsen. Ces bases sont constituées de données de vente au détail hebdomadaires dans les points de ventes (supermarchés et dépanneurs) pour une période de trois ans, de janvier 2008 à décembre 2010, de même que de données de publicité pour l’investissement mensuel de chaque compagnie pour la même période. Quant aux données sur la production agricole, la transformation et la distribution alimentaire, elles sont basés sur les statistiques et informations les plus récentes disponibles dans les publications du Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation (MAPAQ), du rapport Pronovost et, pour ce qui est de la distribution, de la base de données sur l’environnement bâti de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ); cette dernière est elle- même basée sur des données du MAPAQ de 2009.
Les communautés ont été choisies selon les trois critères suivants. Elles offrent une diversitéd'environnements géographiques (urbain, péri-urbain et semi-rural), une diversité de population avec notamment la présence de groupes socio-démographiques diversifiés et moins favorisés, et des milieux déjà actifs dans la promotion de l'alimentation saine aux côtés de Québec en Forme. La carte ci-dessous montre la situation géographique de chacune d’entre elles.
La seconde composante du projet de recherche consiste à l’observation du marketing alimentaire dans les trois communautés sélectionnées. L’équipe de recherche a visité 20 établissements à Saint-Jérome (MRC Rivière du Nord), 24 établissements à Sorel-Tracy (MRC Pierre de Saurel) et 44 dans le quartier NDGde Montréal.
Deux partis-pris méthodologiques sont ici pleinement assumés. D'une part, nous avons fait le choix d'une approche terrain partant de la réalité quotidienne de la cible visée, les jeunes et leur environnement scolaire de proximité (voir photos 3 et 4). D'autre part, nous avons suivi une méthodologie d'analyse des leviers de performance commerciale empruntée des techniques marketing telles que pratiquées par les catégories alimentaires ciblées comme les boissons sucrées, les confiseries et les pâtisseries ou les collations, mais appliquée à la catégorie produits frais en vrac ou transformés. Par exemple, ont été inclus les fruits et légumes frais pré-coupés, pré-emballés, préparés (salades fraîches) ou prêt-à-manger (épluchés) mais ont été exclus les fruits et légumes déshydratés, en conserve, congelés, transformés en jus ou incorporés dans des préparations alimentaires cuites comme les compotes.
La sélection des établissements à visiter s’est faite selon des critères d’environnement de proximité entourant les écoles maternelles, primaires et secondaires. Chaque « cluster » géographique a été choisi pour sa représentativité démographique, notamment selon des critères socio-économiques. Les établissements visités incluaient des dépanneurs, des supermarchés, des pharmacies, des épiceries spécialisées, des fruiteries, des restaurants rapides et traditionnels, des magasins d’escomptes, des grands distributeurs (ex : Walmart). Afin d’illustrer la sélection des établissements, on retrouve dans la carte ci- dessous un exemple de l’un des « clusters » visités dans NDG.
Cette observation in situ documentait les pratiques de commercialisation selon quatre leviers deperformance commerciale de la catégorie fruits et légumes. Premièrement, la disponibilité est définie à la fois comme géographique comme dans le temps, étant donnée la très forte saisonnalité de la catégorie de fruits et légumes au Québec. Elle concerne aussi le choix de produits proposé au client (l'assortiment) et sa présentation (dans ce cas son emplacement dans l'établissement alimentaire). Le second levier est l’offre de produits et services. Il s'agit d'un ensemble : variété de produits, présentation et transformation fraîche (emballé, lavé, coupé, mélangé, préparé pour prêt-à-cuisiner ou prêt-à consommer), emballage, information sur le produit (origine, données nutritionnelles, conservation et préparation). Le troisième levier est l’accessibilité financière et le quatrième, les actionspromotionnelles non basées sur le prix. Ces dernières sont très diverses. Elles peuvent inclure des actions menées à l'intérieur, à la périphérie ou déconnectées du point de service (voir le tableau 2 ci- dessous).
…
Pour chaque visite, en visiteur mystère (c’est-à-dire que le chercheur ne s’identifie pas comme tel auprès des employés ou des responsables), les membres de l’équipe de recherche ont rempli une fiche d’analyse (disponible en annexe) et ont documenté avec des photos l’offre alimentaire.
Nous avons collecté plus de 400 photos durant la période d’observation afin d’illustrer différentes pratiques de commercialisation concernant les quatre leviers de performance. Quelques- unes de ces photos se retrouvent dans le rapport synthèse.
La troisième composante de ce projet de recherche consiste à mener des entrevues avec des acteurs du système agro-alimentaire au niveau local, régional, national et international. Nous avons mené 19 entrevues avec huit types d’acteurs : 1) Responsables de services alimentaires dans les écoles; 2) Propriétaires ou gestionnaires de supermarchés, dépanneurs ou d’autres détaillants; 3) Responsables d’initiatives locales de distribution alimentaires et de sécurité alimentaire; 4) Représentants d’association locale, régionale ou nationale de producteurs; 5) Gestionnaires d’entreprise de transformation ou de marketing alimentaire au Québec; 6) Représentants d’association régionale ou nationale d’entreprises de grossistes ou de distribution alimentaire; 7) Gestionnaire d’une entreprise de distribution alimentaire de grande envergure (ex : multinationale opérant au Québec) et 8) Gestionnaires d’organisations à but non lucratif locales ou étrangères qui offrent des exemples de pratiques innovantes.
Cette troisième composante du projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de recherche de l’Université McGill. Les acteurs à contacter ont été identifiés par les coordonnateurs locaux de Québec en Forme et les membres de l’équipe de recherche. Les entrevues ont été menées en personne ou au téléphone, pour une durée approximative d’une heure en utilisant un guide d’entrevue que l’on retrouve en annexe. Chaque répondant a signé un formulaire de consentement et les chercheurs ont pris des notes durant l’entretien. Les résultats des entrevues demeurent confidentiels, c’est-à-dire que, dans ce rapport de recherche, nous n’attribuons pas les commentaires provenant des notes d’entrevues à des individus, mais plutôt à des types d’acteurs.
Section 3 Piste d’intervention 1: Accroître la disponibilité des fruits et légumes dans les commerces de proximité et de commodité
Lors de nos observations quant aux pratiques de commercialisation des fruits et légumes, nous avons constaté que la disponibilité et l’assortiment dans les commerces de proximité, tels que les dépanneurs et les pharmacies, étaient limitée, même si nos observations ont eu lieu durant l’été, une période propice à cette offre alimentaire. Nous avons observé une présence croissante bien qu'encore limitée dans les restaurants rapides; qui tout comme les commerces de proximité, se trouvent souvent à proximité des écoles. Nous avons aussi recensé plusieurs formes de commerces de fruits et légumes saisonniers, variés dans leur diversité (kiosques sur le bord de la route, marché communautaire, panier de producteur) mais peu répandus et peu visibles. En contraste, nous avons constaté que, non seulement les supermarchés sont les principaux points de service où trouver des fruits et légumes frais, mais aussi qu’ils sont "en pointe" dans la sophistication de l'offre de fruits et légumes quant à la disponibilité, l’assortiment, l’offre de valeur ajouté (tels que les fruits et légumes pré-coupés, prêt-à-manger ou prêt-à-cuisiner) et les stratégies de promotion. Nous discuterons de l’innovation produits et mise en marché dans la section suivante.
Document de formation sur le marketing agroalimentaire
Section 1 Mise en contexte
Depuis 2006, l’action publique au Québec concernant la saine alimentation évolue dans le contexte du Plan d’action gouvernemental de promotion des saines habitudes de vie et de prévention des problèmes reliés au poids. Ce plan propose des actions qui ciblent la modification des environnements afin qu’ils facilitent, entre autres choses, l’activité physique et la saine alimentation. Afin de préciser pour tous les acteurs du système agro-alimentaires au Québec ce que constitue une saine alimentation, le gouvernement a présenté plus récemment un document de vision qui la définie comme étant « constituée d’aliments diversifiés et donne priorité aux aliments de valeur nutritive élevée sur le plan de la fréquence et de la quantité. (…) La saine alimentation se traduit par le concept d’aliments quotidiens, d’occasion et d’exception, de même que par des portions adaptées aux besoins des personnes. » Le Ministère de la Santé, en collaboration avec des partenaires et en consultation avec des acteurs du système agro-alimentaire est en train de rédiger une politique de la saine alimentation qui viendra spécifier les actions prioritaires afin de transformer les environnements alimentaires au Québec afin de faciliter les choix plus sains.
Dans ce contexte d’intérêt croissant sur la question de comment amener les acteurs agro-alimentaires, de la ferme à l’assiette, à adopter de nouvelles manières de faire, l’organisation Québec en Forme cherche à développer ses activités de soutien au changement vers une alimentation plus saine chez les jeunes. L’organisation s’est jusqu’à récemment concentrée à soutenir la mobilisation et les diverses interventions des regroupements locaux afin de faciliter la pratique de l’activité physique chez les jeunes.
La majorité des regroupements communautaires supportés par Québec en Forme ont aussi déjà entrepris des efforts au niveau local et certaines interventions au niveau régional et national qui visent aussi la saine alimentation. Cependant, plusieurs acteurs impliqués dans la chaine qui lie la ferme à l’assiette doivent encore être mobilisés afin de trouver une solution durable à cette problématique et permettre aux interventions des communautés d’atteindre une plus grande échelle (voir la figure 1 qui offre une représentation simplifiée de cette chaîne).
Le présent projet consiste à réaliser une lecture de l’environnement agro-alimentaire en prenant comme point d’ancrage trois communautés : le quartier Notre-Dame de Grâce (NDG), et les MRC Pierre de Saurel et Rivière-du-Nord. L’objectif est de déterminer les principaux défis et leviers vers l’atteinte d’une plus saine alimentation et d’identifier de possibles interventions visant à augmenter la consommation d’aliments sains chez les jeunes, en particulier de fruits et légumes.
Les objectifs précis du projet de recherche sont les suivants :
Quels sont les barrières vers une plus saine alimentation ? Quels sont les acteurs clés sur le terrain ainsi que leurs contraintes ? Quels autres acteurs pourraient éventuellement être mobilisés ?
Habitudes alimentaires et marketing alimentaire : Faits saillants des trois communautés sélectionnées
Les trois communautés sélectionnées pour cette étude l’ont été afin de représenter différentes facettes de la réalité québécoise: elles incluent des milieux urbains, péri-urbains, et ruraux de même que différents milieux socio-économiques. Cette section fait un survol de certaines des
caractéristiques qui sont propres à ces trois communautés, en termes d’habitudes alimentaires et de marketing alimentaire. Notons aussi qu’étant donnée la nature des données disponibles, nous ne pouvons pas toujours comparer les habitudes et les pratiques de marketing pour les communautés sélectionnées mais plutôt pour les régions dans laquelle elles se trouvent. Les informations de cette section proviennent du rapport technique en annexe du rapport synthèse.
Si on observe des indicateurs de santé liés à l’alimentation (l’excès de poids et le diabète), les trois régions sont représentatives de la population en général. La prévalence de l’obésité au Québec est de 15.4%; les trois régions sous examen ne se démarquent pas de façon significative avec un taux de 14.9% pour Montréal et Laurentides et de 15.8% pour Montérégie. De même, la prévalence du diabète est semblable dans les trois régions, allant de 5% en Montérégie jusqu'à 5.6% dans l'ensemble du Québec.
Si on examine les habitudes alimentaires des jeunes de ces trois communautés, elles se distinguent quelque peu de celles des autres écoliers québécois. On constate que les jeunes dans le reste du Québec ont tendance à boire plus de boissons gazeuses et de boissons énergisantes que les jeunes dans les trois régions. Les jeunes dans le reste du Québec tendent aussi à manger moins de fruits, légumes, de blé entier, que les trois régions sous examen.
Pour ce qui est des habitudes de vie telles que la tendance à sauter des repas, à manger dans les restaurants-minutes, ou à prendre leurs repas avec un membre adulte de la famille, on observe que les jeunes des trois régions ont plus tendance à manger devant la télévision, à manger des collations ou dans les restaurants-minutes, mais aussi à prendre leur repas avec un adulte. Par contre, notre analyse statistique des résultats de l'enquête montre que les différences entre les habitudes des filles et des garcons sont plus importantes que les différences entre les régions. Ainsi, les filles consomment moins de fruits et légumes, mais les garcons consomment plus de boissons sucrés et énergisante
Notre analyse des résultats de cette enquête fait ressortir l’importance de ces habitudes de vie sur les habitudes alimentaires. Ainsi, les jeunes qui prennent leurs repas devant leur ordinateur ont tendance à boire du soda ainsi que de la boisson énergisante; ceux qui mangent devant la télévision ont tendance à moins manger des fruits et légumes. Les jeunes qui prennent leur repas en présence d’un adulte ont tendance à boire moins de soda ainsi que de boisson énergisante et à manger plus de fruits et légumes.
Notre examen des statistiques Nielsen concernant les pratiques de marketing alimentaires dans les trois régions nous révèle quatre constats principaux. Le premier concerne le prix des aliments. Afin d’examiner le prix moyen payé par semaine par une famille dans les trois communautés, nous avons utilisé l’information de la Direction de santé publique du Québec sur la composition d’une famille typique et sur la quantité hebdomadaire que l’on d e vra it re tro u ve r dan s un panier nutritif pour chaque consommateur. En combinant ces informations avec nos données d’achat d’aliments provenant de Nielsen, nous pouvons calculer les sommes qui seraient requises pour se procurer cinq catégories d’aliments, incluant les fruits et légumes (Tableau 1). On constate en particulier que le coût de fruits et légumes à NDG est moindre que dans les deux autres communautés et au Québec en général. Quant au prix des fruits dans les MRC Pierre de Saurel et Rivière du Nord, ils sont similaires à la moyenne québécoise; ils sont un peu moindres pour les légumes.
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*En supermarché
Troisièmement, les données Nielsen nous permettent aussi d’observer d’autres pratiques de promotion que la publication, soit les activités d’étalage et de publicité en circulaire. On observe, comme pour la publicité, des activités de promotion substantielles pour les catégories yogourt, céréales à déjeuner, boissons gazeuses régulières et diète, boisson énergétique, tandis que les investissements en étalage et publicité en circulaire pour les fruits et légumes sont beaucoup moins élevés (Tableaux 19 et 20 du rapport technique en annexe).
En général, les consommateurs sont très sensibles aux activités de marketing pour les boissons gazeuses régulières et diètes. Cependant, il est clair que la sensibilité aux prix, la fréquence de remise de prix, et les activités d’étalage et de circulaire sont plus élevées pour les boissons gazeuses régulières que pour les boissons diètes. Les consommateurs sont pour la plupart sensibles aux variables liées au prix quand il s'agit des boissons énergétiques. La demande de boisson énergétique est très élastique et elle est influencée par l’augmentation de la fréquence de remises de prix.
Section 2 Méthodologie de recherche
Un établissement scolaire et son environnement de proximité, NDG
La collecte d’information menant aux conclusions et recommandations de ce rapport de recherche est fondée sur trois composantes. La première composante est un portrait des systèmes agro-alimentaires dans les trois communautés sélectionnées pour ce projet : le quartier de NDG sur l’île de Montréal, la MRC de Pierre de Saurel dans la Montérégie et la MRC Rivière du Nord dans les Laurentides. Ce portrait examine les caractéristiques socio-sanitaires et les habitudes alimentaires des jeunes des trois communautés, les pratiques de marketing alimentaire et les spécificités de production, transformation et distribution agro-alimentaire dans les trois communautés.
Les communautés ont été choisies selon les trois critères suivants. Elles offrent une diversitéd'environnements géographiques (urbain, péri-urbain et semi-rural), une diversité de population avec notamment la présence de groupes socio-démographiques diversifiés et moins favorisés, et des milieux déjà actifs dans la promotion de l'alimentation saine aux côtés de Québec en Forme. La carte ci-dessous montre la situation géographique de chacune d’entre elles.
La seconde composante du projet de recherche consiste à l’observation du marketing alimentaire dans les trois communautés sélectionnées. L’équipe de recherche a visité 20 établissements à Saint-Jérome (MRC Rivière du Nord), 24 établissements à Sorel-Tracy (MRC Pierre de Saurel) et 44 dans le quartier NDGde Montréal.
Deux partis-pris méthodologiques sont ici pleinement assumés. D'une part, nous avons fait le choix d'une approche terrain partant de la réalité quotidienne de la cible visée, les jeunes et leur environnement scolaire de proximité (voir photos 3 et 4). D'autre part, nous avons suivi une méthodologie d'analyse des leviers de performance commerciale empruntée des techniques marketing telles que pratiquées par les catégories alimentaires ciblées comme les boissons sucrées, les confiseries et les pâtisseries ou les collations, mais appliquée à la catégorie produits frais en vrac ou transformés. Par exemple, ont été inclus les fruits et légumes frais pré-coupés, pré-emballés, préparés (salades fraîches) ou prêt-à-manger (épluchés) mais ont été exclus les fruits et légumes déshydratés, en conserve, congelés, transformés en jus ou incorporés dans des préparations alimentaires cuites comme les compotes.
Cette observation in situ documentait les pratiques de commercialisation selon quatre leviers deperformance commerciale de la catégorie fruits et légumes. Premièrement, la disponibilité est définie à la fois comme géographique comme dans le temps, étant donnée la très forte saisonnalité de la catégorie de fruits et légumes au Québec. Elle concerne aussi le choix de produits proposé au client (l'assortiment) et sa présentation (dans ce cas son emplacement dans l'établissement alimentaire). Le second levier est l’offre de produits et services. Il s'agit d'un ensemble : variété de produits, présentation et transformation fraîche (emballé, lavé, coupé, mélangé, préparé pour prêt-à-cuisiner ou prêt-à consommer), emballage, information sur le produit (origine, données nutritionnelles, conservation et préparation). Le troisième levier est l’accessibilité financière et le quatrième, les actionspromotionnelles non basées sur le prix. Ces dernières sont très diverses. Elles peuvent inclure des actions menées à l'intérieur, à la périphérie ou déconnectées du point de service (voir le tableau 2 ci- dessous).
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Pour chaque visite, en visiteur mystère (c’est-à-dire que le chercheur ne s’identifie pas comme tel auprès des employés ou des responsables), les membres de l’équipe de recherche ont rempli une fiche d’analyse (disponible en annexe) et ont documenté avec des photos l’offre alimentaire.
Nous avons collecté plus de 400 photos durant la période d’observation afin d’illustrer différentes pratiques de commercialisation concernant les quatre leviers de performance. Quelques- unes de ces photos se retrouvent dans le rapport synthèse.
Cette troisième composante du projet a reçu l’approbation du comité d’éthique de recherche de l’Université McGill. Les acteurs à contacter ont été identifiés par les coordonnateurs locaux de Québec en Forme et les membres de l’équipe de recherche. Les entrevues ont été menées en personne ou au téléphone, pour une durée approximative d’une heure en utilisant un guide d’entrevue que l’on retrouve en annexe. Chaque répondant a signé un formulaire de consentement et les chercheurs ont pris des notes durant l’entretien. Les résultats des entrevues demeurent confidentiels, c’est-à-dire que, dans ce rapport de recherche, nous n’attribuons pas les commentaires provenant des notes d’entrevues à des individus, mais plutôt à des types d’acteurs.
Section 3 Piste d’intervention 1: Accroître la disponibilité des fruits et légumes dans les commerces de proximité et de commodité