SOMMAIRE
CHAPITRE 1: INTRODUCTION 12
1. CHAMP COUVERT PAR LA LOGISTIQUE 12
2. ÉTAT DE LA RÉFLEXION LOGISTIQUE .14
2.1 Une approche instrumentale: l'approche quantitative ..16
2.2 Une approche organisationnelle et stratégique ..18
2.3 Tendances récentes dans la recherche organisationnelle et stratégique en
logistique 20
3. OBJECTIFS DE LA RECHERCHE .22
3.1 Situation contemporaine de la logistique en entreprise ..22
3.2 Dynamique de la restructuration de la logistique ..24
3.2.1 Identification des tensions déstabilisatrices 24
3.2.2 Axes de recomposition de la logistique ..27
3.3 Champ des produits et des entreprises couvert par la thèse 29
3.4 Les hypothèses présentées 31
3.5 Intérêts et limites des apports visés 33
4. MÉTHODOLOGIE PROPOSÉE ..34
4.1 Le choix d'une démarche par cas cliniques .34
4.1.1 Le recours à la recherche-action ..34
4.1.2 Adéquation de la méthode des cas-cliniques au domaine de la
recherche logistique 36
4.2 Un échantillon d'entreprises de production .38
4.2.1 Michelin: une mondialisation de la logistique .38
4.2.2 Yoplait: les enjeux logistiques liés aux évolutions du secteur de la
grande distribution ..41
4.2.3 Essilor: extension géographique de l'activité logistique .42
4.2.4 LaScad-Groupe L'Oréal: coopération logistique fonctionnelle et
sectorielle 43
4.2.5 Metro: adaptation logistique dans une stratégie de croissance ..48
4.2.6 Tailleur Industrie: émergence du métier de prestataire logistique ..50
4.3 Une approche historique et généalogique de la logistique .51
4.3.1 Points de vue majeurs retenus dans la recherche 51
4.3.2 Marginalisation du point de vue économique 53
5. ORGANISATION DU TEXTE ..54PARTIE I: ..59 LES DIFFÉRENTS MODÈLES DE L'ÉVOLUTION LOGISTIQUE
CHAPITRE 2: LA LOGISTIQUE AU TRAVERS DE SES MODÈLES
HISTORIQUES .60
1. INTRODUCTION 60
2. INITIALISATION DE LA PENSÉE LOGISTIQUE DANS
L'INSTITUTION MILITAIRE .62
2.1 Place de la logistique dans la pensée militaire .62
2.2 Trois étapes dans la progression de la pensée logistique militaire ..68
2.2.1 Première phase: une logistique militaire subie 68
2.2.2 Seconde phase: structuration des organisations logistiques des
armées .71 2.2.3 Troisième phase: cent ans d'industrialisation de la logistique ..74
2.2.4 Vers un nouveau modèle de l'organisation logistique militaire 78
3. ORIGINES DES RECHERCHES EN MATIÈRE DE LOGISTIQUE
CIVILE 79
3.1 Les origines de la pensée académique en logistique civile 79
3.2 Contribution des associations professionnelles ..82
4. SYNTHÈSE DES PRINCIPAUX MODÈLES LOGISTIQUES .83
4.1 L'extension progressive du périmètre logistique: d'une logistique interne à
une logistique inter-entreprise 83
4.1.1 Terminologie associée à la logistique de distribution .83
4.1.2 Une approche séquentielle des opérations physiques: une logistique
de moyens pour chaque opération 85
4.1.3 Une approche de gestion des flux internes à l'entreprise .88 4.1.4 Une approche intégrée des flux: prise en compte de la notion de chaîne logistique dans les canaux de distribution et les canaux
d'approvisionnement ..90
4.1.5 Synthèse des principaux modèles logistiques 92
4.2 L'approche coût-service dans les canaux de distribution ..96
4.2.1 La théorie des canaux de distribution ..96
4.2.2 Modèle de création d'utilité .97
4.2.3 Le modèle de décalage et de spéculation ..99
4.2.4 Le modèle des coûts de transaction ..100
4.2.5 La délégation fonctionnelle 101
4.3 La logistique abordée comme une fonction de production de services .102
4.3.1 L'attente produit/service .102
4.3.2 Service client et service logistique ..105
4.3.3 Exemples d'offre de service logistique ..107
4.3.4 Une approche de la logistique comme fonction de production de
services .110
5. UN AXE RÉCENT DE LA STRUCTURATION COMPLÉMENTAIREDE LA LOGISTIQUE DANS LES ENTREPRISES: LA CONCEPTION
LOGISTIQUE 113
5.1 Les principaux axes récents de structuration de la logistique en entreprise .113
5.2 De la gestion logistique à la conception des systèmes logistiques 115
CHAPITRE 3 : PHÉNOMÈNE DE MONDIALISATION ET INCIDENCES
LOGISTIQUES ..122
1. INTRODUCTION .122
2. MONDIALISATION DE L'ARCHITECTURE ÉCONOMIQUE ..125
2.1. Une évolution industrielle et commerciale intensifiant les échanges
internationaux 125
2.2. L'impact des nouvelles infrastructures de transport .129
3. MONDIALISATION DE L'ACTIVITÉ DES ENTREPRISES .131
3.1. La mondialisation pour les entreprises: premières approches 131
3.2. La dualité marketing: marketing global versus marketing local .135
3.2.1 Le marketing global .136
3.2.2 Le marketing local 139
3.3. De la mondialisation à la globalisation .141
4. PREMIERS EXEMPLES DE MONDIALISATION ET CONSTATS SUR
LES INCIDENCES LOGISTIQUES .144
4.1. Les trois étapes dans la mondialisation de Thomson Multimédia .144
4.1.1 Première phase: l'expansion des marques 145 4.1.2 Deuxième phase: la stratégie de délocalisation et de spécialisation ..147 4.1.3 Troisième phase: stratégie marketing mondiale ou continentale ..151
4.1.4 Prochaine étape de la logistique de Thomson Multimédia 154
4.2. Premières incidences logistiques détectables 157
4.2.1 Déstabilisation des systèmes logistiques par l'amont ..157
4.2.2 Déstabilisation des systèmes logistiques par l'aval 159
Partie II: LES DÉSTABILISATIONS DE LA LOGISTIQUE
CONTEMPORAINE .160 CHAPITRE 4: DÉSTABILISATION DES LOGISTIQUES PAR L'AMONT:
INDUSTRIELS ..161
1. INTRODUCTION .161
2. SPÉCIALISATION DES UNITÉS DE PRODUCTION:
CONCENTRATION DES PRODUCTIONS ET RECONSTITUTION DES
GAMMES 163 2.1 Spécialisation des unités de production et effet induit sur la logistique: la
reconstitution locale des gammes .163
2.1.1 Stratégie industrielle: une tendance à la spécialisation des unités de
production 163
2.1.2 Effet logistique induit de la spécialisation: la reconstitution des
gammes .166
2.2 Illustration par deux cas d'entreprise ..170
2.1.1 Un exemple de spécialisation des unités industrielles à un niveau
national: le cas Yoplait 170
2.1.2 Spécialisation des unités de production et flux import à un niveau
continental: le cas Michelin 173
3. DÉLOCALISATION DES UNITÉS DE PRODUCTION ET
RECONFIGURATION DES SYSTÈMES D'APPROVISIONNEMENT ..176
3.1 Les incitations à la délocalisation ..176
3.2 Les flux de repositionnement à la consommation après délocalisation: le
cas Essilor ..178
3.2.1 Mise en place d'une stratégie industrielle de délocalisation des
productions chez Essilor .178
3.2.2 Effet logistique induit: repositionnement des produits sur les zones de
consommation 178
4. PRÉ ET POST MANUFACTURING: UNE NOUVELLE RÉPARTITION
DE LA VALEUR AJOUTÉE SUR LA CHAÎNE LOGISTIQUE .181
4.1 Le Pré et le Post-manufacturing : définitions et exemples 181
4.1.1 Différenciation des produits ..182
4.1.2 Le traitement des flux de retour ..185
4.1.3 La simplification du process de fabrication et la valorisation d’une
rupture de charge ..186
4.2 Place du P-Manufacturing dans les approches industrielles ..187
4.2.1 Focalisation - standardisation ..187
4.2.2 Différenciation retardée et P-Manufacturing ..189
LOGISTIQUE DANS LES STRATÉGIES DISTRIBUTEURS ..196
1. INTRODUCTION .196
2. LA CROISSANCE DU RÔLE LOGISTIQUE DES CIRCUITS DE
DISTRIBUTION DES PRODUITS DE GRANDE DIFFUSION .198
2.1 La grande distribution: un secteur en phase de maturité ..198
2.2 Prise en compte de la logistique dans les entreprises de grande
distribution .201
2.2.1 Actions promotionnelles et impacts logistiques .203
2.2.2 Le cas de la réduction des réserves magasins et leurs impacts
logistiques sur les plates-formes ..205
3. MODIFICATIONS DES CANAUX DE DISTRIBUTION ET IMPACTS
LOGISTIQUES 208
3.1 Diversification des concepts de point de vente et conséquences
logistiques: le cas Metro ..208
3.1.1 Grandes étapes du développement commercial de Metro ..208
3.1.2 Les principales phases d'adaptation de la logistique de Metro ..210
3.2 Diversification des canaux de distribution: le cas Michelin .213
3.2.1 Constitution d'un canal de distribution contrôlée ..213
3.2.2 Place du canal de distribution contrôlé Michelin ..215
3.2.3 Juxtaposition de systèmes logistiques internes à Michelin .216
3.3 Sell-in/sell-out et conséquences logistiques déstabilisatrices .220
4. STRUCTURATION LOGISTIQUE SECTORIELLE ET
RECOMPOSITION D'UN SYSTÈME DE DISTRIBUTION: LE CAS
YOPLAIT 222
4.1 Une stratégie commerciale produit: facteur initial de perturbation 222
4.1.1 Tonnage et gamme 223
4.1.2 Packaging et lot consommateur ..223
4.2 La recomposition du canal de distribution: nouvelles contraintes
logistiques ..224
4.2.1 Évolution de la place respective des circuits de distribution pour les
produits ultra-frais .224
4.2.2 Rôle des plates-formes distributeurs dans les stratégies d'achat des
chaînes de distribution .225
5. DYNAMIQUE DE DÉSTABILISATION-RECOMPOSITION PAR
5.1 Description du champ des contraintes aval déstabilisatrices de la
logistique Yoplait .231
5.2 Dynamique de recomposition du circuit logistique Yoplait .233
5.3 Prospective sur les nouvelles tendances déstabilisatrices par l'aval .238
PARTIE III : NOUVEAUX AXES DE RECOMPOSITION DE LA
LOGISTIQUE 240
CHAPITRE 6: L'INTÉGRATION FONCTIONNELLE DE LA LOGISTIQUE .241
1. INTRODUCTION .241
2. ANALYSE DE L'INTÉGRATION LOGISTIQUE ET MARKETING .243
2.1. Les liens conceptuels entre marketing et logistique ..243
2.1.1 Influence de la logistique sur les composantes du marketing mix ..243
2.1.2 La variable produit 2442.1.3 La variable prix ..246
2.1.4 La variable promotion .247
2.2. Topographie de l'interface marketing et logistique .249
2.2.1 Activités marketing et activités logistiques ..249
2.2.2 Types de coopération logistique/marketing chez Logo ..252
3. ÉMERGENCE D'UN CONCEPT DE LOGISTIQUE INTÉGRÉE
MARKETING/LOGISTIQUE DANS L'INDUSTRIE DE LA MODE-
HABILLEMENT ..255
3.1. Contraintes générées par le marché des produits de la mode sur la
logistique .255
3.2. Concrétisation de l'intégration logistique/marketing dans le secteur des
produits de la mode 259
3.2.1 Le flux d'innovation support du processus d'intégration 259 3.2.2 Le délai global de mise à disposition comme objectif commun ..259
3.2.3 Le pilotage des stocks comme objet factuel de coopération ..260
3.2.4 Les premières formes organisationnelles observées 264
CHAPITRE 7: L'INTÉGRATION SECTORIELLE DE LA LOGISTIQUE ..266
1. INTRODUCTION .266
2. LES MODÈLES COMPORTEMENTAUX D'ANALYSE DES CANAUX
DE DISTRIBUTION ..269
2.1 Analyse comportementale des canaux de distribution ..270
2.1.1 Typologie qualitative des canaux de distribution ..271
2.1.2 Les principaux comportements dans les canaux de distribution .273
2.2 Aperçu des modèles intégrateurs .277
2.3.1 La logistique dans les modèles économiques .278
2.3.2 La logistique dans les modèles comportementaux 280
3. LA LOGISTIQUE DANS LES TROIS GRANDES PHASES
COMPORTEMENTALES DU CANAL DE GRANDE DISTRIBUTION ..281
3.1 Une phase initiale: un canal traditionnel ..281
3.2 Une phase 1980/1995: un canal de distribution administré de nature
conflictuelle 282
3.2.1 Un contexte général de la grande distribution favorable au conflit .282 3.2.2 Le levier logistique: renforcement du pouvoir et zone conflictuelle 283
3.2.3 Illustration: surcoût généré dans une relation conflictuelle .286
3.3 Vers une nouvelle phase: un canal de distribution pacifié 289
3.3.1 Les premiers signes d'une évolution ..290
3.3.2 Dialogue, collaboration, coordination, coopération et alliance 292
4. DÉMARCHE D'INTÉGRATION SECTORIELLE DE LA LOGISTIQUE:
TRADE-MARKETING ET EFFICIENT CONSUMER RESPONSE 294
4.1 La logistique dans le mix trade-marketing .295
4.1.1 Recomposition de la relation entre producteurs et distributeurs .295
4.1.2 Le trade-marketing: premier cadre conceptuel de l'intégration
sectorielle de la logistique ..296
4.2 Élargissement à la démarche d'Efficient Consumer Response (ECR) 298
4.2.1 Principes de l'ECR 298
4.2.2 La logistique dans le partenariat cosmétique de LaScad ..302
4.3 Trajectoire pour l'instauration d'une intégration sectorielle de la logistique ..307
CHAPITRE 8: INTÉGRATION GÉOGRAPHIQUE DE LA LOGISTIQUE 313
1. INTRODUCTION .313
2. L'INTÉGRATION GÉOGRAPHIQUE ET SES CONSÉQUENCES
ORGANISATIONNELLES LOGISTIQUES: LE CAS MICHELIN .316
2.1 Logiques d'une nouvelle organisation en lignes de produit mondiales 316
2.2 L'organisation logistique Michelin .319
dans le cadre de lignes de produits 321
2.3 Le cas de la logistique Reste du Monde chez Michelin 323
2.3.1 Champ géographique couvert par la logistique Reste du Monde ..324
2.3.2 Scission de la logistique Asie et de la logistique Reste du Monde .324
2.3.3 Un contexte favorable à la remise en cause des interfaces
fonctionnelles ..328
3. REAFFECTATION D'OUTILS DE LA DISTRIBUTION PHYSIQUE ..332
3.1 Reconfiguration spatiale: du global au local ..332
3.1.1 Equilibre entre global et local 332
3.1.2 Illustration par le système de distribution Europe de Michelin 333 3.2 Les réseaux de plates-formes cargo aériennes: le concept de Réseau
Logistique Agile ..335
PARTIE IV : CONCEPTS ET NOUVELLES ORGANISATIONS ..339
CHAPITRE 9: PRINCIPES FEDERATEURS DE LA LOGISTIQUE GLOBALE 340
1. INTRODUCTION .340
2. LA SEGMENTATION DES FLUX ..341
2.1 Politique objet et famille logistique 341
2.2 Exemples de familles logistiques 344
3. PREMIERS PRINCIPES D'ORGANISATION ET APPLICATIONS 347
3.1 Principes généraux attachés à l'intégration sectorielle et fonctionnelle 347
3.1.1 Rôle des systèmes d'information .347
3.1.2 Elargissement de la surface de contact organisationnelle ..349
3.2 Éléments sur la réorganisation des fonctions achat chez les distributeurs:
les catégory managers ..350
3.3 Évolution et adaptation des fonctions marketing et commerciale chez les
producteurs: le cas LaScad .352
3.3.1 1ère étape: les années 1980/1985 .3533.3.2 2ème étape: les années 1985/1990 353 3.3.3 3ème étape: les années 1990/1995 355
3.3.4 4ème étape: les années 1995/2000 357
3.4 Nouvelles composantes de l'organisation logistique chez LaScad ..358
3.4.1 Principes généraux 358
3.4.2 La fonction service clients: les correspondants d'enseigne 359
3.4.3 Les fonctions d'appui logistique .362
3.5 Enseignements sur la démarche de réorganisation .364
4. LA STRUCTURATION DES PRESTATAIRES LOGISTIQUES COMME
RÉPONSE À L'INTÉGRATION SECTORIELLE ..366
4.1 Structuration d'un nouveau secteur économique: le secteur de la prestation
logistique .366 4.2 L'industrialisation et la mutualisation des infrastructures logistiques .371
CHAPITRE 10: CONCLUSIONS GÉNÉRALES .374
1. INTRODUCTION .374
2. MODÈLE D'INTÉGRATION DE LA LOGISTIQUE DANS LE
DOMAINE MILITAIRE ..375
2.1 Enjeux et cadre actuels de la logistique militaire .377
2.1.1 L'adaptation à un nouveau cadre d'emploi 377
2.1.2 Le souci d'une économie financière 381
2.1.3 La logistique de projection ..382
2.2 Convergence des modèles logistiques civilo-militaires .384
2.2.1 Similitude des problématiques .384
2.2.2 Vers une dynamique commune de rénovation de la logistique 387
2.2.3 Cartographie des coopérations logistiques civilo-militaires ..390
3. LIMITES DU MODÈLE PRÉSENTÉ ET EXTENSION DU DOMAINE
DE RECHERCHE 396
3.1 Les limites des résultats de la recherche proposée 396
3.1.1 Limites de la méthode .396
3.1.2 Validité des hypothèses ..397
3.2 Thèmes de recherche futurs 400
3.2.1 La coopération logistique est-elle une phase transitoire? ..400
3.2.2 Quelle posture logistique pour l'avenir? 402
ANNEXES 404
ANNEXE 1 :LISTE DE SCHÉMAS, TABLEAUX ET GRAPHIQUES .405
ANNEXE 2: RÉFÉRENCES 411
**
*
-10-
Qu'ils s'agissent de produits de haute technologie, tels que le Rafale de chez Dassault, de produits de large diffusion, tels que les yaourts fabriqués et distribués par Yoplait ou les cigarettes de la Seita, ou de services tels que les soins hospitaliers, l’entreprise doit structurer une offre de produits tangibles ou de services qui déclenche une grande diversité de flux physiques afin de satisfaire les attentes de ses marchés (cf. schéma 1).
Chaque acteur de l'entreprise contribue à la matérialisation de l'activité. Les flux ainsi concernés sont hétérogènes en nature, en volume, en contraintes de circulation. Ils comprennent principalement:
- des flux de matière première qui circulent de leur point d'extraction ou de stockageaux points de livraisons puis d’utilisation par le client,
- des flux de semi-oeuvrés provenant d’usines ou d’entrepôts de fournisseurs oud’origine interne à l’entreprise,
- des flux d’outillage et de machines entre sites industriels,
- des flux de produits finis entre des usines, des entrepôts internes, des entrepôts clientsou des entrepôts de prestataire logistique,
- des flux de consommables et de pièces de rechange des entrepôts vers les véhiculesdes techniciens réparateurs, vers les sites clients où les produits sont installés,
- des flux de support à la commercialisation (présentoir, matériel publicitaire)
- des flux d’emballages vides retournant des lieux de livraison vers les lieux dechargement,
- des flux de produits ou composants vendus et qui retournent des lieux de livraison oude vente vers des sites amont de stockage ou de production pour des raisons de qualité, de conditions commerciales (reprises des invendus).
Schéma 1: principaux flux déclenchés au sein de l'entreprise
- un niveau d'opérations physiques,
- un niveau de gestion des informations associées aux opérations et aux flux physiques,- un niveau de planification et de pilotage.
Le tableau 1 présente un récapitulatif de la répartition des différents niveaux d'opérations selon quatre processus physiques. La partie la plus visible de l'activité logistique se situe dans les opérations physiques (manutention, transport, conditionnement ). Mais leur initialisation et leur suivi nécessitent l'émission et le traitement de nombreuses informations (commande, préparation de commande, ordre de transport, accusé de réception, documents douaniers ). La maîtrise des flux physiques et des flux d'information demande des activités de planification, de suivi et de contrôle qui génèrent leurs propres impulsions informationnelles.
Ainsi, en première approche, si la logistique englobe la conception des réseaux au sein desquels circulent les flux de matière et la réalisation opérationnelle des opérations physiques, elle se préoccupe également des activités de traitement de l'information et de pilotage des activités.
Ces trois niveaux, opérations physiques, informations associées et planification et pilotage, se déclinent dans un premier temps selon les quatre processus physiques majeurs de l'entreprise:
- les approvisionnements,
- la production,
- la distribution physique,
- et les opérations de soutien après-vente.
La logistique se trouve ainsi définie par les flux physiques et d'information qui servent de cadre au développement d'outils de gestion et d'organisation qui lui sont dédiés, par les secteurs opérationnels sur lesquels elle agit, ainsi que par différents niveaux d'intervention qu'elle occupe en tant que fonction de gestion de l'entreprise.
Tableau 1: principales natures d'opérations par sous-systèmes logistiques aux États-Unis et dans les années 1980 en Europe, la révélation encore insuffisante de la logistique comme un domaine de la gestion par les entreprises elles-mêmes et son traitement par un nombre encore très limité de fonctions, l'observation naissante de ce phénomène sur le terrain des entreprises, la décantation à peine amorcée des premières observations et leur conceptualisation mobilisaient un petit nombre de chercheurs. Ce contexte n'avait pas permis d'aborder la logistique comme un domaine de recherche en gestion avec une définition suffisante de ses enjeux, des outils et des organisations qui lui étaient dédiés. En réalité, il est possible de considérer qu'il y a eu deux approches dominantes, apparues successivement, et qui ont prévalu dans la recherche logistique:
- une approche instrumentale, essentiellement associée au développement d'une penséequantitative sur des problèmes de dimensionnement de capacité et de choix dans la construction des flux. Cette approche s'est concentrée sur le support principal de la logistique, le flux physique, et sur les moyens matériels susceptibles de les générer, sans chercher à en extraire la dimension fonctionnelle et managériale.
- une approche organisationnelle et stratégique qui s'est penchée sur l'essence même dece qu'est la logistique et qui a permis concrètement d'en isoler la spécificité, d'en révéler les enjeux stratégiques et de se pencher sur sa dimension fonctionnelle.
Ainsi, une recherche s'est développée qui a élaboré des modèles analytiques portant sur au moins deux des éléments parmi les approvisionnements, la production, la distribution, le soutien après-vente (Hansmann, 1959) (Williams, 1981), (Blumenfeld, Burns, Diltz, Daganzo, 1985)4, (Dejax, Turri, 1986)5, (Cohen, Kleindorfer, Lee, 1986).
Rompant avec une approche qui consistait à optimiser indépendamment les unes des autres chacune des étapes du système physique de mise à disposition du produit aux clients, ces recherches ont permis de traiter des questions telles que (Cohen, Lee, 1988) :
- comment les politiques de production et de distribution peuvent être coordonnées detelle manière à ce que des synergies puissent en découler?
- comment les niveaux de services pour les composants, les semi-finis et les produitsfinis circulant de leur approvisionnement jusqu'à leur intégration dans le produit ou leur vente aux clients, affectent-ils simultanément les coûts, le temps de cycle et la flexibilité?
L'ouverture de la logistique à des approches plus fonctionnelles et stratégiques a soulevé la question de la définition du champ que recouvrait le domaine. La convergence des points de vue n'a pas été aisée à établir.
"Si la logistique existe vraiment en tant que concept universel, il ne devrait pas y avoir cinquante définitions.( )Or il y a bien une cinquantaine de définitions de la logistique et celles-ci ne sont que partiellement convergentes. Nous retrouvons là une situation qu'a connue le marketing. Il y a un grand nombre de définitions et le débat sur son domaine d'action aura duré plus d'un quart de siècle." (Tixier, Mathe, Colin, 1985).
"La logistique moderne pourrait même être simplement définie comme le processus par lequel l'entreprise gère l'ensemble de ses échanges d'informations et des éléments physiques qui en résultent avec son amont et son aval."(Tixier, Mathe, Colin, 1985).
L'embarras des premiers chercheurs pour sortir la logistique d'une approche purement quantitative était patent. La définition en était à la fois difficile et le champ balayé extrêmement large faute de repères expérimentaux clairs en entreprise. Cependant leur mérite a été de proposer une première approche illustrative des dimensions organisationnnelles et stratégiques que prenait la logistique dans les entreprises. Le recours à l'approche de Porter a été intensive pour positionner la logistique dans des stratégies par les coûts, de différenciation ou de focalisation. L'analyse des stratégies par les coûts n'a pas manqué de faire apparaître la logistique comme un vecteur de genèse de coûts important en particulier dans le domaine de la distribution physique. L'analyse des stratégies de différenciation, et en particulier par le service, a donné un éclairage particulier à la logistique, la compétition s'instaurant fréquemment sur des dimensions sur lesquelles elle a une prise directe (les délais, la fiabilité ). Enfin, dans les stratégies de focalisation, la logistique est apparue comme un facteur de faisabilité qui permettait ou limitait la pertinence de cette orientation. Une fois admise la dimension stratégique de la logistique, les réflexions organisationnelles ont pu commencer à se développer. C'est ce que nous verrons de manière plus exhaustive dans le chapitre 2 paragraphe 2.
La recherche en logistique selon l'axe organisationnel s'est surtout structurée et intensifiée aux États-Unis. En Europe, et plus particulièrement en France, il existe peu de centres qui se sont dédiés à cette approche. Il est possible de citer néanmoins le Cranfield Institute of Technology et l'Institut des Hautes Études Logistiques du Groupe ESSEC. Sous l'impulsion de l'AFT-IFTIM, se sont tenues à Marseille en 1995 les "Premières Rencontres Internationales de la Recherche en Logistique". L'analyse du contenu des publications dans les revues anglo-saxonnes et le contenu des communications récentes à ces rencontres internationales permettent de déterminer quelques tendances en matière de recherche logistique.
Les actes publiés des premières rencontres internationales de la recherche en logistique (Fabbe-Costes, 1995) font apparaître dans une analyse des communications les tendances majeures dans les recherches en cours qui portent sur les phénomènes logistiques. Six ont été identifiées:
- "la plupart des chercheurs témoignent que la logistique en tant que fonctiontransversale dans et entre les entreprises, impose d'adopter une vision globale"; - "l'étendue des impacts des décisions logistiques ne continue pas moins de poser des problèmes pour définir les frontières de la fonction logistique dans les entreprises;"
-"la maîtrise de la gestion des flux passe aujourd'hui par la conception, construction et animation de réseaux complexes d'acteurs. Si les recherches montrent la très grande variété des formes de réseaux logistiques d'acteurs ( ), tous témoignent de l'importance du rôle de la confiance et/ou de la fidélité dans ce réseau";
-" les systèmes d'information et de communication sont en tous cas reconnus comme fondamentaux pour garantir le fonctionnement de tout dispositif logistique, qu'ils soient totalement intégrés ou partiellement externalisés";
- "toutes les recherches en logistique insistent sur les enjeux associés audéveloppement de la logistique et sur la nécessité d'évaluer/mesurer la performance logistique, notamment afin d'apporter une preuve des avantages concurrentiels annoncés;"
- "les initiatives de la puissance publique pour contrôler/diriger les effets de lalogistique sur le développement régional et/ou urbain, et la contribution de la logistique à l'écologie."
Nous pouvons identifier un certain nombre de convergences entre l'analyse menée par
McGinnis, Boltic, Kochunny d'une part et Fabbes-Costes d'autre part. Nous retiendrons principalement l'ouverture de la réflexion logistique pour laquelle les champs d'investigation se caractérisent de trois manières différentes:
- recherche par conséquent d'un travail qui explicite l'intégration de la logistique pard'autres domaines fonctionnels et qui caractérise les interactions permanentes qui en résultent;
- analyse de l'influence croissante sur les décisions logistiques des choix réglementaires.
Dans les deux cas, nous constatons qu'un changement de limites, voire de référentiels, se produit en logistique. Fabbe-Coste suppose une vision nouvelle à adopter, celle de la logistique globale, sans en définir explicitement le contenu.
Ces différents thèmes témoignent de la vivacité actuelle des recherches s'attachant à la dimension stratégique et organisationnelle de la logistique. Nous noterons que les chercheurs s'attachent à un certain nombre de phénomènes exogènes tels que l'influence des réglementations sur les choix logistiques, pour expliquer les transformations des systèmes logistiques. Mais une approche se développe également qui tend à rechercher une meilleure compréhension des mécanismes fondamentaux qui poussent la logistique à se recomposer sous l'influence même des principaux domaines auxquels elle est liée telle que la production et la distribution.
- d'un point de vue général, l'environnement des activités des entreprises est en pleineévolution et génère un ensemble de contraintes qui sont dans cette phase de seconde moitié des années 1990 très sensiblement différentes de celles que connaissaient les entreprises au cours de la phase de montée en puissance de la logistique dans les entreprises au cours des années 1980. Tout d'abord deux modifications majeures de l'environnement s'ajoutent à celle de l'action des pouvoirs publics sur la logistique. Elles concernent d'une part la ressource évolutive que représentent les technologies de l'information et des télécommunications et d'autre part le phénomène de mondialisation:
" La prédiction est que la profession logistique se trouve sur le point de connaître des évolutions significatives de ses paradigmes dans le domaine des structures et de la pratique de sa gestion."(Bowersox, Daugherty, 1995)
- les organisations logistiques sont à la recherche de voies de développement différentesde leurs activités et sont en train de remettre en cause leurs outils et de revoir leurs priorités;
- la question logistique se trouve posée non plus seulement sur des dimensions detechniques de gestion des flux concentrées sur des moyens (les entrepôts, les stocks ou les modes de transport) mais également sur des dimensions de diffusion des préoccupations logistiques chez tous les agents économiques et chez les acteurs internes à l'entreprise, tous susceptibles de contribuer à l'amélioration et à l'efficacité du processus de gestion des flux.
Cette recherche vise donc à présenter une approche selon laquelle s'organise la recomposition de la réflexion logistique des entreprises, ses principaux facteurs explicatifs ainsi que les premiers contours d'un modèle émergent, le modèle de logistique globale. L'apparition d'une dynamique de recomposition de l'approche logistique est, en tant que telle, un point de rupture par rapport à une dynamique antérieure stable qui a eu pour vocation d'agréger et de coordonner les composantes internes en prise directe et totale avec un système de flux d'entreprise. Point de rupture pensé non pas comme une prise à contre-pied de visions établies antérieurement, point de rupture pensé non pas comme une brisure dans le corps des connaissances qui permettrait de dépasser une barrière de la compréhension intime de ce qu'est la gestion des flux, mais point de rupture compris comme une subite accélération de la pensée qui s'est vue ouvrir des champs de diffusion de la logistique que les contraintes antérieures ne justifiaient pas d'investiguer.
La thèse est d'identifier et de mettre en avant les tensions qui conduisent à la remise en cause d'une certaine stabilité des processus logistiques antérieurs, d'indiquer les voies d'expansion nouvelle que suit le développement de la logistique et d'apporter les composantes élémentaires qui permettront de comprendre selon quels principes les modèles logistiques, les organisations et les outils qui les accompagnent, se recomposent. Selon Hatchuel (Hatchuel, 1995):
"Quant aux zones de tensions contemporaines, on peut s'attendre à les trouver là où la multiplicité des principes de rationalisation et le foisonnement des savoirs déstabilisent les relations et les figures d'acteurs traditionnels."
Hatchuel voit dans ses zones de tension des lieux particuliers d'observation des dynamiques d'évolution et de recomposition des systèmes socio-organisationnels des entreprises. C'est en ces lieux qu'il y a remise en cause, recherche de modèles nouveaux, partage reconsidéré des responsabilités, éruption de nouveaux métiers et de pratiques innovantes. Il identifie plus particulièrement trois gisements de grandes tensions qui créent ces phénomènes de décomposition- recomposition:
- la sophistication accrue des dimensions du service qui contribue, en particulier, àcomplexifier le concept de distribution,
- la recomposition des savoirs et des acteurs de conception,
- la mobilisation des savoirs d'exécution, pour lesquels des nouvelles formesd'autonomie se dégagent déjà en production ou en logistique.
Explicitement citée dans le troisième point, la logistique est particulièrement concernée par les deux premiers comme agent producteur particulier dans les productions de service proposées par les entreprises et comme acteur croissant des dynamiques de conception. Toujours selon Hatchuel, les tensions sont des zones d'éruption de l'innovation. Leurs facultés déstabilisatrices poussent les acteurs impliqués à chercher et à appliquer de nouveaux outils de gestion, de nouvelles formes organisationnelles:
"Il faut suivre ces tensions: c'est là que l'innovation est en gestation et qu'elle aura le plus d'impact." (Hatchuel, 1995)
En amont, d'une part l'intensification et la banalisation de certaines stratégies industrielles telles que la spécialisation des unités de production, ou la délocalisation des fabrications et d'autre part le recours intensif à certains concepts de gestion industrielle tels que la différenciation retardée ou la flexibilisation des productions remettent fondamentalement en cause les principales caractéristiques de l'architecture des flux amont d'une entreprise. Dans le cadre d'un recours limité et isolé à certaines de ces stratégies ou de ces concepts, un processus logistique classique, issu de la pensée des années 1980, pouvait s'adapter marginalement et apporter une réponse suffisante sur le court terme. Aujourd'hui l'intensité du recours qui en est fait amène les processus logistiques à un point de rupture pour lequel une adaptation limitée ne permet plus des adaptations suffisantes. Ainsi la banalisation de l'élongation géographique, les flux import croisés ou les flux de recomposition des gammes de produits, la dilution de la valeur ajoutée d'un produit le long de la chaîne de distribution et la convergence de la gestion des infrastructures industrielles et des infrastructures logistiques provoquent des remises en cause d'une intensité suffisante pour qu'il soit possible de s'interroger sur les axes selon lesquels la logistique se recompose.
En aval, l'extension des gammes, le raccourcissement de la durée de vie des produits, la gestion promotionnelle des produits ou la maturité logistique croissante de certains canaux de distribution jouent un rôle majeur dans la remise en cause des logistiques.
C'est donc, dans un premier temps, ces facteurs de déstabilisation amont et aval que nous chercherons à isoler et à révéler.
Face à cette situation de rupture d'équilibre pour les solutions des années 1980 qui avaient été mises en place pour répondre aux contextes et aux besoins des activités logistiques, des voies nouvelles d'expansion se présentent selon lesquelles les processus logistiques peuvent se recomposer. Trois tendances majeures sont susceptibles d'être isolées. Ces trois tendances peuvent être décrites comme trois tendances d'intégration:
- une tendance d'intégration fonctionnelle qui vise à insérer la dimension logistique del'entreprise dans les fonctions qui contribuent à la genèse du flux physique, à son activation ou aux contraintes imposées sur la circulation des flux;
- une tendance d'intégration sectorielle qui cherche à poser le problème de la logistiquenon plus par segments successifs plus ou moins bien interfacés, mais, pris dans son ensemble, le long d'une chaîne de création de valeur et de mise à disposition d'un produit à un client final;
- une tendance d'intégration géographique qui pose le champ de traitement de laquestion logistique non plus à l'échelle d'une région ou d'un pays, mais à l'échelle d'un ensemble de pays, à celle d'une zone économique, d'un continent, voire du monde même.
C'est dans cette ternarité que s'organise les approches nouvelles des dynamiques logistiques en entreprise. Elle repose sur une perspective beaucoup plus élargie du traitement des questions logistiques en agrandissant son champ d'intervention fonctionnel, sectoriel et géographique.
Certaines réflexions ont commencé à isoler cette recomposition de la logistique dans une perspective de globalité qui dépasse la simple notion d'extension du champ géographique de l'action logistique à laquelle on est souvent tenté de la réduire. Pour permettre à la logistique de se préparer au redéploiement de ses activités et de ses organisations dans une perspective globales six constats initiaux sont énoncés (Capacino, Britt, 1991):
- les échanges seront non seulement est/ouest mais également nord/sud,
- l'intégration des acteurs du canal logistique est indispensable,
- la différenciation par le service est une nécessité,
- la rapidité deviendra une clef de la maîtrise des opérations logistiques,- la création de coopérations inter-fonctionnelles est indispensable, - la notion de partenariat est à promouvoir.
Cependant, les raisons de cette transformation n'ont pas été explicitées et, s'il est possible d'admettre la validité des principes énoncés, il est possible de s'interroger sur les raisons qui ont conduit à les proposer. De plus, aucune caractéristique concrète de la logistique globale n'a été détaillée. Les conséquences tant organisationnelles que fonctionnelles n'ont pas été explorées. Toutefois, il est possible de noter dans ces six tendances que l'on voit apparaître en filigrane les trois vecteurs principaux sur lesquels il semble que la logistique se recompose actuellement:
- l'intégration géographique avec le premier constat qui sensibilise à la double directiondans laquelle les activités des entreprises tendront à se développer,
- l'intégration sectorielle au travers du second constat qui recommande l'intégration detous les acteurs du canal logistique,
- l'intégration fonctionnelle avec le cinquième de ces constats qui propose uneintensification de la coopération inter-fonctionnelle.
Pour mener notre réflexion, nous avons été conduits à chercher un domaine suffisamment large pour offrir une palette représentative d'exemples de produits et de réflexions mais suffisamment homogènes dans leur structuration économique pour pouvoir considérer comme assimilables par une entreprise les tendances constatées sur une autre. Par ailleurs les problématiques d'un secteur économique à un autre ne sont pas les mêmes selon les périodes. Nous avons donc recherché un secteur pour lequel la logistique apparaissait comme un sujet général de préoccupations et de réflexions.
Le domaine des produits de grande diffusion est apparu comme un secteur d'une grande richesse d'intervenants avec des équilibres relatifs entre les différents acteurs (producteur, distributeurs). Ce secteur comprend l'ensemble des acteurs économiques tant distributeurs que producteurs et intermédiaires d'activités qui agissent à destination du marché final des clients individuels de produits de consommation. Les produits concernés comprennent autant les produits de grande consommation alimentaire, frais ou secs, que les produits d'équipements de la maison (produits bruns, de la hifi, de la télévision, et de la vidéo, et produits blancs de l'équipement de la cuisine), les produits textiles, les produits d'équipement automobile, les produits culturels (livres, compacts ) ou encore les produits d'entretien (lessive) ou de bazar, les médicaments
Le champ couvert par notre thèse est donc celui des produits de grande diffusion et des entreprises qui s'y consacrent tant dans le domaine de la production que dans celui de la distribution. Il recouvre toute les formes de distribution, même si nous serons conduits à nous focaliser plus particulièrement sur celui de la grande distribution qu'elle soit alimentaire ou spécialisée. Les produits de grande diffusion sont distribués par des canaux de distribution multiples. Certains produits agro-alimentaires peuvent être ainsi distribués aussi bien dans le circuit court de la grande distribution (hypermarchés et supermarchés) que dans les circuits longs (bars tabac ou "convenience stores" des stations services pour les barres chocolatées, par exemple). En tout état de cause, tous les canaux de distribution que nous serons amenés à évoquer sont à destination d'un client individuel final.
3.4 Les hypothèses présentées
L'intérêt constant qui a été porté sur la logistique ces dernières années, tant dans l'approche des entreprises que dans les recherches menées par le monde académique, laisse apparaître un corps croissant mais souvent confus de connaissances. Si la logistique a été principalement traitée soit par l'analyse de ses sous-systèmes, soit par le rôle qu'elle est amenée à jouer dans la stratégie des entreprises, peu de travaux ont été menés pour comprendre les causes mêmes des évolutions de la logistique et les lignes de force selon lesquelles cette activité dans l'entreprise est en se réorganise.
Notre thèse se développera avec pour objectif d'apporter une démonstration aux trois hypothèses majeures que nous formulons de la façon suivante:
- la rationalisation de la logistique est un facteur déterminant qui conditionne lesorientations stratégiques majeures en matière industrielle et commerciale. Les évolutions stratégiques tant commerciales qu'industrielles dans le secteur des produits de grande diffusion conduisent à une remise en cause des modèles logistiques existants;
- trois phénomènes lourds sont les vecteurs de la reconstruction des organisationslogistiques: l'intégration fonctionnelle de la logistique, l'intégration sectorielle de la logistique et l'intégration géographique de la logistique;
- il est possible, au-delà de l'énoncé de ces moteurs de la reconstruction du modèlelogistique, de dégager un certain nombre de phénomènes autour desquels les organisations logistiques se recomposent.
En croisant de multiples investigations sur le terrain, dans des entreprises industrielles, chez des distributeurs ou dans des entreprises prestataires de service, nous tenterons d'apporter une démonstration à ces hypothèses.
3.5 Intérêts et limites des apports visés
La recherche proposée présente à nos yeux plusieurs natures d'intérêts selon qu'ils portent sur l'avancement de la réflexion académique et qu'ils sont destinés à la communauté académique, ou selon qu'ils apportent des éléments de compréhension destinés aux acteurs mêmes des entreprises.
- un modèle explicatif de la dynamique d'évolution des organisations logistiques;
- une vision de la logistique comme une activité dont l'observation devient prioritairepour décrypter les mouvements stratégiques d'entreprise. La difficulté que représente l'identification des grandes tendances stratégiques peut être en partie contournée par l'observation plus visible dans leur structure physique des organisations logistiques. En effet la logistique tend à s'affirmer non pas comme une variable indépendante dans le fonctionnement d'une entreprise mais bien au contraire comme une variable couplée aux phénomènes d'orientation stratégique.
Pour l'acteur logistique des entreprises, le logisticien, notre apport peut être perçu comme une grille de lecture des propres évolutions en cours de son entreprise. Le modèle d'évolution que nous présentons, n'est certes pas un modèle absolu. Cependant, il traduit de notre point de vue, des tendances lourdes qui se manifestent dans de nombreux secteurs économiques. Ce travail de recherche apportera au logisticien d'entreprise:
- un cadre synthétique de la compréhension des évolutions en cours;
- une contribution à la définition des métiers de la logistique qui sont en pleinedécantation;
- un ensemble de référents pour mieux anticiper des évolutions auxquelles certainesentreprises doivent se préparer du point de vue logistique.
4. MÉTHODOLOGIE PROPOSÉE
4.1 Le choix d'une démarche par cas cliniques
"Le rapport qui s'établit alors entre l'équipe de chercheurs et l'entreprise s'apparente à une série de stimulus-réponse, qui alimente la réflexion du chercheur, et contribue à dégager la solution du problème posé par l'entreprise. Cette méthodologie s'appuie en définitive sur un processus d'observation organisée, ( )"(Mace, 1987).
Elle s'appuie principalement sur une observation de situations d'entreprises au travers de ce que nous appellerons des cas cliniques. Des entreprises sont isolées puis étudiées comme pouvant représenter un terrain privilégié d'observation des causes, des mécanismes de mise en place et des conséquences d'une problématique préalablement définie (Moisdon, 1984). La démarche s'inspire alors plus d'une démarche d'observation et d'analyse de cas particuliers réputés représentatifs pour tenter ensuite une interprétation grâce à un corpus de connaissances théoriques et une généralisation à l'ensemble d'un secteur ou d'un domaine.
Mais la recherche action vise à observer mais également à agir et interagir avec les processus dans le détail même de leur déroulement en entreprise. Le chercheur devient alors en partie acteur dans le déroulement de son action. Il trouve ainsi une voie pour s'impliquer dans le tréfonds du fonctionnement de processus et d'organisation complexes pour les décrypter et les analyser:
"Suivre les actions à l'intérieur ou, plus exactement, dans une position mixte permettant une réelle proximité sans abandon de la distance critique, constitue alors une voie efficace pour repérer des mécanismes inaccessibles à l'observation
traditionnelle."(Latts, 1995)
La logistique comme sujet de recherche est traitée, comme nous l'avons vu, à partir de deux types principaux de démarche. La première est une approche quantitative à laquelle la logistique se prête particulièrement bien. La seconde des démarches est de nature qualitative et organisationnelle. La logistique dans son activité quotidienne présente une dimension très opérationnelle qui en fait un sujet de prédilection pour l'observation. Elle nécessite des choix en terme d'infrastructures, d'implantations, de règles et de procédures de fonctionnement qui, dès qu'elles trouvent une cohérence et une lisibilité minimum par leur regroupement dans un cadre fonctionnel, en font une source d'observations et d'études pour comprendre les orientations prises en matière de logistique.
La recherche action a fait partie des fondements mêmes de la démarche de recherche retenue par l'Institut des Hautes Études Logistiques depuis sa fondation en 1993 (Dornier, 1996). L'IHEL, cadre dans lequel cette recherche s'est déroulée, a initié cette démarche en associant systématiquement à la dizaine de recherches déjà menées un environnement d'entreprises engagées qui, dans leur support, ont systématiquement ouvert leurs portes pour que les chercheurs de l'Institut puissent trouver les zones d'observation qu'ils recherchaient.
Dans ce travail, nous avons isolé un certain nombre d'entreprises au vu de trois natures de critères:
- des critères de pertinence,
- un critère de représentativité,- un critère d'accessibilité.
Chacune de ces entreprises présente des caractéristiques de représentativité de leur secteur: L'Oréal, Michelin et Essilor leaders mondiaux dans leur secteur, Metro, leader européen du cash and carry, Tailleur Industrie, leader français de la prestation logistique. Yoplait entreprise challenger de son secteur. En raison de la position qu'elles occupent, ces entreprises contribuent en partie à normer leur secteur d'activités. Une présentation de chacune de ces entreprises expliquera les spécificités de leur situation et le potentiel d'enrichissement de la réflexion qu'elles contiennent (cf. tableau 2).
PRODUCTEURS | DISTRIBUTEURS | PRESTATAIRES LOGISTIQUES | ||||
LaScad | Michelin | Yoplait | Essilor | Metro | Tailleur Indutrie | |
Intégration fonctionnelle | * | * | * | |||
Intégration sectorielle | * | * | * | * | ||
Intégration géographique | * | * |
Tableau 2: entreprises étudiées et contribution à la compréhension des phénomènes d'intégration logistique
Nous ajouterons à ces entreprises trois autres firmes pour lesquelles l'observation a été moindre mais qui ont fourni des éléments de réflexion non négligeables: Auchan, la Seita et Thomson Multimédia. Auchan est un des leaders de la grande distribution en France et se situe à la seconde place des entreprises de ce secteur depuis son offre publique d'achat sur Docks de France en juin 1996. La Seita présente un contexte intéressant de distribution puisqu'elle est amenée à organiser la distribution auprès de 28000 tabacs de ses cigarettes mais également de celles de ses concurrents. Enfin, Thomson Multimédia représente un bon exemple de mondialisation d'activités très complémentaires à celui de Michelin.
4.2 Un échantillon d'entreprises de production
La Compagnie Générale des Pneus Michelin est un Groupe qui a réalisé en 1995, 66,1 milliards de francs de chiffre d'affaires. Son activité principale est organisée autour de la production de pneus (Manufacture Française des Pneumatiques Michelin) pour environ 645000 unités en rythme journalier. Très intégré verticalement, le Groupe Michelin possède ses plantations d'hévéas, ses usines de fabrication de machines-outils, ses usines de fabrication de composants et de pneus, mais aussi son propre réseau de distribution de pneumatiques en Europe, Euromaster, qui comprend près de 1200 points de vente.
Ses marchés sont principalement ceux de la première monte (OE, Original Equipment) et du remplacement (RT) pour les pneus tourisme, poids lourds, deux roues, génie civil, agriculture, avion. Les activités dans le domaine du pneu et de la roue représentent ainsi
97,7% du chiffre d'affaires
Traditionnellement Michelin a dominé ses marchés grâce à la technologie:
- technologie sur le produit, Michelin a été l'inventeur du pneu radial et plus récemmentdu pneu Energy;
- technologie sur le process, Michelin produit une part non négligeable des machinescomposant son process de fabrication et a un mode de montage de ses pneumatiques réputé originale.
Mais le différentiel technologique sans disparaître a perdu de son ampleur. Des segments multiples de marchés sont apparus. La variété des références à proposer s'est donc significativement accrue. Pour certains de ces segments, la notion de prix est devenue une condition sine qua non de la motivation d'achat des clients y appartenant.
Les fabricants sont classés informellement en trois "lignes". La première ligne à laquelle
Michelin depuis le début des années 1990 a été conduit à prendre des options stratégiques qui ont placé la logistique au centre des conditions nécessaires de la réussite:
- spécialisation des unités de production et multiplication des flux d'échange entre lespays;
- accroissement de la gamme avec la multiplication des lignes de produitsessentiellement dans le poids lourd et dans le tourisme. Michelin commercialise ainsi sous ses différentes marques 13 500 produits différents allant dans la gamme pneumatique de produits de 20 cm de diamètre à 4 mètres et d'un poids de 200 grammes à plus de 5 tonnes;
- focalisation de la pression concurrentielle sur la prestation de service (disponibilité duproduit et délai de livraison).
L'organisation logistique a été calée dans un premier temps sur des structures fonctionnelles (production et distribution) et sur des structures géographiques (pays). Le début des années 1990 a vu deux modèles d'organisation apparaître chez Michelin. Un premier qui a mis au centre de ses préoccupations, la coopération inter-fonctionnelle entre les fonctions opérant sur la planification logistique. Un second qui a tenté d'opérer des regroupements de logiques au niveau de l'Europe. Enfin, un troisième modèle organisationnel a vu le jour au début de l'année 1996. Il consacre la dimension d'intégration géographique de la logistique en créant un service logistique monde (SGL, Service Groupe Logistique) dans le cadre de la réorganisation générale des structures Michelin autour principalement de Business Units, appelées Lignes de Produit qui sont des centres mondiaux de profits par gamme de produits. Neuf lignes de produit ont été créées:
- l'agricole,
- l'avion,
- le 2 roues,
- le génie civil,
- le poids lourd,
- le service de tourisme (cartes et guides),
- les systèmes liaison au sol,
- le tourisme et la camionnette.
Yoplait est une coopérative agricole. Elle est le fruit d'une part du regroupement de 100000 agriculteurs répartis dans 6 coopératives régionales en 1964 et d'autre part de la création d'une gamme de produits complète sous une marque unique dès 1965. La coopérative regroupe en 1995 plus de 18500 coopérateurs et réalise un chiffre d'affaires de 4,7 milliards de francs hors franchisés et de 8,5 milliards avec ses franchisés. L'entreprise a connu un important développement international dès 1969 en commençant par apporter une expertise technique et marketing à une coopérative suisse. Puis la coopérative se lance sur le marché américain dont elle détient sur les gammes de produits sur lesquelles elle intervient plus de 20% des parts de marché. Aujourd'hui Yoplait est présent dans 36 pays à travers le monde. Elle fabrique environ 300000 tonnes de produits finis chaque année en France et plus de 800000 tonnes à travers le monde.
La logistique joue un rôle tout particulièrement sensible dans la stratégie de Yoplait en France, pour trois raisons principales:
- le prix moyen des produits Yoplait est d'environ 8F/kg. Il est donc possible de rangerces produits dans la catégorie des produits dits "pauvres" pour lesquels les variations du coût logistique ont un impact significatif sur le prix de revient du produit et donc sur la rentabilité générale;
- l'entreprise coopérative Yoplait se trouve structurellement à l'intersection d'un fluxpoussé, celui de la production de lait des agriculteurs coopératifs, propriétaires de Yoplait, et d'un flux tiré, celui du marché pour les produits finis. La régulation de ces deux flux est fondamentalement du ressort de la logistique.
Enfin Yoplait est une entité qui représente un intérêt prononcé dans le cadre de cette recherche. L'entreprise se trouve tout d'abord immergée, en France, dans le secteur des produits de grande consommation agro-alimentaire. Ce secteur a connu un très fort développement supporté par l'essor de la grande distribution. Il a toujours été innovant et place aujourd'hui la logistique dans le champ de ses enjeux majeurs. Dans ce secteur, les produits frais occupent du point de vue logistique une place particulière du fait de la nécessaire gestion de leur durée de vie. Enfin, Yoplait au sein des entreprises de produits frais a mené un travail d'adaptation complètement dédié aux produits laitiers frais qui est son seul secteur d'activités, contrairement à ses deux principaux concurrents, Danone et Chambourcy qui appartenant à des groupes agro-alimentaires polyvalents (Danone et Nestlé) doivent tenir compte des développements logistiques sur d'autres gammes de produits frais.
4.2.3 Essilor: extension géographique de l'activité logistique
Essilor est le leader mondial du verre optique avec une production annuelle d'environ 106 millions de verres en 1995. Avec un peu plus de 6 milliards de chiffre d'affaires en 1995, Essilor a développé une activité qui depuis quinze ans a connu un fort développement à l'international. Alors que l'entreprise dans les années 1970 avait une dimension essentiellement française et européenne, 53% des volumes vendus en 1995, l'ont été aux États-Unis et sur les deux continents américains, 9% en Asie et 37% en Europe.
Philippines (1), Thaïlande (1), France (5), Irlande (2), Porto-Rico (1), Brésil (1), États-Unis (1), Mexique (1). Il faut y ajouter une usine en projet en Chine dont l'ouverture est prévue pour 1997. Avec ses 13 usines réparties dans le monde et ses 35 filiales commerciales, Essilor propose près de 72000 références de produits en sortie d'usine et plusieurs centaines de millions de produits finis une fois conjuguées les finitions pour répondre aux corrections et aux besoins de confort de l'utilisateur (vernis solaire, anti-rayures ). Les temps de cycle industriel sont de 4 à 12 semaines et les temps de cycle client sont de 4 à 72 heures.
La logistique Essilor est une logistique complexe du fait de trois facteurs principaux:
- le nombre de références de produits finis proposés qui en fait certainement l'une desentreprises offrant la plus grande variété de produits, en produits de grande diffusion;
- le dispositif de fabrication en deux temps qu'il a fallu mettre en place pour faire face àla diversité des produits proposés: des usines fabricant les produits finis pour les références les plus standards et des produits semi-oeuvrés (surface convexe usinée) pour les autres. Des centres de prescription proche du réseau de distribution qui, à partir des produits semi-oeuvrés de l'usine, adaptent le produit aux besoins des clients distributeurs (surfaçage de la partie concave);
- l'éclatement des productions au niveau mondial, couplé, comme nous le verrons, à unespécialisation des unités de production.
4.2.4 LaScad-Groupe L'Oréal: coopération logistique fonctionnelle et sectorielle
C'est en 1907 que le développement de l'Oréal commence sous l'impulsion de son fondateur Eugène Schueller qui invente les premières teintures capillaires distribuées exclusivement aux coiffeurs. La croissance de l'entreprise n'a jamais cessé tant au niveau national qu'au niveau international (présence actuelle dans 150 pays au travers de 375 filiales et plus d'une centaine d'agents). Leader mondial des produits cosmétiques il est présent aujourd'hui avec des marques telles que Vichy, Héléna Rubinstein, Garnier sur tous les segments de marchés et sur tous les circuits de distribution. Son chiffre d'affaires était en 1995 de 53,3 milliards de francs. Ses trois principaux pôles d'activités sont les suivants:
- les activités cosmétologiques qui comprennent les activités capillaires (shampooing,laque ), les produits d'hygiène et de toilette (produits de rasage, gel douche, déodorant ), les produits pour la peau (laits hydratants, crème solaire, maquillage ) et les eaux et parfums. Ces activités représentent environ 84% du chiffre d'affaires du Groupe;
- les activités pharmaceutiques, dermatologiques et biomédicales qui pèsent pourenviron 15% du chiffre d'affaires;
- les activités culturelles, plus marginales (presse, cinéma, télévision, art) quireprésentent environ 1% du chiffre d'affaires mais qui contribuent à mieux connaître et à mieux influencer les courants socioculturels.
- l'Oréal Coiffure conçoit et développe les produits professionnels et les produitsdestinés à la revente pour le circuit des salons de coiffure. Trois affaires sont en charge des activités de la division coiffure, Kérastase, Redken et l'Oréal Technique Professionnelle;
- Produits Public. Cette division regroupe des sociétés dont les gammes sont destinéesau marché de la grande diffusion. Ce sont quatre affaires qui assurent le développement des activités de l'Oréal sur ce marché, Laboratoires Garnier, Gemey Paris, L'Oréal Parfumerie (OAP) et LaScad;
- Parfums et Beauté qui comprend les affaires suivantes, Lancôme, Héléna Rubinstein,
Biotherm et un département parfums (Cacharel, Guy Laroche, Paloma Picasso, Giorgio Armani ). L'ensemble de ces produits est vendu dans un circuit de distribution sélective constitué des parfumeries de luxe, des duty-free shops et des stands des grands magasins.
- Cosmétique Active est la division qui conçoit et qui commercialise les produits desgrandes marques l'Oréal qui sont vendus dans le circuit des pharmacies et des espaces beauté spécialisés. Les affaires suivantes sont intégrées à cette division, Vichy, Phas, Laboratoires d'Anglas, Laboratoires pharmaceutiques Roche-Posay.
Outre ces grandes divisions qui recouvrent l'ensemble des activités des segments et des circuits de distribution cosmétique, avec cependant trois faiblesses (savon, dentifrice et VPC), l'Oréal s'est diversifiée dans les activités pharmaceutiques (Synthélabo) et dans les activités média (participation dans Marie-Claire et dans Canal+).
La division Produits Public de l'Oréal comprend dans ses quatre affaires LaScad (Spécialités Capillaires et Dermatologiques). C'est une affaire strictement commerciale qui ne possède ni laboratoires de recherche ni usines en propre. Elle crée et commercialise ses produits en utilisant les ressources des usines et des laboratoires des autres affaires. Son chiffre d'affaires en 1995 est de près de 2,1 milliards de francs. Cette affaire a pour objectif de se consacrer aux marchés de consommation populaire. Elle cherche donc non seulement à fidéliser les consommateurs actuels mais également à transformer en consommateurs les nonconsommateurs. Dans cette optique l'entreprise a décidé de développer une stratégie de méga-marques. Ce sont des marques indépendantes et puissantes faites pour durer (Dop, Vittel, Narta, Dessange ).
LaScad travaille de manière privilégiée avec la grande distribution. Ses dix premiers clients représentent plus de 90% du chiffre d'affaires et sont tous associés à une grande enseigne de la grande distribution (GALEC qui est la centrale d'achat Leclerc, Scaex qui est la centrale d'achat des Intermarchés, Carrefour, Promodès, Paridoc, Casino, Auchan, Système U, Comptoirs Modernes, SCA qui est la centrale d'achat des Nouvelles Galeries et Metro). LaScad commercialise annuellement 140 millions d'unités consommateur.
Comme dans la plupart des entreprises de produit de grande consommation, la logistique de LaScad est structurée autour de deux pôles, un pôle de logistique industrielle et un pôle de logistique commerciale. Le pôle de logistique industrielle ressemble à la logistique industrielle que l'on retrouve chez les industriels des produits n'appartenant pas à la grande consommation. Elle se concentre sur la mise sous tension des flux, sur l'organisation des approvisionnements, sur la gestion des transports d'approvisionnement des entrepôts La logistique commerciale est beaucoup plus spécifique aux entreprises travaillant avec la grande distribution. Cette logistique commerciale comprend le plus souvent un service client qui assure la prise des commandes, une partie comptabilité qui assure la facturation et la relance paiement des clients, une fonction développement qui suit essentiellement les projets de système d'information en cours de mise en place avec la grande distribution, une fonction stock court terme qui gère les problèmes avec la centrale de préparation de commande et d'expédition, une fonction de gestion de la codification et de maintenance du catalogue produit et enfin une fonction de production des prévisions qui assure la consolidation entre la fonction marketing, la fonction commerciale et les usines.
Objectifs généraux | Déclinaisons logistiques | |||
. Améliorer la productivité | . Améliorer le passage des commandes (EDI) | |||
Toute entreprise de produits de grande consommation | . Assurer la qualité totale | . Livrer le bon produit au bon moment Limiter les ruptures de stock | ||
. Adopter une stratégie enseigne | . Proposer une offre logistique par enseigne | |||
. Croissance importante | . 50% d'innovation ou de rénovation chaque année | |||
Exception cosmétique | . Rendements supérieurs à la moyenne . Séduction | . 180 références standards . 600 références traitées dans l'année | . Renouvellement très rapide des produits | . 50% des références redéfinies chaque année |
. Croissance supérieure à celle du marché | . 60% des volumes en promotion |
(D'après document LaScad présenté à la session de l'IHEL du mercredi 28 juin 1995, consacrée aux coopérations logistiques producteurs-distributeurs).
Tableau 3: objectifs de LaScad et déclinaisons logistiques
Enfin, la problématique générale de LaScad peut être résumée sur le tableau 3. Les orientations prises par la logistique de LaScad sont à la fois guidées par les contraintes inhérentes à toute entreprise de produits de grande consommation, mais elles sont également issues du contexte "d'exception cosmétique" de l'Oréal et des spécificités propres à LaScad.
Le secteur de la grande distribution est en pleine évolution et en profonde restructuration comme l'a montré la récente OPA d'Auchan sur le Groupe Docks de France (enseignes Mammouths, Atac, Suma, Eco Service, Miami, Rondo). En particulier la grande distribution et les producteurs de produits de grande consommation sont dans une dynamique de négociation commerciale qui place la logistique fréquemment au coeur de leurs relations avec leurs fournisseurs.
Les activités de cash and carry sont sensiblement différentes des activités classiques de la grande distribution. Le cash and carry est l'une des formes du commerce de gros. Il repose sur quatre grands principes:
- tous les produits sous le même toit,
- paiement comptant des marchandises,- produits emportés directement par le client, - vente dans un système d'entrepôt magasin.
En France trois acteurs se partagent en 1995, près de 94% des parts de marché du libre-service de gros: Metro, Promocash, filiale du groupe Promodès et Procomarché, filiale du groupement des Mousquetaires (Intermarché).
Dans l'univers de la distribution, Metro fait figure de géant discret. Metro développe un concept de distribution de type cash and carry. C'est un libre service de gros réservé aux professionnels qui peuvent acheter pratiquement tout ce dont ils ont besoin dans un magasin Metro. Ils payent comptant (cash) et emportent la marchandise (carry). Créée en 1964 en Allemagne, l'entreprise s'est rapidement développée à l'international dans le cadre d'implantations faites dans chaque pays avec des associés locaux.
Le chiffre d'affaires dans le monde est de 280 milliards de francs. En France le développement s'est fait à partir de 1971 en association avec Carrefour qui détient 18% du capital de Metro France. Le chiffre d'affaires de 1995 est de 11 milliards de francs sur 54 magasins.
Le département logistique de Metro gère un budget annuel de 250 millions de francs soit, environ, 2,3% du chiffre d'affaires. Il englobe l'ensemble des frais de fonctionnement (salaires, installations, matériels, développement informatique) ainsi que le coût direct des achats de prestations (entreposage, transport ). Pour faire face aux exigences de sa clientèle professionnelle, Metro a mis en place une logistique particulièrement performante. 70% des commandes sont livrés en moins de trois jours et ce, tout produit confondu. Les grands magasins-entrepôts sont livrés tous les jours et même plusieurs fois par jour: 5 fois pour les produits secs, 4 fois pour les produits frais et 2 fois par semaine pour le non-alimentaire. Cette logistique est organisée par grande famille de produits: les produits secs, les produits frais, les surgelés, les légumes et les fruits, et la marée.
4.2.6 Tailleur Industrie: émergence du métier de prestataire logistique
Tailleur Industrie présente la particularité d'être l'une des rares entreprises et l'une des premières, à avoir résolument choisi de suivre un développement dans le domaine de la prestation logistique. Au côté de Logic Line Operations (LLO, filiale de IBM), de France Distribution Systèmes (FDS, filiale du groupe australien Maynes Nickless), de Faure et Machet, de Sofécome ou de Stockalliance, Tailleur Industrie a identifié un métier de fournisseur de prestations logistiques pour des industriels ou des distributeurs.
Il est remarquable de noter que cette entreprise a débuté ses activités en 1872 dans l'emballage de la layette pour développer ensuite son activité dans le domaine plus général de l'emballage et le déménagement industriel.
En 1980, l'entreprise a été conduite à déposer son bilan. Elle a alors été acquise par Sartec Services à l'Industrie, entreprise spécialisée dans la maintenance industrielle. Puis une croissance sur un rythme annuel de 15% s'est réalisée. En 1991, le groupe s'est scindé en deux parties: l'une, Tailleur Industrie pour la logistique et l'autre, Sartec, pour la maintenance industrielle. Avec près de 1 milliard de francs de chiffre d'affaires, Tailleur Industrie est devenu le leader de la prestation logistique en France. Il est plus particulièrement spécialisé sur les marchés industriels. L'activité se répartit entre quatre grands produits:
- gestion de stock pour 34% de l'activité,
- emballage et conditionnement pour 24%,
- distribution pour 24%,
- transferts industriels pour 18%.
La SCETA, filiale de la SNCF, détentrice des activités non ferroviaires, a porté sa participation dans Tailleur Industrie à 40% en novembre 1996. Elle a mandaté son président pour organiser le pôle logistique de la SCETA, Geodis, qui contrôle l'activité logistique de Calberson, Calberson Logistique, et qui est détentrice par ailleurs de participation dans Logic Line Operations (LLO), filiale d'IBM, spécialisée dans la prestation logistique. Geodis a été depuis partiellement privatisée et séparée de la SCETA. Cette nouvelle structure à laquelle est maintenant rattachée Tailleur Industrie, conduit le développement d'un grand groupe de prestations logistiques qui nourrit des ambitions européennes.
4.3 Une approche historique et généalogique de la logistique
4.3.1 Points de vue majeurs retenus dans la recherche
Hatchuel (Hatchuel, 1994) propose une approche de la dynamique des firmes qui s'appuie sur trois points de vue complémentaires:
- un point de vue doctrinal qui met en avant une genèse continue des principes derationalisation. Les principes de rationalisation ne sont jamais uniques et évoluent dans le temps en liaison avec les marchés et les produits qu'ils réclament. Pour Hatchuel:
"La forme de toute firme industrielle dépend de ces principes de rationalisation et d'efficacité car chacun de ces principes détermine un type d'apprentissage collectif particulier."
- un point de vue cognitif et relationnel: la genèse conjointe des acteurs et des transformation des firmes s'explique par une transformation simultanée des acteurs et des savoirs.
- un point de vue généalogique: les sentiers du développement collectif. La réussited'une entreprise est le résultat d'une bonne adéquation à un moment donné de sa structure avec un "sentier de développement". Ces sentiers de développement sont l'expression collective d'une firme. Ils doivent être perçus au travers d'une analyse généalogique c'est-à-dire au travers des types de relations entretenues par la firme avec les savoirs, les ressources, les principes de rationalisation.
En plus d'une simple approche historique qui se contente de livrer ex abrupto des photographies à des moments donnés, nous avons cherché à comprendre les raisons de ces situations et leurs origines, leurs liens avec les modèles logistiques à un moment donné. C'est ce que nous appellerons une tentative de construction généalogique des modèles logistiques d'entreprise que nous avons observés.
4.3.2 Marginalisation du point de vue économique
Dans cette thèse, nous avons laissé volontairement de côté la dimension de valorisation économique de la logistique. Nous ne l'ignorons pas du fait du poids même que représentent les coûts logistiques dans l'économie et dans les entreprises. En Europe, les coûts de distribution à la fin des années 1980 étaient compris entre 12 et 15% des ventes. En 1991, ce chiffre est descendu dans un ordre de grandeur de moins de 10% et d'environ 5 à 6% en Grande-Bretagne (Bence, 1995). Notre approche de la logistique telle qu'elle s'établira par la suite nous conduit à aborder ce domaine comme une activité de production de services qui, comme toute activité de production, cherche une maîtrise de son prix de revient de production. La dimension économique est donc une dimension pivot des activités logistiques. Cependant les coûts de fabrication logistique présentent deux caractéristiques:
- comme pour toutes les activités à caractère de production, la confidentialité desentreprises est marquée. Il n'est donc pas facile de faire état de niveaux de coûts, voire de différentiel de niveaux de coûts entre des solutions logistiques. Des entreprises comme Michelin ou comme Metro ont par ailleurs une tradition justifiée de grande confidentialité sur l'ensemble de leurs activités et plus encore sur les aspects quantifiés. Chaque fois où cela a été possible nous avons donné des éléments de compréhension des coûts sous forme d'indice.
Par conséquent, notre recherche n'abordera que marginalement la valorisation économique des hypothèses qu'elle formule. Elle ne cherchera pas à démontrer que les approches retenues ou abordées sont économiquement les plus rentables. Elles visent essentiellement à donner une meilleure visibilité sur une dynamique de recomposition des systèmes logistiques et sur leurs conséquences organisationnelles, sans essayer de les justifier économiquement.
Après ce premier chapitre d'introduction qui a pour vocation de définir la position actuelle de la réflexion logistique, de poser les objectifs de la recherche et de présenter la méthodologie de réflexion, le texte sera organisé en quatre parties principales. La première de ces parties a pour vocation de présenter les évolutions de la logistique en spécifiant les principaux modèles qui ont prévalu à son approche dans les entreprises. La seconde partie est vouée à la présentation des mécanismes de la recomposition de la réflexion logistique et plus particulièrement ceux qui affectent la logistique amont et ceux qui affectent la logistique aval. La troisième partie tentera d'établir les principales composantes qui caractérisent le modèle nouveau de construction de la logistique, le modèle de logistique globale. Enfin la quatrième partie est une partie dédiée à la présentation des concepts fédérateurs de l'approche de la logistique globale (cf. tableau 4).
Le chapitre 4 débutera la seconde partie qui a pour vocation de révéler les
mécanismes qui conduisent à une déstabilisation des approches logistiques classiques et à une reconstruction des systèmes logistiques. Ce chapitre présentera comment les systèmes logistiques se trouvent déstabilisés par l'amont. Nous appelons ici l'amont du processus logistique toutes les opérations qui concernent le processus d'approvisionnement et de transformation du produit. Cette déstabilisation s'opère principalement du fait de l'impact des stratégies de spécialisation des unités de production, de délocalisation des productions ou de pré ou de post-manufacturing que nous présenterons et dont nous analyserons les impacts logistiques. Le chapitre 5, quant à lui, étudiera le phénomène de déstabilisation des processus logistiques par l'aval. Nous appelons ici l'aval toutes les opérations qui concernent les activités commerciales et le passage des produits dans les canaux de distribution. Nous envisagerons ainsi les effets associés à la maturité logistique plus ou moins grande d'un canal de distribution et ceux associés aux choix de stratégie de canal de distribution.
Le chapitre 8 traitera de la troisième dimension de ce phénomène d'intégration qui est celle de l'intégration géographique. Nous aborderons plus particulièrement les effets d'une approche logistique qui prend une dimension organisationnelle couvrant non seulement plusieurs pays mais un continent, voire le monde entier. Nous traiterons dans cette partie, d'un cas qui permet d'observer la mise en place d'une structure logistique mondiale pour répondre aux besoins d'une nouvelle organisation en business units.
La quatrième partie a pour objectif de tenter de dégager à partir des résultats de la recherche exprimés dans les chapitres précédents, quelques grands principes qui s'imposent dans l'orientation actuelle des systèmes logistiques des entreprises évoluant dans le secteur des produits de grande diffusion. Le chapitre 9, tentera d'identifier ces principes et de présenter les conséquences organisationnelles majeures associées à la construction d'une logistique globale en entreprise basée sur une intégration fonctionnelle, sectorielle et géographique. Enfin, le chapitre 10 sera un chapitre de conclusions. Il tentera, dans un premier temps, de montrer comment il est possible d'établir une convergence entre les phénomènes d'intégration et de construction d'une logistique globale dans le secteur civil et les tendances actuelles dans le secteur militaire, berceau de la pensée logistique. Puis dans un deuxième temps, il présentera les perspectives de développements nouveaux que ce travail est susceptible d'apporter dans le cadre de recherches complémentaires sur l'évolution de l'approche logistique en entreprise.
**
*
Tableau 4: présentation générale de l'organisation du texte
LES DIFFÉRENTS MODÈLES DE L'ÉVOLUTION LOGISTIQUE
CHAPITRE 2: LA LOGISTIQUE AU TRAVERS DE SES MODÈLES HISTORIQUES
1. INTRODUCTION
"C'est pourquoi une armée sans chariots d'approvisionnement, ni céréales, ni provisions, est perdue" (Sun Zi, 1990).
Au contraire, Alexandre le Grand raconté par Plutarque avant de se lancer dans son périple en Inde décide de brûler tous ses chariots:
"Au demeurant, Alexandre étant prêt à partir pour aller à la conquête des Indes, s'avisa que son armée était pesante et malaisée à remuer pour la grande multitude de bagages et de butin qu'elle traînait après elle; par quoi un matin que les chariots étaient déjà chargés, il brûla premièrement les siens et ceux de ses amis après, puis commanda que l'on mît aussi le feu dans ceux des soudards macédoniens ( )" (Plutarque, 1951).
Pour Virilio (Virilio, 1984), l'imbrication entre logistique et guerre est tellement intime, qu'il voit la logistique prééxistée à la guerre et en être même l'élément fondateur.
"La première liberté, c'est la liberté de mouvement, mais cette liberté n'est pas un loisir, c'est une aptitude ( ). La femelle de charge apporte cette liberté à l'homme de chasse. Et premier soutien logistique, la femelle domestique fonde la guerre en débarrassant le chasseur de sa maintenance."
La logistique a toujours été un élément déterminant dans l'acte de guerre. C'est elle qui facilite le mouvement, qui contribue à maintenir une position en assurant les ravitaillements, qui assure le mouvement des blessés
"La logistique est indispensable pour pouvoir. Sans ravitaillement pour les combattants, sans carburant pour les véhicules, sans munitions pour les armes, l'action militaire s'arrête. La logistique conditionne en fait souvent les décisions stratégiques tant générales qu'opérationnelles." (Fievet, 1992)
C'est donc naturellement que la logistique a pris une place croissante dans la pensée militaire au cours de l'histoire.
Ce chapitre cherche à recomposer les grandes étapes du développement de la logistique en s'appuyant sur l'observation des évolutions dans l'institution militaire et sur les évolutions dans les entreprises. Il vise à faire apparaître les modèles classiques historiques selon lesquels la logistique s'est développée.
Nous nous proposons dans ce chapitre, d'établir une synthèse de l'évolution de la pensée logistique. Dans une première partie, nous investiguerons la pensée militaire. Nous verrons en particulier, comment de l'Ancien Régime à nos jours, il est possible de voir le statut de la logistique se modifier. D'une fonction d'intendance, elle est devenue au fur et à mesure de l'évolution des technologies et des contextes d'emploi, une fonction d'état-major. On peut trouver dans cette évolution, certaines similitudes avec l'évolution de la logistique dans les entreprises civiles contemporaines. Dans un second temps nous verrons, comment la logistique s'est structurée dans les entreprises grâce aux praticiens, aux associations professionnelles et au monde académique. Nous envisagerons plus particulièrement les phases par lesquelles la logistique d'entreprise est passée. Nous préciserons, enfin, l'approche que nous défendons en matière de finalité des activités logistiques. Elle repose sur la présentation de la logistique comme une fonction de production de services disposant de ses outils de production que sont les moyens et les infrastructures logistiques, de sa main d'oeuvre et concourant à la mise à disposition d'une partie de l'offre de l'entreprise sous forme d'engagement sur des niveaux de service.
2. INITIALISATION DE LA PENSÉE LOGISTIQUE DANS
L'INSTITUTION MILITAIRE
"Le mot logistique apparaît en France au XVIIIème siècle. Il désigne alors la science du raisonnement ou du calcul en général. La logistique tend ensuite à se confondre avec la stratégie, bien que Jomini lui ait consacré un chapitre de son Précis de l'art de la guerre en 1836. Le mot est repris par les italiens lors de la guerre italoéthiopienne de 1935-1936."(Inspection du Train, 1991).
Alexandre dans son périple en Asie avait déjà pensé faire précéder le mouvement de ses armées par l'organisation de dépôt de vivres et de fourrage (Engels, 1978). La légion romaine de Jules César consacra la fonction, en créant la fonction de logista conférée à un officier chargé de précéder les mouvements des légions pour organiser les campements de nuit ou d'hiver. Il avait également comme fonction de constituer les dépôts d'approvisionnement dans les villes soumises.
Nous n'approfondirons pas une réflexion sur une logistique des armées antérieures à la fin de l'Ancien régime. Nous nous attacherons à mener une investigation sur la logistique militaire qui débute au XVIIIème siècle. Les époques antérieures ont été également riches en illustrations sur la logistique. Cependant nous observerons les développements de ce qui peut apparaître comme une logistique militaire moderne et qui a été définie comme:
" L'art de mouvoir et de supporter les troupes d'après les exigences stratégiques et tactiques"(Muraise, 1964).
Muraise fait d'ailleurs de la logistique une fonction d'état-major en considérant que les armes et les services tels que le Train, l'Intendance, le Matériel ne sont que des organes de la logistique. Le débat n'a toujours pas été tranché en France. Il n'existe pas aujourd'hui d'arme logistique au sein des armées françaises. Mais les grandes armes ou les services impliqués dans la gestion des flux revendiquent la maîtrise de cette activité. Le Train se présente comme l'Arme de la logistique, le Commissariat est, quant à lui, le service de la logistique de l'Homme et le matériel se présente comme l'Arme de la logistique des matériels
Au cours des âges, si la perception de la nécessité de correctement maîtriser le flux a été toujours claire, la manière de l'aborder a été très variée et a rencontré des succès divers. Il faut voir dans chaque étape de cette évolution des réponses aux contraintes définies par les moyens de déplacement dont disposent les militaires et à celles imposées par la complexité croissante de la gestion des flux.
Vauban a illustré le rôle vital de la logistique en affirmant que "L'art de la guerre c'est l'art de subsister". A titre d'exemple, au début du XVIIIème siècle, le soldat nécessitait l'approvisionnement d'environ 2,5 kg par jour de subsistance avec la boisson. Quant aux chevaux il était nécessaire de leur mettre à disposition près de 12 kg hors boisson. Avec l'évolution des matériels dont on dotait le soldat, les approvisionnements n'ont pas cessé de s'alourdir au cours des siècles. En 1870, c'étaient déjà près de 4 kg par jour qu'il fallait mettre à disposition de chaque homme, en 1918 c'étaient déjà 13 kg, en 1943 environ 30 kg, en 1960 c'étaient 70 kg pour atteindre aujourd'hui plus de 100 kg par jour. Les approches de traitement des flux ont été alors bien différentes. La vision théorique de Frédéric II au XVIIIème siècle était de ne pas éloigner ses troupes de plus de 5 jours d'un magasin de ravitaillement. Cité par Clausewitz, les subsistances commandent les opérations pour Frédéric II:
"Seules les guerres entreprises proches des frontières réussissent toujours plus que celles où les armées s'aventurent trop loin"(Clausewitz, 1955).
"Le caractère offensif de la manoeuvre neutralise le soutien traditionnel des places magasins et lorsqu'il s'agira de lancer sur Moscou en 1812, 400000 hommes et 430000 chevaux, soit à 1000 kilomètres des magasins polonais, la logistique devient entièrement mobile et chaque convoi d'armées va compter jusqu'à 15000 véhicules" (Gantois, 1996).
Muraise explique le désastre de la campagne de Russie, par le fait que Napoléon avait habitué ses états-majors à des concentrations stratégiques rapides avec un besoin en vivres et en matériels limité. La rapidité des opérations permettait de supporter une relative carence des moyens logistiques. La campagne de Russie en était allée tout autrement.
L'évolution du traitement de la logistique militaire est susceptible de permettre l'établissement de certains parallèles avec la progression du traitement des problématiques logistiques dans les entreprises selon certains auteurs. Mathe (Mathe, 1984) a tenté une première description de ce parallèle entre l'évolution des modes de traitement du problème logistique dans les armées et dans les entreprises. Son approche de l'évolution de la logistique militaire identifie six grandes étapes successives:
- le soutien de la légion romaine qui consacre l'émergence de l'organisation logistique,
- la logistique militaire durant le premier empire qu'il identifie comme un outil au servicede la tactique,
- la logistique de 1814 à 1870 qui révèle le rôle majeur de l'information et de lapréparation,
- le soutien dans la grande guerre 1914-1918 qu'il décrit comme le passage de lalogistique de tranchée à la mobilisation industrielle,
- le second conflit mondial qui met en oeuvre un système logistique à l'échelleintercontinentale,
- la logistique de l'armée de terre américaine après 1945.
Richelieu, qui prît en 1635 le titre de Grand-Maître Général des munitions, magasins et ravitaillement de France, ne cachait pas son impuissance face au problème dont il s'était chargé en présentant l'organisation des subsistances des armées comme de la magie blanche (Kroener, 1988). Cependant il considérait sans nul doute, que le bon approvisionnement des armées était essentiel dans le succès de toute action militaire. Ainsi, Richelieu écrivait dans son testament politique:
"Or parce qu'il n'y a rien de si important à la subsistance des gens de guerres, et aux succès de tous les desseins qu'on peut entreprendre, que de pourvoir si bien à leurs vivres qu'ils ne leur manquent jamais, il se trouve en l'Histoire beaucoup plus d'armées péries faute de pain et de police que par l'effort des armes ennemies et je suis fidèle témoin que toutes les entreprises qui ont été faites de mon temps n'ont manqué que par ce défaut" (Richelieu, 1642).
"pourvu aux transports militaires par des marchés passés avec les entrepreneurs et par des réquisitions exercées soit en France soit dans les pays occupés par nos armées" (Bondil, 1959).
Le changement de format des armées à la révolution passe de 195000 hommes à 350000 hommes en 1797 après la paix de Campo-Formio. Il s'accompagne d'un changement de statut. De l'armée mercenaire on passe à une armée de conscription. La complexité croissante du problème logistique due à la taille des effectifs et surtout à la rapidité croissante de la constitution des armées et de leur mouvement, la permanence de l'activité militaire pendant près de 20 ans ont nécessité une inflexion des politiques logistiques. La préoccupation a été de commencer une meilleure prise en compte de la dimension logistique et une meilleure maîtrise des activités associées à la gestion des flux par un début de militarisation des compagnies concessionnaires.
"Le personnel est soumis à une subordination hiérarchique: les lois et règlements militaires lui deviennent applicables (décret du 13 avril 1796). Les charretiers au lieu d'être requis contractent vis-à-vis de l'entrepreneur un engagement pour la campagne et l'État leur alloue des vivres comme aux troupes. Enfin par le règlement sur les équipages affectés aux services des vivres, de l'ambulance et aux transports des effets de campement du 14 frimaire an XII, (6 décembre 1803), les équipages sont organisés en brigade de 1 capitaine et de 34 hommes, 108 chevaux et 25 voitures. Des employés supérieurs civils assurent l'encadrement au niveau d'un groupe de brigade et de l'armée"(Carbonneaux, 1989).
2.2.2 Seconde phase: structuration des organisations logistiques des armées
Le début du XIXème siècle, voit la fin d'une approche de la logistique, certes identifiée par le militaire, mais qu'il n'a pas voulu prendre en charge. D'une logistique produite et pilotée par le civil, et subie par le militaire, les armées napoléoniennes passeront à une militarisation de la logistique et donc à l'avènement d'organisations structurées internes qui lui seront dédiées.
La croissance des effectifs militaires sous l'Empire napoléonien ne s'arrête pas. Elle nécessite par cette taille nouvelle la constitution d'une organisation qui se consacre pleinement au domaine de la logistique. La Grande Armée accroît sans cesse ses effectifs. De 200000 hommes en 1805 au camp de Boulogne, elle passe à plus de 400000 hommes en 1808 au moment de la campagne de Pologne et de Prusse et à plus de 600000 d'hommes en 1812 au moment de la campagne de Russie. La tactique napoléonienne reposait essentiellement sur trois facteurs: la masse concrétisée par la taille de son armée, la puissance de feu et la mobilité. Ainsi outre une croissance significative des effectifs, l'artillerie s'est accrue et a compliqué encore le problème des déplacements des armées. Enfin, l'ensemble, quels que soient ses effectifs et les moyens à déplacer, doit avoir une grande facilité dans la manoeuvre de déplacement.
Les sociétés civiles, et la principale d'entre elles, la Compagnie Breidt, ont montré à partir de 1806 leur essoufflement et leurs limites face à l'intensification de l'action militaire et à son changement d'échelle.
"Il est visible que la compagnie Breidt n'est plus qu'une ruine dont il faut se débarrasser sous peine de voir le service manquer tout à fait; l'Armée comptera donc une Arme de plus" (Lechartier, 1910).
C'est la bataille d'Eylau (8 février 1807) qui fait prendre définitivement conscience à l'Empereur, de l'absolue nécessité de reprendre en main la logistique des armées. En effet, s'il avait été possible d'approvisionner convenablement les armées, il eût été possible de poursuivre les armées russes et de les défaire complètement.
"Si Napoléon avait eu alors assez de vivres et de moyens de transports pour traîner après lui de quoi nourrir l'armée pendant quelques jours, il eut immédiatement terminé la guerre." (Thiers, 1867).
Dans cette seconde phase et sous l'impulsion de la réflexion napoléonienne, l'importance de la logistique est prise en compte par l'institution militaire. Elle concrétise cette prise de position par l'institutionalisation de la logistique militaire en créant une arme qui lui est dédiée, celle du Train. Des organisations prennent dès lors forme, pour travailler le sujet logistique et le mettre à la disposition dans les meilleures conditions, des stratèges militaires, des tacticiens et de ceux qui agissent sur le terrain d'opération. Cette phase est le point de départ de la constitution d'un savoir-faire militaire formalisé. Une organisation interne à l'institution militaire a dès lors été capable de capitaliser sur le sujet et d'organiser le savoir sur la gestion des flux. De cette époque à nos jours, la logistique n'a cessé d'acquérir une dimension croissante, sous l'effet des contraintes et des problématiques qui révélaient la logistique comme un domaine sensible de l'action militaire, mais également sous l'impulsion des hommes qui en avaient la charge et qui ont aidé à structurer le domaine.
2.2.3 Troisième phase: cent ans d'industrialisation de la logistique
Autres innovations technologiques qui révolutionnèrent la logistique militaire, l'automobile et le poids lourd. Ils feront apparaître à partir de 1917, une alternative beaucoup plus souple à la voie de chemin de fer et la traction motorisée se substituent rapidement à la traction hippomobile. La ressource sensible devient dès lors le carburant. Son approvisionnement nécessitera la création d'un service qui lui est dédié, le sevice des Essences, dont la mission est de prendre en charge la logistique des carburants. En 1940, c'est bien une logistique motorisée qui jouera un rôle déterminant dans les approvisionnements et les ravitaillements des armées allemandes. Le chemin de fer n'en perdra pas pour autant son caractère majeur puisque les allemands devront en faire un usage intensif pour concilier l'élongation du champ géographique de leurs interventions (front est et front ouest) et la taille de leurs unités (division blindée équipée de chars). L'avion dont l'utilisation s'intensifie devient une ressource majeure pour assurer la continuité du service en matière d'approvisionnement ferré. De capacité d'emport beaucoup plus limitée, il peut cependant acheminer sur de grandes distances et dans une relative discrétion des moyens d'intervention.
Après la seconde guerre mondiale, c'est essentiellement la guerre froide qui norme les structures logistiques de l'armée française. La nature du conflit était relativement bien connue ainsi que son intensité et sa localisation. L'engagement était envisagé comme bref et d'une extrême intensité. Il nécessitait une montée en puissance rapide. La logistique est alors abordée sous une approche de planification. Des stocks conséquents sont constitués pour faire face à une mobilisation massive et rapide dans la durée. Le design du système logistique est conçu presqu'exclusivement pour faire face à l'Est. Il utilise assez largement les FFA, Forces Françaises en Allemagne. Hormis ce conflit majeur, les armées françaises n'avaient à faire face qu'au déploiement épisodique de quelques compagnies en Afrique. La nécessité d'une plus grande cohérence opérationnelle de la logistique dans un contexte d'intervention centre Europe débouche le 1er août 1977 sur la création de la première grande unité opérationnelle logistique, la brigade logistique de corps d'armée. Cette dimension organisationnelle concédée à la logistique révèle une tendance équivalente à celle observée dans le monde civil qui tend à centraliser dans un premier temps les activités logistiques pour mieux les identifier et les comprendre et à les confier éventuellement ultérieurement à des prestataires logistiques filialisés ou extérieurs.
Le champ de responsabilité de la logistique s'est dès lors précisé et étendu. Les règlements des armées la définissent aujourd'hui comme:
"l'ensemble des activités qui visent:
- d'une part à donner aux forces armées en paix comme en guerre, au momentet à l'endroit voulus, en quantité et en qualité voulues, les moyens de vivre, de combattre et de se déplacer;
- d'autre part, à assurer le traitement sanitaire des personnels et la réparationdes matériels."
Cette troisième phase du développement de la logistique militaire, place l'activité logistique dans une perspective nouvelle. Si ses modes opératoires se modifient sous l'impulsion des évolutions technologiques, la nature des conflits et l'élongation géographique des guerres place la logistique à un niveau de réflexion stratégique. Les organisations mises en place font apparaître trois niveaux d'intervention de la logistique: un niveau stratégique, un niveau tactique et un niveau opérationnel.
2.2.4 Vers un nouveau modèle de l'organisation logistique militaire
La fin des années 1980 et le début des années 1990 ont représenté une période charnière pour la pensée de la logistique militaire en France. Logistique civile et logistique militaire avaient connu un développement parallèle san échange intensif. Des points précis faisaient l'objet de coopération particulière, le maintien en condition d'utilisation de certaines portions du réseau ferré peu utilisées, le recours possible à des moyens maritimes ou routiers civils Mais, la vision qui existait dans l'institution militaire de la logistique civile était encore limitée si on s'en tient à la définition donnée par des militaires eux-mêmes:
"La logistique se définit comme la synergie des techniques et des métiers qui concourent à l'optimisation de la chaîne de transport, de la matière première à la consommation"(Inspection du Train, 1991).
3. ORIGINES DES RECHERCHES EN MATIÈRE DE LOGISTIQUE
CIVILE
3.1 Les origines de la pensée académique en logistique civile
La logistique dans sa dimension stratégique et organisationnelle n'a jamais représenté un domaine privilégié de la réflexion en matière de recherche académique en gestion. Si les premières références peuvent être identifiées au début du XXème siècle, l'intensification de la réflexion et la prise en compte de la logistique comme un domaine à part entière ne sont intervenues que vers le milieu des années 1970 aux États-Unis et au début des années 1980 en Europe.
Citée par Lambert et Stock (Lambert, Stock, 1993), la pensée économique en matière de logistique remonte aux États-Unis au début du XXème siècle. Les premières réflexions identifiées ont été menées en 1901 par Crowell (Crowell, 1901). Le travail mené se concentrait sur les opérations de distribution physique des produits agricoles et les facteurs influençant les coûts de distribution de ces produits étaient discutés. Du point de vue des domaines de la gestion, les premiers écrits sont consacrés à la prise en compte des aspects logistiques dans les opérations de marketing, essentiellement sous leur aspect d'opérations physiques (Clark, 1922). Un certain nombre d'écrits ont été alors produits sur le rôle de la logistique dans le sous-système de distribution physique.
Nous noterons que la reconnaissance académique d'une approche centrée sur la dimension stratégique et organisationnelle de la logistique s'est opérée par l'intensification des thèses de gestion soutenues sur des sujets qui s'y consacraient (Colin, 1981), (Mathe, 1983), (Fiore, 1986), (Paché, 1986), (Fabbe-Costes, 1989).
Le développement du domaine logistique que ce soit en France ou aux États-Unis doit beaucoup à l'implication d'un monde professionnel qui a cherché à faire reconnaître la spécificité du sujet et le professionnalisme des métiers qui en ont pris la responsabilité.
The National Council of Logistics Management a été créé en 1963 aux États-Unis. C'est une association professionnelle qui regroupe l'ensemble des professionnels de la logistique avec pour objectif de développer la connaissance dans le domaine de la logistique. Elle s'est transformée en 1992 en Council of Logistics Management (CLM). Signe également des temps et de l'évolution des métiers, The American Society of Traffic and Transportation s'est transformée à son tour en American Society of Transportation and Logistics.
"Association des logisticiens d'entreprise" à sa création le 13 septembre 1972, l'Aslog est devenue en 1991, "l'Association pour la logistique dans l'entreprise." Ainsi, si dans un premier temps, on reconnaît dans la lecture de l'appellation une préoccupation existentielle de ses membres pour faire reconnaître un métier en cours d'émergence, la mutation opérée traduit la plus grande maturité atteinte par les logisticiens eux-mêmes qui ne sentent plus le besoin de se faire reconnaître en tant que tels mais qui cherchent plutôt à faire porter leurs efforts sur la fonction même qu'ils exercent. La définition que l'Aslog propose de la logistique est aujourd'hui la suivante:
L'Aslog est rattachée à l'ELA (European Logistics Association) qui a été créée en 1984. Elle représente une fédération des associations logistiques propres à 20 pays européens. Cette association définit pour sa part la logistique comme:
"L'organisation, le planning, le contrôle et l'exécution des flux de biens depuis le développement et les approvisionnements jusqu'à la production et la distribution vers le client final pour satisfaire aux exigences du marché avec le coût minimal et l'utilisation d'un capital minimum."
La contribution et l'engagement d'une association professionnelle telle que l'Aslog se concrétisent par des publications. Nous noterons en particulier que deux de ses présidents ont cherché à diffuser leurs perceptions de l'état de la logistique et de ses évolutions dans des ouvrages édités (Carrère, 1984), (Brunet, Le Denn, 1990) ainsi que dans de nombreux articles professionnels. Il faut également souligner le rôle de diffusion du positionnement nouveau que connaît la logistique par le canal des revues professionnelles. Après être parue pendant trente-trois ans sous le titre "Manutention/stockage", cette revue est devenue "Logistique Magazine" le 1er novembre 1985 apportant ainsi un signe supplémentaire de l'évolution de son lectorat et de son marché.
4.1 L'extension progressive du périmètre logistique: d'une logistique interne
Enfin, il nous reste à cerner la notion de process logistique. Un process est caractérisé par quatre critères:
- un process recouvre un ensemble de concepts ou d'activités qui ont des composantesinterdépendantes et interactives,
- les composantes doivent prendre place dans une séquence,
- le flux issu du process doit être partiellement basé sur des informations acquises àpartir d'un système en feed-back,
- le process doit se situer dans un environnement dynamique.
La logistique répond bien à chacune de ces caractéristiques. Les activités d'approvisionnement, de production, de distribution et d'après-vente ont bien des composantes interdépendantes et interactives. La charge d'une usine dépend en partie de l'activité de préparation des commandes dans les entrepôts. Ces composantes sont situées dans une séquence temporelle d'un ensemble qui va de l'acquisition de la matière à la délivrance du produit aux clients et à la mise à disposition des pièces nécessaires au bon maintien en condition de fonctionnement. Le flux résultant nécessite un pilotage grâce à un faisceau d'informations en partie issue d'un système de contrôle du déroulement des opérations. Enfin, la logistique se situe dans un environnement parfaitement dynamique associé principalement aux choix et aux évolutions en matière d'achat, de production, de marketing et de vente. Il nous est donc possible de considérer la logistique comme un process ou processus. Il recouvre plus généralement l'ensemble des opérations et leur enchaînement tant amont qu'aval. La chaîne logistique, ou canal logistique, sera utilisée, comme nous l'avons vu, comme synonyme de chaîne de distribution.
4.1.2 Une approche séquentielle des opérations physiques: une logistique de moyens pour chaque opération
"Les opérations de la logistique ont préexisté à toute démarche logistique d'intégration des différentes opérations de production-distribution. Cependant celles-ci étaient fragmentées et au mieux, optimisées indépendamment les unes des autres" (Colin, Paché, 1988).
Cette approche doit nécessairement être replacée dans son contexte économique et entrepreneurial de l'époque. C'était alors pour les producteurs un contexte de croissance forte avec une préoccupation prépondérante qui était celle de la production pour satisfaire des besoins de masse avec des produits de base. La logique de flux n'était pas encore identifiée et l'approche de la gestion physique des opérations se consacrait donc au traitement séquentiel des opérations.
La grande distribution était, quant à elle, en phase de démarrage et de croissance. Elle faisait reposer l'ensemble de son approche sur une politique d'achat en grande quantité pour pouvoir bénéficier de l'avantage des barèmes quantitatifs. Sa préoccupation logistique était alors limitée à un problème de stockage du aux achats en grande quantité.
Il est donc possible de caractériser ce premier modèle logistique par les principaux traits suivants:
- une approche par opération et non pas par flux qui réduit la pratique logistique à uneapproche de support et d'exploitation sur des opérations isolées;
- une approche privilégiant essentiellement un résultat économique (réduction descoûts). Les activités logistiques sont considérées uniquement comme source de coûts et la valeur qu'elles produisent est insuffisamment identifiée et valorisée;
- une absence d'organisation et de métiers dédiés à la logistique. Par conséquent, lesresponsabilités sur les différentes infrastructures logistiques sont opérationnelles et décentralisées;
- une limitation du champ de la réflexion logistique au cadre interne de l'entreprise;- une prédominance d'une obligation de moyens sur une obligation de résultats.
Mais, si dans un premier temps l'approche logistique s'est consacrée à la prise en charge d'opérations séquentielles internes à l'entreprise (transport, entreposage, préparation de commande ), cette démarche ne pouvait pas être suffisante pour affirmer la spécificité de l'approche logistique par rapport à une simple approche de fonctions de transport ou d'entreposage. Une seconde approche est alors intervenue sous la pression d'un contexte économique qui a permis de révéler les questions logistiques majeures.
4.1.3 Une approche de gestion des flux internes à l'entreprise
- une nécessaire anticipation pour rendre les délais de mise à disposition des produitscompatibles avec les délais d'engagement commerciaux qui tendent à se réduire. La production continue largement à fonctionner selon une logique poussée par les prévisions de vente;
- une livraison des clients sur commande selon des besoins de plus en plus différenciés.
La grande distribution se trouve quant à elle confrontée à la loi Royer. Cette loi soumet le développement des grandes surfaces à une autorisation préalable d'une commission composée pour moitié de petits commerçants. Le nombre des surfaces continue à s'accroître dans un premier temps, les grandes surfaces attirant les petits commerçants dans leur logique, au travers du développement du concept de centre commercial. Un hypermarché par sa présence draine un flux de clientèle conséquent. Il propose donc à des commerçants d'en profiter en s'installant à proximité. Puis devant la diminution de la création de surface, la grande distribution a cherché à utiliser toutes les surfaces disponibles dans un magasin comme surface de vente. Les réserves magasin ont eu donc tendance à diminuer voire à être limitées au minimum. L'absence de réserve a conduit à changer le mode d'approvisionnement des magasins qui n'avaient plus comme stock que les produits positionnés dans les linéaires. Par conséquent l'approvisionnement quotidien, voire multi quotidien, a eu tendance à se généraliser.
"The logistics concept is based on a total system view of the materials and goods flow activity from the source of supply through to the final point of consumption. It recognises the interconnections and interrelationships between the multitude of functions involved in this movement " (Christopher, 1985).
La logistique est à la recherche d'une coordination d'un ensemble de moyens (infrastructures, vecteurs de transport, ressources humaines, système d'information) pour optimiser non plus un ensemble d'opérations prises successivement et indépendamment, mais le flux qui parcourt l'entreprise. La chaîne logistique est ainsi abordée comme l'ensemble des maillons qui compose le flux qui parcourt l'entreprise complétée par les processus de concaténation qui relient chacun de ces maillons entre eux. La logistique s'assure de la mise à disposition des moyens et de leur bonne utilisation afin de rendre opérationnel ce processus.
Les organisations logistiques apparaîtront dès lors dans les entreprises de produits de grande diffusion afin de prendre en charge la gestion des nombreux problèmes qui ne manquent pas de se produire à l'interface des maillons et principalement entre ceux qui sont à la jonction des flux poussés et des flux tirés (phénomène de ruptures). Afin de pouvoir agir sur ces questions, la logistique a eu besoin naturellement d'avoir une meilleure prise sur certaines activités amont (production et approvisionnement) et sur certaines activités aval (entreposage et transport). Elle a donc été amenée à se constituer un champ d'intervention portée par la notion de flux au sein de l'entreprise.
Les principaux facteurs qui caractérisent cette période sont les suivants:
- le passage de la notion d'opérations à la notion de flux. C'est le processusd'enchaînement des opérations de base et leur concaténation qui devient un sujet concret du travail logistique dans les entreprises;
- la prise en charge de la gestion de l'interface flux poussé/flux tiré;- la création de fonctions logistiques et apparition des métiers logistiques.
4.1.4 Une approche intégrée des flux: prise en compte de la notion de chaîne logistique dans les canaux de distribution et les canaux d'approvisionnement
Les modèles économiques qui tentent de donner une représentation modélisée du fonctionnement des entreprises ont pris en compte de manière succincte les différentes dimensions ayant trait à la logistique. Il faut tout d'abord faire le constat que dans les premiers modèles économiques la notion de canal de distribution n'est pas même prise en compte (Filser, 1992). Les théories portent essentiellement sur les rapports entre le producteur et son marché consommateur pris au sens le plus large du terme (consommateur final pour les produits de grande diffusion, mais également institutions ou entreprises). L'énoncé de la loi de l'utilité marginale décroissante qui a été fait vers les années 1870 quasiment simultanément par Jevons en Angleterre, Menger en Autriche, Walras en Suisse (Blaug, 1981), comme la théorie de l'équilibre général qui suppose l'existence d'un optimum dans la répartition des richesses entre les individus, ne laissent pas de place, pour l'une comme pour l'autre, au fonctionnement précis des mécanismes reliant le producteur et le consommateur final. Par conséquent, les acteurs du canal de distribution ne sont pas pris en compte dans l'analyse. Cependant leur développement et le rôle marchand qu'ils ont commencés à jouer a nécessité de leur consacrer un champ de réflexion à part entière.
Il apparaît dès lors que le point de vue pris en matière de logistique peut être plus vaste. Il peut consister à considérer la logistique interne à une entreprise comme un soussystème d'une logistique plus large dont elle fait partie et qui englobe plusieurs autres acteurs économiques.
"The logistical process does not end once ownership transfer occurs. It does not end when the product is turned over the next level in the distribution channel or even when it is delivered to a buyer, unless all conditions of the transaction are satisfied. Ultimate responsability for logistics does not end until the product in question is finally accepted by the person, the family, or the entreprise that will utilize it" (Bowersox, Closs, Helferich, 1986).
Le principe de chaîne logistique peut donc s'appliquer à un ensemble d'entreprises qui agit avec pour objectif la satisfaction finale d'un client. La disponibilité d'un produit à un coût admissible dans un magasin est en partie dépendante de la disponibilité du produit au sein même des infrastructures logistiques du distributeur et de celles mêmes du producteur. Il y a donc une forme d'interdépendance des relations entre les différents intervenants d'une chaîne logistique globale dont dépend la satisfaction du client final, ultime consommateur et dont dépend également le prix de revient du processus logistique pris dans son ensemble.
Le rôle assigné à la logistique se modifie dès lors. Le rôle de la logistique est d'assurer non seulement une fonction opérationnelle mais également une fonction tactique et stratégique sur le flux physique:
- sa fonction opérationnelle concerne la mise en oeuvre au sein de l'entreprise desmoyens nécessaires à l'activation du flux: manutention, emballage, transport, stockage;
- sa fonction stratégique consiste à définir les moyens logistiques nécessaires pourcontribuer à atteindre les objectifs stratégiques généraux que s'est fixée l'entreprise.
Les principales étapes par lesquelles la logistique d'entreprise est passée lors de son développement récent en entreprise peuvent être synthétisées par le tableau 5. Chaque étape s'inscrit dans un environnement particulier tant du point de vue économique que du point de vue de l'approche de la production ou de la distribution.
A titre d'illustration, prenons un exemple, comme celui de LaScad. Son évolution de l'approche logistique peut être décrite au cours des vingt-cinq dernières années en trois grandes phases.
Une première phase est identifiée, couvrant les années 1970 jusque dans le milieu des années 1980. La logistique appelée fonction de distribution physique, avait alors un statut de fonction d'intendance dans un contexte pour l'Oréal de stratégie défensive. L'agressivité du développement de la grande distribution était telle que l'Oréal, comme de nombreux producteurs, cherchait à trouver les moyens défensifs de se protéger par rapport à la pression croissante des distributeurs. L'ensemble du raisonnement sur les flux était alors un raisonnement bâti sur un système en flux poussé. A partir des prévisions, les usines étaient
Environnement économique | Spécificités de la production | Spécificités de la distribution | Principales caractéristiques du modèle logistique | Organisation logistique | |
1960/1970 Une logistique de moyens | Croissance soutenue | - logique poussée (push) | - apparition des premiers hypermarchés (1963), mais prédominance des circuits longs | -optimisation séquentielle des opérations physiques - une approche par opération et non pas par flux - optimisation d'unrésultat économique | - pas de fonctions- pas de secteur économique dédié - pas de métier |
1970/1985 Une logistique de gestion de flux internes | Croissance ralentie | - production de plus en plus segmentée | - intensification de la grande distribution - contraction des circuits longs - développement des marques distributeurs | - passage de la notiond'opérations à la notion de flux - prise en charge de lagestion de l'interface flux poussé flux tiré | - création de fonctions logistiques et apparition des métiers logistiques; |
Tableau 5: synthèse des principaux modèles logistiques (étapes 1 et 2)
Environnement économique | Spécificités de la production | Spécificités de la distribution | Principales caractéristiques du modèle logistique | Organisation logistique | |
1985/1995 Une chaîne logistique dans les canaux de distribution et d'approvisio nnement | Très faible croissance | -spécialisation des unités de production - mondialisation de la production | - part croissante de la prise en charge de la logistique par les distributeurs - création d'infrastructures logistiques distributeurs - surfaces des magasins dédiées exclusivement à la vente, dans la mesure du possible | - mise en place de logistique partagée -logistique, lieu d'affrontement entre producteurs et distributeurs | - structuration de la logistique autour de la notion de service - part croissante des systèmes d'information -déstabilisation des modèles logistiques antérieurs |
Tableau 5 (suite): synthèse des principaux modèles logistiques (étape 3) programmées et les produits étaient poussés vers les entrepôts puis vers les magasins. L'approche était avant tout une approche de production d'opérations physiques au moindre coût.
- un premier flux est poussé au sein des usines à partir des prévisions;
- un second flux, déclenché par la passation de commande, est tiré à partir desentrepôts.
Schéma 2: processus logistique en boucle double
La question majeure est alors de concilier une double logique de flux tirés en amont et de flux poussés en aval. La logistique affirme alors son rôle dans la prise en charge des nombreux problèmes qui se révèlent à la jonction entre ces flux poussés et ces flux tirés. Le point de jonction entre le flux poussé et le flux tiré fait apparaître une problématique particulière qui nécessite la mise en place d'une structure de gestion. En effet, les ruptures fréquentes engendrées par la multiplication des références, le début d'une intensification des promotions dédiées à chaque distributeur et surtout un niveau concurrentiel au niveau des producteurs (concurrence horizontale) et au niveau des distributeurs (concurrence verticale) ont rendu le problème de la disponibilité immédiate des produits de plus en plus difficile.
Enfin, une troisième phase a commencé à se révéler au début des années 1990 et se développe maintenant. La logistique est abordée comme une fonction d'anticipation et d'intégration au service d'une stratégie offensive de conquête de parts de marché et de croissance du marché. La caractérisation du modèle logistique que l'Oréal met en place est la différenciation. Cette différenciation s'opère par clients, par produits, selon que le produit est en commercialisation normale ou selon qu'il est en promotion, et par objet (traitement du contenant logistique).
Pour apporter un premier élément de réponse à la définition de la valeur ajoutée logistique, nous avons focalisé notre réflexion sur la logistique aval. Les modèles économiques développés pour expliquer le fonctionnement d'un canal de distribution révèlent différents stades de compréhension de leur fonctionnement. Ces analyses font apparaître l'utilité qui est conférée aux différentes opérations logistique inter-entreprises.
Selon Stern et Reve (Stern, Reve, 1980), la recherche sur les canaux de distribution se structure en trois courants principaux:
- un courant qui se consacre essentiellement à l'analyse des technologies employées par des organisations isolées pour structurer et contrôler leurs activités de distribution; - un courant d'analyse économique du fonctionnement des canaux de distribution; - un courant d'analyse comportementale des canaux de distribution.
Nous verrons que le modèle de création d'utilité envisage la logistique comme susceptible d'apporter une utilité aux consommateurs. Le modèle de décalage et spéculation explique la diversité et la complexité des réponses logistiques mises en place pour répondre à l'hétérogénéité des attentes des clients. Le modèle des coûts de transaction vient compléter cette approche par les modèles théoriques en expliquant les raisons qui conduisent un opérateur à intégrer ou non les activités de distribution. Enfin, les réflexions sur la délégation fonctionnelle ont permis d'envisager l'achat d'opérations logistiques.
4.2.2 Modèle de création d'utilité
Hormis la tentative d'Aspinwall (Aspinwall, 1962), la théorie économique a donc initialement recherché une minimisation des coûts de chacune des fonctions opératoires avec pour préoccupation principale que le coût supporté par le producteur soit optimisé.
On constate que la référence aux modèles économiques classiques est incomplète puisque le consommateur n'est ici pas évoqué. La théorie du dépôt d'Aspinwall justifie l'existence de la fonction de grossiste par la nécessité pour le consommateur de disposer d'un flux continu de produits. En les stockant, le grossiste assure la pérennité de ce flux mais rémunère son action et sa prise de risque par le stockage, au travers d'un "profit de distribution". L'extension des théories relatives au canal de distribution aux consommateurs finals a été véritablement développée par Buklin (Buklin, 1966). Il fait en effet ressortir de la dynamique du canal de distribution des créations d'utilité pour le consommateur final. Ces utilités concernent la finalité de chacune des grandes opérations de distribution physique que l'on observe dès lors non plus sous leur seule optique de coût mais également sur leur finalité propre. Ainsi le canal de distribution est appréhendé comme un producteur d'utilité:
- par ses opérations de préparation de commandes il crée l'assortiment final attendu parle client. C'est sa fonction d'assortiment. De productions issues d'ateliers différents ou d'usines différentes, le canal de distribution est capable de concentrer les produits dans un assortiment unique attendu par le consommateur. Ainsi, le canal de
distribution joue sur la variable de la diversité;
- par ses opérations de transport, le canal de distribution procure la proximité et la prisede possession du produit en acheminant les biens des sites de production vers les sites de consommation. C'est sa fonction géographique. Il joue ici sur la variable du lieu;
- par ses opérations de stockage, le canal de distribution crée la disponibilité du produitpour le client et peut ainsi agir sur la variable du temps. C'est sa fonction temporelle.
L'analyse menée sur le canal de distribution évolue dès lors par rapport à l'approche initiale. Elle ne concerne plus la simple optimisation économique au profit du producteur. Elle est orientée vers une double finalité: produire une utilité pour le consommateur en cherchant à minimiser le coût de production de cette utilité. C'est en cela que le processus logistique commence à apparaître comme un producteur de services. La logistique est présentée comme un objet de production qui peut être achetée à un fournisseur extérieur dont l'objectif premier est de mettre à disposition sur un marché d'offre et de demande de prestations logistiques, des moyens, dans une perspective de répondre à l'attente principale du marché, c'est-à-dire de contribuer à une meilleure maîtrise des coûts logistiques.
4.2.3 Le modèle de décalage et de spéculation
4.2.4 Le modèle des coûts de transaction
Le recours au paradigme marché/hiérarchie (Coase, 1937) (Williamson, 1975)permet à Williamson (Williamson, 1979)82 d'apporter une contribution majeure à la réflexion par le développement du modèle transactionnel faisant apparaître la notion de coûts de transaction. Déjà Coase avait démontré qu'un marché ne peut être un fournisseur à un faible coût si simultanément les coûts tels que ceux attachés à la prospection commerciale ou au processus de facturation sont élevés. Dans une telle situation, une entreprise sera amenée à arbitrer entre la "hiérarchie", c'est-à-dire distribuer par des moyens propres, ou avoir recours au marché après avoir acquis l'information nécessaire pour identifier à chaque instant quel est le meilleur distributeur. Le modèle de Williamson (Transaction Cost Analysis ou TCA) identifie trois natures fondamentales de coûts de transaction susceptibles de conduire l'opérateur à intégrer les activités de distribution:
- les coûts inhérents à des investissements spécifiques à une transaction donnée. Un producteur ou un fournisseur voit ses coûts augmenter dès lors qu'un investissement est consenti qui se révèle sans utilité en dehors de cette transaction spécifique; - les coûts associés à l'incertitude dans les relations entre un acheteur et un vendeur; - les coûts associés à la fréquence de l'échange.
Il a alors été possible de discuter sur l'alternative d'une maîtrise en propre par le producteur ou d'une délégation auprès d'un opérateur en fonction du coût relatif que représentait chacune de ces deux options. Le principe sur lequel repose cette alternative est celui de la délégation de fonction (Bucklin, 1972). Cependant certains auteurs ont noté en réalité l'existence de deux natures d'activité dans le canal de distribution: les activités physiques et les activités relatives à l'instauration de la transaction (négociation, contractualisation, échange d'information, mise en place de promotions ) (Bowersox, Cooper, Lambert, Taylor, 1980). Dès lors un distingo s'est instauré entre la notion de canal logistique qui se réfère aux séquencements des opérations physiques et canal transactionnel qui se réfère aux séquencements des opérations qui conduisent à l'instauration d'une relation économique entre le producteur et le consommateur. La théorie de la délégation de fonctions appliquée au processus logistique revient à poser très tôt dans la structuration de la démarche logistique dans les entreprises la question de l'achat ou de la réalisation en propre de toute une partie des opérations logistiques. Ces questions de sourcing/make or buy ont été abordées dans le domaine logistique plus intensément à partir de la fin des années 1980, lorsque les questions qui se sont posées en la matière ont dépassé le simple achat extérieur de fonctions uniques (par exemple une surface de stockage ou un transport) pour traiter d'achat plus complexe de parties intégrées de processus logistique. Le modèle de délégation fonctionnelle appliquée aux canaux de distribution a pu ainsi rendre compte de l'émergence du secteur économique des prestataires logistiques sur lequel nous reviendrons au cours du chapitre 9.
4.3.1 L'attente produit/service
L'analyse économique confère aux opérations logistiques développées par les acteurs des canaux de distribution une finalité d'amélioration de l'utilité proposée aux consommateurs dans le souci de minimiser le coût de cette mise à disposition. L'approche marketing propose de formaliser cette approche dans la constitution d'une offre produit/service pour laquelle la logistique devient l'agent producteur d'une partie de l'offre des services proposés. Les services associés à un produit physique sont de nature à en accroître l'utilité et la valeur pour le client (Davidow, 1988).
La satisfaction d'un client se révèle comme une condition absolue, nécessaire au renouvellement de l'achat. La satisfaction du client est génératrice de sa fidélisation. Elle dépasse la simple mise à disposition d'un produit physique. Elle prend en compte l'ensemble des attentes d'un client susceptibles de satisfaire l'un de ses besoins. Prenons quatre exemples successivement dans l'automobile, dans l'informatique, dans la bureautique et dans l'agroalimentaire afin d'illustrer cette tendance.
Pour la majorité des segments de clientèle automobile en Europe, l'attente n'est pas réduite à la voiture en tant que bien physique. L'attente se résume sous la forme de la recherche de "100000 km à parcourir sans panne et avec un niveau de sécurité suffisant". Par conséquent le client achète non seulement le produit, mais également sa disponibilité durant toute sa phase d'utilisation. Ceci sous-entend de la part du client l'achat en même tant que le véhicule de la possibilité de se rendre dans un réseau de distribution réparation suffisamment dense et réactif pour pouvoir faire réparer son véhicule dans les temps les plus brefs.
Si nous prenons l'exemple de la reprographie de documents une entreprise comme Xerox a bien compris la nature changeante des attentes de ses clients en proposant des ventes de photocopies (facturation au nombre de tirage) plutôt que la vente de photocopieuses.
Enfin, dans le cas de la distribution alimentaire, les grandes surfaces recherchent de plus en plus une rotation très active de leur linéaire et une maximisation du chiffre d'affaires et de la marge au mètre-linéaire. Par conséquent, un produit référencé et approvisionné chez un fournisseur doit se trouver dans les linéaires. Sans quoi il y a perte de chiffre d'affaires et de marge. Tout autant que la marque, la grande distribution référence maintenant la qualité de la logistique de leurs fournisseurs.
Ainsi faut-il globaliser l'offre de l'entreprise et proposer autour du produit physique appelé produit générique, une offre plus étendue qui se compose le plus fréquemment de services. Sur des produits de grande diffusion, la recherche d'avantage concurrentiel par différenciation conduit à la micro-segmentation, voire à sa forme extrême qu'est la personnalisation des produits. De production de masse indifférenciée on passe à une production à l'unité pour pouvoir tenir compte des spécificités de la différenciation afin de répondre aux besoins des attentes découlant de la micro-segmentation, et de la recherche de la personnalisation. Cette opération de différenciation s'opère souvent par l'addition de services complémentaires au produit physique. Cette addition de services produits à l'unité nécessite à terme une plus grande industrialisation, de telle manière à en réduire le coût de fabrication. C'est alors pour l'ensemble du couple produit/service, la recherche d'une industrialisation du service. Cette industrialisation passe nécessairement par une recherche d'intégration du service dès la conception des produits (cf. schéma 3).
La recherche d'une meilleure disponibilité des photocopieurs a conduit à développer un soutien après-vente particulièrement réactif mais coûteux. C'est une des raisons pour lesquelles les constructeurs de ce type de matériel ont tenté d'industrialiser le service en intégrant des modules d'auto-diagnostic et de remise en condition des appareils par l'utilisateur lui-même. Dès lors les photocopieurs disposent de tableau de bord qui guide l'utilisateur à remettre par lui-même et dans la mesure du possible, le matériel en état de fonctionnement.
4.3.2 Service client et service logistique
Les produits représentent une valeur limitée, voire nulle, pour le client:
"S'ils ne sont pas positionnés de manière adéquate dans un espace géographique et temporel qui fournit aux clients l'opportunité de profiter des attributs tant physiques que psychologiques associés à la possession du produit" (Bowersox, 1969).
La notion de service-client devient dès lors une dimension essentielle dans la démarche marketing pour certains auteurs (LaLonde, Zinszer, 1976)88, (Barry, 1980)89.
L'ICSA (International Customer Service Association), definit le service client comme:
"Les fonctions d'une activité qui ont la satisfaction du client comme responsabilité et fournissent cette satisfaction en traitant les commandes et/ou les besoins en information."
Le positionnement de cette responsabilité n'apparaît pas comme particulièrement bien défini du point de vue fonctionnel. Des opinions contraires peuvent même d'ailleurs s'exprimer à son sujet. Ainsi des enquêtes auprès de responsables de service clients font apparaître dans un cas que la majorité d'entre eux se trouve rattachée à la responsabilité vente et marketing et que dans un autre cas la majorité des responsables services clients a répondu être rattachée à la responsabilité logistique (Rinehart, Cooper, Wagenheim, 1989).
La logistique contribue dans le cadre de la production du produit à proposer un ensemble de services qui permettent l'adaptation et la différentiation du produit générique initial (Dornier, 1991). Ceci devient d'autant plus important que les produits dans leur composante physique deviennent plus indifférenciés. Pour Novack et Wells la satisfaction du client devient la mission première de la logistique. Elle contribue en cela à la mission générale de toutes les fonctions de l'entreprise de telle manière à fidéliser le client:
"( ) la logistique apporte en utilité ou en valeur une composante lieu, temps et quantité aux outputs de l'entreprise ( ) le canal logistique est un élément clef pour satisfaire le client grâce à la réalisation de valeur."(Novack, Rinehart, Wells, 1992)
A technologies et performances équivalentes, la différenciation et l'adaptation aux besoins du client se feront par la maîtrise des coûts et par le service. Ce sont en particulier les services fournis par la logistique qui peuvent contribuer à cette différenciation. Le délai, la fiabilité du délai (Perrault, Russ, 1976), la disponibilité du produit, la qualité du transport, la production d'information sur le statut du produit dans le processus logistique sont autant de composantes du service que la logistique fournit pour contribuer à l'offre globale produitservice destinée aux clients. La multiplication des services logistiques et leur valorisation dans le mix proposé aux clients impliquent nécessairement une réflexion sur leur conception et leur process de production. Ainsi, on tente pour mieux maîtriser le coût inhérent à la production des services de nature logistique de les industrialiser par leur meilleure prise en compte dès la conception du produit. C'est la logistique intégrée qui participe ainsi à la définition du produit
- identification et définition des composantes de services,
- hiérarchisation des composantes,
- définition des indicateurs de quantification de chacune de ces composantes,
- positionnement relatif de l'entreprise sur chacun de ces critères par rapport à laconcurrence.
Les résultats de ces études reflètent bien évidemment la diversité des attentes des clients en matière de service. Il est donc nécessaire de regrouper les clients en segment de services homogènes pour chacun desquels une réponse logistique adaptée doit être bâtie.
4.3.3 Exemples d'offre de service logistique
A titre d'illustration, prenons tout d'abord l'exemple des produits frais en France. Les produits frais présentent un bon exemple pour lequel les produits de coeur de gamme sont identiques d'une marque à l'autre. Les prix sont voisins ou identiques. En dehors des effets de marque et d'actions commerciales promotionnelles, la performance d'un produit du point de vue commerciale se mesure sur deux critères:
- la disponibilité des produits en linéaire qui assure la réalisation de leur rotation et duchiffre d'affaires,
- la date de vie la plus longue qui apparaît comme le facteur différenciateur le pluspertinent aux yeux du consommateur.
La fraîcheur du produit devient un argument essentiel dans le marketing des distributeurs. Cet argument susceptible de séduire le client joue également un rôle pratique très sensible. Face à un linéaire, le client prend toujours le produit dont la date de fraîcheur est la plus longue. Par conséquent, une date limite de consommation mal gérée par le distributeur avec ses fournisseurs débouche inéluctablement sur des invendus.
Schéma 4: triple objectifs de l'action du directeur logistique d'une entreprise de produits frais
L'action du directeur de la logistique d'une entreprise de produits frais s'inscrit dans la recherche simultanée (cf. schéma 4):
- d'une minimisation des ruptures en linéaire, pour répondre aux attentes descommerciaux et de la distribution;
- d'une minimisation des dégagements, c'est-à-dire des retraits de produits pour datelimite de consommation insuffisante, pour améliorer les pertes de produits et donc éviter la détérioration des indicateurs financiers.
L'action sur ces trois objectifs présente cependant une certaine contradiction qui explique toute la difficulté de producteurs de service d'un directeur logistique d'une entreprise de produits frais en France. Car, en première approche, améliorer la satisfaction sur la date limite de consommation conduit à diminuer les stocks et à augmenter le risque de rupture.
La rapidité de la livraison devient un élément essentiel de l'offre du producteur. Cette rapidité contribue simultanément à réduire le risque de rupture ou sa durée lorsqu'elle s'est produite. Elle améliore parallèlement la durée de fraîcheur de produit. Actuellement, le service apporté en matière de délai, fait que toute commande passée entre 9h et 12h est livrée dans 60% des cas le même jour et dans 100% des cas au plus tard le lendemain avant 7h (cf. schéma 5).
Cdes
Livraisons 60%
Livraisons 100%
9h 12h 17h 22h 7h
Jour A Jour B
Schéma 5: performances de service attendues dans la distribution des produits frais
- améliorer le service au départ des stocks centraux pour atteindre 98% dès 1995 enEurope et aux États-Unis, à partir de 1996 en Asie;
- diminuer le délai de service au départ des stocks centraux de 30% à 70% selon lesverres et les clients;
- contribuer à maintenir les stocks à leur valeur de 1991 et à réduire le ratio stocks/CAverres de 23 à 17% en 1998;
- réduire la couverture de stock monde de 6 à 3 mois d'ici 1998 en réduisant le tempsde cycle client/usine à 4 semaines;
- réduire le coût logistique de 30 à 70 % selon les verres et les clients.
Les deux premiers objectifs énoncés concernent les services. Les trois suivants sont plutôt consacrés à la définition du cadre dans lequel les coûts de production de ces services logistiques doivent se situer.
Enfin, il est possible de citer l'exemple d'un secteur complet qui est celui de la vente par correspondance (VPC). Chaque innovation majeure de service dans ce secteur s'est faite avec la mise en oeuvre d'un outil logistique adapté. Les livraisons sous 48h puis sous 24h, ont nécessité la mise en place d'un circuit de distribution express. La livraison garantie sous huit jours nécessite à la fois un dimensionnement ad hoc des stocks et une sécurisation du circuit logistique standard. La faculté donnée aux clients d'annuler leur achat en retournant le produit dans un délai contractuel nécessite la mise en oeuvre de chaînes de traitement des retours (contrôle de la réception des retours, ré-incorporation des produits dans les stocks, traitement administratif), (Allemand, 1995).
4.3.4 Une approche de la logistique comme fonction de production de services
- au marché. Il évolue par les produits, les besoins des clients par leurs attentes deservice logistique, par leurs positionnements géographiques et par les canaux de distribution qui les servent;
- à la situation concurrentielle. Elle modifie en permanence les positions relatives desoffres logistiques des différents compétiteurs;
- à la technologie. Elle offre en matière logistique, comme dans d’autre domaine, desressources nouvelles avec une fréquence rapide;
- et enfin, au cadre réglementaire. Il incite ou contraint des comportements en matièrede flux.
Schéma 6: l'environnement de la production de services logistiques
Ainsi un changement dans les sources d’approvisionnement, une modification du process industriel, une évolution des marchés, une transformation des produits sont autant de facteurs qui remettent en cause le choix des modes de transports, la localisation des infrastructures dédiées à la gestion des flux, à l’organisation interne d’un entrepôt. L’instabilité de l’environnement logistique conduit les responsables en charge de cette activité à mettre en oeuvre des méthodes de reconception en temps réel des réseaux de circulation des composants, matière, semi-oeuvrés, produits finis Une des facettes essentielles du logisticien devient dès lors la conception en temps réel des réponses logistiques pour répondre aux situations qui se présentent.
Schéma 7: courbe du prix de revient logistique en fonction du niveau de service visé
Plus généralement, ce qui est recherchée, est une amélioration continue du niveau de service avec une réduction des coûts de production en cherchant à transformer les process de production logistique (cf. schéma 7). Chaque courbe correspond à une courbe de coûts logistiques en fonction du niveau de service visé. Les courbes diffèrent en fonction des designs des systèmes logistiques retenus ou des technologies utilisées. L'objectif pour une entreprise comme Yoplait est non seulement de diminuer le prix de revient logistique pour un niveau de service visé mais aussi de permettre d'étendre le champ des services proposés à un prix de revient logistique acceptable.
5. UN AXE RÉCENT DE LA STRUCTURATION COMPLÉMENTAIRE DE
LA LOGISTIQUE DANS LES ENTREPRISES: LA CONCEPTION LOGISTIQUE
5.1 Les principaux axes récents de structuration de la logistique en entreprise
L'approche logistique dans les entreprises a connu depuis une quinzaine d'années des axes nouveaux d'évolution. Parmi les principaux, il est possible de citer, le rôle croissant joué par les systèmes d'information qui viennent en partie se substituer à l'activité physique de base des logisticiens et l'apparition de contre-flux qui viennent recomposer la direction classique d'écoulement des flux des produits et matières de l'entreprise vers le marché. Les possibilités offertes par l'accès de plus en plus ouvert de l'information dans le domaine logistique ont été déjà largement débattues. Certains auteurs ont abordé la question sous l'aspect système d'information (Gustin, 1990), (Stenger, 1986). D'autres ont traité la question en l'abordant sous des dimensions plus techniques qui mettent en avant la dimension des supports informatiques et des technologies de l'information (Fabbe-Costes, Colin,1989), (Mentzer, Schuster, Roberts, 1990), (Stock, 1990).
Dans tous les cas ces deux phénomènes que sont l'accroissement du recours à une ressource de traitement de l'information et la prise en charge en plus des flux des contre-flux, débouchent sur une révision de la conception même des systèmes logistiques. Ce passage d'une gestion stable d'un système logistique pérenne à une dynamique de conception en temps réel de solutions logistiques porte tant sur le produit que sur le process. Il illustre la déstabilisation des modèles logistiques classiques et fonde les caractéristiques dynamiques des nouveaux modèles logistiques émergents.
5.2 De la gestion logistique à la conception des systèmes logistiques
Un changement dans les sources d’approvisionnement, une modification du process industriel, une évolution des marchés, une transformation des produits sont autant de facteurs qui remettent en cause le choix des modes de transports, la localisation des infrastructures dédiées à la gestion des flux, à l’organisation interne d’un entrepôt L’instabilité de l’environnement logistique conduit les responsables en charge de cette activité à mettre en oeuvre des méthodes de reconception en temps réel des réseaux de circulation des composants, matière, semi-oeuvrés, produits finis Un système de flux physique se conçoit dans un cadre de plus en plus élargi. Il nécessite une démarche qui associe les moyens répartis sur plusieurs pays, une coopération entre plusieurs fonctions pour pouvoir déterminer à l'avance la nature des flux et leur mode d'organisation et mener aujourd'hui une concertation avec les fournisseurs, les distributeurs et autour du canal de distribution qui sont susceptibles d'émettre des souhaits quant aux caractéristiques logistiques du produit. Mais au-delà même du système de circulation, c'est également le produit qui est aujourd'hui concerné dans sa conception même par la prise en compte de la composante logistique.
Tout d'abord, les coûts de soutien d’un produit (appelé soutien logistique) lors de sa phase d’utilisation représentent une part élevée du coût complet du cycle de vie ou Life Cycle Cost, (LCC). Ils recouvrent des postes allant des coûts de mise en œuvre (installations fixes, consommables ) jusqu’aux équipements de tests, aux documentations techniques, à la formation, à la gestion et aux approvisionnements de pièces de rechange. Ils comprennent enfin le coût de démantèlement en fin de vie.
Dans un second temps, il est possible de constater qu'il se produit une “sédimentation” en couches successives de l’offres de services logistique à la seule fin de différencier le produit et sans que la maîtrise du process de production de ces services ait été correctement pensée. Un besoin d’industrialisation du service se manifeste alors et nécessite de penser la production du service dès la conception même du produit (cf. schéma 8). On constate dans les matériels de photocopie une intégration dans le produit de modules de tests et d’aide au dépannage de manière à ce que, d’une part, l’utilisateur puisse avoir une disponibilité plus grande de son matériel en réglant lui-même les petites pannes et à ce que, d’autre part, le déplacement des techniciens réparateurs soit réduit au strict nécessaire.
Différenciation
Industrialisation
Schéma 8: différenciation par le service puis industrialisation
On constate que le poids des coûts associés aux services de soutien logistique nécessite une action le plus tôt possible, en fait dès la conception du produit. Cinq phases majeures (cf. schéma 9) sont nécessaires à la conception du système logistique:
- une phase de conception logistique du produit,
- une phase de fixation des objectifs,
- une phase de conception du système d'information et de télécommunication,
- une phase de conception du système physique,
- une phase de conception du système de pilotage.
(D'après Brown, Yanuck, 1985)
Graphique 1: coût complet du produit, engagement et gel
Envisageons de manière plus détaillée chacune de ces phases.
La première phase de conception logistique du produit comprend deux composantes:
une composante de conception du produit et une composante d'évaluation des flux induits par la conception même du produit et par les projections commerciales.
La première composante de conception logistique du produit, vise à vendre le produit physique apte à une certaine performance logistique ultérieure. Elle conduit à prendre en compte dès les étapes de conception, les caractéristiques nécessaires à une bonne circulation du produit, dans les conditions de qualité de service définies. Si besoin est, une étape de réflexion sur le soutien après-vente du produit est à développer. Elle conditionne en partie la nature et la taille des flux de pièces de rechange, de composants en réparation ou en rénovation. Les études préalables se regroupent dans ce qui peut-être appelé le cahier des charges logistiques qui comprend:
- la définition du concept d’emploi du matériel qui répond à la question: comment etdans quelles conditions, le client va-t-il
- la définition du concept de maintenance qui caractérise les exigences de l’utilisateur; en particulier sont précisés le rôle de chaque niveau de maintenance (au nombre de 3 : sur sites par l’utilisateur, intermédiaire ou majeur ayant alors recours à des installations dédiées), les politiques de réparation (réparable ou non, échange standard ou non ), les critères d’évaluation (fiabilité, maintenabilité).
La seconde composante de la réflexion porte sur les flux induits par la conception du produit. A partir de la consolidation des informations provenant du bureau d'étude, des achats, de la production et des intervenants du canal de distribution sont simulés les flux au sens le plus large (transfert, stockage, emballage ). Une évaluation des coûts induits est proposée. Elle peut amener à reconsidérer certains éléments du produit du fait du coût inhérent par exemple à leur approvisionnement ou à leur coût de gestion physique chez le distributeur qui ne dispose pas nécessairement des mêmes informations que l'industriel.
Cette phase de conception logistique du produit consacre l'établissement d'interrelations fonctionnelles, entre la logistique d'une part et, la recherche et développement, le marketing et le soutien après-vente d'autre part. Ce sont des méthodes, des outils de gestion spécifiques qui se développent pour gérer ces interrelations qui conduisent des fonctions à véritablement intégrer les problématiques logistiques. L'éclatement géographique du processus de fabrication impose au moment de la conception d'un produit de bien analyser les conséquences logistiques de certains choix techniques. Ce qui semble apparaître sous l'angle technique comme une source de réduction des coûts, peut se révéler sous l'angle logistique comme un facteur de surcoût.
- la fiabilité du délai,
- le délai de livraison (de la passation de la commande à la réception du produit),- l'absence de rupture de stock,
- l'information logistique associée à la circulation du produit,- la capacité à consolider une commande, - la qualité du transport.
Cette phase est une véritable étude de marché qui est de nature marketing. Elle
cherche à déterminer les attentes de services logistiques et suppose une forte interrelation avec les responsables produits et responsables commerciaux.
La phase de conception du système d’information et de télécommunication vient en troisième lieu. L’information a pris une dimension toute particulière en matière de maîtrise des flux. Si, à ses débuts, l’information sur les flux a pris un caractère statique par la constitution d’importantes bases de données en entrepôt, les enjeux de la conception du système d’information et de télécommunication sont aujourd’hui :
- la capacité de transmettre et d’exploiter en temps réel l’information générée etrecueillie. Quelle que soit la situation dans le monde d’une usine, d’un entrepôt, d’un moyen de transport ou d’un contenant la situation d’un flux doit pouvoir être connue afin de pouvoir réagir au moindre aléa. C’est avant tout sur ce critère de réaction que la performance logistique opérationnelle est évaluée;
- l’aptitude au partage de l’information. Cette communauté d’information se bâtit tantavec d’autres fonctions internes à l’entreprise, (le marketing, le commercial) qu’avec des acteurs qui interviennent sur le flux: des industriels fournisseurs, des prestataires logistiques, des distributeurs;
La phase de conception du système physique porte sur plusieurs points:
- l’architecture globale du système qui précise le nombre de niveaux auxquels desruptures de charge se produiront et ce, dans une perspective géographique de plus en plus vaste;
- le positionnement des noeuds (localisation) et les fonctionnalités qui leur serontattachées en fonction des attentes logistiques formulées par les clients; - la définition des stocks et des moyens mis en place à chaque noeud; - le choix des modes de transport.
La phase de conception du système de pilotage présente trois caractéristiques :
- il doit être pensé avant tout comme un système d’aide à la prise de décision. Il doitapporter les éléments révélateurs de la situation réelle des flux, permettre le diagnostic et aider au choix de la décision la plus pertinente pour améliorer la situation;
- il est conçu à l’interface entre les objectifs assignés en matière de flux, le systèmephysique et le système d’information;
- enfin ses répercussions sur les objectifs propres assignés à certaines fonctions doiventêtre clairement analysées.
Les enjeux de la maîtrise des processus de conception des systèmes logistiques deviennent majeurs. En effet, la recomposition du design du réseau logistique devient l'une des sources d'activités principales des logisticiens. Sous l'effet catalyseur de la mondialisation, la conjugaison d'effets déstabilisateurs sur les opérations logistiques amont qui recouvrent plus particulièrement les activités industrielles, avec des effets déstabilisateurs sur les opérations logistiques aval qui recouvrent quant à elles les opérations de distribution, amène à repenser non seulement les circuits logistiques mais également les organisations et les métiers qui en dépendent.
**
*
CHAPITRE 3 : PHÉNOMÈNE DE MONDIALISATION ET INCIDENCES LOGISTIQUES
1. INTRODUCTION
Pour tenter de cerner la notion de globale, Cooper (Cooper, Browne, Peters, 1991) cite ainsi Christopher qui considère qu'une activité globale dépasse la simple activité d'exportation de produits. Elle doit selon lui, comporter les caractéristiques suivantes:
- acheter et approvisionner les produits dans plus d'un pays,
- avoir souvent une large dispersion des moyens de production et des sourcesd'approvisionnement,
- commercialiser ses produits dans le monde entier.
Si cependant certaines de ces caractéristiques s'appliquent non seulement à un marché global mais également à un marché multinational ou transnational, Cooper, Browne et Peters considèrent que quelques caractéristiques très factuelles des marchés permettent de faire, en première approche, une différence entre les marchés globaux et les autres:
- le marché global présente des phénomènes d'intégration croissante desconsommateurs par une plus grande convergence de leurs attentes;
- un marketing particulier;
- une opportunité de développement pour les produits dont les ventes commencent àbaisser sur leur marché d'origine.
Cette approche est confirmée par Bender (Bender, 1985).
" Multinational enterprises stratify their demands within geographic aeras. Global enterprises stratify their demands purely along demographic, social and economic lines, across geographic aeras."
L'internationalisation cerne plus particulièrement les relations d'échanges et de négociation concernant le financier, le commercial ou plus généralement l'économique, d'une nation avec plusieurs autres. La mondialisation, ou globalisation, concerne ces mêmes échanges et négociations mais de toutes les nations entre elles au niveau mondial et dans le même instant. On comprend bien ainsi que la mondialisation est un phénomène qui recouvre des réalités multiples selon qu'il concerne:
- les hommes en associant à l'économie mondiale marchande des millions d'humains,des pays qui, par leur économie nouvellement développée, peuvent apporter leur contribution à la dynamique économique générale de la terre, des régions et des espaces géographiques dont les spécificités permettent d'en tirer le meilleur parti.
L'analyse des déterminants de la mondialisation a donné lieu à de très nombreuses réflexions. Cependant les trois principaux facteurs les plus cités qui permettent à une économie de passer d'un stade d'internationalisation à un stade de mondialisation sont les suivants (Sachwald, 1994):
- l'accroissement des investissements directs à l'étranger, dans un premier tempssouvent croisés entre pays de la triade, mais aujourd'hui qui concerne également les pays de la première génération des Dragons (Taiwan, Singapour, Corée du Sud, Hong Kong, Thaïlande) et de la seconde génération (Malaisie, Philippines, Indonésie);
- les mesures de déréglementation dans divers secteurs;
- le rythme soutenu de l'innovation qui, en particulier, commence à favoriser la prise encharge à l'étranger de travaux de services (traitement de l'information ).
L'exploitation par une firme des avantages associés à un marché global ne peut se faire qu'au prix d'une plus grande centralisation des opérations de pilotage d'approvisionnement, de production et de distribution (Zinn, Grosse, 1990). C'est pourquoi ce phénomène impact de manière significative la logistique des entreprises. En particulier Zinn et Grosse indiquent cinq orientations majeures que sont amenées à prendre les entreprises qui travaillent sur un marché global et qui influencent directement la logistique:
- la mise en place d'usines spécialisées;
- le développement de systèmes intégrés de transport et de la commande;
- l'utilisation de solutions testées sur un marché sur tous les autres marchés;
- le partage des coûts de recherche et développement non seulement dans le design desproduits mais également dans le domaine de la logistique (gestion des stocks, EDI ).
Les évolutions qui ont conduit récemment à l'emploi du terme de globalisation peuvent être considérées néanmoins sous deux aspects principaux, étroitement imbriqués :
- le premier porte sur la mondialisation de l'architecture économique de la planète ettraite le phénomène de mondialisation plutôt sous un aspect macro-économique;
- le second envisage le développement des politiques marketing des produits qui tentede concilier à la fois une approche locale pour satisfaire aux spécificités des besoins des clients et une approche mondiale pour tenter d'obtenir un effet de taille pour tirer le meilleur parti des efforts de recherche, de développement et de communication consentis. C'est une approche à caractère micro-économique.
Ce sont ces deux approches que nous exposerons dans ce chapitre comme étant les catalyseurs principaux des tensions qui ont été amenées à s'exercer sur les systèmes logistiques.
2. MONDIALISATION DE L'ARCHITECTURE ÉCONOMIQUE
2.1. Une évolution industrielle et commerciale intensifiant les échanges internationaux
"Le temps a cessé, l'espace a disparu. Nous vivons maintenant dans un village global, un événement simultané"(McLuhan, 1967). C'est ainsi que McLuhan faisait part en 1967 du caractère de plus en plus interdépendant des activités économiques au niveau mondial.
Enfin Pisani-Ferry (Pisani-Ferry, 1995) donne un ensemble de chiffres très
révélateurs sur l'inflexion des investissements dans les pays en voie de développement et dans les pays nouvellement industrialisés. En 1990, ces pays ne recevaient en terme d'investissements étrangers que moins de 10% des flux d'investissements directs mondiaux. Ce sont en 1995, 44% de ces flux qui se sont dirigés vers ces pays. Au cours de cette même période, les flux de capitaux à destination de ces mêmes pays ont doublé.
(D'après Laubier, 1993)
Graphique 2: évolution comparée des investissements américains à l'étranger et des investissements étrangers aux États-Unis.
Les années 1990 voient donc s'instaurer une architecture économique qui s'est profondément modifiée. La structure initiale de flux descendants de biens transformés s'est écartée au profit d'une structure d'échanges croisés complexes supportés par des politiques d'investissements directs et par des développements de zones industrielles nombreuses en raison d'échanges dans le monde qui permettent le recours à un sourcing international. Les schémas 10 et 11 donnent une vision quantifiée de l'évolution des exportations entre les trois grandes zones économiques de la planète en 1963 et en 1993.
Depuis lors le phénomène de mondialisation n'a cessé de croître et concerne tant les activités de marketing que celles de distribution, de production ou de sourcing.
Asie (Japon, Chine, Hong Kong,
Malaisie, Corée Rép., Singapour,
Taipei, Thaïlande)
Schéma 10: exportations de marchandises en milliards de dollars en 1963
Malaisie, Corée Rép., Singapour, Taipei, Thaïlande)
Schéma 11: exportations de marchandises en milliards de dollars en 1993
2.2. L'impact des nouvelles infrastructures de transport
Le développement d'une infrastructure telle que le Tunnel sous la Manche, illustre le parti qu'il est possible de tirer de ce type de moyens nouveaux, sous son aspect fret, pour des entreprises. Les politiques des états en matière d'infrastructures jouent ainsi un rôle majeur dans la globalisation des approches économiques. Prenons l'exemple de la distribution de produits électroménagers entre l'Europe continentale et la Grande-Bretagne (Dornier, Ernst, 1997).
Le cas est celui de Distrilux/Electrolux et de ses produits en provenance de son usine italienne. En 1994, environ 850000 appareils électroménagers ont été exportés vers le Royaume-Uni. Une seule voie était apparue comme la plus économique. Elle combinait un ensemble de vecteurs de transport (train, bateau, camion) et de ruptures de charges qui rendait les opérations onéreuses, les délais longs, le service médiocre à défaut d'un stock important prépositionné et les causes de non-qualité nombreuses. La solution retenue consistait à charger les produits sur des trains jusqu'au Havre. Au Havre, les produits étaient chargés sur des remorques et tractés par des tracteurs-jockeys sur des navires roll-on/roll-off. Pour mener à bien ces opérations, un entrepôt était donc nécessaire au Havre et un stock y était donc constitué. Au port anglais de destination les remorques étaient déchargées et tractées vers les dépôts régionaux des clients (cf. schéma 12).
Maintenant, l'ouverture du Tunnel permet d'envisager un autre type de schéma logistique. A la commande du client, les produits peuvent être directement chargés dans des caisses mobiles et acheminés par voie ferroviaire par un mode combiné vers la gare de destination en Grande-Bretagne la plus proche du dépôt du client ou une traction camion vers le lieu de livraison terminale est réalisée. La durée de transport est réduite à deux ou trois jours selon le point de destination.
Schéma 12: deux scénarios d'acheminement des produits Distrilux/Electrolux
3. MONDIALISATION DE L'ACTIVITÉ DES ENTREPRISES
3.1 La mondialisation pour les entreprises: premières approches
Dans le secteur des produits de grande diffusion, la mondialisation des activités touchent tout autant les producteurs que les distributeurs. Chez Danone, en 1990, le chiffre d'affaires de l'entreprise réalisé à l'étranger représentait moins de 4 milliards de francs. En 1996, ce sont 15 milliards de francs qui sont réalisés à l'étranger sur un chiffre d'affaires total de 96 milliards et ce sont 30 milliards qui sont visés en l'an 2000.
Pour une entreprise comme l'Oréal, l'activité s'est déjà mondialisée. Mais en 2020, une consommatrice sur cinq sera chinoise. La cinquième économie mondiale sera celle de l'Indonésie et le marché brésilien sera alors plus important que le marché français. Pour le président de l'Oréal, Lindsay Owen-Jones la mondialisation devient un enjeu incontournable pour supporter la capacité à développer de nouveaux produits. La mondialisation apporte des tailles critiques de marché, offre la possibilité de brassage culturel susceptible de permettre de découvrir de nouveaux produits.
"Pour financer la recherche de produits de plus en plus sophistiqués, la mondialisation est un impératif pour l'Oréal qui a mis soixante-dix ans pour réaliser plus de la moitié de son chiffre d'affaires hors de l'hexagone mais réalisera en 1996, 50% de ses ventes en dehors de l'Europe"(Eveno, 1996).
Les autres grandes enseignes de la grande distribution française sont également présentes à l'étranger. Auchan est déjà présent en Espagne avec 21 magasins, en Italie avec 4 magasins et aux États-Unis avec un premier magasin. Promodès compte plus d'une centaine d'hypermarchés en Europe dont 42 en Espagne, 11 en Italie, 8 au Portugal, 4 en Grèce.
Une première approche de la démarche suivie par les entreprises dans le domaine de la mondialisation est décrite par Sachwald de la manière suivante (Sachwald, 1995):
"Pour couvrir les coûts fixes importants en exploitant une organisation mondiale de la production, la solution la plus simple serait de concevoir des produits mondiaux standardisés, de les produire en fonction des avantages de coûts des différents pays et de les vendre sur un grand nombre de marchés. Cette démarche, économiquement logique, se heurte notamment au maintien de nombreuses spécificités des marchés locaux."
Sachwald résume ainsi, la problématique générale de la mondialisation des activités. La recherche d'une plus grande productivité par économie d'échelle sur des séries plus longues de production et sur des marchés plus étendus entraîne une logique de standardisation du produit qui n'est souvent pas compatible avec l'adaptation aux besoins locaux des consommateurs. Se pose dès lors le dilemme entre marketing global des produits et marketing local.
Entreprises | Pays | % du CA réalisé l'étranger | à | Nombre de magasins | CA total (milliards de francs) | Principales enseignes |
IKEA | Suède | 88,9% | 128 | 27,2 | Ikea | |
MAKRO | Pays-Bas | 85,3% | 123 | 59 | Makro | |
DELHAIZE-le-LION | Belgique | 76% | 1610 | 62,35 | Delhaize, PG, Food Lion, Dial, Cub Foods, AB, Delvita | |
JARDINE MATHESON | Hongkong | 63% | 1400 | 60 | Wellcome, Franklins, Woolworths, Simago, 7- Eleven, Guardian | |
TENGELMANN | Allemagne | 50% | 6971 | 170,6 | Tengelsmann, Plus, Kaiser's, Obi, Ledi, Grosso Markt, Magnet, A&P | |
AHOLD | Pays-Bas | 48,3% | 2400 | 92,1 | Albert Heijn, Gall!Gall, Etos, Jamin, Tops, De Tuinene, Ter Huurne, Pingo Doce, Mana, Tops, Finast, Bi- Lo, Giant, Edward, Red Food | |
CARREFOUR | France | 38% | 1016 | 144,6% | Carrefour, Pryca, Europa discount, Edl'Epicier, Picard Surgelés | |
PROMODES | France | 35,9% | 4793 | 100,6% | Continent, Champion, Dia, Shopi, 8 à huit, Codec, Promocash, Prodirest, Continente, Mini-Markets | |
METRO | Allemagne | 24% | 2400 | 265 | Metro, Makro, Huma, Meister, Primus!, BLV, Winner's Point, Kaufhalle, Kaufhauf, Praktiker, Madia-Markt, Vobis | |
TOYS R US | Etats-Unis | 24% | 1203 | 47,04 | Toy's R US, Kids R US |
(Document Coopers Lybrand, 1996)
Tableau 6: pourcentage de l'activité internationale des groupes de distribution les plus présents à l'international.
3.2 La dualité marketing: marketing global versus marketing local
L'approche des marchés connaît du point de vue géographique, deux tendances majeures qui pourraient apparaître comme contradictoires alors qu'elles sont complémentaires. La littérature oppose assez systématiquement le marketing global et le marketing local (Douglas, Wind, 1987), (Quelch, Hoff, 1986). A ces deux tendances prédominantes, peut s'associer tout un ensemble de solutions intermédiaires qui tente de concilier les bénéfices des approches globales et ceux des approches locales: positionnement d'un produit à l'échelle globale mais réalisation au niveau local ou à contrario, positionnement à l'échelle locale d'un produit réalisé à l'échelle mondiale (Peebles, Ryans, Vernon, 1978).
L'approche de la mondialisation des produits par Nestlé traduit la dimension mondiale qui peut exister autour de la marque mais également la différence significative qui peut exister autour du produit physique. Peter Brabecl-Letmathe, Directeur Général de Nestlé, déclare ainsi:
"Mondialisation ne veut pas dire uniformisation, Nescafé qui porte partout le même nom dans le monde, est vendu dans autant de variétés de goûts que de pays: plus d'une centaine! Nous avons certes une dizaine de marques mondiales. Mais l'immense majorité des 850 marques de Nestlé est locale et en général ne se vend que dans un seul pays"( Le Corroller, 1996).
Sur les 850 marques de Nestlé, 700 sont locales, c'est-à-dire attachées à un seul pays, 130 sont régionales et sont diffusées dans plusieurs pays et moins d'une dizaine sont mondiales sans pour autant donc recouvrir des produits physiquement identiques. (Nestlé, Nescafé, Buitoni, Maggi, Perrier )
Aucune des deux approches majeures, le marketing global ou le marketing local, n'a pour vocation de supplanter l'autre. Le recours à l'une plutôt qu'à l'autre dépend des produits et des marchés. Et elles apparaissent plutôt comme complémentaires.
3.2.1 Le marketing global
Cette approche du marketing part du constat que la mondialisation des marchés est motivée par trois tendances (Levitt, 1983):
- les besoins et les intérêts des consommateurs deviennent de plus en plus homogènes àtravers le monde,
- les consommateurs préfèrent sacrifier leurs préférences spécifiques à l'obtention d'unemeilleure qualité à un prix moindre,
- la recherche d'économies d'échelle tant en production qu'en marketing.
"La similitude croissante des attentes des consommateurs signifie que l'entreprise qui vient la première avec un produit à caractère universel a la meilleure chance de gagner la course à l'acceptation mondiale du produit par les clients"(Ohmae, 1985).
L'approche peut concerner un produit, une entreprise pour l'ensemble de ses produits, voire un secteur économique complet. En matière de produits on citera l'exemple de boissons telles que le Coca-Cola ou les montres suisses Swatch. En matière d'entreprise, on peut citer des firmes comme Benetton dans le textile et la mode, Nike ou Reebok pour les chaussures ou Mercédès dans le domaine de l'automobile. Toutes ces entreprises ont des stratégies de marque à l'échelle planétaire. Enfin, des secteurs comme ceux du luxe (Chanel, Dior, Cartier ) ou comme celui du fast-food appuient leur développement sur un marketing global.
La mise en oeuvre d'un marketing global est facilitée par le développement de technologies et d'outils marketing qui contribuent à diffuser à travers le monde une offre identique (Link, 1988):
- bases de données constituées grâce à la technologie de saisie des données auxcaisses,
- outils médias tels que la télévision par satellite,- réseaux mondiaux d'agences publicitaires.
Les intérêts de l'entreprise pour une standardisation de l'offre sont nombreux. Ils portent à la fois sur (Segal-Horn, Davison, 1992):
- le nom de la marque,
- les caractéristiques du produit,
- le rôle des distributeurs,
- l'emballage,
- les techniques de vente,
- et les messages publicitaires de base.
En tout état de cause, le marketing global n'est pas synonyme d'uniformisation des produits. Yip explique ainsi (Yip, 1992):
"Le marketing global n'est pas une adhésion aveugle à la standardisation de toutes les composantes du marketing, mais une approche globale différente qui vise à développer des stratégies et des programmes marketing qui concilient flexibilité avec uniformité."
Il considère que les principales composantes du marketing peuvent se positionner sur une matrice en fonction de leur degré de couverture du marché mondial (ordonnée) et en fonction de leur degré d'uniformité d'un marché à l'autre (abscisse). Le graphique 3 illustre un exemple d'une famille de produits pour laquelle le positionnement des composantes marketing a été opéré.
Graphique 3: exemple de positionnement marketing global d'une famille de produits
3.2.2 Le marketing local
A contrario des thèses de Théodore Levitt, certaines considèrent la globalisation du marketing comme un phénomène nécessairement limité (Douglas, Wind, 1987). Le marketing global apparaît pour ces thèses comme un facteur de standardisation de l'offre qui va à l'encontre des spécificités de chacun des marchés nationaux.
Les conditions de développement d'un marketing global sont suffisamment complexes. Elles doivent réunir à la fois l'existence d'un segment de marché mondial, mais également les moyens nécessaires à une communication et à une distribution aux clients de ce segment quelle que soit leur localisation. Malgré la création de blocs économiques de plus en plus intégrés entre pays dans certaines zones géographique, l'homogénéisation des attentes des clients est loin d'être acquise. Les spécificités locales, culturelles réclament des adaptations précises des offres. Le secteur de l'agro-alimentaire en est une bonne illustration. A quelques rares exceptions près, essentiellement situées dans le secteur des boissons, l'offre produit est souvent nationale voire régionale. Les goûts des consommateurs diffèrent notablement d'un pays à l'autre.
De plus, localement, les contraintes de marché tant en matière de production que de concurrence ou de canaux de distribution conduisent le producteur à exploiter toutes les opportunités et les spécificités d'un marché.
Les restrictions à une globalisation totale du marketing sont ainsi nombreuses (Buzell, 1968): attentes du client, potentialités et structures différenciées des marchés (malgré leur diminution au sein de grandes zones économiques, les contraintes douanières et réglementaires entre ces grandes zones existent encore), différence entre les outils promotionnels et les sensibilités des consommateurs pour la mise en avant des produits, militent souvent pour, au mieux, l'adaptation d'un marketing global à la situation locale ou, dans le cas encore le plus fréquent, pour le développement complet d'un marketing local.
3.3 De la mondialisation à la globalisation
La mondialisation peut être vue dans ses effets sous deux optiques. La première consiste à voir dans la mondialisation un phénomène générateur d'une telle pression sur l'économie et sur les emplois qu'elle peut être considérée comme néfaste. Un second point de vue aborde la mondialisation comme un phénomène dynamique qui, s'il a fonctionné dans un premier temps au détriment des pays industrialisés est susceptible maintenant de s'inverser partiellement.
Le premier point de vue est défendu en particulier par Allais (Allais, 1994A), (Allais, 1994B). Il voit dans la mondialisation un effet doublement préjudiciable. Tout d'abord la pression exercée par des pays à faible coût de main d'oeuvre crée un effet de destruction définitive d'emploi. Cette destruction s'exerce pour deux raisons principales dont il est difficile de mesurer l'effet réel de chacune d'entre elles:
- la délocalisation des emplois associés à des activités industrielles ou de services,transférés d'un pays à fort coût de main d'oeuvre, vers un pays initialement à faible coût de main d'oeuvre;
- l'effort de gain de productivité dans lequel s'engagent des entreprises pour tenter derésister localement à la pression des faibles prix des produits provenant de pays dans lesquels des délocalisations se sont opérées. Ces efforts de productivité se traduisent par la mise en oeuvre de technique de fabrication dont l'effet est de réduire à leur tour la main d'oeuvre et en particulier la main d'oeuvre non-qualifiée sur laquelle s'exerce principalement la concurrence des pays à faible coût de main d'oeuvre.
Il est possible de dessiner un autre point de vue qui s'oppose aux thèses de Allais. Il consiste à voir dans le phénomène de mondialisation un jeu dont la somme n'est pas nulle et qui est susceptible de voir apparaître des renversements de délocalisation qui contribueront à complexifier plus encore les échanges et à placer la logistique au coeur de la réflexion. C'est une thèse qui est défendue par Creyssel (Creyssel, 1996) qui place la mondialisation dans une perspective dynamique pour plusieurs décennies pour quatre raisons principales:
- le rééquilibrage économique entre pays et entre zones qui tend à déplacer le centrede gravité des activités du nord vers le sud. Cette redistribution des échanges entre pays doit être vue également à une échelle moindre, car la mondialisation est loin d'être achevée, y compris entre pays industrialisés. Les frontières économiques ne se sont pas estompées en quelques années et les interpénétrations des économies sont loin encore d'avoir atteint un seuil de maturité. Il ne faut pas perdre de vue que les échanges extérieurs des pays de l'Union européenne représentent environ 10% de son PIB. De même, MacCallum (MacCallum, 1995) cite dans une de ses récentes études qu'à structure comparable d'activités et à positionnement géographique équivalent les échanges entre états américains et les provinces canadiennes sont vingt fois inférieurs aux échanges entre les provinces canadiennes entre-elles;
- l'adaptation même des entreprises des pays les plus concurrencés. Ceux-ci ontcompris que l'offre à mettre en place devait comprendre des éléments plus complexes et moins facilement duplicables par des industries de pays à faible coût;
- enfin, la relocalisation des unités de production s'amorce. Le mouvement n'est plusseulement un mouvement des pays industrialisés vers des pays à économie émergente. On voit de nouveau des industries relocaliser leur production dans des vieux pays industrialisés. Dans des pays comme la France 30% de la production industrielle dépend de la présence sur son territoire de filiale d'entreprises étrangères.
Cette dernière tendance illustre la véritable perspective dans laquelle il faut placer une réflexion sur la compétition dans une économie mondiale. L'analyse menée par les firmes est devenue beaucoup plus complexe qu'une simple étude de différentiel de coûts de main d'oeuvre. La compétition est de plus en plus une compétition de système et non pas seulement d'entreprise. C'est en cela qu'on peut considérer que la notion de globalisation se différencie de la notion de mondialisation. La mondialisation touche essentiellement une dimension d'interpénétration géographique des économies. Notre réflexion nous laisse penser qu'il est possible d'avancer que la globalisation révèle une optique différente portée sur la notion de compétitivité. La performance économique des hommes, des produits et des systèmes de production apporte certes une dimension significative à l'évaluation du potentiel de compétitivité. Mais les appréciations vont bien au-delà. Ce sont maintenant les systèmes nationaux ou les systèmes associés à des régions économiques qui sont évalués avant toute prise de décision économique de la part d'une entreprise. Dans cette perspective de globalisation, l'évaluation d'un système est faite non seulement à partir de productivité locale des hommes et des machines, mais également à partir de la qualité des infrastructures, des caractéristiques légales et fiscales, des caractéristiques de la protection sociale, de la nature des interventions de l'état
4.1 Les trois étapes dans la mondialisation de Thomson Multimédia
Thomson Multimédia a connu plusieurs étapes dans son évolution pour devenir l'un des grands groupes dans le domaine de l'électronique domestique brun (équipements vidéo, son, audio, télévision ). Il a réalisé en 1995, un peu plus de 7 milliards de dollars de chiffre d'affaires (36,4 milliards de francs) et s'est situé au 4ème rang mondial des entreprises de ce secteur, derrière Sony le numéro 1 mondial (22,5 milliards de dollars de chiffre d'affaires), Matsushita (numéro 2 avec 18 milliards de dollars de chiffre d'affaires) et Philips (numéro 3 avec 11,5 milliards de chiffre d'affaires). Thomson Multimédia est le n° 1 mondial des tubes de télévision, le n°1 sur le marché américain pour les télévisions et la vidéo et le n°2 sur ce même marché pour l'audio et les produits de communication. Actuellement 50% de l'augmentation annuelle du chiffre d'affaires proviennent de l'Asie et de l'Amérique du Sud. En 1995, l'Europe ne représentait plus que 32% du chiffre d'affaires alors que les États-Unis représentaient 46% et l'Asie 22%. En 1996, la production de téléviseurs a été de 2,1 millions d'unités et celle des vidéos de 200 000 unités.
Pour une entreprise comme Thomson Multimédia trois grandes étapes expliquent depuis le début des années 1980, la mondialisation de l'entreprise et influencent les choix logistiques retenus:
- une première étape qui a porté sur l'expansion des marques, essentiellement parcroissance externe. Elle a révélé les limites de la juxtaposition des logistiques de plusieurs entreprises;
- une seconde étape qui porte sur la délocalisation et la spécialisation simultanée desunités de production. Elle a provoqué une déstabilisation par l'amont des logistiques pays qui se sont retrouvées en prise directe avec tout un ensemble d'usines réparties sur le monde entier;
Nous envisagerons chacune de ces étapes et nous tâcherons de dégager des premières orientations sur la logistique d'une entreprise soumise à ce type d'évolution.
4.1.1 Première phase: l'expansion des marques
Thomson Brandt est l'entreprise et la marque initiale à partir de laquelle Thomson Multimédia s'est bâtie en 1968 à Angers. L'entreprise a connu plusieurs dénominations successives: Thomson Brandt, Thomson Grand Public en 1983, Thomson Consumer Electronic en 1988 et Thomson Multimédia en 1995.
Première étape de sa mondialisation, Thomson Multimédia a connu à partir des années 1980, une croissance très forte autour de Thomson Brandt par le rachat de grandes marques à forte notoriété sur leurs marchés nationaux respectifs. Ces rachats ont porté sur des entreprises prises dans leur ensemble c'est-à-dire portant à la fois sur l'outil industriel, les équipes de recherche et de marketing et les forces commerciales. Les principaux rachats ont eu lieu dans un premier temps en Europe avec des rachats en Allemagne de Normende en 1978, de Saba en 1980 et de Telefunken en 1983, puis en Grande-Bretagne de Ferguson en 1985. Aux États-Unis trois marques majeures ont été rachetées en 1988, General Electric, Proscan, RCA, (cf. schéma 13).
Schéma 13: expansion des marques de Thomson Multimédia
La performance du système logistique de Thomson Multimédia peut se mesurer par deux indicateurs. Le premier mesure le taux de satisfaction des clients c'est-à-dire par le nombre de lignes servies sur le nombre de lignes commandées. Le second mesure l'horizon figé des usines c'est-à-dire le délai sur lequel la planification des usines ne peut pas être modifiée. Lors de cette première phase, le système logistique produisait un taux de satisfaction de 90% et un horizon figé de 2 mois.
Schéma 14: logistique résultant de la phase de croissance externe (1980-1990)
4.1.2 Deuxième phase: la stratégie de délocalisation et de spécialisation
Lors de la deuxième étape du processus de mondialisation des activités de Thomson Multimédia (l'entreprise s'appelait encore alors, Thomson Consumer Electronic), il a été décidé de délocaliser des productions dans des usines qui ont été elles-mêmes spécialisées. Cette stratégie a débuté de manière limitée dans les années 1970/1980 par la délocalisation à Singapour de la fabrication de certains composants tels que les modules de réception des signaux antennes (tuner). Elle s'est intensifiée à partir du début des années 1980 par la délocalisation de l'assemblage de produits complets destinés à la consommation européenne. Elle avait pour vocation de répondre à une guerre des prix qui sévissait et qui sévit toujours au niveau mondial. Cette situation concurrentielle amène une diminution des prix de vente d'environ 5% par an pour laquelle il a fallu trouver une réponse en matière de diminution des prix de revient. Elle avait également pour vocation de pouvoir commencer à répondre localement à des besoins de consommation en croissance importante.
année de l'ouverture de l'usine pays Légendeproduits fabriqués coût horaire de la main d'oeuvre (base 100 en France) |
Schéma 15: délocalisation et spécialisation des unités de production
Les délocalisations des productions soit sur des pays d'Europe à faible coût de production (Espagne), soit sur des pays du sud-est asiatique (Singapour, puis l'Indonésie et la Thaïlande), soit sur des pays d'Afrique du nord (Tunisie), soit sur le Mexique, ont été motivées par une recherche de diminution des prix de revient de fabrication. Le différentiel de coût de main d'oeuvre explique très largement ce changement de localisation des productions. Nous relevons ainsi que le coût horaire main d'oeuvre des usines Thomson Multimédia, pour des productions équivalentes, lorsqu'il est de 100 en France et de 136 en Allemagne passe à 18 en Pologne, 7 en Thaïlande et 5 en Indonésie (en valeur 1995). La délocalisation s'est accompagnée d'une spécialisation des unités de production par type et par grande famille de produits pour profiter d'économies d'échelle. Ainsi sont apparues des usines spécialisées dans le montage des télévisions, des usines spécialisées dans les châssis, des usines spécialisées dans les modules électroniques, des usines spécialisées dans les télécommandes. Pour ce dernier exemple, l'usine indonésienne fabrique plus de 10 millions d'unités par an pour le monde entier et contribue ainsi à diminuer le prix de revient de ces éléments.
- France et Grande-Bretagne,
- Allemagne,
- Export France (Suisse, Autriche et la Turquie),
- Italie,
- Espagne.
Pour les autres continents, des structures logiques ont été créées au fur et à mesure en Asie, d'abord à Singapour, puis en Thaïlande puis sur la zone Australie et Nouvelle-Zélande, et enfin à Hongkong. Aucune ne dispose de structures physiques d'entreposage permanente. Aux États-Unis une structure logistique autonome existe. Elle recouvre les dimensions logique et physique. Elle dispose de deux grands entrepôts à Los Angeles et à Indianapolis.
Schéma 16: logistique résultant de la phase de spécialisation et de délocalisation des unités de production (1990-1993)
L'adaptation marginale du système logistique initial a atteint ses limites. La déstabilisation occasionnée par une spécialisation des unités de production et une délocalisation ne permettait pas de trouver l'adaptation nécessaire du système logistique dans la seule connexion des usines mondiales à des systèmes de distribution locaux. La remise en cause plus profonde du système logistique de Thomson Multimédia a été rendue nécessaire par les résultats en terme de niveaux de service. Elle a été déclenchée par une nouvelle étape qui a porté sur la modification de la stratégie marketing qui est devenue à son tour plus globale.
4.1.3 Troisième phase: stratégie marketing mondiale ou continentale
A partir de 1993, Thomson Multimédia a choisi de mener une réflexion marketing dans une perspective plus globale en cherchant à positionner ses grandes marques les unes par rapport aux autres au niveau continental. Thomson Multimédia a reconfigurer ses marques et leur a assigné des positionnements précis sur leur marché respectif. En Europe les marques Thomson, Téléfunken et Saba ont reçu un positionnement clairement défini. Thomson a pris un positionnement haut de gamme sur des produits hightech. Téléfunken a été positionnée sur des produits de moyen de gamme mais avec une forte image de fiabilité. Et enfin, Saba a été placée sur le marché des produits d'entrée de gamme, orientés sur le positionnement prix. Les produits ont été adaptés de telle manière à ce qu'ils puissent prendre une dimension paneuropéenne et les forces de vente sont devenues des forces multi-marques.
Schéma 17: logistique résultant de la phase de globalisation marketing (1993-1997)
Cette restructuration de la logistique est passée par la mise en place de logistique centrale en Europe, en Asie et aux États-Unis. Ces logistiques centrales déterminent une évolution majeure dans le système logistique de Thomson Multimédia. Il y a déconnexion des flux physiques et des flux d'information. En amont du processus logistique, la logistique centrale a essentiellement une valeur ajoutée sur l'exploitation des informations nécessaires à la planification des usines. En aval, elle agit également essentiellement sur la composante informationnelle pour dimensionner les stocks et mettre à la disposition des filiales commerciales les produits nécessaires à leurs actions commerciales. Elle a un rôle de consolidation entre les différents acteurs du système:
- elle consolide les prévisions et transmet des besoins globaux aux usines spécialiséesafin d'utiliser au mieux les capacités de production;
- elle gère les stocks de produits finis non encore affectés à des filiales commercialeslocales. Elle dispose à cet effet de trois entrepôts européens: un entrepôt en Allemagne, un entrepôt en France et un entrepôt, plus petit, en Grande-Bretagne.
La mise en place de ces organisations logistiques centralisées a été rendue possible par le développement d'un système d'information mondial de gestion de la commande, de transport et de facturation.
L'incitation à la limitation du nombre de références par la logistique centrale a favorisé le recours commercial par des pays à des références qu'ils ne souhaitaient pas utiliser jusqu'alors du fait de coûts trop élevés. Plus la taille des lots a augmenté, plus la diminution du prix de revient a été significative et a favorisé le recours à des références produites par exemple pour le marché français (norme L') par les allemands qui utilisent la norme L. En effet la norme L' générait un surcoût que l'augmentation de la taille des lots a permis de faire disparaître.
Grande- Bretagne | Allemagne | Europe du Sud | France | Total | ||||||
Réf. | Batch | Réf. | Batch | Réf. | Batch | Réf. | Batch | Réf. | Batch | |
1995 | 28 | 520 | 179 | 193 | 151 | 292 | 148 | 463 | 506 | 319 |
1996 | 32 | 365 | 190 | 151 | 147 | 252 | 180 | 292 | 549 | 237 |
1997 | 24 | 560 | 71 | 466 | 68 | 722 | 92 | 839 | 255 | 678 |
Tableau 7: évolution du nombre des références et des batchs moyens en usine en Europe
On constate que l'amélioration du service a été très nette puisqu'il est actuellement à 95%. Cependant l'horizon gelé des usines est resté à 4 mois et nécessite donc des stocks très importants pour pouvoir composer avec ce manque de flexibilité. La logistique recherche donc maintenant à améliorer ce paramètre.
4.1.4 Prochaine étape de la logistique de Thomson Multimédia
1992 | 1993 | 1994 | 1995 | ||
50 Hz | ICC9 | 25 mois | |||
TX91 | 22 mois | ||||
TX92 | 15 mois | ||||
100Hz | ICC10 | 17 mois | |||
ICC11 | 11 mois | ||||
Combinaison 50Hz/100Hz | ICC19 | 21 mois | |||
Délai 50Hz+100Hz | 39 mois | 26 mois | 21 mois |
Tableau 8: délai de développement et de mise sur le marché des châssis 50Hz et 100Hz.
Les actions menées portent sur quatre axes principaux pour gagner en réactivité. Ces actions concernent essentiellement le process industriel, les achats et le développement des produits:
- la simplification des flux inter-usines et entre usines et fournisseurs par une révision dela conception même du produit;
- l'utilisation limitée de l'automatisation;
- la mise en place d'équipe multidisciplinaire pour développer les produits etcomprenant en particulier une composante logistique;
- la réduction du nombre de composants et donc de fournisseurs de telle manière àaméliorer également la réactivité du sourcing.
Type de chassis
Graphique 4: évolution du nombre de composants pour les deux plus récents modèles de châssis de téléviseurs pour chaque gamme
L'automatisation trop poussée des usines retire une certaine flexibilité. Les process sont tels que l'usine sait relativement bien encaisser des variations de plus ou moins 10% autour d'une activité moyenne. Au-delà, les flux sont fortement perturbés. Dans les pays à faible valeur de la main d'oeuvre, on limite donc l'automatisation, la main d'oeuvre ayant une flexibilité bien plus grande qui donne aux capacités de l'usine une plus grande variabilité.
4.2 Premières incidences logistiques détectables
La mondialisation déclenche des effets qui induisent un certain nombre d'impacts logistiques que le cas de Thomson Multimédia vient d'illustrer en partie. Ces effets primaires sont ici bien visibles et sont de deux natures:
- des effets de nature industrielle qui recouvrent la multiplication des points deproduction dans des pays étrangers, la délocalisation et la spécialisation des unités de production;
- des effets de nature commerciale, en particulier pour Thomson Multimédia, la créationde lignes de produits continentales en Europe, bien différenciées.
4.2.1 Déstabilisation des systèmes logistiques par l'amont
Tout d'abord envisageons les effets industriels. La chronologie des opérations fait apparaître, dans un premier temps une diffusion des sites de production au niveau mondial. Tant que ces sites sont des sites polyvalents dédiés à un marché local, les différentes localisations n'ont pas lieu d'interagir ensemble si ce n'est très marginalement. La coordination logistique entre des organisations logistiques développées par pays, est alors pratiquement sans objet. Ce qui vient fondamentalement impacter la réflexion de Thomson Multimédia, c'est la conjugaison de cette dispersion des sites, compliquée par une délocalisation d'un certain nombre de production, avec leur spécialisation progressive. Cette approche industrielle crée une interactivité entre les organisations Elle se matérialise par l'apparition de flux entre des organisations qui, jusqu'alors, n'avaient pas eu à fonder leurs relations d'échange et de travail sur la réalité quotidienne des transferts de produits. L'interaction systématique d'un pays doté d'une force de vente locale et visant des objectifs commerciaux qui lui sont propres avec des usines spécialisées disséminées dans le monde entier, génère un besoin de coordination des flux auquel les organisations logistiques telles qu'elles existent ne peuvent faire face. Les phénomènes de dégradation de la performance logistique du système ainsi créé, donnent une mesure de l'inaptitude de l'organisation éclatée existante à faire face à cette nouvelle réalité.
en % | 92 S1 | 92 S2 | 93 S1 | 93 S2 | 94 S1 | 94 S2 | 95 S1 | 95 S2 | 96 S1 | 96 S2 |
Pays1 | 25 | 27 | 32 | 42 | 47 | 52 | 54 | 47 | 36 | 44 |
Pays2 | 20 | 14 | 24 | 27 | 34 | 24 | 20 | 24 | 19 | 13 |
Pays3 | 50 | 41 | 38 | 21 | 9 | 10 | 6 | 4 | 1 | 2 |
Pays4 | 2 | 2 | 3 | 3 | 7 | 5 | 8 | 13 | 17 | |
Pays5 | 13 | 2 | 5 | 7 | 7 | 6 | 15 | 23 | 23 | |
Pays6 | 9 | 2 | 4 | |||||||
Pays7 | 5 | 3 | 2 | 2 | ||||||
Pays8 | 4 | 1 |
Tableau 9: évolution des origines des productions des chaussures Reebok
Il est saisissant de voir comment le système de production évolue rapidement d'une année sur l'autre, voire d'un semestre sur l'autre. Des pays comme les pays 4 et 5 sont des pays en pleine croissance en matière de production alors que les pays comme les pays 2 ou 3 sont des pays en décroissance. Les sites de production sont devenus mobiles avec une vitesse de déplacement d'un pays à l'autre qui se mesure en quelques semestres.
Cet impact de la mondialisation sur l'approche industrielle génère le premier mouvement de déstabilisation de la logistique que nous appelons déstabilisation par l'amont et que nous étudierons plus en détail dans le chapitre 4.
4.2.2 Déstabilisation des systèmes logistiques par l'aval
A ces premières raisons issues de l'observation du cas Thomson Multimédia, nous verrons dans l'étude du chapitre 5 que la prise en compte croissante de la logistique par les canaux de distribution eux-mêmes fournit une raison supplémentaire à la déstabilisation aval de la logistique.
**
*
Partie II: LES DÉSTABILISATIONS DE LA LOGISTIQUE CONTEMPORAINE
CHAPITRE 4: DÉSTABILISATION DES LOGISTIQUES PAR L'AMONT: TRANSFORMATION DE L'ORGANISATION DES RÉSEAUX INDUSTRIELS
1. INTRODUCTION
Si en 1990, une large partie des responsables logistiques aux États-Unis pensait que la mondialisation des opérations de distribution était difficile, la plupart d'entre eux s'attendaient paradoxalement à une centralisation des unités de fabrication, c'est-à-dire, à moins d'usines fabricant pour des zones géographiques plus étendues, nationales ou internationales et non plus locales (Zinn, Grosse, 1990). Cette concentration des unités de production, prise de manière indépendante, engendre mécaniquement des besoins de mondialisation également en matière de distribution. Cette contradiction traduit selon l'analyse qui en a été faite la nonpréparation des firmes multinationales américaines à une extension de la problématique logistique, en 1990. Si, à ce phénomène de concentration des unités de production, on conjugue celui de leur spécialisation et de leur délocalisation, la logistique se trouve dans une conjoncture de déséquilibre marqué qui nécessitera de trouver un nouveau modèle pour fournir aux flux un cadre plus adapté à leur circulation efficiente.
Quatre stratégies industrielles majeures peuvent être identifiées quant à leurs impacts sur la reconception d'un modèle logistique. Ce sont les stratégies de délocalisation des productions, de recherche de différenciation retardée, de spécialisation des unités de production et de juste-à-temps (cf. tableau 10).
Objectif principal | Conséquences | Impacts logistiques | |
Délocalisation des Productions | Gain sur le coût de la maind’œuvre ou sur la fiscalité | Séparation géographique des zones de production et des zones principales de consommation | Circulation de flux plus complexe entre l’unité de production et le centre de consommation |
Différenciation retardée | Élément de solution pour concilier les impératifs de productivité et de flexibilité | Transformation physique du produit en dehors des usines | Aptitude des sites et des moyens logistiques (entrepôts, dépôts, secteurs de transport) à réaliser des opérations de production |
Juste-à-Temps | Réponse au plus vite à la demande avec une production tirée par l’aval | Limitation des stocks et réactivité | Substitution de la circulation d’information aux stocks Substitution des capacités de transport aux stocks |
Spécialisation des unités de production | Économie d’échelle Gain de productivité | Séparation croissante entre la zone géographique de production et la zone géographique de consommation | Circulation accrue des sites de production vers les zones de consommation pour recomposer les gammes |
Tableau 10: stratégies industrielles et conséquences logistiques
2. SPÉCIALISATION DES UNITÉS DE PRODUCTION:
CONCENTRATION DES PRODUCTIONS ET RECONSTITUTION DES GAMMES
2.1 Spécialisation des unités de production et effet induit sur la logistique: la reconstitution locale des gammes
2.1.1 Stratégie industrielle: une tendance à la spécialisation des unités de production
Dans les travaux menés en matière de stratégie industrielle, s'est posé depuis le début des années 1980, le problème d'une recherche simultanée de la réconciliation entre flexibilité et productivité. Les usines sont sollicitées par un marketing très créatif qui conduit à une hyper-segmentation des marchés et donc à des réponses de plus en plus personnalisées en matière de produit. Les conséquences industrielles se traduisent par une multiplication des références à produire et à une augmentation du changement des séries de fabrication. La compatibilité n'est pas alors évidente avec le maintien d'une bonne productivité indispensable à l'obtention d'un prix de revient industriel supportable. La réconciliation entre productivité, nécessaire à la performance industrielle, et flexibilité engendrée par les contraintes du marketing a débouché sur quelques tendances lourdes dont la spécialisation des unités de production (Tarondeau, Jouffroy, 1992).
Cette centralisation des productions sur un nombre de sites limités est considérée comme une tendance lourde industrielle au début des années 1990. La centralisation des productions, y compris au niveau mondial est susceptible d'apporter de substantielles économies au producteur (Lee, 1986). Les économies qui sont ainsi recherchées portent essentiellement sur:
- des économies d'échelle,
- des effets d'expérience sur les productions.
" The top performing German companies, our survey revealed, have a similar approach; They use only one location per product or product group (as opposed to two to four for less successful firms) with one key objectives: transparency over the complete material and information flow of a product from development to assembly."
Ainsi sur un panel de 68 entreprises américaines participant à une enquête sur leurs activités en Amérique Latine (Zinn, Grosse, 1990), on peut noter les tendances qui étaient attendues sur les cinq années à venir (cf. tableau 11).
Aujourd'hui (1990) | Dans 5 ans (1995) | |
Chaque usine fabrique un ou plusieurs produits ou composants pour approvisionner la totalité du marché d'Amérique Latine | 18% | 21% |
La production est centralisée pour quelques produits tandis que pour les autres la production est régionale ou locale | 24% | 37% |
Les produits sont fabriqués principalement dans des usines desservant des marchés locaux | 57% | 41% |
Tableau 11: tendances sur l'évolution de la couverture géographique des usines aux États-Unis
On constate à la lecture de ce tableau la vision prospective de 1990 sur cet échantillon qui envisageait une nette diminution des productions à des niveaux locaux au profit de productions à caractère partiellement ou plus totalement centralisé.
Cette première étude est confirmée par un travail mené au Royaume-Uni par Taylor et Probert (Taylor, Probert, 1993)145 à partir d'un questionnaire renseigné auprès de 52 entreprises.
" The development of the Single Economic Market is seen as creating the opportunity for both rationalization of plants locations within a European context and for individual plants to specialize in a restricted range of products in order to gain from economies of scale and thereby benefit from the enlarged European market."
Cette spécialisation des unités de production a deux conséquences principales en matière de logistique. La première concerne la nécessaire recomposition des gammes proposées sur chacun des marchés locaux. Les produits commercialisés dans un pays ne peuvent plus provenir des seules usines implantées dans ce pays. Selon le principe de spécialisation des unités de production, un produit n'a pour vocation d'être fabriqué que dans un nombre limité d'usines (une ou deux) au niveau d'un ensemble de pays, d'un continent ou du monde. Par conséquent, le caractère non polyvalent des productions affectées à une usine locale implique un acheminement des produits nécessaires au commerce local en provenance d'autres usines. Nous détaillerons cette première conséquence dans le paragraphe suivant (2.1.2) de ce chapitre. La seconde conséquence est la conservation d'une aptitude des entreprises ayant globalisé leurs productions à continuer à s'adapter aux particularités des marchés locaux. L'une des solutions choisies consiste à adapter localement les produits en aval des usines sur des sites logistiques basés au sein des marchés locaux. C'est le principe du post-manufacturing que nous détaillerons dans ce chapitre au paragraphe 4.
145Taylor D.H., Probert S., (1993), "European logistics systems employed by UK manufacturing companies", International Journal of Physical Distribution & Logistics Management, Vol 23, n°2, pp 37-47. 146Cooper J.C., Browne M., Peters M., (1993), European Logistics: markets management and strategy, Blackwell, Oxford.
2.1.2 Effet logistique induit de la spécialisation: la reconstitution des gammes
- soit une distribution à partir d'un site d'entreposage central pays délivrant les clients dece pays,
- soit une distribution à partir d'un réseau de dépôts locaux pays, approvisionnés parune usine pays, et servant ensuite le marché.
Les transferts entre usines de pays différents ou les approvisionnements d'un dépôt à partir de plusieurs dépôts d'usines internationales sont donc inexistants ou limités. Un réseau type est représenté sur le schéma théorique 18. L'Europe dispose ici de quatre usines et ce sont quatre familles de produits qui sont commercialisées. Chaque usine produit l'ensemble de la gamme et dessert son marché local, sans instaurer de transfert avec les usines ou les dépôts des autres pays.
A contrario, dans le cas d'une spécialisation d'unités de production, la logistique doit traiter deux niveaux de flux:
- un niveau de flux d'approvisionnement de structures locales de distribution qui ontpour vocation de reconstituer la gamme;
- un niveau de flux locaux de distribution à partir des structures d'entreposage local.
Schéma 18: usines polyvalentes à vocation régionale, fabricant l'ensemble de la gamme
Schéma 19: usines spécialisées à vocation internationale fabricant chacune une famille de références
zone économique intégrée, le passage des frontières ne présente que des difficultés mineures. Le problème prend un tout autre aspect de complexité lorsque la stratégie de spécialisation des unités de production se pense au niveau mondial avec des usines implantées sur plusieurs continents. C'est le cas de la phase 2 du développement de la logistique de Thomson Multimédia que nous avons vue au chapitre précédent.
Les difficultés qui apparaissent sont nombreuses et réclament inévitablement des adaptations structurelles et organisationnelles. Soulevons, seulement ici deux questions qui amènent à repenser l'organisation logistique autrement que comme la simple juxtaposition des logistiques locales:
- la possession des stocks. Si, dans le cas de notre exemple théorique, l'Allemagne aproduit de grande quantité de B, compte tenu de prévisions optimistes de la France, et que finalement, la France, ne vend pas les quantités prévues, le stock industriel de produits finis non encore affecté à un pays et situé en Allemagne sera-t-il imputé à la filiale France qui avait exprimé un besoin commercial ou à la filiale Allemagne qui a rempli une obligation industrielle sur un besoin commercial qu'elle n'avait pas directement?
- en cas de rupture sur le produit B, comment arbitrera-t-on la gestion de la pénurie,entre l'Allemagne, gestionnaire du stock et dont le responsable logistique est hiérarchiquement sous la responsabilité de la filiale allemande et les autres pays?
L'apparition d'un système couplant des dimensions organisationnelles de périmètres géographiquement différents, industriels au niveau mondial et commercial au niveau national, multiplie les besoins d'arbitrage en matière de flux.
2.2.1 Un exemple de spécialisation des unités industrielles à un niveau national: le cas Yoplait
La plupart des entreprises agro-alimentaires françaises ont connu un développement qui s'est opéré à partir d'unités de fabrication locales visant une distribution de leurs produits à l'échelon local. Les entreprises à caractère familial disposaient d'usines qui avaient donc des vocations polyvalentes puisqu'intervenant sur des gammes réduites dans un premier temps. Elles fabriquaient l'ensemble des produits à destination de la zone géographique qu'elles couvraient. Cette implantation locale a été encore plus vraie pour une entreprise comme Yoplait qui a un statut de coopérative agricole. Les implantations se sont faites au milieu des zones de production par l'effet conjugué de l'actionnariat des producteurs locaux et par les spécificités des matières premières. La croissance des entreprises a conduit cependant à couvrir au fur et à mesure un territoire géographique de plus en plus étendu.
Ainsi, au début des années 1970, Yoplait disposait d'un réseau de 22 usines en France. Mais la faible diversité de l'offre conduisait à ne produire que moins d'une quinzaine de références qui étaient donc pratiquement toutes produites dans chacune des usines. Chaque usine fabriquait l'ensemble de la gamme constituée donc d'un nombre très limité de références. Mais dès cette époque la tendance a été à la diminution régulière du nombre des unités de production. A contrario, dans le même temps, la demande s'est accrue significativement et sous la pression de la concurrence et des besoins du marché, il y a eu nécessité de multiplier le nombre de références proposées. Le graphique 5 illustre ainsi plusieurs tendances en matière industrielle et commerciale:
- la croissance du nombre de références. Elles passent de quelques unités (moins de 15,au début des années 1970) à près de 300 en 1995;
- l'augmentation simultanée du nombre des références produites par chacun des sites.Ainsi, en moyenne, les sites fabriquaient-ils au début des années 1970, une quinzaine de références pour plus de 70 aujourd'hui.
Cette dernière évolution du nombre de références produites par site, pourrait laisser penser, en première approche, que les usines se sont diversifiées. Certes, du point de vue industriel, elles ont élargi le nombre de références produites, mais en se spécialisant en réalité sur une famille de produits particuliers. Ainsi est-il possible d'observer que la proportion des produits fabriqués sur plusieurs sites a tendance à diminuer au cours du temps.
1973 1995
0 25 50 75 100 125 150 175 200 225 250 275 300
Nb de références
Graphique 5: diminution des unités de production et augmentation du nombre de références par site chez Yoplait
Pour accompagner ce phénomène de spécialisation des unités de production au niveau européen, Yoplait a fait évoluer le design de son système de distribution. D'une structure de 100 dépôts de petite taille à vocation régionale dans les années 1975, elle est passée à un réseau de 5 plates-formes de grande dimension qui ont pour vocation de consolider les références en provenance des différentes usines afin de préparer des commandes consolidées complètes pour leurs clients, essentiellement issus de la grande distribution. Nous détaillerons dans le chapitre 5 les principales formes du réseau logistique aval et les raisons qui ont conduit Yoplait à passer de l'un à l'autre.
2.2.2 Spécialisation des unités de production et flux import à un niveau continental: le cas Michelin
Complémentairement au cas Yoplait, Michelin permet d'évaluer à l'échelle de plusieurs pays européens dotés des moyens de production, les conséquences de la spécialisation des unités de production en termes de flux d'échange entre pays. Ces flux croisés permettent de reconstituer localement l'assortiment de produits nécessaires à la vente. Il est clair que l'intégralité de ces flux importés n'est pas seulement imputable à la spécialisation des unités de production. Ils sont également associés au déséquilibre structurel qui existe entre les localisations nationales des unités de production et les demandes nationales de consommation. Cependant, si on circonscrit l'analyse aux seuls flux européens, on notera qu'en terme de capacité (mesurée en tonnage dans l'industrie du pneumatique), mise à part l'Italie, tous les pays pourraient être considérés comme pratiquement autosuffisants. Le tableau 12 donne le coefficient d'autosuffisance des pays producteurs européens. Ce coefficient représente pour un pays donné, le ratio entre la capacité totale mise à la disposition du marché européen par ce pays, calculée par la somme des produits vendus en provenance de ce pays dans l'ensemble des pays européens et la consommation du pays.
Pays | France | Royaume- Uni | Espagne | Italie | Allemagne |
Coefficient d'autosuffisance | 1,09 | 0,93 | 1,11 | 0,77 | 1 |
Tableau 12: coefficient d'autosuffisance des pays producteurs européens
Pays | France | Royaume-Uni | Espagne | Italie | Allemagne |
Tonnage "importé" | 36% | 47% | 43% | 61% | 53% |
Tableau 13: flux imports européens toute catégorie de produits (Flux 1994)
Globalement, ce sont 45% du tonnage vendu en Europe qui sont issus d'un flux import, c'est-à-dire que 45% du tonnage vendu dans un pays sont en moyenne issus d'un autre pays. Les proportions, toutes catégories confondues, peuvent être significativement différentes des proportions pour une catégorie de produits en particulier. Ainsi, pour les pneus tourisme dans le domaine du remplacement, les proportions des produits importés sont les suivants:
- 67% du tonnage pour le Royaume-Uni,
- 48% du tonnage pour l'Espagne,- 40% du tonnage pour l'Allemagne.
Pour donner une illustration concrète du schéma 19 que nous avons vu au paragraphe 2.1.2, et des flux croisés qui s'opèrent entre pays disposant d'unités de production spécialisées, il a été possible de construire, en pourcentage, les origines par pays des flux pour un pays donné. Le tableau 14 fait ainsi apparaître le poids relatif des approvisionnements interne à un pays et des approvisionnements en flux importés.
Origines Destinations | France | Allemagne | Espagne | Italie | Royaume- Uni | Total |
France | 64% | 11% | 9% | 9% | 7% | 100% |
Allemagne | 28% | 48% | 8% | 8% | 8% | 100% |
Espagne | 22% | 9% | 57% | 7% | 5% | 100% |
Italie | 31% | 11% | 9% | 39% | 10% | 100% |
Royaume-Uni | 23% | 10% | 8% | 5% | 54% | 100% |
Tableau 14: flux d'importation en Europe pour Michelin
Chaque pays auto-produit entre un peu plus du tiers (l'Italie) et un peu moins des deux tiers (la France) de ses besoins. Le complément lui provient majoritairement de la France et de l'Allemagne et dans des proportions voisines de l'Italie, de l'Espagne et du Royaume-Uni.
3. DÉLOCALISATION DES UNITÉS DE PRODUCTION ET RECONFIGURATION DES SYSTÈMES D'APPROVISIONNEMENT
Nous avons évoqué le phénomène de délocalisation dans le chapitre 3 consacré à notre réflexion sur la mondialisation. Nous ne chercherons pas à rentrer dans ce chapitre dans des considérations qui expliquent, quantifient, relativisent ou projettent dans le futur les effets de la délocalisation. Nous chercherons simplement à en rappeler les principales caractéristiques et à en illustrer sur un exemple les effets logistiques quantifiés sur une entreprise, Essilor.
3.1 Les incitations à la délocalisation
Le phénomène de délocalisation et ses effets économiques en France ont été étudiés dans un rapport du sénateur Arthuis (Arthuis, 1993). Le coût du travail est la variable prépondérante qui explique la délocalisation. Cependant, ce n'est pas la seule. Le rapprochement géographique d'une zone économique en pleine expansion en Asie, peut justifier certaines délocalisations dans des pays du sud-est asiatique (Vimont, 1993).
Plus un produit avance dans sa phase de maturité, plus il a tendance à se banaliser et à focaliser le débat concurrentiel sur la composante prix de son mix-marketing. Les produits touchés ne sont plus les seuls produits manufacturés. Le développement informatique ou la production administrative (saisie) sont également concernés par des délocalisations dans des pays tels que l'Inde ou les Philippines pour des raisons de coûts. Aux Philippines et en Inde, le salaire brut mensuel est de 2000 à 2500 FF, à la Barbade aux Caraïbes, de 4000 à 5000 FF et en France pour un technicien, non cadre, de 10000 à 12000 FF, (DATAR, 1992).
L'un des critères attractifs est la flexibilité de la main d'oeuvre qui est plus facilement mobilisable ou démobilisable que dans les pays industrialisés.
"La différence des coûts de salaire entre Mulhouse et Hangzhou, dans le sud de la Chine, n'est que de 10%. Cette différence n'est pas suffisante pour justifier notre installation en Chine. Mais nous ouvrons tout de même l'usine à Hangzhou, car là-bas, nous pouvons décider d'arrêter la production pendant une semaine en prévenant trois jours avant, sans avoir à nous battre avec les syndicats" (Charlier, 1993).
Nombreux sont les pays qui ont cherché à favoriser l'arrivée sur le sol de production délocalisée. Les incitations sont de trois natures:
- une tarification douanière privilégiée,
- des dispositions juridiques facilitant les transferts financiers,- des dispositions fiscales favorables.
Enfin, les dérégulations des transports et des télécommunications offrent un cadre privilégié à l'instauration d'implantations de production en dehors des territoires nationaux d'origine.
3.2 Les flux de repositionnement à la consommation après délocalisation: le cas Essilor
3.2.1 Mise en place d'une stratégie industrielle de délocalisation des productions chez Essilor
3.2.2 Effet logistique induit: repositionnement des produits sur les zones de consommation
Pour Essilor, cette stratégie de délocalisation pour chercher une diminution du prix de revient industriel de ses produits a eu un corollaire: la nécessité de repositionner les produits des zones de production vers les zones de consommation effective. Le cas des productions des usines de la zone Asie est de ce point de vue particulièrement symptômatique. Les échanges intercontinentaux qui découlent de cette délocalisation ont représenté en 1995 près de 29 millions de pièces (verres, verres de contact ). Le rôle joué par les usines asiatiques d'Essilor, est particulièrement intense. Alors que les marchés sont potentiellement favorables, mais encore aujourd'hui relativement faibles, ce sont près de 16 millions de pièces qui sont envoyés de l'Asie vers les marchés européens et près de 8 millions de pièces vers les marchés américains (cf. schéma 20). A contrario, les marchés asiatiques reçoivent de l'Europe moins de 0,9 millions de pièces et d'Amérique 1,1 million. Ce sont ainsi 24 millions de pièces qui sont sorties
Mp= Million de pièces
Echanges intercontinentaux: 29 Mp en 1995
Schéma 20: flux intercontinentaux de produits chez Essilor
de l'Asie vers le reste du monde, pour moins de 2 millions de pièces reçues, soit 12 fois moins.
Schéma 21: organisation physique de la logistique import d'Essilor en Europe
4. PRÉ ET POST MANUFACTURING: UNE NOUVELLE RÉPARTITION
DE LA VALEUR AJOUTÉE SUR LA CHAÎNE LOGISTIQUE
4.1 Le pré et le post-manufacturing : définitions et exemples
Le P-Manufacturing est un concept d’industrialisation d’un produit qui touche, en principe, tous les secteurs d’activités. On y a recours tant dans le domaine des produits de grande consommation alimentaire, par exemple par la réalisation dans un entrepôt d’offre promotionnelle associant un produit et un échantillon, que dans le domaine du pneumatique par le montage pneu-jante, le gonflage et l’équilibrage des pneus le tout réalisé avant livraison en bord de chaîne de fabrication par le transporteur d’un manufacturier.
Quel que soit le produit concerné, le P-Manufacturing se définit comme une activité de production réalisée en dehors des sites d’usine, en amont (pré-manufacturing) ou en aval (post-manufacturing) et au cours de laquelle une valeur ajoutée, au sens d’utilité ou de valeur ajoutée attendue par le client, est apportée à un produit (Bucklin, 1965). Il porte donc sur une diffusion spatiale de la valeur ajoutée en dehors des usines par éclatement d’une partie des opérations constitutives de la valeur ajoutée sur des sites soit en amont, soit en aval des usines et dont la fonction principale initiale n’est pas une fonction de production (Lambert, Stock 1993). Ces sites peuvent être des entrepôts, des plates-formes de transit, des sites commerciaux ou d’après-vente, des vecteurs de transport, voire les installations mêmes du client destinataire du produit. Par conséquent, la mise en oeuvre du P-manufacturing a un impact direct sur les flux physiques de l'entreprise et sur l'utilisation qui est faite des infrastructures logistiques.
- le cas de la recherche d’une différenciation au plus tard du produit. C’est le cas leplus fréquent. Cette transformation peut porter soit sur le produit directement, soit sur l’offre commerciale qui en est faite (promotion);
- le cas du traitement des flux de retour du marché pour des produits ou des piècesusagés et qui nécessitent diagnostic et réparation;
- le cas d’une simplification du process de fabrication par la recherche le plus souventd’une standardisation de modules en amont des usines.
Chacune de ces situations types peut être illustrée par des exemples précis.
4.1.1 Différenciation des produits
Prenons quatre exemples dans les secteurs de l’informatique, de l’optique corrective, de l’automobile-moto et de l’industrie cosmétique.
Compaq, constructeur de micro-ordinateurs, vend ses produits par le biais de sa filiale française Compaq France. La distribution physique des produits était opérée à partir d’un dépôt central situé à Marne-la-Vallée. Le stock comprenait environ 200 références actives pour les ventes centrales et 2000 pour les équipements. Les produits fabriqués ou approvisionnés à une échelle mondiale, étaient livrés sous une forme standard à l’entrepôt français. Bien évidemment tout un ensemble d’opérations d’adaptation et de préparation est à faire sur les matériels réceptionnés pour les adapter aux normes du pays et aux besoins du client. L’adaptation aux normes du pays implique un process de post-manufacturing à partir des produits reçus. Ce sont les opérations dites de “countryfication” qui sont réalisées dans un site d’entreposage. Elles comprennent l’ajout de :
- la notice d’utilisation en français,
- le clavier AZERTY,
- le cordon d’alimentation 220 V/50 Hz,
- les documents relatifs aux particularités commerciales ou promotionnelles.
Epson, leader mondial sur le marché de l’imprimante, fait de même en France. Un volume quotidien d’environ 70 palettes/jour soit 5000 produits, est réceptionné. Le référencement est changé sur le carton d’emballage, l’alimentation est adaptée et la disquette d’installation et de démonstration introduite.
Dans ces deux cas, les industriels ont recours à des prestataires logistiques qui réalisent les opérations dans un entrepôt.
Sur le marché de l’optique corrective, toutes corrections, toutes teintes et toutes matières confondues on arrive à plus de 230000 milliards de combinaisons possibles. La fabrication de l’ensemble de la gamme sur prévision et donc son stockage n’est pas envisageable. Si certains verres courants sont fabriqués sous leur forme définitive de produits finis dans les usines, un process de post-manufacturing a été retenu pour répondre à la très grande diversité des autres attentes (cf. schéma 22).
polymères
Schéma 22: processus post-Manufacturing du verre optique
En usine, un verre semi-fini est fabriqué par usinage ou moulage de la face concave. Dans chaque agence commerciale un stock de ces produits semi-finis est constitué. Selon les prescriptions de l’opticien, la seconde face est usinée puis des traitements éventuels de surface sont réalisés avant livraison au client par un petit atelier intégré aux sites commerciaux et d’entreposage que représentent les agences.
L’activité commerciale et promotionnelle pour les produits de grande consommation est devenue d’une grande intensité. Si certaines opérations impliquent une fabrication spécifique en usine (exemple des promotions “girafe”, c’est-à-dire d’un flacon du produit standard adapté pour proposer x % de produit gratuit en plus) une partie d’entre elles se constituent après la fabrication. C’est le cas des "3 pour le prix de 2", des assortiments spéciaux, des ajouts d’échantillon, où le produit n’est pas transformé à proprement parler. Il sert plutôt de composant principal à un assemblage réduit qui constitue la promotion. Ces opérations ne sont pas traitées par les usines car elles sont ponctuelles souvent dédiées à un distributeur et elles portent sur des quantités qu’il est difficile de déterminer à l’avance. Dans la plupart des cas elles sont réalisées dans les entrepôts qui stockent les produits finis et qui se sont équipés de chaîne de dépalettisation, d’emballage-assemblage et de repalettisation.
4.1.2 Le traitement des flux de retour
Prenons l’exemple du pneumatique poids lourd. Ces pneus sont susceptibles d’être rechapés une à deux fois dans la mesure où leur état général le permet. Avant d’acheminer le pneu vers une usine de rechapage, il est cependant envisageable d’opérer en entrepôt avec quelques moyens de tests et d’intervention sur la gomme et sur l’armature, un diagnostic sur l’état réel du pneumatique. Si le diagnostic révèle un caractère trop dégradé du pneu, une destruction locale peut être opérée. Ce pré-manufacturing s'avère d’autant plus indispensable que le rechapage est nominatif. Le pneu ne donne pas lieu à un échange standard. Le pneu reste la propriété de son utilisateur et lui est nominativement rattaché durant l’opération de rechapage et de remise à disposition. Si le diagnostic est fait en usine et se révèle négatif le propriétaire du pneu est susceptible de réclamer sa restitution. Le rechapeur doit supporter alors non seulement le coût d’acheminement vers son usine mais également celui de réacheminement de l’usine vers le propriétaire du pneumatique.
4.1.3 La simplification du process de fabrication et la valorisation d’une rupture
de charge
Rockwell (Pas de Calais) |
Fibrit (Loiret) Fabrication du système Fabrication de lève-vitre panneaux de porte Schéma 23: schéma d’un flux pré-manufacturing pour une usine automobile Cet exemple cité et analysé par Reppert (Reppert, 1995)met en évidence les objectifs visés par le constructeur automobile: " un constructeur a simplifié et accéléré l'assemblage de son modèle de haut de gamme en réduisant considérablement le nombre de variantes de caisse (dans un rapport de 1 à 10); l'assemblage comporte dix modules assemblés par des sous-traitants ( ) L'analyse présente les conditions d'environnement et de concurrence à l'intérieur de laquelle les démarches de reconfiguration de chaîne de valeur prennent toute leur signification." 4.2 Place du P-Manufacturing dans les approches industrielles 4.2.1 Focalisation - standardisation La recherche de productivité s’appuie principalement sur le constat que la diversité et le foisonnement des productions sont contraires à l’amélioration même de la productivité (Abernathy, 1978). Changement d’outillage, réglage, perte matière sur les premières fabrications, diminution des tailles des lots sont autant de facteurs générés par la diversité et qui dégradent le ratio de productivité. Son maintien et son amélioration passent le plus souvent par le souci constant d’une plus grande homogénéisation des ressources et des opérations du process. Cette recherche est favorisée par une uniformisation des composants qui entrent dans la composition des nomenclatures. Cette uniformité relative, quand elle est atteinte, conduit à une répétition plus grande des opérations et donc à une certaine massification des flux de production dont découlent l’effet d’expérience et les économies d’échelle. L’homogénéité recherchée n’est bien évidemment pas la même selon les phases du process. Pour en tirer le meilleur parti, les industriels ont été amenés à segmenter leurs opérations. Ainsi faut-il à la fois veiller à la focalisation des activités de production autour de préoccupations homogènes dominantes (Skinner, 1974) et à la standardisation des composants. Schéma 24: nomenclature directe et nomenclature inverse C’est la nomenclature inverse qui illustre comment une diversité finale peut s’obtenir à partir d’une homogénéité initiale. Ainsi à partir de ressources potentielles prises dans des ensembles à grande hétérogénéité, la première étape d’un processus industriel est donc de réduire cette diversité sur les composants, par l’approvisionnement de modules, éventuellement différents, mais présentant la même similitude de montage. Cette étape de “standardisation avancée” permet de passer le plus rapidement possible au stade de standardisation des composants et d’uniformité du process (cf. schéma 25). Elle a donc pour vocation de se dérouler en amont des usines et explique en partie le recours à un pré-manufacturing. Dans un deuxième temps c’est en ayant recours à la propriété de diversité croissante au cours de la transformation d’un composant central qu’est développé le principe de différenciation retardée. Il est susceptible de générer quant à lui des activités de post-manufacturing. 4.2.2 Différenciation retardée et P-Manufacturing Le concept de postponement (différenciation retardée) a été présenté explicitement il y a une cinquantaine d’années (Alderson, 1950). On remarque alors que les produits tendent à se différencier lorsqu’ils se rapprochent du point de pénétration de la commande qui est le point du flux où les produits sont associés à une commande client. Ainsi, plus le produit progresse le long de la chaîne qu’il parcourt pour augmenter sa valeur ajoutée plus il a tendance à se différencier. Ce concept peut être défini comme un process au cours duquel un ensemble de produits chemine le long d’une chaîne de fabrication qui reste commune à tous, aussi longtemps que possible. La différenciation retardée Plusieurs domaines sont proposés pour introduire la différenciation retardée dans un produit (Tarondeau, 1993) : - le domaine de l’utilisateur. Les produits sortent à l’identique des usines mais sontadaptés physiquement à leur besoin par les utilisateurs eux-mêmes (meubles en kit, chaussures thermo-moulantes ); - le domaine perceptuel. Les produits sont fabriqués à l’identique mais la publicité, lapromotion ou la politique de prix les positionnent différemment selon les segments de marchés; - le domaine de la distribution. Les produits sortent identiques de l’usine et ils sontdifférenciés dans le canal de distribution (entrepôt, moyens de transport, points de vente); - le domaine de la production. Les produits sont alors différenciés dans l’usine même,mais plus ou moins tôt dans le process de fabrication. Dès lors, du point de vue logistique, la différenciation retardée peut apparaître à quatre stades différents du processus physique de fabrication du produit (Coopers, 1993): - dans l'usine même mais en toute fin du chaîne de fabrication, appelée par Coopers,production associée, - dans l'entrepôt central, appelée différenciation retardée unicentrique,- dans l'entrepôt local en entrée, appelée assemblage différée, - dans l'entrepôt local en sortie, appelé emballage différé. Lorsqu’une différenciation au niveau de la distribution est mise en oeuvre, c'est-à-dire selon l'approche de Cooper au niveau d'un entrepôt central ou local, il y a relocalisation d’opérations de transformation du produit dans les sites de distribution. C’est un cas de post-manufacturing. Il présente deux avantages en terme logistique : - il apporte une plus grande stabilité des flux en amont du fait d’aléas moindre sur lesmodules communs standardisés, fabriqués en faible diversité, que sur les références finales. Schéma 26: différenciation et taille des séries 4.2.3 Typologie des activités de P-Manufacturing Les quelques exemples précédents montrent qu’il existe des natures de P-Manufacturing très différentes. D’une opération d’usinage d’une surface complexe dans le cas du verre optique au collage d’une étiquette promotionnelle sur un emballage de produit de grande consommation, le process mis en oeuvre et donc l’impact sur l’organisation d’un dépôt n’ont rien de commun. Dans un cas il faudra consentir à créer un véritable espace de production permanent avec des machines et y affecter les compétences humaines nécessaires à leur bon fonctionnement. Dans l’autre, au gré d’une préparation de commande avec du personnel d’entrepôt et avec des moyens de production réduits, les opérations pourront être réalisées. On constate que plusieurs natures d’opérations existent. Les prestataires dans un souci d’optimisation de leurs infrastructures ont aujourd’hui tendance à spécialiser leurs unités sur un type de modèle ou sur un autre. Deux critères conduisent à l’identification de formes différentes d’intervention. L’un concerne le produit, et l’autre le process : - un critère d’intensité de la différenciation apportée au produit, - un critère de complexité du process à mettre en oeuvre. Le schéma 27 présente les cinq natures d’activités P-Manufacturing que nous pouvons retenir. Prenons chacun de ces modèles et donnons en les principales caractéristiques. Schéma 27: les différentes formes de P-Manufacturing marketing (étiquette promotionnelle) soit pour répondre à des exigences du client qui souhaite voir les produits qu’il reçoit, codés à ses propres normes. Pour 3M, dans le centre européen de Saint-Ouen-L'Aumône, on distingue le réétiquetage entrée et le réétiquetage sortie. Le nombre total de références gérées est de 60000. Le réétiquetage entrée représente environ 2250 produits et concerne une opération interne à 3M qui permet essentiellement d'identifier les produits et de les rendre conforme aux législations nationales. Il est réalisé après réception et avant entrée en stock pour rendre ces produits provenant à 75% des usines américaines, immédiatement disponibles à la vente. Le réétiquetage sortie concerne environ 1000 produits. C'est un réétiquetage exclusivement opéré à la demande de clients. Il est réalisé après la sortie de stock et avant l'expédition. Les opérations type "complément/échange" réclament par rapport aux précédentes une ouverture du packaging du produit pour pouvoir compléter ou échanger des parties périphériques au produit. Ces opérations ne nécessitent pas en général de démontage ou de montage. Elles concernent donc une partie limitée du produit. Elles s’apparentent à une préparation de commande de nature un peu plus complexe. Un approvisionnement de la chaîne doit être réalisé avec les composants nécessaires au complément. Les opérations de contrôle visent à tester le produit avant qu’il ne soit expédié chez le client ou une fois qu’il en est revenu du fait d’une panne ou d’une usure. Il y a nécessité alors de disposer de matériel plus sophistiqué type banc tests qui ont besoin d’une mise en oeuvre complexe. Cependant le résultat en terme de différenciation est limité et s’exprime souvent sous forme binaire : oui/non, en marche/en panne. Enfin, pour les opérations de fabrication-réparation, le produit subit un véritable process de fabrication avec des opérations d’assemblage, de démontage, de montage de composants ou de sous-ensembles. De véritables ateliers sont alors nécessaires avec une gestion de production qui est susceptible de s’insérer dans celle d’une unité de fabrication proche. Ces types d’activités sont en effet souvent de nature pré-manufacturing. Elles dépendent d’un cycle de fabrication synchrone avec les ateliers d’une unité de fabrication aval qu’elles approvisionnent. Le P-Manufacturing, comme la délocalisation ou la spécialisation des unités de production représente un des éléments représentatifs de l'évolution actuelle des systèmes industriels. Leur application dans une entreprise entraîne des conséquences logistiques telles que les systèmes logistiques ne peuvent pas s'adapter marginalement. Des évolutions de fond sont nécessaires pour intégrer les flux de repositionnement des produits et de recomposition des gammes, pour tenir compte des flux imports ou pour adapter les infrastructures d'entreposage à de véritables opérations de production. ** CHAPITRE 5: DÉSTABILISATION DES LOGISTIQUES PAR L'AVAL: LA LOGISTIQUE DANS LES STRATÉGIES DISTRIBUTEURS 1. INTRODUCTION L'action marketing et commerciale sur le produit amène une caractérisation différente des produits et des gammes qui ne sont pas sans impacts sur l'approche logistique dans l'entreprise. Le tableau 15 synthétise ces différentes tendances: réduction de la durée de vie des produits, élargissement des gammes et vente croissante de fonctionnalité. Il présente également succinctement les principaux impacts sur la logistique. Cependant, dans le mix marketing, le circuit de distribution apparaît aujourd'hui jouer un rôle particulièrement net dans la remise en cause permanente des choix logistiques. La prise en compte croissante de la logistique par les distributeurs des produits de grande diffusion, leur immixtion avec des ressources propres dans le circuit physique de mise à disposition des produits aux clients et le recours à la logistique dans les étapes de la négociation achat donne un rôle particulièrement déstabilisateur pour les circuits logistiques des producteurs. Nous envisagerons dans ce chapitre le rôle des distributeurs dans la remise en cause des circuits logistiques des producteurs principalement dans le domaine des produits de grande consommation et plus particulièrement dans le circuit de la grande distribution. Dans un premier temps nous observerons comment le secteur de la grande distribution s'est structuré et quels recours les distributeurs font aux infrastructures logistiques. Dans un deuxième temps nous verrons comment deux canaux de distribution ont été amenés à restructurer leur approche logistique.
Tableau 15: évolutions produit et conséquences logistiques Le premier de ces exemples concerne Metro, spécialiste du cash and carry, et le second, le réseau de distribution intégré de Michelin, Euromaster. Nous verrons en particulier l'impact d'une intégration de la logistique par les canaux de distribution sur le phénomène de sell-in/sell-out. Dans une troisième phase, nous étudierons comment, pour un industriel, Yoplait, l'environnement logistique structuré par son circuit commercial, s'est modifié. Enfin, dans une dernière partie, nous recomposerons les différentes étapes de la reconfiguration de son outil logistique de distribution par Yoplait, et ce, pour pouvoir s'adapter à l'évolution de ses canaux de distribution. 2. LA CROISSANCE DU RÔLE LOGISTIQUE DES CIRCUITS DE DISTRIBUTION DES PRODUITS DE GRANDE DIFFUSION 2.1 La grande distribution: un secteur en phase de maturité Le secteur de la grande distribution est un secteur encore récent. Il s'est Aujourd'hui, la grande distribution en France se caractérise par le mouvement d'intense concentration qu'elle a connue et qu'elle est sur le point de continuer à connaître. Elle a porté essentiellement sur le créneau des hypermarchés et des supermarchés. Les rapprochements les plus récents étant ceux de Auchan et de Docks de France en juillet 1996, de Carrefour qui a pris en décembre 1996 33,34% de la société GMB qui contrôle Cora, après celui de Casino et de Rallye, et de Carrefour et d'Euromarché. La stratégie de développement s'établit de plus en plus dans un contexte international pour la grande distribution, comme nous l'avons vu au sein du chapitre 3.
(Source Panorama/Points de vente, citée par Les Échos 13/02/96 p14) Tableau 16: le parc de magasins en France Le graphique 6 présente les principaux acteurs de la grande distribution française dans leur contexte européen. (Source Dia-Mart 21/10/96) Graphique 6: chiffre d'affaires 1995, en milliards de francs de la distribution européenne Enfin, afin de cerner la réalité de la relation logistique entre distributeurs et producteurs dans le secteur de la grande distribution, le tableau 17 donne le flux de palettes échangées entre un producteur et les différents types de distributeur.
Colloque Diagma/IHEL,"L'amour-haine ou les nouvelles relatons commerce-industrie et leurs traductions logistiques aux USA, UK, Allemagne, France, Pays-Bas", 14 juin 1994, Paris) Tableau 17: consommation moyenne par type de magasins (pour un fournisseur à 1 million de palettes par an, sorties d'usine) 2.2 Prise en compte de la logistique dans les entreprises de grande distribution Dans leur recherche de compétitivité, les distributeurs ont cherché une plus grande intégration des opérations logistiques traditionnellement maîtrisées par les producteurs. La logistique présente en effet pour la distribution une source de productivité considérable. Le compte de résultats type d'un distributeur fait apparaître sous la rubrique des coûts la décomposition moyenne suivante: - 80-85 % de coûts d'achat, - 5-10% de frais généraux,- 15-5% de coûts logistiques. Gareau (Gareau, 1994) a mené une investigation auprès de la grande distribution française, qui révèle en particulier les caractéristiques suivantes pour sa logistique: "- Elle utilise une surface considérable d'entrepôt (environ 2m2 pour 3m2 de surface de vente), - cette structure lui permet de profiter des barèmes quantitatifs proposés par lesfournisseurs, - les volumes traités autorisent des gains de productivité importants, - le magasin peut plus facilement se consacrer à la vente plutôt qu'àl'approvisionnement." En particulier son étude révèle que la grande distribution a construit un outil logistique performant dont la vocation était initialement tournée vers la livraison de ses points de vente et qui, au fur et à mesure, s'est consacré en partie à la gestion des approvisionnements. La grande distribution ne peut pas aujourd'hui ne pas s'interroger sur l'utilisation de l'outil qu'elle a constitué pour mieux négocier encore ses approvisionnements en provenance de ses fournisseurs. Ainsi, en 1994, Gareau concluait son étude en présageant que: "Deux systèmes se trouvent ainsi superposés ouvrant la voie à de nouvelles recherches concernant l'optimisation de l'ensemble du processus de production et de distribution." 2.2.1 Actions promotionnelles et impacts logistiques La promotion est un acte commercial qui est fait pour dynamiser la vente. Elle a pour vocation de proposer à l'acheteur une incitation qui le conduira à déclencher un achat, ou à acheter en plus grande quantité que ce qu'il avait initialement l'intention de faire. Au surcoût généré par un achat anticipatif sur les besoins réels court terme (immobilisation financière, achat de capacité logistique, risques d'obsolescence ), le distributeur met en regard l'économie générée par les conditions meilleures d'achat consenties à titre promotionnel. A un certain horizon, si les produits achetés pour couvrir les ventes génèrent une économie par rapport aux coûts générés par cette anticipation (coût de financement du stock, coûts logistiques ), le distributeur a intérêt à profiter de la promotion en anticipant ses achats à cet horizon. Si nous prenons un cas comme celui de l'Oréal, 60% des produits vendus à la grande distribution par LaScad le sont en promotion. Pour Moët et Chandon sur 20 millions de bouteilles distribuées annuellement, ce sont 4 millions de bouteilles qui font l'objet d'un conditionnement promotionnel dont 3 millions en reprise manuelle pour effectuer des conditionnements à façon. Ainsi, ces produits en promotion ne correspondent pas dans la plupart des cas à des produits de base et ils nécessitent des productions particulières. Enfin, pour Metro, c'est pratiquement la totalité des produits secs qui est achetée aujourd'hui avec des conditions promotionnelles auprès des industriels. La promotion déclenche trois grands types de phénomènes qui impactent directement la logistique: - une prévision plus difficile des besoins réels des produits à vendre. Elle est due à unedéconnexion croissante entre la consommation réelle des marchés (sell-out) et les achats des distributeurs (sell-in); - une multiplication des références et donc une complexité croissante de la gestion desstocks et la multiplication des ruptures comme l'illustre le graphique 7. On constate que chez LaScad sur 6 mois, le pourcentage de chiffre d'affaires concerné par des défaillances, c'est-à-dire des ruptures, oscille mensuellement entre 11% et près de 18%. Graphique 7: pourcentage du chiffre d'affaires de LaScad concerné par des défaillances de stock au premier trimestre 1995 - une multiplication des litiges. Les produits étant plus fréquemment en rupture, lecomportement commercial consiste à substituer le produit défaillant par un produit équivalent disponible. C'est fournir autant de prétexte au distributeur pour déclencher un litige. Le graphique 8 montre ainsi que pour LaScad la répartition des taux de litige avec une enseigne telle que Système U met en avant les erreurs de tarif, fréquemment occasionnées par les promotions et les refus de livraisons dûe à la non-conformité entre les produits commandés et les produits livrés (effet de la substitution en cas de rupture). 1993 1994 1995 Graphique 8: pourcentage des litiges par nature entre LaScad et Système U (en % des commandes) 2.2.2 Le cas de la réduction des réserves magasins et leurs impacts logistiques sur les plates-formes Les distributeurs dans le domaine des produits de grande consommation ont ainsi eu tendance à limiter l'autonomie de leurs magasins dans la commande auprès des fournisseurs. La plupart d'entre eux ont créé des entrepôts distributeurs par lesquels le magasin est obligé de passer pour la plupart de ses approvisionnements. Pour un producteur, dans un passé encore récent, être référencé par une Centrale d'achat ne voulait pas dire que les magasins allaient lui commander les produits. Aujourd'hui le référencement et la livraison sur entrepôt distributeur permettent aux magasins de commander une variété plus grande de produits en moindre quantité à un fournisseur A puisque la livraison s'effectuera via un entrepôt distributeur qui consolidera les produits du fournisseur A avec les produits de plusieurs autres fournisseurs afin de recomposer une taille de livraison économiquement viable. Nous verrons plus en détail dans le paragraphe 4.2.2 de ce chapitre l'utilisation qui est faite de ces platesformes. En particulier, nous pouvons déjà souligner que la stratégie d'ouverture de plateforme logistique de la part des distributeurs ne va pas non plus sans une volonté de diversification et d'internationalisation de leurs sources d'approvisionnement. En effet, en France la livraison de produits sur 200 points de livraison, principalement des entrepôts distributeurs, permet de toucher près de 80% du marché de référence. La recherche de la maîtrise croissante de la chaîne logistique par la grande distribution en France se détecte au travers des surfaces d'entreposage qu'elle gère actuellement en propre ou via des prestataires. Cette maîtrise différente selon les enseignes est illustrée dans le tableau 18. Une partie des distributeurs a mis en place une logistique d'approvisionnement très développée. Ce sont Auchan, Carrefour, Casino, Docks de France, Intermarché, Système U. A contrario, d'autres continuent à privilégier les livraisons en direct. Ce sont Comptoirs Modernes, Cora, Leclerc.
(actualisé au 31/03/95 et adapté du récapitulatif des conférences de la journée d'étude Diagma/IHEL,"L'amour-haine ou les nouvelles relatons commerce-industrie et leurs traductions logistiques aux USA, UK, Allemagne, France, PaysBas", 14 juin 1994, Paris) Tableau 18: outils logistiques maîtrisés par les grandes enseignes 3. MODIFICATIONS DES CANAUX DE DISTRIBUTION ET IMPACTS LOGISTIQUES 3.1 Diversification des concepts de point de vente et conséquences logistiques: le cas Metro 3.1.1 Grandes étapes du développement commercial de Metro Metro a mené un développement commercial qui s'est appuyé sur trois temps majeurs de sa stratégie: - la duplication du concept commercial allemand, - la mise en oeuvre d'un concept commercial plus adapté à la structure de clientèle enFrance, - l'intensification du développement des concepts de magasins de taille plus réduite queceux initialement ouverts. Il faut ajouter à ces trois grandes étapes, celle qui est projetée pour le proche avenir (cf. tableau 19)
Tableau 19: les 4 grandes étapes du développement de Metro en France La première époque (1971-1988) a donc été la période d'implantation menée à partir de l'implantation en France d'un concept commercial et d'un point de vente entièrement dupliqués sur le modèle allemand: même surface, même agencement, même linéaire. C'est l'ouverture des magasins appelés "Tradi" pour traditionnels. Au cours de cette période ce sont huit magasins qui ont été ouverts (5 en région parisienne, un à Bordeaux, un à Lille, un à Marseille). Ces magasins sont régulièrement audités par une cellule de la maison mère pour vérifier qu'ils respectent bien les normes commerciales préétablies. La troisième période (1995-1997) marque la volonté de Metro d'intensifier son maillage du territoire. Pour ce faire un troisième concept de magasin est créé, les "ECO3". Ils peuvent commercialement couvrir des villes moyennes mais sont de taille encore nettement inférieure (cf. tableau 20). Ainsi, le développement de l'entreprise s'opère essentiellement par l'implantation des magasins ECO pour lesquels la logistique initiale n'avait pas été conçue.
Tableau 20: dimensionnement des différents types de magasins Metro La quatrième période est plutôt une projection des évolutions sur l'avenir. Elle tend à concrétiser la couverture nationale de la France par Metro avec l'ensemble des différents concepts de magasins qui a été conçu. Il n'y a donc plus d'apparition de nouveaux concepts de magasins, mais, par contre, il y a une multiplication des implantations. Les changements de stratégie commerciale sont autant de facteurs qui ont déstabilisé la logistique de distribution et d'approvisionnement de Metro. Elle a dû mener parallèlement à la stratégie commerciale une prise de conscience dans le domaine logistique. Il a donc été nécessaire de provoquer une adaptation des modèles logistiques pour accompagner la stratégie commerciale dans des conditions de service et de coûts conformes aux objectifs stratégiques généraux de Metro (service à des professionnels, grossisme, rentabilité de l'entreprise). Ces adaptations se sont automatiquement répercutées sur ses fournisseurs qui, à leur tour, ont dû modifier leurs systèmes logistiques pour s'adapter aux nouvelles contraintes logistiques de Metro. 3.1.2 Les principales phases d'adaptation de la logistique de Metro La première phase couvre la période 1971-1988. Jusqu'en 1987, Metro ne possède pas son propre service logistique. Il n'existe qu'un service import qui gère une plate-forme de dédouanement située à Rungis. La logistique de Metro est en réalité principalement assurée par des structures internationales en Allemagne. En effet pour les marchandises générales (le non-alimentaire qui représente la moitié du chiffre d'affaires), des centrales d'achat ont été créées. Parpool en Suisse, Gemex à Hongkong par exemple gèrent le référencement des produits et leur approvisionnement sur une plate-forme européenne à Rotterdam. En général, ces produits sont poussés vers les magasins par des "ordres à livrer", la préoccupation des centrales d'achat internationales étant de faire mettre en linéaire aussi rapidement que possible les grandes quantités de produits qu'elles ont achetées. Les autres marchandises (essentiellement de l'alimentaire), sont toutes livrées en direct des fournisseurs aux magasins. La pratique est donc essentiellement dans l'alimentaire, la livraison directe. Ce mode de livraison ou le fournisseur prend en charge toute la logistique est parfaitement compatible avec le type de magasins exploités à l'époque, les Tradis. Ce sont de grandes surfaces (en moyenne 17000m2) qui ont suffisamment d'espace pour disposer de réserve et d'une rotation importante de leurs stocks. Ces deux caractéristiques rendent tolérables la livraison directe des fournisseurs en quantité relativement importante.
Tableau 21: adaptation de la logistique Metro aux grandes étapes du développement commercial La seconde phase couvre la période de 1989-1994. Trois facteurs d'évolution de la stratégie commerciale ont conduit à une remise en cause de l'approche logistique de Metro: - la perte de compétitivité sur les prix par rapport à la concurrence, amène Metro à systématiser les achats dits "spéculatifs", c'est-à-dire aux conditions promotionnelles du fournisseur. Mais ces conditions promotionnelles sont limitées sur le temps. Pour en profiter sur une période plus longue, il s'avère nécessaire d'acheter en période promotionnelle et de stocker pour les périodes ultérieures. Il s'avère donc nécessaire de disposer de surface de stockage importante; - l'émergence des nouveaux concepts de magasins qui disposent de surface moindre(8500 à 12000 m2 pour les ECO1, 6000m2 pour les ECO2 et 3000m2 pour les ECO3). La surface moindre de ces magasins rend plus difficile la conservation de surface de réserve et la mise en oeuvre d'un mode d'approvisionnement direct, la rotation des produits dans les magasins étant inférieure à celle des Tradis. Le passage de 70 camions quotidiens pour réapprovisionner les structures de petite taille était inenvisageable et aurait réclamé un personnel en réception sans commune mesure avec le potentiel commercial et la rentabilité de ce type d'implantation; - enfin, la concurrence sur les marchés de la distribution alimentaire s'est orientée demanière croissante sur les concepts de qualité. Par exemple dans le domaine des produits frais la notion de fraîcheur est apparue comme un facteur de plus en plus critique pour satisfaire et fidéliser la clientèle. Les procédures de contrôle ont nécessité une centralisation sur certains points de passage des flux de telle manière, là aussi, à ne pas immobiliser trop de personnel dans les magasins. Du point de vue logistique, on peut constater qu'un concept nouveau émerge chez Metro, celui de la plate-forme appelée encore plate-forme d'éclatement dont nous avons décrit les principales caractéristiques au paragraphe 2.2.2 de ce chapitre. La taille des magasins ECO1, ECO2 et ECO3 nécessite de leur permettre de s'affranchir des minima de commandes imposés par les fournisseurs. Lorsque des magasins sont ouverts dans des zones de potentiel de clientèle plus faible, l'adaptation des tailles de commandes et donc de livraison nécessite soit une remise en cause des barèmes des fournisseurs soit la mise en place d'une autre logique d'approvisionnement des magasins. C'est donc une logique nouvelle de réapprovisionnement des magasins qui est opérée et qui touche non seulement le circuit physique mais également le circuit logique de la commande. 3.2 Diversification des canaux de distribution: le cas Michelin 3.2.1 Constitution d'un canal de distribution contrôlée Poussé par une tendance générale de l'industrie du pneumatique en Europe, Michelin a été amené à prendre un rôle de plus en plus direct dans les circuits de distribution de ses produits. La firme a constitué depuis la fin des années 1960, un réseau de distribution contrôlée dont elle possède les points de vente en propre. Cette tendance a débuté au Royaume-Uni avec la mise en place d'un premier réseau au travers d'ATS (Associated Tyre Specialists Ltd). En Espagne une organisation comparable s'est mise en place à la fin des années 1970. A partir de 1985, afin de défendre sa position vis-à-vis de la concurrence qui voyait une possibilité de développement de ses propres réseaux de distribution pour une meilleure intervention sur un marché largement dominé par Michelin, les réseaux de distribution spécialisés contrôlés en propre par Michelin se sont multipliés dans d'autres pays d'Europe. Michelin est entré dans la distribution du pneumatique en Allemagne, en France, en Suède et dans divers pays d'Europe du Nord. A partir de 1990, les diverses sociétés ainsi développées de manière nationale ont procédé à un regroupement de leurs intérêts au sein d'une structure unique, Eurodrive Service and Distribution N.V. qui a son siège à Amsterdam. Parallèlement une enseigne commerciale commune s'est mise en place, sous la dénomination Euromaster. Implantée maintenant dans huit pays européens, Euromaster a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires de 9 milliards de francs (cf. tableau 22).
|