Support de cours en management des ressources humaines
Introduction
Définir les missions des bibliothèques ne suffit pas. Il faut aussi trouver des méthodes propres à leur réalisation, dans le cadre concret de chaque établissement. De plus, comme l’ensemble des administrations publiques, les bibliothèques municipales sont aujourd’hui appelées à répondre à une exigence accrue d’efficacité et de qualité de service rendu à l’usager. Cette tendance est encore accentuée par les demandes des collectivités territoriales, ainsi que par la rapidité des évolutions dans le domaine de l’information et des nouvelles technologies. Disposant de moyens financiers, matériels et humains limités, la direction d’une bibliothèque municipale est confrontée à des choix cruciaux dans sa stratégie. Or ce sont les ressources humaines qui apparaissent comme la dimension la moins maîtrisable. Motivation pour une mission, compétences informelles, conflits d’autorité, déroulements de carrière : autant de facteurs d’incertitude, qui dans le monde des bibliothèques semblent se démultiplier.
Ainsi, au-delà de la simple gestion des personnels, se fait jour la nécessité d’un véritable management des ressources humaines en bibliothèque, basé sur une stratégie globale. Quelles sont les nouvelles pratiques qui en découlent ? La présente étude vise à analyser les choix de quatre établissements en la matière. Pourquoi la notion de management des ressources humaines s’estelle particulièrement développée dans le monde des bibliothèques municipales, depuis une dizaine d’années ? ( I )
Comment la direction des quatre établissements étudiés présentet-elle sa situation et sa stratégie spécifique ? ( II ) Quelles thématiques communes peut-on dégager en matière de décisions et de procédures ? ( III )
I La nécessité du management en bibliothèque municipale
Le terme de management semble avoir perdu sa connotation négative auprès des cadres de bibliothèque, y compris dans le domaine épineux des ressources humaines. Des facteurs institutionnels (1), mais aussi culturels et technologiques (2) ont contribué à ce changement.
1. Le management public des ressources humaines
1.1. Le management : des méthodes d’adaptation
Les techniques du management ont été en premier lieu développées dans les entreprises privées. Il est néanmoins possible d’en isoler des principes généraux autonomes. La simple "gestion" consiste à administrer une organisation, à assurer son bon fonctionnement au sein d'un cadre préétabli. Le "management" intègre aussi cette dimension, mais au sein d’un cadre plus dynamique, quand il est devenu possible ou nécessaire de remettre en question les modalités même d'un fonctionnement. Il s’agit alors de définir des stratégies, de réadapter en permanence moyens et objectifs, dans un environnement affecté d'incertitude et de changement. Le management propose ainsi des méthodes (planification, organisation, activation, contrôle) qui permettent de conceptualiser rigoureusement des étapes, en dépit de l'imbrication de celles-ci dans la pratique. Les "outils" managériaux utilisés (plans stratégiques et opérationnels, diagrammes, tableaux de bord, indicateurs) n'ont de sens que légitimés par une stratégie et une finalité clairement définies. Les modèles de management ne sont ni des vérités ni des buts à atteindre, ce sont des moyens d'avoir une prise théorique et pratique sur une réalité professionnelle mouvante. Manager, c'est pouvoir faire avec les contraintes et les inconnues d'un contexte, dans un souci de cohérence et d'évolutivité.
Pris entre deux caricatures, le rationalisme et l'improvisation, le management appliqué aux ressources humaines peut conduire à des pratiques abusives ou iconoclastes. Au-delà des modes managériales, les évolutions économiques, technologiques et sociales rendent pourtant nécessaire d'adapter effectifs et compétences, ainsi que de prendre en compte la dimension humaine du travail. Cela peut consister dans une volonté de performance, mais aussi de prise en compte pour eux-même de facteurs tels que l'intégration dans une équipe, la différenciation des aptitudes personnelles, la motivation ou encore la communication. Mais il ne s'agit pas d'appliquer des recettes, il faut au contraire repenser globalement les finalités et les pratiques professionnelles d'une organisation. Ainsi la fonction publique, tentée par la performance et la souplesse du privé, ne peut néanmoins pas transposer des pratiques fondées sur des logiques de pure productivité et rentabilité.
1.2. Le management public : des spécificités
Le secteur public emploie 1 salarié sur 4 en France, dont 1,6 millions de personnes dans les collectivités locales. A ce nombre élevé de personnel s’ajoute une conception bien particulière de la notion de service public et une spécificité de l’administration française. Aussi, même s’il existe une parenté de problèmes de gestion du personnel entre tous les types d’organisation, publiques comme privées, le management dans le secteur public doit tenir compte des particularités de l’action publique. En effet, leur spécificité est d'avoir une finalité externe centrée sur l'intérêt général. Il ne s'agit pas d'accroître les bénéfices ou de conquérir des parts de marchés, mais de préserver et d'améliorer l'environnement d'une collectivité, en utilisant au mieux les moyens qui sont alloués à ce but. C'est pourquoi une organisation publique ne doit pas être évaluée uniquement en terme de réalisation (ce qu'elle produit) mais aussi en terme d'effet et d'impact sur le public et l'environnement. Aussi l’apport du secteur privé en terme de management repose davantage sur une contribution méthodologique que sur l'importation d’outils ou de valeurs. Il est donc à priori possible d’appliquer les fonctions classiques du management dans le secteur public, à condition de prendre en compte les particularités du secteur et de ne retenir que ce qui peut contribuer au succès des politiques publiques.
Les particularités du secteur public sont : L’absence de recours au marché : le prix des services publics n’est pas fixé par la confrontation de l’offre et la demande dans une logique concurrentielle mais autour de la notion de service public et d'intérêt général.
L’obligation de moyens.
L’annualité budgétaire.
Le respect du code des marchés publics
La dépendance du pouvoir public : c’est le pouvoir politique qui dirige et donne les orientations.
Le statut de la fonction publique : toutes les règles sont définies par les textes réglementaires et l'autorité administrative (corps et cadres d’emploi, gestion des carrières, recrutement, congés etc. ...).
La notion d’usagers et non de clients.
Le principe de continuité du service public.
L’ensemble de ces éléments structurels fait que le service public paraissait peu disposé à s’inspirer des modes de gestion du privé. Néanmoins la notion de management a fait son entrée dans le secteur public. En pleine évolution depuis 20 ans, ce secteur est marqué par des idées de modernisation et de renouveau qui ont conduit les organisations à expérimenter de nouveaux outils de rationalisation de leur gestion. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la préoccupation constante des gouvernements de réformer l’Etat et l’administration pour plus d’efficacité, de simplicité et de transparence de l’action publique1 . Il reste que c’est dans le domaine des ressources humaines que le secteur public semble avoir le plus de difficultés. En effet, le fait que le service rendu soit collectif ne favorise pas la mise en valeur des personnels par leurs profils individuels, difficulté renforcée par la rigidité liée au statut de la fonction publique. A ces facteurs institutionnels, s'ajoutent pour les bibliothèques des évolutions culturelles, technologiques et statutaires.
2. Les facteurs d’évolution en bibliothèque
2.1. L’élargissement des missions et des publics
On note au cours des trois dernières décennies le développement des bibliothèques dans le paysage français. Plus encore, un nouveau modèle de bibliothèque publique est apparu : des documents sur des supports variés (CD audio, CD-ROM, DVD-ROM …) ont intégré les collections, le libre accès s'est développé, des locaux plus vastes et plus attrayants ont été aménagés, souvent dans le cadre de projets architecturaux médiatisés, preuve de l'importance prise par la bibliothèque dans la cité. L'offre se construit désormais en prenant en compte la demande émanant de différents publics. Le glissement du terme "bibliothèque" au néologisme "médiathèque" est la meilleure preuve de ces évolutions.
Aux fonctions traditionnelles de la bibliothèque (patrimoniale, culturelle, éducative), s’en sont ajoutées de nouvelles, des fonctions sociales et de médiation notamment. Cela se manifeste par le développement de nouveaux services, destinés à des usagers eux-mêmes nouveaux ou nouvellement identifiés. On touche désormais en bibliothèque le public des "bébés lecteurs", des publics "empêchés" physiquement (malades dans les hôpitaux, détenus, personnes âgées) ou socialement (populations étrangères, populations en grande difficulté). On part à la conquête des publics, on développe des services spécifiques, des bibliothèques "hors les murs". On favorise des usages nouveaux, telle la formation permanente qui permet à quiconque en a besoin de se former pour se réorienter professionnellement.
De même, si la collection est au cœur de l'activité, elle n'est plus considérée comme une activité suffisante. Puisque l'offre est organisée pour favoriser l'autonomie de l'usager, la médiation est devenue une activité importante. Cet accompagnement du public nécessite de la part des bibliothécaires des compétences nouvelles, relationnelles et pédagogiques. Le bibliothécaire, de technicien voué pour l'essentiel au travail interne, est devenu un médiateur d'une collection diversifiée au bénéfice d'un public diversifié. Le personnel doit donc être en mesure de mettre en œuvre une médiation "à géométrie variable", en fonction des différents types d'usages et d'usagers de la bibliothèque. Ainsi, « l' éventail des compétences s'est élargi, l'adaptabilité doit être plus forte et le stress est plus grand. Le responsable d'une équipe devra accompagner ses collaborateurs et les aider à gérer ces pratiques d'accueil multiformes »2 . Outre ces modifications de périmètres d'action, une des plus importantes mutations observée dans les bibliothèques est certainement celle liée au développement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication.
2.2. L'impact de l’informatique et des TIC
Le développement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication (TIC) a provoqué, au cours des trois dernières décennies, des changements profonds dans les bibliothèques. Cela à deux niveaux : Au niveau du travail interne : Cela a conduit tout d'abord à l'informatisation des fonctions bibliothéconomiques, tel le catalogage, les transactions de prêt / retour, l'inscription des usagers … L'informatisation a changé non seulement le travail quotidien des professionnels, mais surtout, a exigé un nouveau fonctionnement dans les services, basé sur le travail d'équipe et la coordination des pratiques. En effet, une informatisation nécessite en amont une rationalisation du circuit du livre, donc la mise à plat de l'organisation du travail (qui fait quoi et à quel moment du circuit ?) et implique des pratiques communes, par exemple dans la saisie de l'information (codes, champs utilisés, procédures ...). Cela a donné lieu, au sein des établissements, à la création de responsabilités transversales supplémentaires du type gestionnaire de la base, coordinateur du circuit du livre.
De même, le développement de la bureautique et l'apparition des réseaux, de type intranet sont pour les établissements l'occasion de mettre en place une communication plus performante au sein des équipes. Au niveau de l'offre proposée aux publics : Le développement des réseaux d'information (internet ou réseaux locaux) a eu des conséquences très nettes sur l'offre et sur l'accès à l'information. Longtemps la bibliothèque, de par l'importance de sa collection, a constitué un réservoir d'informations, qui dans la plupart des cas, se suffisait à lui-même. Avec les réseaux et la technologie numérique, une grande partie de l'information disponible est accessible à distance. On est donc passé, dans les bibliothèques, de la gestion d'un stock de documents à la gestion de flux d'informations, d'une information stable à une information fluide. Le bibliothécaire se doit désormais d'accorder plus d'importance au contenu qu'au support : son travail n'est plus tant le traitement du document que le traitement de l'information. De plus, cela s'accompagne de la nécessité de former les publics à l'utilisation de ces nouveaux media. Ces mutations doivent être accompagnées par les équipes d'encadrement des bibliothèques.
2.3. La réforme des statuts et la création de la filière culturelle
La création d’une fonction publique territoriale (FPT) dans le cadre de la décentralisation a été un changement considérable dans l’organisation de l’administration française. Les élus disposent depuis de réels pouvoirs en matière de recrutement et de gestion du personnel.
La FPT repose sur le concept de filière ; aussi, en matière culturelle, comme dans les autres secteurs, la notion de filière spécialisée a prévalu et regroupé les domaines de la protection, la diffusion, la formation, la création et l’animation culturelle. En 1991, les statuts particuliers des cadres d’emplois de la filière culturelle sont publiés. C'est une des dernières filières à avoir été mise en place, non sans difficultés, en raison des particularités du secteur : la diversité des métiers, la présence de nombreux non titulaires (1 agent sur 2 en 1991), le grand nombre d’équipements relevant des collectivités locales. La filière culturelle représente environ 3,5% des effectifs de l’ensemble des filières et comporte un nombre élevé de cadres : 81% de catégorie A et B (22% pour les autres filières.) De plus, comme dans les autres filières (administrative, technique), il est nécessaire d’appréhender les nouvelles pyramides des âges puisque près de 40% des fonctionnaires partiront en retraite d’ici 2010.
Concernant le secteur des bibliothèques, les décrets portant statuts particuliers des cadres d’emploi du 2 septembre 1991 ont appliqué la pyramide existante dans la filière administrative, soit la création de 3 catégories comprenant chacune 2 grades :
…
Avec ces nouveaux cadres d’emplois nous sommes passés d’une logique de métier à une logique de filière ; soit auparavant d’une structure simple en triptyque (personnel scientifique ou bibliothécaire / personnel technique ou bibliothécaire adjoint / personnel de service ou employés) à une structure plus complexe. Les statuts de la FPT reposent, sur une relative homologie avec la fonction publique d’état, sur le principe du recrutement par concours et d’une formation post-recrutement. Les conditions d’accès, les modalités d’organisation des concours et des formations sont fixées par décret et organisées par le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT.)
La mise en place de ces nouveaux statuts a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la profession : le diplôme qui prévaut sur l’emploi (hormis pour les B+), les épreuves du concours qui apparaissent trop généralistes et pas assez techniques, la gestion des vacances d’emplois qui reste difficile à prévoir, la formation initiale ou post-recrutement qui pèse lourdement générant l’absence des agents nouvellement recrutés... autant de points qui animent la profession depuis la publication des statuts. La suppression du Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire (CAFB), diplôme professionnel crée en 1951, reconnu par les professionnels, a été largement contesté en ce qu’il constituait le fondement d’une culture commune. Ces statuts sont, sur le terrain, plus souvent vécus comme un empilement de corps et grades d’emplois difficiles à articuler avec une gestion dynamique et souple des ressources humaines.
Même s’il est imparfait, le cadre statutaire demeure une référence pour recruter, gérer la promotion et la mobilité du personnel et constitue une garantie pour les agents, comme pour les services. C’est une reconnaissance officielle de la profession. Néanmoins son application demeure complexe sur le terrain.
3. Problématique de la recherche
L'ensemble de ces facteurs fait que le rôle des directeurs de bibliothèques a évolué d’une fonction d’expertise à celle de manager. Ce rôle est « d’être capable d’analyser et faire valoir les besoins auxquels leurs établissements ont pour vocation de répondre, à proposer des orientations, à s’adapter aux changements et enfin de faire preuve de la qualité de leur gestion et de l’efficacité de leurs résultats auprès de leurs tutelles et de la population »3 . La bibliothéconomie qui s’est longtemps consacrée au traitement scientifique et technique du livre n’aborde que très peu la question de la gestion des ressources humaines (GRH) en bibliothèque. Néanmoins, parmi les fonctions classiques du management, la fonction de management des ressources humaines et d’animation d’équipe est aujourd’hui une nécessité pour les équipes de direction des bibliothèques pour réussir l’adaptation de leurs établissements à leur nouvel environnement. Il n’est plus possible de se baser sur une simple gestion du personnel au quotidien mais de bâtir une stratégie générale et une véritable culture de l’encadrement.
Entre des rigidités statutaires et des évolutions rapides dans le monde de l'information, quelle peut être la marge de manœuvre des établissements ?
Sommaire
INTRODUCTION ..................... 6
I LA NÉCESSITÉ DU MANAGEMENT EN BIBLIOTHÈQUE
MUNICIPALE ......................... 8
1. LE MANAGEMENT PUBLIC DES RESSOURCES HUMAINES ....................8
1.1. Le management : des méthodes d’adaptation ..............8
1.2. Le management public : des spécificités .....................9
2. LES FACTEURS D’ÉVOLUTION EN BIBLIOTHÈQUE ... 11
2.1. L’élargissement des missions et des publics............... 12
2.2. L'impact de l’informatique et des TIC ....................... 13
2.3. La réforme des statuts et la création de la filière culturelle............................................... 15
3. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE................. 17
II. CONTEXTE ET STRATÉGIE DES QUATRE ÉTABLISSEMENTS
..................... 19
1. MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE ...................... 19
1.1. La sélection des quatre établissements ..................... 19
1.2. Les entretiens .......... 21
1.3. L’analyse ................. 23
1.4. Les difficultés rencontrées ................ 23
2. DESCRIPTION ET STRATÉGIE DES QUATRE BIBLIOTHÈQUES ............. 24
2.1. Bibliothèque 1 (BM1) Gérer une équipe de spécialistes disciplinaires : entre indicateurs et libre initiative ...... 24
2.2. Bibliothèque 2 (BM2) Résorber les problèmes liés à l’ouverture d’un nouvel établissement : entre conciliation et priorités .......................... 28
2.3. Bibliothèque 3 (BM3) Harmoniser les pratiques de 14 bibliothèques : entre déconcentration et réseau ..... 31
2.4. Bibliothèque 4 (BM4) Responsabilisation des équipes : entre départementalisation et contrat de service ...... 35
III. PARALLÈLES EN MATIÈRE DE RESSOURCES HUMAINES .... 38
1. COMMENT LA DIRECTION MET-ELLE EN PLACE SA STRATÉGIE?.......... 38
1.1. La municipalité, source de légitimité ........................ 38
1.2. Les styles de directivité.................... 42
1.3. La formalisation........ 44
1.3.1 Les valeurs collectives ................ 45
1.3.2 La définition de priorités et de règles communes ... 47
1.4. Circuits de décision ......................... 49
1.4.1 L'organigramme ........................ 49
1.4.2 La concertation.......................... 51
2. COMMENT LA DIRECTION ASSURE-T-ELLE LA GESTION DES
PERSONNELS ? ....................... 55
2.1. Les contraintes liées à l’application des statuts par les collectivités locales... 55
2.1.1 Facteurs économiques et politiques..................... 55
2.1.2 Facteurs idéologiques ................. 56
2.1.3 Facteurs sociaux ........................ 58
2.2. Les contraintes liées à l'emploi de personnels non permanents ..... 59
2.2.1 Le recours à des vacataires ......... 60
2.2.2 Le cas des emplois jeunes ........... 61
2.3. Les contraintes liées aux horaires d’ouverture............ 62
3. COMMENT LA DIRECTION CULTIVE-T-ELLE LES COMPÉTENCES ?........ 66
3.1. Le choix et la gestion des profils individuels .............. 66
3.2. La répartition des tâches .................. 69
3.3. Les dynamiques ........ 73
CONCLUSION....................... 77
BIBLIOGRAPHIE .................. 80
1. MANAGEMENT ET MANAGEMENT PUBLIC............ 80
2. LE MANAGEMENT EN BIBLIOTHÈQUE ................. 81
Support de cours en management des ressources humaines
Introduction
Définir les missions des bibliothèques ne suffit pas. Il faut aussi trouver des méthodes propres à leur réalisation, dans le cadre concret de chaque établissement. De plus, comme l’ensemble des administrations publiques, les bibliothèques municipales sont aujourd’hui appelées à répondre à une exigence accrue d’efficacité et de qualité de service rendu à l’usager. Cette tendance est encore accentuée par les demandes des collectivités territoriales, ainsi que par la rapidité des évolutions dans le domaine de l’information et des nouvelles technologies. Disposant de moyens financiers, matériels et humains limités, la direction d’une bibliothèque municipale est confrontée à des choix cruciaux dans sa stratégie. Or ce sont les ressources humaines qui apparaissent comme la dimension la moins maîtrisable. Motivation pour une mission, compétences informelles, conflits d’autorité, déroulements de carrière : autant de facteurs d’incertitude, qui dans le monde des bibliothèques semblent se démultiplier.
Ainsi, au-delà de la simple gestion des personnels, se fait jour la nécessité d’un véritable management des ressources humaines en bibliothèque, basé sur une stratégie globale. Quelles sont les nouvelles pratiques qui en découlent ? La présente étude vise à analyser les choix de quatre établissements en la matière. Pourquoi la notion de management des ressources humaines s’estelle particulièrement développée dans le monde des bibliothèques municipales, depuis une dizaine d’années ? ( I )
Comment la direction des quatre établissements étudiés présentet-elle sa situation et sa stratégie spécifique ? ( II ) Quelles thématiques communes peut-on dégager en matière de décisions et de procédures ? ( III )
I La nécessité du management en bibliothèque municipale
Le terme de management semble avoir perdu sa connotation négative auprès des cadres de bibliothèque, y compris dans le domaine épineux des ressources humaines. Des facteurs institutionnels (1), mais aussi culturels et technologiques (2) ont contribué à ce changement.
1. Le management public des ressources humaines
1.1. Le management : des méthodes d’adaptation
Les techniques du management ont été en premier lieu développées dans les entreprises privées. Il est néanmoins possible d’en isoler des principes généraux autonomes. La simple "gestion" consiste à administrer une organisation, à assurer son bon fonctionnement au sein d'un cadre préétabli. Le "management" intègre aussi cette dimension, mais au sein d’un cadre plus dynamique, quand il est devenu possible ou nécessaire de remettre en question les modalités même d'un fonctionnement. Il s’agit alors de définir des stratégies, de réadapter en permanence moyens et objectifs, dans un environnement affecté d'incertitude et de changement. Le management propose ainsi des méthodes (planification, organisation, activation, contrôle) qui permettent de conceptualiser rigoureusement des étapes, en dépit de l'imbrication de celles-ci dans la pratique. Les "outils" managériaux utilisés (plans stratégiques et opérationnels, diagrammes, tableaux de bord, indicateurs) n'ont de sens que légitimés par une stratégie et une finalité clairement définies. Les modèles de management ne sont ni des vérités ni des buts à atteindre, ce sont des moyens d'avoir une prise théorique et pratique sur une réalité professionnelle mouvante. Manager, c'est pouvoir faire avec les contraintes et les inconnues d'un contexte, dans un souci de cohérence et d'évolutivité.
Pris entre deux caricatures, le rationalisme et l'improvisation, le management appliqué aux ressources humaines peut conduire à des pratiques abusives ou iconoclastes. Au-delà des modes managériales, les évolutions économiques, technologiques et sociales rendent pourtant nécessaire d'adapter effectifs et compétences, ainsi que de prendre en compte la dimension humaine du travail. Cela peut consister dans une volonté de performance, mais aussi de prise en compte pour eux-même de facteurs tels que l'intégration dans une équipe, la différenciation des aptitudes personnelles, la motivation ou encore la communication. Mais il ne s'agit pas d'appliquer des recettes, il faut au contraire repenser globalement les finalités et les pratiques professionnelles d'une organisation. Ainsi la fonction publique, tentée par la performance et la souplesse du privé, ne peut néanmoins pas transposer des pratiques fondées sur des logiques de pure productivité et rentabilité.
1.2. Le management public : des spécificités
Le secteur public emploie 1 salarié sur 4 en France, dont 1,6 millions de personnes dans les collectivités locales. A ce nombre élevé de personnel s’ajoute une conception bien particulière de la notion de service public et une spécificité de l’administration française. Aussi, même s’il existe une parenté de problèmes de gestion du personnel entre tous les types d’organisation, publiques comme privées, le management dans le secteur public doit tenir compte des particularités de l’action publique. En effet, leur spécificité est d'avoir une finalité externe centrée sur l'intérêt général. Il ne s'agit pas d'accroître les bénéfices ou de conquérir des parts de marchés, mais de préserver et d'améliorer l'environnement d'une collectivité, en utilisant au mieux les moyens qui sont alloués à ce but. C'est pourquoi une organisation publique ne doit pas être évaluée uniquement en terme de réalisation (ce qu'elle produit) mais aussi en terme d'effet et d'impact sur le public et l'environnement. Aussi l’apport du secteur privé en terme de management repose davantage sur une contribution méthodologique que sur l'importation d’outils ou de valeurs. Il est donc à priori possible d’appliquer les fonctions classiques du management dans le secteur public, à condition de prendre en compte les particularités du secteur et de ne retenir que ce qui peut contribuer au succès des politiques publiques.
Les particularités du secteur public sont : L’absence de recours au marché : le prix des services publics n’est pas fixé par la confrontation de l’offre et la demande dans une logique concurrentielle mais autour de la notion de service public et d'intérêt général.
L’obligation de moyens.
L’annualité budgétaire.
Le respect du code des marchés publics
La dépendance du pouvoir public : c’est le pouvoir politique qui dirige et donne les orientations.
La notion d’usagers et non de clients.
Le principe de continuité du service public.
L’ensemble de ces éléments structurels fait que le service public paraissait peu disposé à s’inspirer des modes de gestion du privé. Néanmoins la notion de management a fait son entrée dans le secteur public. En pleine évolution depuis 20 ans, ce secteur est marqué par des idées de modernisation et de renouveau qui ont conduit les organisations à expérimenter de nouveaux outils de rationalisation de leur gestion. Cela s’inscrit d’ailleurs dans la préoccupation constante des gouvernements de réformer l’Etat et l’administration pour plus d’efficacité, de simplicité et de transparence de l’action publique1 . Il reste que c’est dans le domaine des ressources humaines que le secteur public semble avoir le plus de difficultés. En effet, le fait que le service rendu soit collectif ne favorise pas la mise en valeur des personnels par leurs profils individuels, difficulté renforcée par la rigidité liée au statut de la fonction publique. A ces facteurs institutionnels, s'ajoutent pour les bibliothèques des évolutions culturelles, technologiques et statutaires.
2. Les facteurs d’évolution en bibliothèque
2.1. L’élargissement des missions et des publics
Aux fonctions traditionnelles de la bibliothèque (patrimoniale, culturelle, éducative), s’en sont ajoutées de nouvelles, des fonctions sociales et de médiation notamment. Cela se manifeste par le développement de nouveaux services, destinés à des usagers eux-mêmes nouveaux ou nouvellement identifiés. On touche désormais en bibliothèque le public des "bébés lecteurs", des publics "empêchés" physiquement (malades dans les hôpitaux, détenus, personnes âgées) ou socialement (populations étrangères, populations en grande difficulté). On part à la conquête des publics, on développe des services spécifiques, des bibliothèques "hors les murs". On favorise des usages nouveaux, telle la formation permanente qui permet à quiconque en a besoin de se former pour se réorienter professionnellement.
2.2. L'impact de l’informatique et des TIC
Le développement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication (TIC) a provoqué, au cours des trois dernières décennies, des changements profonds dans les bibliothèques. Cela à deux niveaux : Au niveau du travail interne : Cela a conduit tout d'abord à l'informatisation des fonctions bibliothéconomiques, tel le catalogage, les transactions de prêt / retour, l'inscription des usagers … L'informatisation a changé non seulement le travail quotidien des professionnels, mais surtout, a exigé un nouveau fonctionnement dans les services, basé sur le travail d'équipe et la coordination des pratiques. En effet, une informatisation nécessite en amont une rationalisation du circuit du livre, donc la mise à plat de l'organisation du travail (qui fait quoi et à quel moment du circuit ?) et implique des pratiques communes, par exemple dans la saisie de l'information (codes, champs utilisés, procédures ...). Cela a donné lieu, au sein des établissements, à la création de responsabilités transversales supplémentaires du type gestionnaire de la base, coordinateur du circuit du livre.
2.3. La réforme des statuts et la création de la filière culturelle
La création d’une fonction publique territoriale (FPT) dans le cadre de la décentralisation a été un changement considérable dans l’organisation de l’administration française. Les élus disposent depuis de réels pouvoirs en matière de recrutement et de gestion du personnel.
La FPT repose sur le concept de filière ; aussi, en matière culturelle, comme dans les autres secteurs, la notion de filière spécialisée a prévalu et regroupé les domaines de la protection, la diffusion, la formation, la création et l’animation culturelle. En 1991, les statuts particuliers des cadres d’emplois de la filière culturelle sont publiés. C'est une des dernières filières à avoir été mise en place, non sans difficultés, en raison des particularités du secteur : la diversité des métiers, la présence de nombreux non titulaires (1 agent sur 2 en 1991), le grand nombre d’équipements relevant des collectivités locales. La filière culturelle représente environ 3,5% des effectifs de l’ensemble des filières et comporte un nombre élevé de cadres : 81% de catégorie A et B (22% pour les autres filières.) De plus, comme dans les autres filières (administrative, technique), il est nécessaire d’appréhender les nouvelles pyramides des âges puisque près de 40% des fonctionnaires partiront en retraite d’ici 2010.
Concernant le secteur des bibliothèques, les décrets portant statuts particuliers des cadres d’emploi du 2 septembre 1991 ont appliqué la pyramide existante dans la filière administrative, soit la création de 3 catégories comprenant chacune 2 grades :
…
La mise en place de ces nouveaux statuts a fait l’objet de nombreuses critiques de la part de la profession : le diplôme qui prévaut sur l’emploi (hormis pour les B+), les épreuves du concours qui apparaissent trop généralistes et pas assez techniques, la gestion des vacances d’emplois qui reste difficile à prévoir, la formation initiale ou post-recrutement qui pèse lourdement générant l’absence des agents nouvellement recrutés... autant de points qui animent la profession depuis la publication des statuts. La suppression du Certificat d’aptitude aux fonctions de bibliothécaire (CAFB), diplôme professionnel crée en 1951, reconnu par les professionnels, a été largement contesté en ce qu’il constituait le fondement d’une culture commune. Ces statuts sont, sur le terrain, plus souvent vécus comme un empilement de corps et grades d’emplois difficiles à articuler avec une gestion dynamique et souple des ressources humaines.
Même s’il est imparfait, le cadre statutaire demeure une référence pour recruter, gérer la promotion et la mobilité du personnel et constitue une garantie pour les agents, comme pour les services. C’est une reconnaissance officielle de la profession. Néanmoins son application demeure complexe sur le terrain.
3. Problématique de la recherche
Entre des rigidités statutaires et des évolutions rapides dans le monde de l'information, quelle peut être la marge de manœuvre des établissements ?
Sommaire
INTRODUCTION ..................... 6
I LA NÉCESSITÉ DU MANAGEMENT EN BIBLIOTHÈQUE
MUNICIPALE ......................... 8
1. LE MANAGEMENT PUBLIC DES RESSOURCES HUMAINES ....................8
1.1. Le management : des méthodes d’adaptation ..............8
1.2. Le management public : des spécificités .....................9
2. LES FACTEURS D’ÉVOLUTION EN BIBLIOTHÈQUE ... 11
2.1. L’élargissement des missions et des publics............... 12
2.2. L'impact de l’informatique et des TIC ....................... 13
2.3. La réforme des statuts et la création de la filière culturelle............................................... 15
3. PROBLÉMATIQUE DE LA RECHERCHE................. 17
II. CONTEXTE ET STRATÉGIE DES QUATRE ÉTABLISSEMENTS
..................... 19
1. MÉTHODOLOGIE DE L’ENQUÊTE ...................... 19
1.1. La sélection des quatre établissements ..................... 19
1.2. Les entretiens .......... 21
1.3. L’analyse ................. 23
1.4. Les difficultés rencontrées ................ 23
2. DESCRIPTION ET STRATÉGIE DES QUATRE BIBLIOTHÈQUES ............. 24
2.1. Bibliothèque 1 (BM1) Gérer une équipe de spécialistes disciplinaires : entre indicateurs et libre initiative ...... 24
2.2. Bibliothèque 2 (BM2) Résorber les problèmes liés à l’ouverture d’un nouvel établissement : entre conciliation et priorités .......................... 28
2.3. Bibliothèque 3 (BM3) Harmoniser les pratiques de 14 bibliothèques : entre déconcentration et réseau ..... 31
2.4. Bibliothèque 4 (BM4) Responsabilisation des équipes : entre départementalisation et contrat de service ...... 35
III. PARALLÈLES EN MATIÈRE DE RESSOURCES HUMAINES .... 38
1. COMMENT LA DIRECTION MET-ELLE EN PLACE SA STRATÉGIE?.......... 38
1.2. Les styles de directivité.................... 42
1.3. La formalisation........ 44
1.3.1 Les valeurs collectives ................ 45
1.3.2 La définition de priorités et de règles communes ... 47
1.4. Circuits de décision ......................... 49
1.4.1 L'organigramme ........................ 49
1.4.2 La concertation.......................... 51
2. COMMENT LA DIRECTION ASSURE-T-ELLE LA GESTION DES
PERSONNELS ? ....................... 55
2.1. Les contraintes liées à l’application des statuts par les collectivités locales... 55
2.1.1 Facteurs économiques et politiques..................... 55
2.1.2 Facteurs idéologiques ................. 56
2.1.3 Facteurs sociaux ........................ 58
2.2. Les contraintes liées à l'emploi de personnels non permanents ..... 59
2.2.1 Le recours à des vacataires ......... 60
2.2.2 Le cas des emplois jeunes ........... 61
2.3. Les contraintes liées aux horaires d’ouverture............ 62
3. COMMENT LA DIRECTION CULTIVE-T-ELLE LES COMPÉTENCES ?........ 66
3.1. Le choix et la gestion des profils individuels .............. 66
3.2. La répartition des tâches .................. 69
3.3. Les dynamiques ........ 73
CONCLUSION....................... 77
BIBLIOGRAPHIE .................. 80
1. MANAGEMENT ET MANAGEMENT PUBLIC............ 80
2. LE MANAGEMENT EN BIBLIOTHÈQUE ................. 81