Livre de management des ressources humaines
Chapitre 1 Le management des ressources humaines
Parler de ressources humaines, ce n’est pas considérer que les hommes sont des ressources, mais que les hommes ont des ressources. La mission du management des ressources humaines est de développer et mobiliser les compétences des salariés. Intégrer la dimension ressources humaines dans la stratégie de l’entreprise est une nécessité reconnue. Les structures et les hommes donnent un avantage compétitif à leur organisation. Les organisations doivent avoir une stratégie de développement humain et social en harmonie avec leur stratégie économique et leur responsabilité sociale. Elles attendent de la fonction ressources humaines une forte valeur ajoutée. Le DRH est un « partenaire d’affaires ». Il aide l’entreprise à relever tous les défis, à s’adapter à son environnement, à devenir agile et compétitive. Il veille à développer et mobiliser les compétences des salariés en ligne avec la stratégie de l’entreprise. Il accompagne les changements et les transformations. Il veille à la motivation, l’implication et l’engagement des salariés. Il est la cheville ouvrière du développement durable et le garant du contrat social entre les salariés et l’organisation. Ce chapitre présente l’évolution de la gestion des ressources humaines (I) et les grands domaines qu’elle recouvre (II).
I. Le renouvellement de la gestion des ressources humaines
Il n’y a pas de pratiques universelles en matière de gestion des ressources humaines (GRH). Les pratiques performantes sont celles qui, adaptées au contexte, permettent de répondre aux défis qu’une entreprise doit affronter. La DRH doit prendre en compte l’ensemble des données, internes et externes, actuelles et prévisionnelles, du contexte pour identifier les défis à affronter et adopter les pratiques appropriées. Ces pratiques mettent en œuvre des logiques de réponse. Ces logiques, induites par les contraintes internes et externes imprègnent progressivement depuis vingt-cinq ans les pratiques RH dans les divers contextes nationaux. Une approche contingente de la GRH s’impose
A. L’approche contingente de la GRH
Le schéma 1.1 propose un modèle contingentiel de la GRH, f
B. Les grands défis
B.1. Les mutations technologiques et la conduite du changement
Les mutations technologiques concernent toutes les branches d’activité et les fonctions de l’entreprise. Les conséquences en matière d’emploi, de compétences, de conditions de travail et
Quatre impacts des mutations technologiques dominent :
 . La transformation des organisations. Les nouvelles technologies de l’information modifient l’organisation du travail et bouleversent les structures. L’entreprise devient tourbillonnante. La fonction RH doit accompagner le changement et participer activement aux choix organisationnels. Elle intègre la fonction transformation.
. L’accroissement de la productivité. Il favorise la croissance mais il peut entraîner des sureffectifs dans certaines fonctions ou établissements et nécessiter des réductions d’effectif. La veille technologique doit comprendre un volet productivité.
 . La modification des compétences requises. L’évolution technologique crée, modifie, remet en cause et fait disparaître des emplois. Chaque technologie nouvelle transforme les métiers et les compétences r
. Le renchérissement du coût des équipements. La durée de vie des équipements diminue pour cause d’obsolescence rapide. Cela nécessite un accroissement de la durée d’utilisation des équipements (DUE) par l’adoption de diverses formes d’aménagement du temps de travail, pour amortir les investissements sur des périodes plus courtes.
B.2. L’accentuation de la concurrence au niveau mondial
La période actuelle est marquée par l’accentuation et l’internationalisation de la concurrence. Pour conserver sa compétitivité dans un contexte ou` les innovations franchissent sans délai les frontières, la rigueur et la rapidité sont indispensables. L’entreprise doit éliminer surcoûts et gaspillages. Elle doit aller vite pour innover, découvrir les créneaux porteurs, les industrialiser, les faire connaître, les améliorer, les adapter. Ceci implique la mobilisation de tout le potentiel des hommes : leur professionnalisme, leur imagination, leur motivation, leur autonomie, leur responsabilité, leur capacité d’évoluer. L’implication des salariés est perçue comme un avantage compétitif. La capacité des entreprises à créer, à innover, à inventer devient la première source de croissance. L’internationalisation de la concurrence impose aux entreprises une vigilance sans frontière. Elles doivent
B.3. Les mutations économiques
Dans un contexte de concurrence, les entreprises doivent veiller à limiter leur ratio frais de personnel/valeur ajoutée à un niveau inférieur ou égal à celui de leurs principaux concurrents nationaux ou internationaux. L’étude des modifications du paysage industriel montre que la survie devient hypothétique pour l’entreprise dont le ratio frais de personnel/valeur ajoutée dépasse durablement et significativement celui de ses concurrents. Faute de moyens pour investir et innover, elle devient une proie. L’entreprise doit répondre aux attentes de ses actionnaires dans un contexte économique cahoteux et chaotique. Les cahots deviennent plus brutaux avec des variations fortes de l’activité; l’entreprise doit pouvoir s’adapter très rapidement à des variations de large amplitude. Le chaos, c’est-à -dire la difficulté à élaborer des prévisions fiables et le manque de visibilité à court et à moyen terme, concerne un nombre accru
B.4. Les évolutions démographiques
la même période de 23 % à 30,5 % et en Suède de 46 % à 61 %. Améliorer le taux d’emploi des jeunes et des seniors est une priorité pour les DRH.B.5. Les mutations sociologiques et la diversité
Les enquêtes montrent une perte d’évidences individuelles (notamment concernant le travail et l’argent) et de cohérences collectives accélérée par l’explosion actuelle des nouvelles technologies. De plus, l’entreprise regroupe des salariés aux aspirations multiples : la diversité des âges, des formations initiales, des parcours professionnels et des qualifications se traduit par de grandes différences d’attentes. L’entreprise doit connaître et reconnaître la diversité de ceux qui la composent. Chaque génération apparaît différente de celle qui l’a précédé et l’entreprise doit absorber ces différences. La génération Y (20-34) succède à la génération X (35-49) avec ses spécificités. Le besoin de reconnaissance est l’une des attentes fortes des salariés d’aujourd’hui et en particulier de la génération Yo Yo.
B.6. Les partenaires sociaux
De 1958 à 1974, les effectifs syndicaux avaient connu une croissance rég
B.7. Le cadre législatif et réglementaire
ces modifications qui, de plus en plus, s’inscrivent dans le cadre d’une convergence européenne et de l’harmonisation de l’espace social européen.B.8. L’investissement socialement responsable
Le développement des ISR (investisseurs socialement responsables) et de la notation extra financière permet d’orienter les achats d’action vers les entreprises socialement responsables, imposant aux entreprises de rendre compte de leurs engagements sociaux et sociétaux. Le reporting social, sociétal et environnemental devient essentiel.
C. Les logiques de réponse
Pour répondre à ces défis, les entreprises adoptent cinq logiques qui irriguent les politiques sociales : personnalisation, adaptation, mobilisation, anticipation et partage.
C.1. La personnalisation
La logique de personnalisation (ou de l’individualisation) irrigue les politiques d’emploi (du recrutement à la gestion de carrière), de rémunération (ind
La personnalisation répond à la diversité des salariés (« Tous différents »), au fort besoin de reconnaissance (« Tous reconnus ») et de développement (« Tous talentueux ») 2.
C.2. L’adaptation
L’entreprise doit s’adapter rapidement et de façon efficace à toutes les évolutions. La course à l’agilité est permanente. Pour cela, l’entreprise recherche la flexibilité dans cinq directions : la flexibilité quantitative externe (modification du niveau d’emploi, contrats à durée déterminée, intérim...), la flexibilité quantitative interne (modification du volume d’heures travaillées, heures supplémentaires, chômage partiel, modulation et récupération, annualisation...), la flexibilité qualitative ou fonctionnelle (mobilité, polyvalence...), l’externalisation (sous-traitance interne et externe, essaimage...), la flexibilité salariale (intéressement, rémunération réversible aléatoire, collective et individuelle...). La logique de l’adaptation (ou de la flexibilité) concerne tous les domaines de GRH. Pour faire face à un environnement cahoteux et chaotique, l’entreprise explore toutes les voies de la flexibilité quantitative tant externe qu’interne. La rapidité d’adaptation devient une préoccupation majeure des entreprises. Elle implique intelligence, esprit d’initiative, aptitude à communiquer et à négocier.
C.3. La mobilisation
Pour une même technologie mise en œuvre, la productivité diffère fortement dans les entreprises du fait des différences constatées dans l’organisation de la production, dans la mobilisation des salariés et dans le développement et la mise en œuvre de leurs compétences. La mobilisation repose sur une implication de la hiérarchie et sur sa capacité à motiver ses collaborateurs. Elle nécessit
C.4. L’anticipation
La croissance des « Trente Glorieuses » (1945-1974) permettait de concilier absence de gestion
Elle gommait les erreurs de gestion et tolérait une GRH au jour le jour peu rigoureuse. Les « Trente Douloureuses » (1975-2004) ont fait ressortir les risques liés à l’insuffisante anticipation. Les années récentes ont été marqu
C.5. Le partage
La fonction éclate et se répartit dans l’organisation. Le DRH devient le promoteur d’un nouveau concept : celui de fonction partagée. La décentralisation de la fonction permet une adaptation rapide et pertinente, la personnalisation réelle des décisions de GRH et la mobilisation des salariés. Ce partage impose un important effort de sensibilisation et de forma
Le manager de proximité participe directement à tous les actes de la fonction ressources humaines (RH). Il doit participer à huit missions :
– choisir, c’est-à -dire définir les compétences,
– gérer l’emploi e
– orienter, ce qui implique de définir les projets professionnels et d’orienter les choix de carrières de ses collaborateurs, les suivre, utiliser les bilans de compétences, favoriser la mobilité internationale et évaluer les potentiels ;
– former en veillant à identifier les besoins de formation de ses collaborateurs, élaborer les plans individuels de formation ;
– rémunérer, ce qui nécessite de mettre en œuvre une gestion stratégique des rémunérations, d’évaluer les postes, de connaître les politiques de rémunération globale et d’individualiser les rémunérations et les avantages non monétaires ;
– négocier et donc connaître les logiques et les modes d’action des syndicats, développer le dialogue social, négocier avec les partenaires sociaux ;
– veiller, ce qui nécessite de construire le système d’information en matière de RH, avoir une vision stratégique des RH, dialoguer avec la DRH, affiner le savoir-être de ses collaborateurs, activer l’intelligence économique et stratégique de
Ce partage ne peut réussir que si les DRH partagent eux aussi les attentes des managers et comprennent leur approche des affaires. Le RH est un « Business Partner » tout en étant le garant du contrat social entre les salariés et l’entreprise. Le « RH de proximité » est le garant d’un partage réussi par sa proximité avec les managers et les salariés.
II. Les missions de la fonction ressources humaines
L’approche client-fournisseur appliquée à la fonction RH permet de cerner ses grandes missions.
A. Le DRH et ses clients internes
Dans l’organisation, la fonction RH travaille pour quatre catégories de clients dont les attentes apparaissent très diverses. Des enquêtes, études et recherches réalisées en France et à l’étranger ces dernières années et présentées en particulier lors des congrès et universités de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH), de l’Association francophone de gestion des ressources humaines (AGRH) ou de l’Institut international de l’audit social (IAS) permettent de dresser un tableau de ces attentes.
A.1. Les attentes des salarié s
 Équité, employabilité, éthique et reconnaissance sont les attentes qui semblent se développer.
1. L’équité
Chaque salarié souhaite être traité équitablement. Le DRH doit mettre en œuvre les clés de l’équité 1. Garantir au salarié un traitement équitable implique que :
– sa contribution soit évaluée et appréciée de façon fiable ;
– la possibilité d’accroître sa contribution lui soit offerte ;
– le lien entre contribution et rétribution soit clair et explicite ;
– le lien entre accroissement de la contribution et accroissement de la rétribution soit précisé;
– les règles soient respectées ;
– la communication sur la contribution attendue, sur les règles et sur les décisions soit pertinente.
Ces points nécessitent une intervention du DRH pour :
– élaborer les outils afin d’évaluer la contribution, de déterminer la rétribution et de définir les rôles ;
– former les managers (n + 1) à la maîtrise des outils ;
– fournir aux n + 1 les informations pertinentes ;
– assumer le suivi de la mise en œuvre des outils ;
– apporter à chaque salarié les informations utiles.
Le DRH joue un rôle d’information particulièrement important. Il veille à ce que les informations pertinentes tant pour le salarié que pour son supérieur hiérarchique soient disponibles au moment opportun.
2. L’employabilité
 Ces dernières années, les salariés ont pris conscience de l’importance essentielle de leur employabilité comme élément de sécurité sur le marché du travail. Le rythme des licenciements économiques les a sensibilisés à la fragilité de leur emploi. Ils perçoivent la nécessité de veiller à leur capacité de conserver leur emploi ou d’en retrouver un, dans ou hors de leur fonction, de leur entreprise, de leur zone géographique ou de leur niveau hiérarchique.
– connaissance des compétences actuelles de chaque salarié;
– connaissance des compétences requises pour les postes actuels ;
– connaissance des compétences que chaque salarié peut développer et des modalités pour y parvenir ;
– connaissance de l’évolution des emplois, des emplois nouveaux et des compétences nécessaires pour les tenir.
Il appartient au DRH d’impliquer la hiérarchie dans la gestion anticipatrice des emplois et des compétences et de veiller à la qualité des outils et au partage de l’information. Le rôle de la hiérarchie est particulièrement essentiel en matière de communication. Dans un contexte de pénurie de talent, l’entreprise s’efforce de développer tous les talents de ses salariés, de les rendre « Tous talentueux »1.
3. L’éthique
4. La reconnaissance
Le besoin de reconnaissance est aujourd’hui primordial. L’entreprise doit identifier les attentes de reconnaissance des salariés dans leur diversité. Elle doit préciser ce qu’elle souhaite reconnaître (résultats, comportements, potentiel, qualités managériales...) et choisir parmi les modalités de reconnaissance. Une politique de la reconnaissance est nécessaire 2. L’attente d’équité, d’employabilité, d’éthique et de reconnaissance exprimée par les salariés ne peut être satisfaite que par un partage effectif de la fonction entre la DRH et les responsables hiérarchiques. Les responsables hiérarchiques attendent de la DRH qu’elle garantisse ce partage et leur donne les moyens de réussir.
A.2. Les attentes de l’encadrement
Les attentes des n +1à l’égard de la DRH sont de deux sortes. Le DRH doit garantir le partage de la fonction et l’empowerment des responsables hiérarchiques, d’une part, il doit devenir un authentique partenaire d’affaires, d’autre part.
1. Le partage
Pour garantir le partage, il apparaît opportun de définir une charte du partage qui précise clairement les responsabilités respectives des uns et des autres. La charte définit également les moyens que la DRH met à la disposition des opérationnels. La hiérarchie attend de la DRH qu’elle propose une charte claire, précise, réaliste et viable. La réussite de ces chartes repose sur l’adhésion des responsables hiérarchiques. Pour obtenir cette adhésion, il est nécessaire de mettre en place les moyens effectifs de l’empowerment des n + 1 dans ce domaine. Cela implique un partage à trois niveaux.