Formation en management éthique et ressources humaines
Il semble difficile aujourd’hui d’ignorer la question éthique qui traverse notre société et à laquelle l’entreprise n’échappe pas. S’agit-il d’une « vague éthique » qui déferle ? D’une mode ? D’un questionnement qui surgit à la suite d’un scandale ou, de manière plus générale, quand les choses ne se passent pas bien ? S’agit-il d’un nouveau management ? Développement durable, responsabilité sociale, management éthique, les noms sont différents, les pratiques et les attentes peuvent varier ou être semblables. Tous les secteurs de l’entreprise sont touchés : finance, marketing, production et ressources humaines, toutes les « parties prenantes » de l’entreprise sont concernées : ceux qui y travaillent ou la gouvernent, les clients, les fournisseurs, les concurrents, les voisins, les associations diverses, le politique. Quel est le rôle des responsables ressources humaines ? De quelle manière sont-ils concernés ? Après avoir évoqué le cadre général, nous tenterons de proposer des éléments de réponse.
Nous sommes cependant tout-à-fait conscients de la diversité des situations rencontrées. En effet, les avis et les positions des responsables d’entreprises diffèrent en fonction des situations rencontrées au sein de chaque entreprise, suivant la définition de l’éthique que l’on adopte. Selon le secteur d’activités, les dispositions légales, le type de « parties prenantes » mais aussi la stratégie et le type d’organisation, selon les événements marquants liés à l’éthique que l’entreprise connaît ou a pu connaître, selon l’attitude de ses dirigeants la question se présentera différemment et les modalités de réponse seront spécifiques.
Les responsables ressources humaines ont un rôle à jouer dans la conduite éthique des différentes fonctions RH : du recrutement à la gestion de carrière, aux licenciements et reconversions en passant par la gestion par les compétences, l’évaluation ou la formation. Ils ont tous un rôle à jouer dans les relations avec les collègues, le personnel et les représentations syndicales, avec les responsables socio- économiques et politiques et les partenaires extérieurs de l’entreprise. Ils ont un rôle à jouer dans la mise en place de pratiques transversales à l’entreprise.
Pourquoi cet intérêt ?
Ethique, morale, déontologie, responsabilité sociale, autant de termes qui font aujourd’hui parties du quotidien de bon nombre d’entreprises. Ceci n’est pas un phénomène vraiment nouveau. Son évolution et la forme qu’il présente aujourd’hui sont liées à de nombreux éléments. Nous ne nous attarderons pas sur les origines historiques tant aux Etats-Unis qu’en Europe. Nous pourrions en effet évoquer les valeurs du protestantisme et de manière plus générale celles qui sont à la base de la société américaine. Nous pourrions voir dans l’action des entrepreneurs du XIX°siècle en Europe et du mouvement paternaliste des caractéristiques anticipatrices du mouvement éthique qui prit son essor dans la seconde moitié du XX° siècle. En effet, l’intérêt des employeurs envers leur personnel, pour davantage de bien-être social, à une période où la sécurité sociale n’existait pas, anticipait, d’une certaine manière, la question de la responsabilité sociale.
Aujourd’hui, plusieurs facteurs peuvent contribuer à expliquer l’importance prise par la question de la responsabilité sociale et de l’éthique. Nous pouvons ainsi citer entre autres :
Repères historiques
Les débats autour de la responsabilité sociale ne sont pas nouveaux et semblent plutôt « récurrents» (F. Dejean et J.P, Gond, p.2). Nous pouvons, par exemple, situer la réflexion autour des indicateurs sociaux et du bilan social, dans les années ‘70. Le bilan social (juillet 1975) constitue un mode d’information et de transparence, une évaluation des politiques des entreprises en matière d’emploi, de personnel, de formation. De même, la notion d’ « entre-prise citoyenne » promue en France par le « Centre des jeunes dirigeants » contribua dans les années nonante « à re(mettre) en avant l’importance de la responsabilité sociétale de l’entreprise » (Ibidem, p. 4).
Citons quelques moments clés… L’OIT adopte en 1998, à partir des grands principes qui la caractérisent, « une déclaration relative au principe des droits fondamentaux au travail » répondant « au souci de voir la croissance économique accompagnée par la justice sociale ».
Nous reprenons ces principes car ils fondèrent l’essence même des différents textes, règlementations, lois. Les cinq principes (A. Chauveau et J.-J. Rosé, pp. 160-161) fondamentaux sont :
L’appel que Koffi Anan, Président des nations Unies, a lancé aux entreprises en faveur de l’adoption de démarches éthiques a également joué un rôle. De même, l’OCDE a énoncé de son côté différents « principes directeurs ». Nous pouvons également citer le livre vert de la commission européenne. « Le livre vert, lancé en juillet 2001 par la Commission européenne définissait la responsabilité sociale des entreprises comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales à leurs activités commerciales et leurs relations avec leurs parties prenantes » » (A. Chauveau et J.-J. Rosé, p. 45). Nous évoquerons par la suite les audits et certifications et mentionnerons plus particulièrement la certification SA 8000 et le label social belge.
L’entreprise citoyenne, l’« engagement communautaire »
Concepts
La déontologie est l’ensemble des règles auxquelles les membres d’une profession doivent se référer. Ne pas respecter ces règles implique une sanction, voire l’exclusion de la profession.
La morale et l’éthique La morale énonce le bien et le mal, « appelle à un devoir, qui implique des règles à suivre, et qui formule des interdits » (Boyer, p. 13). Parmi de nombreuses définitions, nous retiendrons la définition suivante de l’éthique qui met l’accent sur la contingence et le débat. L’éthique quant à elle « a l’ambition d’être une science ». « Elle observe la morale, l’ensemble des morales, dont elle analyse les structures ». « Elle a l’ambition de construire une théorie de ce qui est le bien et le mal » (Idem, p. 13).
L’éthique L’éthique serait davantage un « processus », une « méthodologie » ; elle est également associée à une réflexion critique. L’éthique sera ce « désir diffus de vivre une vie bonne » (Ricoeur, 1990 cité par T.C. Pauchant et al., p. 32). Il s’agit d’ « une quête dans le but d’établir ce qui est envisagé comme moral ou non ». Cependant, on ne peut strictement opposer morale et éthique souvent confondues confondues par ailleurs (T.C. Pauchant et al., p. 32). Nous aimerions cependant citer cette belle définition, idéale, de l’éthique : « Dans un monde idéal, un comportement moral serait une action désirée et choisie par un processus délibéré en éthique, établissant cette morale, encouragé par les mœurs et codifié par le droit. Cependant, il faut remarquer, comme Asam Smith l’a fait en son temps, que cet idéal n’existe pas » (Idem, p.32).
Différentes théories
Nous pouvons citer différentes théories, chacune étant susceptible de trouver des applications en entreprise :
L’approche éthique de la gestion est également un management par les valeurs. Au cœur de l’éthique, deux valeurs essentielles sont avancées aujourd’hui : la transparence et la confiance qui en est une de ses conséquences. « La thématique de la confiance semble devenir un précepte managérial. Dans un contexte de mondialisation, de changements technologiques et de quête de création de valeur, de plus en plus d’entreprises sont en quête de stabilité autour de nouveaux repères, comme l’établissement de relations de confiance avec les consommateurs, les actionnaires et les collaborateurs » (Boyer, p. 97). Les principes éthiques vont guider l’activité de l’entreprise. Nous pouvons, par exemple, citer la performance et la création de richesse comme raison d’être de l’entreprise. Les principes sont « l’affaire de tous », ils « engagent l’entreprise dans une volonté concrète de les mettre en œuvre ». Ils doivent pour cela « être connus, acceptés et appropriés par le maximum possible d’acteurs et de partenaires de l’entreprise » (Idem, pp. 99-100).
Différentes approches
L’approche américaine : responsabilité et performance sociales de l’entreprise
Le premier modèle : celui de « responsabilité sociale de l’entreprise »
Ce modèle comprend trois niveaux :
− le premier niveau correspond aux responsabilités économiques de base de l’entreprise : produire, employer, etc. ;
− le second concerne les normes et valeurs sociales : respect de l’environnement ou les relations avec les employés, les conditions de travail, etc. ;
Le second modèle : celui de « performance sociale de l’entreprise »
« Dans le modèle CSR2 (ndlr : CSR = Corporate Social Responsability), l’entreprise doit internaliser ces nouvelles contraintes (de responsabilité) et en faire un objet de calcul, l’objectif étant d’assurer sa performance économique, voire simplement sa survie sur le marché. Le statut de la responsabilité change. Elle devient un seul moyen de maintenir sa position ou de gagner des parts de marché dans un processus concurrentiel » (Idem, pp. 187-188).
« Le modèle CSR2 n’a aucune connotation éthique. Il concerne seulement le processus de management de la réponse à donner à l’environnement socio- économique » (pp. 188-189). Le concept de « Corporate Social Performance (CSP) permettra d’élaborer « une véritable synthèse sur le thème de la responsabilité de l’entreprise ». Il s’agit de tenir compte de la « motivation de responsabilité sociale de l’entreprise », du « processus de management de la réponse à donner à l’environnement » et de « l’évaluation des résultats » (Idem, p. 189).
L’école française
L’école française constitue une école « dans le sens où il existe et se développe une certaine spécificité » même s’il s’agit plutôt un ensemble de travaux, sans référence commune (Ibidem, p.200). « Elle semble trouver des repères à la fois auprès de l’école américaine « de la Business Ethics » et de l’école allemande « de la discussion » (Ibidem).
Selon Pesqueux et Ramantsoa (1995),expliquent Ballet et De Bry, quatre spécificités du développement de l’éthique par les auteurs français peuvent être notées :
Le rôle de la fonction ressources humaines
Préciser les demandes des managers pour y répondre plus adéquatement
Les demandes des managers à, l’égard de l’éthique, sont multiples. Certains managers « cherchent des certitudes, d’autres veulent des règles à suivre, d’autres, des valeurs qui encadrent ou des stratégies qui signalent au marché leur bonne volonté, d’autres encore essaient d’exprimer des aspirations qui s’accordent davantage avec leur conception d’une vie « bonne » » (T. Pauchant et al., p. 32). Les attentes sont variées, les définitions également : droit, déontologie, mœurs, valeurs, morale (Ibidem). Il s’agit de préciser ces attentes et de construire une démarche éthique en accord avec la stratégie de l’entreprise puis de transmettre cette adéquation aux différents niveaux de l’entreprise. Plus l’élaboration de la démarche est participative, plus l’implication de l’ensemble de l’entreprise sera acquise.
L’image du leader
La perception que le personnel a de son leader comme leader « moral » est importante. Cela incite le personnel à suivre le leader et permet un processus de changement. Le rôle du leader est « d’articuler et de personnifier les valeurs et les standards auxquels l’organisation aspire, d’inspirer et de motiver les employés à suivre leur leader ». Si l’on pense en premier lieu au manager de l’entreprise, chacun, à son niveau de responsabilité est amené aujourd’hui à jouer un rôle de leader. « Le personnel a besoin de reconnaître les caractéristiques morales du leader: son honnêteté, son intégrité ». « Cela permettra au leader de concentrer l’attention de l’organisation sur l’éthique et les valeurs et de diffuser dans l’organisation les principes qui guideront les actions des employés » (A. Crane & D. Matten, p. 174).
Une autre conception du personnel
Identifier les pratiques « non éthiques »
Certaines pratiques liées aux organisations et aux ressources humaines peuvent être qualifiées de « non éthiques ». Ces applications jettent le discrédit sur l’ensemble de l’entreprise :
Les étapes de mise en œuvre et de définition d’un « management par l’éthique »
Les ressources humaines vont ainsi :
− contribuer aux décisions stratégiques de l’organisation ;
− répondre aux demandes légales ;
− mettre en œuvre les actions décidées ;
− tenir compte de l’éthique dans la mise en œuvre des activités liées à la fonction RH.
Mise en place d’un management éthique
Par la communication, il s’agit de mettre en place « les principes «éthiques énoncés dans les discours ». Par la mise en place de « comités éthique, de chartes éthiques, de codes déontologiques, de formations pour les collaborateurs sur les questions éthiques », l’entreprise facilite l’ « appropriation » des principes éthiques et des valeurs.