Cours a propos du management et modélisation des processus metier et systemes d’information pour debutant
Cours a propos du management et modélisation des processus métier et systèmes d’information pour débutant
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La gouvernance des processus consiste à concevoir, maîtriser, faire évoluer et améliorer les processus, dans une perspective d’alignement stratégique. L’objectif recherché est qu’ils apportent de la valeur à l’entreprise, tout en contribuant à traduire concrètement ses orientations stratégiques. C’est ce que vise notamment le courant de la reconfiguration des processus. De son côté, le courant de la maturité des processus recherche un meilleur contrôle des processus. Différents référentiels ont ainsi été proposés, en particulier pour les processus liés aux métiers des systèmes d’information (développement de logiciel, fourniture de services informatiques, management des S.I.). Un des moyens de mieux maîtriser le système d’information global de l’entreprise consiste à le restructurer de façon urbanisée, ce qui implique une cartographie des processus. Le chapitre se termine par une dimension qui est devenue cruciale pour assurer l’efficacité des projets de reconfiguration ou d’amélioration des processus : la gestion du changement organisationnel.
4.1 LA GOUVERNANCE DES PROCESSUS
4.1.1 Gouvernance d’entreprise et gouvernance des processus
Le mot « gouvernance » (governance), aujourd’hui utilisé dans différents domaines de l’action collective, a des origines dans le champ de la politique et dans celui du management.
Il a été lancé à la fin des années 1970 par des experts d’organisations internationales (Banque mondiale, OCDE) pour faire référence à la logique et à l’organisation de la gestion publique1, le mot « gouvernement » renvoyant quant à lui à l’institution dirigeante. Le terme a ensuite été utilisé en Grande-Bretagne pour traiter du fonctionnement des pouvoirs locaux2, incités à évoluer à l’initiative du pouvoir central.
Parallèlement, la notion de « gouvernance d’entreprise » (corporate governance) a répondu dans les années 1980 au mouvement massif d’introduction d’entreprises en Bourse. Le rôle de propriétaire et celui de dirigeant, jusque-là souvent tenu par la même personne, se trouvèrent systématiquement dissociés. Des divergences d’intérêts entre les deux parties devenaient possibles. Le concept de gouvernance d’entreprise a attiré l’attention sur la nécessité de fixer des règles du jeu entre gestionnaires et actionnaires afin de garantir à ces derniers une transparence et un contrôle dans la marche des affaires. Les scandales liés à la manipulation d’informations financières ont conduit les États-Unis à promulguer en 2002 une loi (dite Sarbannes-Oxley). Celle-ci impose notamment aux entreprises cotées en Bourse de mettre en place un double audit, interne et externe, des processus produisant des données financières. Comme ces processus sont largement automatisés, le contrôle des systèmes d’information et des risques associés est devenu un impératif.
En considérant que la gouvernance d’entreprise consiste à guider et orienter son management, trois niveaux de pilotage peuvent être distingués : stratégique, tactique et opérationnel.
- Au niveau stratégique, la gouvernance consiste à déterminer la trajectoire de l’entreprise afin d’améliorer ses performances, notamment en fonction des objectifs assignés par ses actionnaires et de l’évolution de son marché. À ce stade, on effectue des projections, on contrôle et on repositionne le cas échéant.
- Au niveau tactique, il s’agit d’évaluer les processus et d’en déterminer les améliorations à apporter. Un outil possible consiste à mener une étude en se basant sur des catégories d’amélioration, telles que celles présentées au §4.2.2, et en prenant en compte les objectifs assignés au niveau stratégique. À ce stade, on mesure, on analyse et on améliore.
- Au niveau opérationnel, la gouvernance implique un suivi en temps réel des indicateurs des processus, afin de pouvoir intervenir dès qu’une dérive est constatée. Les actions menées à ce stade sont plus immédiates : surveillance, alerte et réaction.
La gouvernance des processus peut être assimilée au pilotage d’un bateau. En effet, la stratégie détermine la route à prendre pour atteindre le port d’arrivée en fonction des vents et des courants dominants. La tactique détermine les options de navigation en fonction des objectifs, des contraintes et du positionnement des autres concurrents. L’opérationnel correspond à la marche en temps réel du bateau en fonction de l’environnement immédiat. Sur un bateau, à chacun de ces stades, des tâches sont affectées à des personnes différentes (course en équipage), ou à une seule personne (course en solitaire) avec une équipe à terre. Comme sur le bateau, plusieurs entités de l’entreprise participent à chaque niveau de la gouvernance, mais en cherchant une convergence pour pouvoir atteindre les objectifs assignés et tenir compte des contraintes de l’environnement. Ce mode de pilotage insiste sur la prise en compte des événements aléatoires.
4.1.2 Tableaux de bord pour la gouvernance des processus
Ainsi, la gouvernance des processus consiste à guider et orienter toutes les actions qui permettent à l’entreprise d’atteindre les objectifs qui lui sont assignés. Cependant, les scandales financiers ont conduit à une exigence de transparence accrue de la part des entreprises, et elles sont aujourd’hui tenues de rendre compte de leurs actions. Pour répondre à ces obligations, elles doivent mettre en place des tableaux de bord, qui ont plusieurs objectifs. Leur rôle est d’abord d’informer les actionnaires sur d’éventuelles dérives par rapport aux axes stratégiques ; mais ils fournissent aussi aux responsables de processus un retour sur les actions d’amélioration engagées ; de plus, ils permettent à chaque acteur d’un processus de suivre son déroulement opérationnel. Ils favorisent une communication descendante et ascendante dans l’entreprise, autour des processus.
Nous avons donc plusieurs types de tableaux de bord, établis en fonction des interlocuteurs. Pour assurer une cohésion dans la gouvernance des processus, il est recommandé de mettre en place un référentiel partagé des processus. En effet, tous les processus de l’entreprise ne contribuent pas de la même manière aux objectifs stratégiques. Le tableau bord stratégique doit permettre de suivre la contribution de chaque processus, et d’identifier ceux ayant la plus forte valeur ajoutée. C’est sur ces derniers que l’on fera porter les actions d’amélioration. Mais rien n’est figé dans le marbre, et compte tenu des aléas et des changements dans l’environnement, l’identification des processus stratégiques peut évoluer dans le temps. Aux niveaux tactique et opérationnel, les tableaux de bord sont élaborés en tenant compte de la décomposition des processus métier à des granularités différentes (selon le principe des poupées russes), aussi bien pour l’assignation des objectifs que pour la remontée des mesures.
Nous avons vu au chapitre 3 (§3.3), que l’on peut faire différentes typologies de processus. Sous l’angle de la gouvernance, on peut distinguer quatre catégories. Les processus métiers participent directement aux missions de l’entreprise. Les processus supports1 qui apportent une aide à plusieurs processus métier pour atteindre leurs objectifs. Les processus de gestion regroupent toutes les actions de gestion financière
- Les processus supports sont des processus opérationnels liés indirectement aux missions de l’entreprise. Par exemple, dans un centre de secours, le processus métier est « secourir les victimes ». La gestion des matériels roulants est un processus support. Un centre de secours, n’a pas pour mission de gérer les matériels roulants. Par contre, un pompier ne peut intervenir auprès d’une victime sans et humaine. Les processus de décision rassemblent les actions de suivi des activités. Les processus considérés comme stratégiques sont en général des processus métiers. Les autres processus métiers, non stratégiques, sont souvent évalués suivant une approche ABC1 que nous avions évoquée au paragraphe 1.1.4.
Pour construire les tableaux de bord des processus stratégiques, on peut utiliser un référentiel basé sur l’approche BSC (Balanced ScoreCard) et sur la cartographie des processus dans une vision « chaîne de valeur ».
4.1.3 Le tableau de bord équilibré et la chaîne de valeur
Le tableau de bord équilibré, BSC (Balanced ScoreCard), est un instrument de contrôle de gestion proposé au début des années 1990 par R. Kaplan et D. Norton2. Il vise la mesure et l’amélioration de la performance des entreprises par la définition d’un ensemble d’indicateurs financiers et non financiers, directement liés à la stratégie de l’entreprise.
Le BSC offre une représentation, qui paraît simple au premier abord. La stratégie de l’entreprise est exprimée suivant quatre axes préétablis: finance, client, processus interne et apprentissage. Les deux premiers axes regroupent les objectifs stratégiques vus par les actionnaires, et ceux relatifs au marché, c’est-à-dire les attentes des clients de l’entreprise. Ils correspondent aux enjeux stratégiques de l’entreprise. Les deux axes suivants sont tournés vers l’entreprise, ils représentent les objectifs qui sont assignés aux processus et aux ressources de l’entreprise, notamment dans une perspective d’amélioration.
La méthode du tableau de bord équilibré a ensuite évolué pour intégrer les rapports de cause à effet entre les indicateurs, constituant ainsi une chaîne de causalité. L’idée qui émerge de cette chaîne de causalité est que la performance financière est conditionnée par la valeur perçue par les clients, elle-même assurée par la qualité et le développement de processus dont la source est la compétence des salariés de l’entreprise et la disponibilité des informations.
L’objectif d’un tableau de bord ancré dans une chaîne de causalité est double: premièrement, rendre visible et mesurable le déploiement de la stratégie au travers d’un petit nombre d’indicateurs susceptibles d’orienter l’action ; deuxièmement, favoriser le développement d’initiatives stratégiques et l’implication de l’ensemble des membres de l’entreprise. Cette double dynamique est illustrée à la figure 4.1.
un engin disponible et en état de marche. De plus, la gestion des matériels roulants intervient dans une autre mission des pompiers qui est la prévention.
- La méthode ABC est une méthode permettant d’analyser au travers des coûts consommés par les activités la performance des processus transversaux, et la contribution de chaque activité par objet de coûts. On entend par objet de coûts ce que l’on veut analyser : le(s) client(s), les produits, les services, les gammes, les unités de travail (business unit), les marchés... La méthode ABC permet d’analyser de manière fine les coûts indirects qui composent les produits et/ou services.
- On peut en trouver une présentation en français dans « Le tableau de bord prospectif », Ed. Organisation, 2003.
Figure 4.1 — BSC et chaîne de causalité
4.1.4 Démarche de gouvernance des processus
Comment passer de la stratégie de l’entreprise à la mise en place d’un outil de gouvernance des processus ? Le BSC permet de mettre en évidence les objectifs de la stratégie classés en quatre axes, et la chaîne de causalité, que l’on rajoute, montre les liens qui existent entre les différents indicateurs d’un axe à l’autre. Il est souhaitable que les indicateurs définis au niveau des processus fournissent des informations favorisant une amélioration au niveau stratégique. Un lien doit donc être recherché entre les indicateurs des processus et ceux de la stratégie.
Faut-il élaborer un lien entre tous les indicateurs recensés au niveau des processus métier avec les indicateurs stratégiques de la BSC ? La réponse est non. En effet, la représentation des processus est élaborée à plusieurs niveaux de granularité.
- Le premier niveau, que l’on peut appeler chaîne de valeur, représente les principaux processus de l’entreprise. On indique à ce niveau le sens des processus, le POURQUOI, et l’on peut distinguer les macro-processus métiers, supports, de gestion et de décision. Cette représentation devrait permettre de visualiser les missions de l’entreprise. On recherche alors les indicateurs montrant la contribution des processus aux objectifs de l’axe Processus interne. Cette première approche permet de faire un tri entre les processus et d’identifier les processus clés qui créent de la valeur.
- À un deuxième niveau, on décompose chaque macro-processus en sous-processus, parfois même à deux niveaux de granularité afin d’avoir une bonne visibilité. On décrit alors ce que fait chaque sous-processus, le QUOI. La définition des indicateurs suit la même logique que précédemment, et l’on fait apparaître la contribution à l’atteinte des objectifs du processus de niveau supérieur.
- Au niveau le plus détaillé, parfois appelé celui des procédures, on mentionne les tâches à effectuer pour réaliser les processus et les ressources affectées. On fait donc apparaître QUI fait Quoi, OÙ et QUAND. On peut alors, dans un dernier niveau, décrire les instructions de la procédure, c’est-à-dire le COMMENT faire. Pour ces deux derniers niveaux, les indicateurs doivent intégrer les objectifs des axes Processus internes et Apprentissage organisationnel. Il faut alors faire apparaître un lien entre les indicateurs des procédures et les indicateurs du processus incluant la procédure. Les indicateurs de la procédure doivent favoriser des actions l’amélioration des performances du processus et l’accroissement de la performance des ressources (humaine et technique).
Ainsi, l’établissement de liens entre la stratégie et les indicateurs de performance des processus suit cette décomposition. Le cadre du Tableau de bord équilibré et de la chaîne causalité aide à représenter les objectifs stratégiques de l’entreprise et les indicateurs associés. Pour chaque processus majeur, de niveau macro-processus, nous indiquerons leur contribution aux indicateurs stratégiques et plus particulièrement en ce qui concerne l’axe processus. Les indicateurs sont ensuite décomposés en suivant la décomposition des processus. En particulier, au niveau des procédures, on cherche à construire un lien avec les indicateurs d’apprentissage organisationnel.
La détermination des objectifs attendus suit donc un mouvement descendant, calé sur l’arborescence des processus. Les mesures des indicateurs se font dans un sens ascendant avec, à chaque niveau, une évaluation par rapport aux objectifs. La mise en place de ce double mouvement peut être considérée comme un outil de gouvernance des processus depuis la stratégie jusqu’à l’opérationnel, qui permet de réagir aux évolutions aléatoires de l’environnement de l’entreprise.
4.1.5 Un exemple de mise en œuvre de gouvernance des processus
Une Société de négoce de produits alimentaires (huile végétale) souhaite mettre en place une gouvernance de ses processus. L’objectif est de pouvoir suivre l’évolution de ses indicateurs de performance.
Dans un premier temps, une réunion avec le comité de Direction a permis d’établir le BSC à partir des orientations stratégiques de l’entreprise vis-à-vis des actionnaires et dans la relation Client. Cela a conduit à identifier les leviers au niveau des processus et des ressources de l’entreprise (figure 4.2).
Figure 4.2 — Structure de BSC
Lors de cette même réunion, les membres du comité de Direction ont affecté un poids à chaque objectif décrit dans le BSC. Ce poids reflète l’importance de l’objectif et l’urgence de sa mise en place, avec les valeurs suivantes :
4 : important et urgent
3 : moins important et urgent
2 : important et non urgent
1 : non important et non urgent.
Les poids retenus sont établis à un moment t, en tenant compte des événements du marché et des contraintes financières. Les objectifs et les poids peuvent être revus en fonction de nouveaux événements. Ils font l’objet d’un examen annuel systématique, et parfois d’une révision trimestrielle Ensuite, un ou plusieurs indicateurs de suivi ont été établis pour chaque objectif stratégique (tableau 4.1). Au niveau des finances on trouve principalement des indicateurs de coûts; concernant la relation Client, des indicateurs de satisfaction des clients, de délai et de coût; au niveau des processus, des indicateurs de délai, de coût et de qualité ; et au niveau des ressources, des indicateurs d’efficacité, d’efficience, de qualité et de coûts.
Tableau 4.1 — Indicateurs associés au BSC
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Afin de démonter les liens qui existent entre les différents objectifs de la stratégie, la chaîne de causalité doit être établie (figure 4.3).
Figure 4.3 — Chaîne de causalité
Dans cet exemple, les indicateurs d’un objectif de niveau supérieur ne sont pas le résultat des indicateurs attachés aux objectifs des niveaux inférieurs qui y contribuent. En effet, chaque indicateur a son propre système d’alimentation. La liaison entre les objectifs permet cependant d’analyser le résultat l’indicateur par rapport aux causes possibles attachées aux indicateurs des objectifs contributeurs.
Supposons que l’entreprise constate que sa part de marché n’est pas conforme à ce qu’elle attendait. Elle vérifiera, au niveau de l’objectif « Fidéliser les clients », le résultat des indicateurs correspondant à la perte de clients et au renouvellement par de nouveaux clients. Au niveau de l’axe « processus », elle constatera le résultat de l’objectif d’amélioration des livraisons. Au vu de ces indicateurs, l’entreprise pourra prendre toutes les décisions qui lui sembleront nécessaires pour anticiper la perte de sa position sur son marché.
L’analyse des indicateurs ne s’arrête pas au niveau de la représentation stratégique. En effet, tous les processus de l’entreprise, et plus particulièrement les processus métiers et supports, contribuent à l’atteinte des objectifs globaux.
La démarche au niveau des processus est similaire à celle appliquée au niveau de la chaîne causalité. Nous établissons un lien entre les objectifs de la chaîne de causalité au niveau de l’axe processus et la chaîne de valeur des processus. Ainsi, on fait apparaître les liens entre les indicateurs des processus et les indicateurs liés aux objectifs de l’axe processus internes.
Par exemple, le processus logistique contribue à l’amélioration du stockage des produits: on déterminera donc des indicateurs en relation avec cet objectif. Des analyses ultérieures permettront de vérifier si les valeurs des indicateurs de ce processus sont en phase avec les attentes. Cette démarche est ensuite poursuivie jusqu’au niveau opérationnel.
Les indicateurs de performance (KPI, Key Performance Index) ou d’alerte qui sont mentionnés au niveau des processus sont alimentés par des indicateurs de ses procédures (niveau du : Qui fait quoi, ou, quand, comment), ou éventuellement par d’autres sources.
En résumé, la gouvernance des processus doit permettre d’anticiper la performance des processus en fonction de la stratégie de l’entreprise. Elle doit vérifier en permanence si les indicateurs d’alerte, de performance et de pilotage sont en phase avec les décisions et l’environnement. Elle permet de rendre compte aux actionnaires et aux parties prenantes concernées de l’évolution de la feuille de route. Les modifications de trajectoire et les décisions de redressement envisagées peuvent ainsi être expliquées et argumentés.
4.1.6 Gouvernance des processus et amélioration continue
La gouvernance des processus correspond à une volonté de placer sous contrôle la mise en œuvre et le fonctionnement des processus. Elle s’inscrit généralement dans une perspective d’amélioration continue. En effet, depuis la fin du xxe siècle, toute Organisation est poussée à s’adapter aux fluctuations de ses environnements. Les processus doivent non seulement être définis et mis en place, mais il faut ensuite les faire évoluer au gré des nouvelles orientations stratégiques et organisationnelles.
Le mouvement du « juste à temps » avait lancé l’idée d’une amélioration continue du processus de production, qui fut reprise et développée par le mouvement de la qualité totale. Les normes qui préconisent une approche processus (ISO 9000, ISO 10006) ont intégré cette orientation. Elles recommandent d’évaluer régulièrement la performance des processus et de les améliorer. Le schéma de référence est le cycle PDCA, un outil de la qualité totale qui rompt avec la pratique des opérations d’amélioration ponctuelles et uniques. Il a été développé par W. Shewart pour élever le niveau de qualité, augmenter la productivité et réduire les coûts de production. Il a ensuite été popularisé par E. Deming, c’est pourquoi on s’y réfère souvent sous le nom de « roue de Deming », symbolisant un mouvement continu (figure 4.4).
Figure 4.4 — La roue de Deming (PDCA)
Le cycle d’amélioration est divisé en quatre phases: Plan-Do-Check-Act.
- Planification (Plan)
On commence par planifier une action d’amélioration. Cela peut demander de recueillir des informations ou des mesures concernant le processus. Il faut alors déterminer de façon précise les buts de l’amélioration, ainsi que les méthodes pour les atteindre.
- Exécution (Do)
On met en œuvre le plan d’amélioration. Cela se traduit souvent par des actions participatives : rechercher des solutions d’amélioration, implémenter un changement, communiquer, former, définir des métriques pour mesurer l’atteinte des buts.
- Vérification (Check)
On vérifie l’effet du changement, en utilisant les métriques précédemment définies, et on analyse les résultats. Si les buts n’ont pas été atteints, on revient sur la phase de planification, puis sur la phase d’exécution.
- Action (Act)
Il s’agit de faire le nécessaire pour assurer la pérennité de l’amélioration ou bien initier une nouvelle amélioration basée sur les contrôles de la phase précédente. Cela conduit à des actions de communication officielle permettant d’institutionnaliser le changement ou à des orientations pour un nouveau tour de roue.
Le cycle PDCA offre un cadre pour faire évoluer les processus de façon durable. Deux approches, non exclusives, guident la détermination des améliorations pertinentes. La première recherche un alignement accru sur la stratégie de l’entreprise : c’est celle de la reconfiguration des processus métiers et des processus systèmes d’information. La seconde est tournée vers une plus grande maîtrise des processus liés au management des systèmes d’information : c’est notamment celle des modèles de maturité qui ont ouvert la voie à différents cadres de référence, et dont l’adoption conduit souvent à mettre en place une urbanisation du système d’information.
4.2 ÉVALUATION ET RECONFIGURATION DES PROCESSUS MÉTIERS
4.2.1 L’évaluation des processus
La reconfiguration des processus d’entreprise s’effectue souvent dans le cadre de projets d’évolution du système d’information. Les processus sont modélisés et analysés pour orienter l’amélioration. Chaque processus fait ainsi l’objet d’une évaluation, qui peut être structurée en deux parties.
Dans une première partie, le processus existant est observé globalement dans son apport au management et au fonctionnement de l’Organisation. Les dimensions suivantes sont généralement examinées:
- Objectif : on évalue l’écart entre l’objectif du processus actuel, tel qu’il est perçu et vécu par les différents acteurs, et l’objectif tel qu’il découle de la stratégie de l’entreprise.
- Importance : on apprécie l’importance du processus, actuellement et dans le futur, afin de porter un effort proportionné à sa modification.
- Contrôle : on examine le degré de contrôle que l’on a sur le processus existant, notamment sur la possibilité de mesurer sa performance (volumes d’activité, coûts, délais).
- Connaissances : on estime l’importance et la pérennité des connaissances mises en œuvre dans le processus existant et des savoir-faire acquis par les acteurs. De façon plus large, le capital immatériel mis en jeu peut être évalué comme décrit dans le cas présenté ci-après (cas Alko).
- Succès : on s’interroge sur la façon dont on juge le succès du processus, notamment dans l’avenir, car l’explicitation des critères de succès orientera la reconfiguration.
Dans une deuxième partie, on analyse le processus détaillé. La mise en évidence de problèmes ou carences prépare des améliorations, voire des ruptures. Les critères d’analyse sont notamment les suivants :
- Fragmentation: la division du travail et les tâches de coordination associées peuvent compromettre l’efficacité du processus.
- Inefficience : il s’agit d’apprécier le poids et le coût des activités qui sont périphériques à la réalisation de la mission (contrôle, support).
- Ressources informationnelles : faire la synthèse des ressources informationnelles utilisées peut montrer des limites à la pertinence et la complétude des informations, telles qu’elles sont actuellement structurées et mises à disposition.
- Visibilité : des besoins d’ouverture du système vers des acteurs externes (clients, partenaires) peuvent être diagnostiqués.
Cas Alko
Alko est une entreprise publique finlandaise qui détient le monopole de la distribution des boissons alcoolisées de plus de 4,7◦ sur le territoire national. Elle a mis en œuvre il y a quelques années un management par processus. Deux ans plus tard, en 2007, la gestion opérationnelle du capital immatériel fut considérée comme essentielle, car le départ de certains acteurs pouvait mettre en péril la qualité de service de l’entreprise. Le capital immatériel est généralement défini comme des ressources intangibles qui sont sources de valeur pour l’organisation. Plus précisément, pour Alko, il s’agissait de gérer au mieux les descriptions et la documentation sur les processus (capital structurel), les compétences des employés (capital humain) et la communication avec les clients (capital relationnel). Les différents processus ont ainsi été analysés sous l’angle des trois types de capital immatériel, comme le montre le tableau ciaprès. Cela a conduit à enrichir les processus, notamment à implémenter des indicateurs (nombre de contacts clients par vendeur, campagne de mesure de la satisfaction client).
4.2.2 Les orientations de changement
Les améliorations recherchées pour un processus s’inscrivent dans le cadre d’un objectif général de management.
On peut en distinguer quatre catégories:
- Efficacité: on attend avant tout un meilleur fonctionnement du processus, en particulier par la réduction de la durée du cycle d’exécution et par la qualité des décisions.
- Relation client: au-delà de la rapidité du processus, il s’agit principalement d’améliorer sa qualité perçue par le client pour améliorer sa satisfaction.
- Efficience: l’objectif majeur est la réduction des coûts.
- Flexibilité : on cherche surtout à obtenir un système flexible pouvant être modifié rapidement en cas d’évolution des contraintes et/ou de la stratégie.
Théoriquement, on souhaiterait pouvoir améliorer ces quatre dimensions. Cependant, les dispositions d’amélioration peuvent avoir des effets antinomiques. Ainsi, l’augmentation de la flexibilité est souvent coûteuse. Une plus grande efficacité entraîne parfois une rigidité accrue. Une focalisation sur les coûts peut se faire au détriment de la relation client, de l’efficacité et de la flexibilité. Certains représentent cette nécessité de faire des choix et des arbitrages par un quadrilatère qualifié de « diabolique »1 (figure 4.5).
Figure 4.5 — Le quadrilatère diabolique
Le ciblage sur une catégorie d’objectif considérée comme la plus importante oriente le choix des actions conduisant à l’évolution du processus. Celles-ci peuvent porter sur les différents éléments définissant un processus, tels qu’ils ressortent de la définition donnée au chapitre 3 :
Un processus est un ensemble d’activités, entreprises dans un objectif déterminé. La responsabilité d’exécution de tout ou partie des activités par un acteur correspond à un rôle. Le déroulement du processus utilise des ressources et peut être conditionné par des événements, d’origine interne ou externe. L’agencement des activités correspond à la structure du processus.
On va indiquer les actions possibles selon l’élément touché : structure et activités, rôles et acteurs, et ressources2.
4.2.3 L’amélioration de l’efficacité
Le critère majeur de l’efficacité d’un processus est généralement la durée de son cycle de vie. Réduire le temps de traitement des occurrences implique des compromis entre plusieurs aspects. En effet, il faut veiller simultanément à :
- minimiser la part des activités n’ajoutant pas de valeur;
- assurer un niveau de contrôle suffisant pour garantir la qualité du résultat;
- conserver un volume de coordination apte à fluidifier le déroulement;
- réduire la durée des activités sans sacrifier la qualité.
Une première mesure d’amélioration vise à optimiser la structure et les activités du processus.