Manuel complet sue l'Histoire de la pensée économique
PRESENTATION
L’objectif de ce cours est de donner aux étudiants, dont certains arrêteront leurs études en Licence, les éléments nécessaires à la mise en perspective historique des connaissances acquises au cours de leur scolarité en économie. On retiendra ainsi quelques auteurs majeurs qui ont marqué l’histoire de la discipline et dont la connaissance fait partie du patrimoine intellectuel des économistes.
Chapitre premier De la division du travail
Les plus grandes améliorations dans la puissance productive du travail, et la plus grande partie de l'habileté, de l'adresse, de l'intelligence avec laquelle il est dirigé ou appliqué, sont dues, à ce qu'il semble, à la Division du travail.
On se fera plus aisément une idée des effets de la division du travail sur l'industrie générale de la société, si l'on observe comment ces effets opèrent dans quelques manufactures particulières. On suppose communément que cette division est portée le plus loin possible dans quelques-unes des manufactures où se fabriquent des objets de peu de valeur. Ce n'est pas peut-être que réellement elle y soit portée plus loin que dans des fabriques plus importantes; mais c'est que, dans les premières, qui sont destinées à de petits objets demandés par un petit nombre de personnes, la totalité des ouvriers qui y sont employés est nécessairement peu nombreuse, et que ceux qui sont occupés à chaque différente branche de l'ouvrage peuvent souvent être réunis dans un atelier et placés à la fois sous les yeux de l'observateur. Au contraire, dans ces grandes manufactures destinées à fournir les objets de consommation de la masse du peuple, chaque branche de l'ouvrage emploie un si grand nombre d'ouvriers, qu'il est impossible de les réunir tous dans le même atelier. On ne peut guère voir à la fois que les ouvriers employés à une seule branche de l'ouvrage. Ainsi, quoique dans ces manufactures l'ouvrage soit peut-être en réalité divisé en un plus grand nombre de parties que dans celles de la première espèce, cependant la division y est moins sensible et, par cette raison, elle y a été moins bien observée.
Prenons un exemple dans une manufacture de la plus petite importance, mais où la division du travail s'est fait souvent remarquer : une manufacture d'épingles.
Un homme qui ne serait pas façonné à ce genre d'ouvrage, dont la division du travail a fait un métier particulier, ni accoutumé à se servir des instruments qui y sont en usage, dont l'invention est probablement due encore à la division du travail, cet ouvrier, quelque adroit qu'il fût, pourrait peut-être à peine faire une épingle dans toute sa journée, et certainement il n'en ferait pas une vingtaine. Mais de la manière dont cette industrie est maintenant conduite, non seulement l'ouvrage entier forme un métier particulier, mais même cet ouvrage est divisé en un grand nombre de branches, dont la plupart constituent autant de métiers particuliers. Un ouvrier tire le fil à la bobine, un autre le dresse, un troisième coupe la dressée, un quatrième empointe, un cinquième est employé à émoudre le bout qui doit recevoir la tête. Cette tête est elle-même l'objet de deux ou trois opérations séparées : la frapper est une besogne particulière ; blanchir les épingles en est une autre ; c'est même un métier distinct et séparé que de piquer les papiers et d'y bouter les épingles; enfin, l'important travail de faire une épingle est divisé en dix-huit opérations distinctes ou environ, lesquelles, dans certaines fabriques, sont remplies par autant de mains différentes, quoique dans d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois. J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait que dix ouvriers, et où, par conséquent, quelques-uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations. Mais, quoique la fabrique fût fort pauvre et, par cette raison, mal outillée, cependant, quand ils se mettaient en train, ils venaient à bout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour; or, chaque livre contient au delà de quatre mille épingles de taille moyenne. Ainsi, ces dix ouvriers pouvaient faire entre eux plus de quarante-huit milliers d'épingles dans une journée; donc, chaque ouvrier, faisant une dixième partie de ce produit, peut être considéré comme donnant dans sa journée quatre mille huit cents épingles. Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ils n'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles, peut-être pas une seule, dans sa journée, c'est-à -dire pas, à coup sûr, la deuxcent-quarantième partie, et pas peut-être la quatre-mille-huit-centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division et d'une combinaison convenables de leurs différentes opérations.
Dans tout autre art et manufacture, les effets de la division du travail sont les mêmes que ceux que nous venons d'observer dans la fabrique d'une épingle, quoique dans un grand nombre le travail ne puisse pas être aussi subdivisé ni réduit à des opérations d'une aussi grande simplicité. Toutefois, dans chaque art, la division du travail, aussi loin qu'elle peut y être portée, amène un accroissement proportionnel dans la puissance productive du travail. C'est cet avantage qui paraît avoir donné naissance à la séparation des divers emplois et métiers.
Aussi, cette séparation est en général poussée plus loin dans les pays qui jouissent du plus haut degré de perfectionnement ; ce qui, dans une société encore un peu grossière, est l'ouvrage d'un seul homme, devient, dans une société plus avancée, la besogne de plusieurs. Dans toute société avancée, un fermier en général n'est que fermier, un fabricant n'est que fabricant. Le travail nécessaire pour produire complètement un objet manufacturé est aussi presque toujours divisé entre un grand nombre de mains. Que de métiers différents sont employés dans chaque branche des ouvrages manufacturés, de toile ou de laine, depuis l'ouvrier qui travaille à faire croître le lin et la laine, jusqu'à celui qui est employé à blanchir et à tisser la toile ou à teindre et à lustrer le drap!
pauvre, ou du moins cette différence n'est jamais aussi forte qu'elle l'est ordinairement dans les manufactures. Ainsi, le blé d'un pays riche, à égal degré de bonté, ne sera pas toujours, au marché, à meilleur compte que celui d'un pays pauvre.[…]
Cette grande augmentation dans la quantité d'ouvrage qu'un même nombre de bras est en état de fournir, en conséquence de la division du travail, est due à trois circonstances différentes : - premièrement, à un accroissement d'habileté chez chaque ouvrier individuellement; - deuxièmement, à l'épargne du temps qui se perd ordinairement quand on passe d'une espèce d'ouvrage à une autre; - et troisièmement enfin, à l'invention d'un grand nombre de machines qui facilitent et abrègent le travail, et qui permettent à un homme de remplir la tâche de plusieurs.
ain de l'homme fût capable d'acquérir autant d'agilité. En second lieu, l'avantage qu'on gagne à épargner le temps qui se perd communément en passant d'une sorte d'ouvrage à une autre, est beaucoup plus grand que nous ne pourrions le penser au premier coup d’œil. Il est impossible de passer très vite d'une espèce de travail à une autre qui exige un changement de place et des outils différents. Un tisserand de la campagne, qui exploite une petite ferme, perd une grande partie de son temps à aller de son métier à son champ, et de son champ à son métier. Quand les deux métiers peuvent être établis dans le même atelier, la perte du temps est sans doute beaucoup moindre; néanmoins elle ne laisse pas d'être considérable. Ordinairement, un homme perd un peu de temps en passant d'une besogne à une autre. Quand il commence à se mettre à ce nouveau travail, il est rare qu'il soit d'abord bien en train; il n'a pas, comme on dit, le cœur à l'ouvrage, et pendant quelques moments il niaise plutôt qu'il ne travaille de bon cœur. Cette habitude de flâner et de travailler sans application et avec nonchalance est naturelle à l'ouvrier de la campagne, ou plutôt il la contracte nécessairement, étant obligé de changer d'ouvrage et d'outils à chaque demi-heure, et de mettre la main chaque jour de sa vie à vingt besognes différentes; elle le rend presque toujours paresseux et incapable d'un travail sérieux et appliqué, même dans les occasions où il est le plus pressé d'ouvrage. Ainsi, indépendamment de ce qui lui manque en dextérité, cette seule raison diminuera considérablement la quantité d'ouvrage qu'il sera en état d'accomplir.
ces petits garçons, qui avait envie de jouer avec ses camarades, observa qu'en mettant un cordon au manche de la soupape qui ouvrait cette communication, et en attachant ce cordon à une autre partie de la machine, cette soupape s'ouvrirait et se fermerait sans lui, et qu'il aurait la liberté de jouer tout à son aise. Ainsi, une des découvertes qui a le plus contribué à perfectionner ces sortes de machines depuis leur invention, est due à un enfant qui ne cherchait qu'à s'épargner de la peine. Cependant il s'en faut de beaucoup que toutes les découvertes tendant à perfectionner les machines et les outils aient été faites par les hommes destinés à s'en servir personnellement. Un grand nombre est dû à l'industrie des constructeurs de machines, depuis que cette industrie est devenue l'objet d'une profession particulière, et quelques-unes à l'habileté de ceux qu'on nomme savants ou théoriciens, dont la profession est de ne rien faire, mais de tout observer, et qui, par cette raison, se trouvent souvent en état de combiner les forces des choses les plus éloignées et les plus dissemblables. Dans une société avancée, les fonctions philosophiques ou spéculatives deviennent, comme tout autre emploi, la principale ou la seule occupation d'une clas
Sommaire
Présentation ………………â€
Adam Smith (1723-1790)
Livre I, chapitres 1, 2, 3, 4, 5, 6 (extraits)...............
Livre II, chapitres 3 (extrait)…………………………………………………….. page 16
Livre IV, chapitres 2, 9 (extraits)………………………………………………... page 17
Livre V, chapitres 2, section iii (extrait)………………………………………… page 20
David Ricardo (1772-1823)
Principes de l'économie politique et de l'impôt (1817)
Chapitre I (La valeur), sections 1, 2, 3, 4………………………………………... page 21
Chapitre II (La rente)........................................................................................…. page 30
Chapitre IV (Prix naturel & prix courant)……………………………………….. page 32
Chapitre V (Les salaires, extraits)……..……………………………………….... page 34
Chapitre VI (Les profits, extraits)…..…………………………………………… page 36
Chapitre XXI (Des effets de l’accumulation sur les profits, extraits)..………….. page 37
Karl Marx (1818-1883)
Le capital, livre 1 (1867)
Chapitre I (« La marchandise »).......................................................…. page 39
Chapitre IV (« La formule générale du capital »)………………………………... page 45
Chapitre V (« Contradictions de la formule générale du capital », extrait)……… page 49
Chapitre VI (« L'achat et la vente de la force de travail »)………………………. page 49
Chapitre XIX (Transformation de la valeur de la force de travail en salaire)……. page 54
Léon Walras (1834-1910)
Études d'économie sociale (1896)
Théorie générale de la société (6e leçon : « De l'individu et de l'État »)………… page 58
Théorie de la propriété…………………………………………………………… page 63
Préface de la 4e édition (extrait)…………………………………………………. page 69
2e leçon : Distinction entre la science, l'art et la morale (extrait)………………... page 71
3e leçon : De la richesse sociale ; triple conséquence de la rareté……………….. page 72
5e leçon : Du marché et de la concurrence……………………………………….. page 76
18e leçon : Eléments et mécanismes de la production (extrait)………………..… page 80
John Maynard Keynes (1883-1946)
Théorie générale de l'emploi, de l'intérêt et de la monnaie (1936)
Chapitre 2 : Les postulats de l'économie classique............................................…. page 83
Chapitre 3 : Le principe de la demande effective………………………………... page 90
Chapitre 24 : Notes finales sur la philosophie sociale etc. ………….....………… page 94
« La théorie générale de l'emploi », in Quaterly Journal of Economics (1937)…... page 99