Cours introduction à la Gestion des risques
1 Introduction historique
La gestion des risques est une fonction relativement récente dans les banques. Afin de bien comprendre son évolution, il est indispensable de disposer de certains repères historiques.
1.1 Quelques repères théoriques
1900 Thèse de Louis Bachelier “Théorie de la Spéculation”.
1952 Parution de l’article “Portfolio selection” de Harry Markowitz dans Journal of Finance. 1964 William Sharpe invente le modèle CAPM.
1970 Synthèse des travaux sur l’efficience des marchés par Eugene Fama.
1973 Formule de valorisation d’une option européenne de Fisher Black et Myron Scholes. 1974 Etude de l’obligation risquée par Robert Merton.
1977 Modèles de taux de Vasicek et de Cox, Ingersoll et Ross.
1992 Parution de l’article d’Heath, Jarrow et Morton dans Econometrica. 1994 RiskMetrics.
On associe généralement la naissance de la théorie financière aux travaux fondateurs de Bachelier. Ceux-ci ont été ignorés pendant très longtemps, jusqu’à leur découverte par Paul Samuelson. Les années 30 marquent le début des recherches empiriques sur les prix des actifs avec la création de la Cowles Commission for Research in Economics en 1932 et celle de la revue Econometrica par JosephSchumpeter en 1933. Ces recherches portent plus spécifiquement sur la formation des prix, l’efficience du marché et la détection de stratégies profitables (c’est-à-dire sur l’anticipation des cours des actions). Ce n’est que dans les années 50 que les chercheurs (Markowitz, Lintner, Sharpe, etc.) entreprennent des travaux conséquents sur le risque. Ceux-ci aboutissent à la théorie moderne du choix deportefeuille basée sur les modèles CAPM et APT. L’année 1973 marque un tournant dans l’histoire financière pour deux raisons :
Lapremière est la création du CBOE (Chicago Board Options Exchange) avec la mise en place de mécanismes d’une chambre de compensation (clearing house).
Laseconde est la parution de la très célèbre formule de Black et Scholes pour valoriser une option Européenne.
C’est le point de départ au développement intensif des recherches concernant la valorisation (pricing) des produits dérivés. Durant les années 80 et 90, la mise en place de couverture (hedging) de cesproduits sensibilise les acteurs du marché au risque (per¸cu comme une variation du P&L, c’est-à-dire du résultat). A la même période, de nouveaux outils statistiques sont mis en place dans les banques pourla sélection de clientèle (credit scoring). Ces outils concernent aussi bien le risque de défaillance (default/credit risk)
que les problèmes de tarification. L’Accord de Bâle de 1988 impose aussi une nouvelle vision du risque, beaucoup plus réglementaire. La publication en 1994 de la méthodologie RiskMetrics par JP Morgan permet une diffusion très large des méthodes Value-at-Risk (VaR ou valeur en risque) aussi bien auprès des professionnels que des académiques.
1.2 Le développement des produits financiers
Il existe plusieurs types de risque (voir le chapitre suivant). Les deux principaux sont le risque de crédit (credit risk) et le risque de marché (market risk) — en fait, le risque opérationnel (operationalrisk) est considéré comme plus important que le risque de marché. Pour une première définition, nous pouvons assimiler le risque de marché à un risque de volatilité des prix des actifs et le risque de créditau risque de défaillance. L’Accord de Bâle de 1988 traite de ces deux risques — pour être précis, seul le risque de crédit était concerné, le risque de marché a été pris en compte plus tard. Néanmoins, il estvite apparu que le traitement réglementaire (capital forfaitaire) du risque de marché était mal adapté. Les autorités réglementaires ont donc autorisé les banques à utiliser des modèles internes pour mesurerce risque. Cela n’est pas le cas du risque de crédit, car le marché du crédit n’avait pas (et n’a toujours pas) la maturité suffisante pour mesurer le risque de fa¸con rationnelle et cohérente. Cela explique la part particulière de ce cours consacrée au risque de marché. Cependant, afin de bien cerner le risque de marché, il est indispensable de connaˆıtre les différents produits.
L’historique suivant est extrait de Jorion [2001] (voir la section 1.2.2) et de Crouhy, Galai et Mark [2001] (section 2 du chapitre 1).
– Foreign currency futures (1972)
– Equity options (1973)
– Over-the-counter currency options (1979)
– Currency swaps (1980)
– Interest rate swaps (1981)
– Equity index options (1983)
– Interest rate caps/floors (1983)
– Swaptions (1985)
– Path-dependent options (Asian, lookback, etc.) (1987)
– CAT options (1992)
– Captions/Floortions (1993)
– Credit default options (1994)
– Weather derivatives (1997)
L’innovation financière a surtout concerné dans un premier temps le marché des changes (FX market). Cela s’explique par la crise pétrolière de 1973. Cette innovation s’est rapidement transmise auxmarchés d’actions (Equity market) et de taux d’intérêt (Bond market ou Interest Rate market), et dans une moindre mesure au marché des matières premières (Commodity market). Il fautnoter que celle-ci s’est faite en dehors des marchés organisés (centralized exchanges). Ce sont donc généralement des produits traités sur des marchés de gré à gré (over-the-counter markets ouOTC markets).
Voyons quelques définitions (très simplifiées) des principaux produits.
- Un contrat à terme (futures) fixe les caractéristiques d’une transaction future : la maturité du contrat, le cours à terme (forward), etc.
- Une option est un contrat entre deux parties par lequel l’une accorde à l’autre le droit, mais non l’obligation, de lui acheter (option d’achat) ou de lui vendre (option de vente) l’actif support selon certaines conditions. L’option est un exemple d’actif conditionnel ou d’actif contingent. Voici quelques caractéristiques qui permettent de définir le contrat :
Le support du contrat est appelé le sous-jacent de l’option.
Leprix convenu à l’avance auquel peut avoir lieu la transaction est le prix d’exercice (strike).
Sila maturité de l’option n’est pas précisée, l’option est dite perpétuelle.
L’acheteurde l’option paye une prime (premium) au vendeur de l’option pour le droit d’exercer l’option.
Une option d’achat est un call et une option de vente est un put.
Si la date d’exercice correspond à l’échéance de l’option, l’option est dite Européenne. Si l’acheteur peut exercer à tout moment avant la maturité de l’option, nous avons une option Américaine.
Ces deux types d’option définissent les options Vanilles (Vanilla options). Lorsqu’il existe plusieurs dates discrètes d’exercice, on les appelle des options Bermuda
La caractérisation mathématique de l’option correspond à la définition de la fonction payoff :
European Call (S (T ) K)+
European Put (K S (T ))+
Σ+¯Asian (Fixed Strike) K − S
Asian (Floating Strike) .S (T ) − S¯Σ+
Lookback (S (T ) − mint ≤t≤T S (t))+
Barrier (DOC) 1[mint0≤t≤T S(t)≥L] • (S (T ) − K)
Spread (S1 (T ) − S2 (T ) − K)+
Basket (S1 (T ) + S2 (T ) − K)+
- Un swap est un échange de deux échéanciers de flux futurs. Par exemple, un swap de taux fixe/variable (ftxed/floating) est l’échange d’un taux fixe contre un taux variable (Euribor, etc.).
- Un cap est un contrat qui permet à l’acheteur de se garantir contre une hausse des taux en fixant un taux plafond.
1.3 L’histoire récente des crises financières
La réglementation prudentielle en matière de contrôle des risques financiers est une conséquence des différentes crises financières et de leur impact sur la solvabilité des établissements financiers. Lechapitre 2 de Jorion [2001] présente un historique assez complet des “désastres” financiers récents. Voici quelques points de repère :
1974 Herstatt Bank — FX trading — $4.8 Mds. 1994 Orange County — Reverse repos — $1.81 Mds. 1994 Metallgesellschaft — Oil futures — $1.34 Mds. 1994 Procter & Gamble — Swaps — $0.16 Mds.
1995 Barings — Index Nikkei 225 futures — $1.33 Mds. 1997 Natwest — Swaptions — $0.13 Mds.
1998 LTCM — Liquidity crisis — $2 Mds.
Pourquoi mettre en place des mécanismes de surveillance des établissements financiers par des autorités de tutelle ? Lors de crises financières importantes (crise mexicaine, crise russe, crise asiatique, etc.), la mise en place d’un prêteur en dernier ressort s’avère très couteuse pour éviter une crise systémique. De même, la défaillance d’un seul établissement financier peut conduire à une contagion aux autres établissements financiers à cause de la panique financière (Diamond et Dybvig [1983]). La mise en place d’une réglementation en matière des risques vise donc dans un premier temps à limiter le risquesystémique, et dans un deuxième temps à éviter les défaillances individuelles des établissements financiers.
TABLE 1.1. About Basle Committee (from http ://www.bis.org)
1.4 L’évolution de la réglementation
La réglementation prudentielle a considérablement évolué ces vingt dernières années sous l’impulsion des travaux du Comité de Bâle. Même si celui-ci n’a aucun pouvoir décisionnel, ses recommandations sont reprises par les différentes autorités de tutelle des différents pays industrialisés. Bien suˆr, il existe de petites différences entre les textes de Bâle et les textes officiels.
En Europe, c’est la Commission Européenne qui est chargée de définir la CAD (Capital Adequacy Directive). Mais la mise en œuvre revient aux différentes autorités de tutuelle nationales. En France, c’est la Commission Bancaire (qui est rattachée à la Banque de France) qui contrôle l’application de la CAD (en fait, une version fran¸caise adaptée à la législation francaise par le Comité de la Réglementation Bancaire et Financière — CRBF).
Les principales dates de l’évolution de la réglementation sont les suivantes : 1988 The Basle Capital Accord
1993 Capital Adequacy Directive
1996 Amendment to the Capital Accord to incorporate market risks 1999 A new capital adequacy framework
2001 The New Basel Capital Accord 2004 (2005 ?) Basle II
2 Définition du risque
Il est très difficile de définir de fa¸con générale la notion de risque. Le risque est lié à la survenance d’un
événement que l’on ne peut prévoir qui a des conséquences importantes sur le bilan de la banque. Il faut donc distinguer le caractére aléatoire et imprévisible (qui est l’origine du risque) de l’enjeu (conséquencefinale).
2.1 Typologie des risques
Voici une liste non exhaustive des différents risques que peut rencontrer un établissement financier :
– Risque de crédit
– Risque de défaillance (default risk)
– Risque de dégradation de la valeur de la créance (downgrading risk)
– Risque de marché
– Risque de taux d’intérêt
– Risque de change
– Risque de modèle
– Risque opérationnel
– Risque de désastre
– Risque de fraude
– Risque de traitement
– Risque technologique
– Risque juridique
– Risque de liquidité
– Risque stratégique
2.2 La mesure du risque
Le risque est lié à la volatilité du Mark to Market (ou valorisation au prix de marché) du portefeuille d’actifs. Pendant très longtemps, la mesure naturelle du risque a donc été la volatilité. Par exemple, dans le modèle de sélection de portefeuille de Markowitz, l’agent maximise son espérance de gain pour un niveau de risque donné, qui est mesuré par l’écart-type.
Cette vision du risque n’est cohérente que dans un monde gaussien. Cependant, nous savons depuis fort longtemps que l’hypothèse de normalité des rendements des actifs financiers n’est pas vérifiée.Ac- tuellement, la mesure de risque qui est la plus répandue est la valeur en risque (Value-at-Risk ou VaR). Statistiquement, ce n’est rien d’autre que le quantile α de la perte potentielle pour un horizon donné. Soit ϑ la variable aléatoire représentant la perte potentielle. Notons F la distribution de probabilité de ϑ. Nous avons
VaR = F−1 (α) (2.1)
Deux éléments sont donc déterminants pour calculer la valeur en risque : la distribution de probabilité et le seuil de confiance.
Rating Réglementaire (marché) BBB A AA AAA
α 99% 99.75% 99.9% 99.95% 99.97%
Temps de retour 100 jours 400 jours 4 années 8 années 13 années
Φ−1 (α) 2.33 2.81 3.09 3.29 3.43
t−4 1 (α) 3.75 5.60 7.17 8.61 9.83
La perte moyenne E [ϑ] est désignée par le terme expected loss. Dans le risque de marché, le capital en risque (Capital-at-Risk ou CaR) correspond à la valeur en risque. Dans le risque de crédit, il estégal
à la différence entre le quantile et la perte moyenne — cette différence est appelée la perte exceptionelle (unexpected loss). Dans ce dernier cas, on suppose que les marges (et les provisions) couvrent la pertemoyenne. Enfin, il nous faut définir aussi la charge en capital (capital charge) qui est fonction du capital en risque. Cette charge en capital correspond au montant effectif de fonds propresimmobilisés pour assurer l’opération.
CHAPITRE 2. DE´FINITION DU RISQUE
GRAPHIQUE 2.2. Représentation graphique de la valeur en risque
2.3 L’optimisation du couple rentabilité/risque
Il est difficile de finir ce chapitre consacré au risque sans évoquer la rentabilité. Car le but d’une banque, ce n’est pas de prendre le moins de risque possible, mais d’atteindre une rentabilité maximale pour un risque donné.
La mesure des risques va permettre de calculer les fonds propres nécessaires pour assurer chaque opération financière. C’est donc un outil qui a plusieurs vocations. Il permet bien suˆr dedimensionner les risques encourus en fonction du montant de ces fonds propres. Mais c’est aussi un outil indispensable pour calculer des mesures de performances. Au niveau global, la mesure de performance laplus utilisée est le rendement des fonds propres (Return on Equity ou ROE). A des niveaux beaucoup plus fins (jusqu’au niveau transactionel), les banques utilisent des mesures de performance ajustée durisque (risk-adjusted performance measure ou RAPM). Par exemple, le rapport du rendement espéré sur le capital en risque est une mesure RAPM.
Il est donc important de considérer la mesure des risques non pas uniquement comme un outil réglementaire, mais comme un outil stratégique de décision pour la banque, car
[...] la gestion d’une banque consiste en une gestion globale et coordonnée, sous contraintes internes et externes, de la rentabilité et des risques liés aux activités de l’établissement (Augros et Que´ruel [2000]).
3 Le nouvel Accord de Bâle et le ratio McDonough
3.1 Les fonds propres
Voici le bilan simplifié d’une banque
ACTIF PASSIF
Actifs immobilisés Fonds propres Crédits et prêts Dette titres (portfeuilles de négociation, de placement et d’investissement) Dépôts
Trésorerie
Les fonds propres (ou le capital) sont un éléments du passif d’une banque. Ils regroupent :
– Les actions ordinaires et les certificats d’investissement,
– les réserves,
– le résultat non distribué,
– etc.
Les autres éléments du passif d’une banque sont les dépôts, l’épargne des ménages, ainsi que les dettes. A l’actif, nous trouvons les crédits et les prêts aux ménages et aux entreprises, les services, le portefeuillede titres, etc.
Le rôle des fonds propres est triple (Dubernet [1997]) :
Les fonds propres sont nécessaires à la croissance.
Les fonds propres sont le moteur de l’activité de la banque. A cause des contraintes externes (par exemple, la réglementation) et internes (imposées par exemple par les actionnaires), ces fondspropres dimensionnent le risque de la banque, et donc l’activité de la banque. La croissance de l’établissement financier dépend donc de l’évolution de son capital.
Les fonds propres sont une garantie vis-à-vis des créanciers.
Ils servent à garantir l’activité de la banque. En particulier, ils doivent permettre d’absorber les fortes pertes dues à des éléments exogènes et/ou inattendus :
– Crise russe (risque pays — défaut de paiement),
– Crise asiatique (implosion des systèmes bancaires),
– Crise immobilière (krach spéculatif),
– etc.
Ainsi plus leur niveau est élevé, plus la banque présente des gages de solidité (à activité bancaire constante). Ces fonds propres sont un des éléments de notation de la banque (rating), note quiconditionne le couˆt des ressources (de trésorerie et de long terme).
Les fonds propres sont les ressources les plus chères (exigence de rentabilité).
Puisque les fonds propres permettent de couvrir les risques, ils sont rémunérés. Le taux de rémunération est appelé Return on Equity ou ROE. L’objectif de la banque est donc d’offrir le ROE le plus
élevé à ses actionnaires (prendre le moins de risque et dégager la plus de résultat net). Actuellement, celui-ci varie fortement d’un établissement financier à un autre avec une moyenne autour de 15%.Notons que celui-ci a une influence très importante sur la valeur de marché de la banque (Market Value Added ou MVA) et conditionne (partiellement) la croissance externe (OPA, OPE, fusion, etc.) de l’établissement financier.
3.2 Le ratio Cooke
En 1988, le Comité de Bâle propose un ratio international de solvabilité qui doit permettre
– une meilleure adéquation des fonds propres par rapport aux risques
– de renforcer la solidité et la stabilité du système bancaire,
– et d’atténuer les inégalités concurrentielles entre les banques.
C’est le fameux ratio Cooke (du nom du président du Comité de Bâle de l’époque) qui correspond au rapport entre le montant des fonds propres et celui des encours (pondérés) EPC de crédit. Plusieursniveaux de fonds propres sont définis :
Les fonds propres de base FP1ou “noyau dur” (TIER 1).
Les fonds propres complémentaires FP2 (TIER 2).
Les fonds propres sur complémentaires FP3 (TIER 3).
Les fonds propres de base correspondent au capital et aux réserves. Les fonds propres complémentaires sont plus difficiles à définir, mais sont principalement constitués par des emprunts subordonnés. Selon l’Accord de Bâle (Basle Accord), les établissements financiers doivent respecter les contraintes sui- vantes :
FP2 ≤ FP1
(FP + FP ) / EPC 8% (ratio Cooke)
FP1 / EPC ≥ 4%
Les encours pondérés de crédit concerne le bilan et le hors bilan et les pondérations sont les suivantes (Bessis [1995]) :
- 0% pour les créances sur des Etats de l’OCDE,
- 20% pour les créances sur les banques et les collectivités locales d’Etats de l’OCDE ;
- 50% pour les créances garanties par une hypothèque ou crédit bail immobilier ;
- 100% pour tous les autres éléments d’actifs, dont les crédits à la clientèle.
L’Accord de Bâle a été adopté par le Parlement Européen en 1993. La réglementation a évoluée progressi- vement pour prendre en compte les risques de marché. Contrairement au risque de crédit, deuxapproches existent pour calculer les risques de marché. La première approche est une méthode forfaitaire, alors que la seconde approche autorise les banques à utiliser un modèle interne. L’idéeprincipale est d’inciter les banques à construire des modèles robustes pour calculer les risques de marché et donc d’obtenir des exigences en fonds propres beaucoup plus réalistes.
Remarque 1 Le site internet de la Reserve Bank of New Zeland contient un exemple complet de calcul des ratios TIER 1 et TIER 2. Le lien direct est
CHAPITRE 3. LE NOUVEL ACCORD DE BALE ET LE RATIO MCDONOUGH
3.3 Bâle II et le nouveau ratio de solvabilité
Le Comité de Bâle a publié le 16 janvier 2001 le second document consultatif pour une réforme (en profondeur) de la réglementation prudentielle. Celui-ci fait suite à la publication en juin 1999 d’unpremier document consultatif et aux diverses réactions de la profession. Dans le calendrier original de la réforme, une seconde période consultative devait avoir lieu jusqu’au 31 mai 2001 pour permettre la rédaction finale du nouvel Accord pour fin 2001. L’implémentation de celui-ci était prévu pour janvier 2004.
Le calendrier original est actuellement retardé, et l’implémentation n’est désormais prévue qu’en 2005 pour plusieurs raisons :
- Le Comité de Bâle n’est pas satisfait des réponses fournies par les banques aux questionnaires QIS (Quantitative Impact Study).
- La calibration aux données s’avère difficile.
- Il existe des désaccords importants entre le Comité de Bâle et les associations de banques (par exemple, sur la part du risque opérationnel).
- Enfin, plusieurs questions méthodologiques ne sont pas résolues.
Les motivations du nouvel Accord sont multiples. La première d’entre elle est la modification de l’as- siette des risques :
FP1 + FP2
risque de crédit + risque opérationnel + risque de marché ≥ 8%
L’assiette des risques intégre désormais le risque opérationnel. Dans la version de janvier 2001, le Comité de Bâle proposait la répartition suivante de la charge en fonds propres
Type de risque Exigence en FP Répartition
Crédit 6% 75%
Marché 0.4% 5%
Opérationnel 1.6% 20%
Total 8% 100%
La seconde motivation de l’Accord est de rapprocher la réglementation des pratiques en vigueur dans l’industrie pour le pilotage des risques, afin que l’exigence en fonds propres sont plus sensible aurisque réel (more risk sensitive) de la banque. A terme, l’idée est d’autoriser les banques, sous certaines conditions, d’utiliser les modèles internes pour mesurer le risque de crédit et le risque opérationnel, comme cela se fait déjà pour le risque de marché.
[...] Le renforcement de l’égalité des conditions de concurrence et le meilleur alignement des exigences de fonds propres sur les risques sous-jacents sont [...] deux finalitésimportantes du futur dispositif. [...] Le nouveau ratio permettra non seulement de faire converger le capital réglementaire — souci des autorités de contrôle — et le capital économique — souci des
établissements — mais aussi, au-delà des exigences de fonds propres, de poser un véritable cadre prudentiel pour le contrôle bancaire des prochaines années (Pujal [2001]).
Le nouveau dispositif se décompose en trois piliers :
First Pillar : Minimum CapitalRequirement
Second Pillar : Supervisory ReviewProcess
Third Pillar : MarketDiscipline
Le premier pilier concerne l’exigence minimale en fonds propres. Le traitement du risque de marché reste inchangé. Le traitement du risque de crédit est revu en profondeur. Trois méthodes sont désormais possibles pour mesurer le risque de crédit :
L’approche standardisée est une version actualisée de l’approche réglementaire actuelle. En parti- culier, la classification est beaucoup plus fine et la notation externe (rating) est prise en compte.
3.3. BALE II ET LE NOUVEAU RATIO DE SOLVABILITE
L’approche IRB (Internal Ratings Based Approach) est une méthode de calcul basée sur des mesures internes des probabilités de défaillance (Probability of Default ou PD) et desmesures externes des autres paramètres du modèle.
Dans l’approche IRB “avancée”, la banque estime aussi le taux de perte (Loss Given Default ou LGD), l’exposition au défaut (Exposure At Default ou EAD) et le traitement des garanties.
La méthode de calcul (relativement complexe — voir le chapitre 10 page 105) est standardisée et imposée par le Comité de Bâle. Pour l’instant, le Comité de Bâle n’envisage pas d’autoriser l’utilisation demodèles internes. Le risque opérationnel fait maintenant partie de l’assiette des risques. Comme pour le risque opérationnel, le Comité de Bâle propose trois méthodes pour le mesurer :
La méthode Basic Indicator Approach (BIA).
Dans ce cas, le risque opérationnel d’un établissement est appréhendé à partir d’un indicateur financier. Le Comité de Bâle propose de retenir le revenu brut GI comme proxy. La charge encapital K se calcule alors très facilement à partir de la formule
K = α × GI (3.1)
ou` α est un coefficient fixé par les autorités réglementaires. Un premier calcul du Comité de Bâle donne α égal à 30%.
La méthode Standardized Approach (SA).
Dans cette approche, l’établissement financier est divisé en business lines. Un indicateur financier FI est alors utilisé pour calculer la charge en capital spécifique à la business line i
K (i) = β (i) × FI (i) (3.2)
La charge en capital pour la banque au titre du risque opérationnel correspond alors à la somme des charges en capital spécifiques :
K = Σ K (i) = Σ β (i) × FI (i) (3.3)
Pour l’instant, le Comité de Bâle a retenu 7 business lines et n’envisage pas de prendre en compte les effets de diversification (c’est-à-dire les corrélations).
Laméthode Internal Measurement Approach (IMA).
C’est l’approche la plus sophistiquée. Le Comité de Bâle a adopté un découpage matriciel du risque opérationnel. Pour une business line i et un type de risque j, la charge en capital est définie commel’unexpected loss UL (i, j) au seuil de confiance de 99%. La formule suivante est utilisée pour calculer UL (i, j) :
K (i, j) := UL (i, j) = EL (i, j) × γ (i, j) × RPI (i, j) (3.4)
ou` EL (i, j) représente la perte moyenne, γ est un facteur d’échelle réglementaire et RPI est l’indice de profil de risque. Notons que le Comité de Bâle propose de calculer la perte moyenne comme le produit de trois termes :
EL (i, j) = EI (i, j) × PE (i, j) × LGE (i, j) (3.5)
ou` EI (i, j) est l’indicateur d’exposition, PE (i, j) est la probabilité d’occurence d’une perte unitaire et LGE (i, j) est le montant de la perte unitaire. En combinant ces deux équations, nous obtenonsl’expression suivante pour UL (i, j) :
UL (i, j) = EI (i, j) × PE (i, j) × LGE (i, j) × γ (i, j) × RPI (i, j) (3.6)
Parmi les 5 paramètres nécessaires au calcul, seul γ est un paramètre externe fourni par les autorités réglementaires. Comme pour la méthode SA, la charge en capital pour la banque au titre du risque opérationnel correspond alors à la somme des charges en capital spécifiques :
K = Σ Σ UL (i, j) (3.7)
Depuis la publication du second document consultatif, la position du Comité de Bâle a évolué :
Les risques opérationnels pourraient représenter moins de 20% de l’exigence en fonds propres.
L’approche IMA est remplacée par l’approche AMA (Advanced Measurement Approach) qui pourrait être composée de plusieurs méthodes (IMA, ScoreCard, LDA, etc.). Il n’est doncpas exclu que le Comité de Bâle autorise l’utilisation des modèles internes LDA.
Le second pilier concerne le processus de surveillance. Les autorités de contrôle (la Commission Bancaire en France) disposeront d’un pouvoir beaucoup plus important. Enfin, le troisième pilier vise àpromouvoir une discipline de marché plus efficace (communication publique de la structure du capital, de l’allocation de fonds propres, de l’exposition aux risques et des pertes).