COURS DE GESTION DES FINANCES PUBLIQUES
LA CLASSIFICATION BUDGETAIRE DES DEPENSES ET LA NOUVELLE GOUVERNANCE FINANCIERE
Mohamed MOINDZE
Ecole Nationale d’Administration de Madagascar
Juillet 2009
Un système de classification budgétaire constitue un cadre normatif pour la gestion courante et le contrôle d’exécution budgétaire, la formulation des politiques publiques et leur analyse, la responsabilisation des divers acteurs, l’information du Parlement et des citoyens, et pour la base de l'autorisation budgétaire (ou unité de spécialisation budgétaire).
Une bonne classification budgétaire est nécessaire pour « une meilleure gestion des ressources, une plus grande transparence et, plus généralement, une plus grande responsabilisation des pouvoirs publics en matière de gestion budgétaire ». Elle doit fournir des informations claires à toutes les étapes du cycle budgétaire (formulation budgétaire, exécution, suivi et évaluation) en classifiant les opérations budgétaires selon leur nature économique et tout autre critère nécessaire pour la gestion ou l’analyse du budget. La section suivante décrit les différentes classifications plus utilisées.
Les classifications des dépenses utilisées dans la gestion courante comprennent, généralement:
- Une classification administrative (ministères, directions, etc.) qui permet l'identification des responsabilités dans la gestion budgétaire et des services destinataires des crédits. Cette classification doit être détaillée de manière à pouvoir identifier les dépenses de toutes les directions, y compris les directions régionales, afin de fournir aux divers gestionnaires une meilleure prévisibilité et faciliter le contrôle interne, notamment le contrôle de gestion. Elle dépend de l’organisation administrative du pays et doit couvrir l’ensemble des structures administratives. Elle peut comprendre différents niveaux qui vont par exemple des ministères et hautes institutions aux unités opérationnelles en passant, successivement, par les directions générales et directions.
- La classification par nature est utilisée pour les contrôles courants. Une classification par nature (dépenses d'électricité, bourses, frais de transport, etc.), sert également à la confection du TOFE et aux comptes nationaux. Cette classification doit être conforme à la classification économique du plan comptable de l'Etat et est en général très détaillée. Rien que dans les achats des biens et services, à Madagascar, le Plan Comptable des Opérations Publiques (PCOP) comporte près de 60 comptes. Cette classification sert en général au contrôle « économique » des moyens, mais quelquefois elle est de nature hybride et porte aussi sur la destination de la dépense ou son mode de gestion. C’est le cas des « titres » dans la plupart des pays francophones ou des catégories à Madagascar. L’encadré 1 présente les catégories telles qu’elles sont définies par la loi organique sur les lois des finances de Madagascar. Le tableau 1 présente la présentation détaillée de la classification des dépenses par nature des pays de l’UEMOA, conformément à la directive N°08/2009/CM/UEMOA. Cette classification est cohérente avec le plan comptable général de l’Etat.
Codes | Libellés | |
60 | Achats de biens | |
601 | Matières, matériel et fournitures | |
603 | Variation des stocks de biens fongibles achetés | |
605 | Eau, électricité, gaz et autres sources d’énergie | |
606 | Matériels et fournitures spécifiques | |
61 | Acquisitions de services | |
611 | Frais de transport et de mission | |
612 | Loyer et charges locatives | |
614 | Entretien et maintenance | |
615 | Assurances | |
617 | Frais de relations publiques | |
618 | Dépenses de communication | |
62 | Autres services | |
621 | Frais bancaires | |
622 | Prestations de services | |
623 | Frais de formation du personnel | |
624 | Redevances pour brevets, licences et logiciels | |
629 | Autres acquisitions de services | |
63 | Subventions | |
632 | Subventions aux entreprises publiques | |
633 | Subventions aux entreprises privées | |
634 | Subventions aux institutions financières | |
639 | Subventions à d’autres catégories de bénéficiaires | |
64 | Transferts | |
641 | Transferts aux établissements publics nationaux | |
642 | Transferts aux collectivités locales | |
643 | Transferts aux autres administrations publiques | |
644 | Transfert aux institutions à but non lucratif | |
645 | Transferts aux ménages | |
646 | Transferts aux autorités supranationales et contributions aux organisations internationales | |
647 | Transferts à d’autres budgets | |
648 | Pensions de retraites des fonctionnaires et autres agents de l’Etat | |
649 | Autres transferts | |
65 | Charges exceptionnelles | |
651 | Annulation de produits constatés au cours des années antérieures | |
652 | Condamnations et transactions | |
654 | Valeurs comptables des immobilisations cédées, mises au rebut ou admises en non valeur | |
659 | Autres charges exceptionnelles | |
66 | Charges de personnel | |
661 | Traitements et salaires en espèces | |
663 | Primes et indemnités | |
664 | Cotisations sociales | |
665 | Traitement et salaires en nature au personnel | |
666 | Prestations sociales | |
669 | Autres dépenses de personnel | |
67 | Intérêts et frais financiers | |
671 | Intérêts et frais financiers sur la dette | |
672 | Pertes sur cessions de titres de placement | |
676 | Pertes de changes | |
679 | Autres intérêts et frais bancaires | |
68 | Dotations aux amortissements | |
681 | Dotations aux amortissements des immobilisations incorporelles | |
682 | Dotations aux amortissements des immobilisations corporelles | |
69 | ||
691 | Dotations aux provisions pour dépréciation | |
692 | Dotations aux provisions à caractère financier | |
19 | Provisions pour risques financiers | |
191 | Provisions pour risques d’exploitation liés au partenariat public -privé | |
192 | Provisions pour risques d’investissement liés au partenariat public -privé | |
199 | Autres provisions pour risques à caractère financier | |
21 | Immobilisations incorporelles | |
211 | Frais de recherche et de développement | |
212 | Brevets, marques de fabrique, droits d’auteur | |
213 | Conceptions de systèmes d’organisation - Progiciels | |
214 | Droits d’exploitation – Fonds de commerce | |
219 | Autres droits et valeurs incorporels | |
22 | Acquisitions et aménagements des sols et sous-sols | |
221 | Terrains | |
222 | Sous-sols, gisements, et carrières | |
223 | Plantations et forêts | |
224 | Plans d’eau | |
23 | Acquisitions, constructions et grosses réparations des immeubles | |
231 | Bâtiments administratifs à usage de bureau | |
232 | Bâtiments administratifs à usage de logement (civils et militaires) | |
233 | Bâtiments administratifs à usage technique | |
234 | Ouvrages | |
235 | Infrastructures | |
236 | Réseaux informatiques | |
24 | Acquisitions et grosses réparations du matériel et mobilier | |
241 | Mobilier et matériel de logement et de bureau | |
242 | Matériel informatique de bureau | |
243 | Matériel de transport de service et de fonction | |
244 | Matériel et outillages techniques | |
245 | Matériel de transport en commun et de marchandises | |
246 | Collections – œuvres d’art | |
247 | Stocks stratégiques ou d’urgence | |
248 | Cheptel | |
25 | Equipements militaires | |
251 | Bâtiments militaires | |
252 | Ouvrages et infrastructures militaires | |
253 | ||
26 | Prises de participations et cautionnements | |
261 | Prises de participations à l’intérieur | |
262 | Prises de participations à l’extérieur | |
264 | Cautionnements | |
28 | Amortissements | |
281 | Amortissements des immobilisations incorporelles | |
282 | Amortissements des immobilisations corporelles | |
29 | Provisions pour dépréciation | |
291 | Provisions pour dépréciation des immobilisations incorporelles | |
292 | Provisions pour dépréciation des immobilisations corporelles | |
293 | Provisions pour dépréciation des immobilisations financières |
Source : Directive N°08/2009/CM/UEMOA portant nomenclature budgétaire de l’Etat au sein de l’UEMOA
Encadré 1. Les catégories de charges budgétaires de l’Etat Elles comprennent : - les intérêts de la dette publique ; - les dépenses courantes de solde ; - les dépenses courantes hors solde ; - les dépenses courantes structurelles ; - les dépenses d'investissement ; - les dépenses courantes exceptionnelles ; - les dépenses d’opérations financières. A l'intérieur de chaque catégorie, la répartition des crédits par chapitre, article et/ou paragraphe est effectuée conformément au Plan Comptable des Opérations Publiques en vigueur. Source : LOLF de Madagascar - Et toute autre classification jugée nécessaire. Selon les besoins, d'autres classifications peuvent aussi être mise en place. Les plus répandues comprennent une classification géographique, une classification par sources de financement, une classification pour l’identification des dépenses de lutte contre la pauvreté). La classification des sources de financement est importante pour la gestion courante et l'analyse macroéconomique. Elle permet de distinguer, dans les états financiers, les dépenses sur financement intérieur (y compris la contrepartie en monnaie locale des aides budgétaires) des dépenses sur aides liées à des projets. A la demande de la part de certains donneurs pour identifier dans le budget les dépenses liées à la politique de réduction de la pauvreté, certains pays ajoute au système de classification un segment additionnel, qui identifie si oui ou non l'activité ou la ligne budgétaire répond aux objectifs de la stratégie de réduction de la pauvreté. De même, D’un point de vue analytique, il serait intéressant de savoir quelle partie du territoire du pays est affectée par chacune des opérations financières de l’État. Cela est difficile dans la plupart des cas. Mais, une approche plus réaliste et plus pratique est de lier la classification géographique avec la localisation de la population bénéficiaire des retombées de la transaction ou du district où se trouve le service qui réalise la transaction. Généralement, La classification géographique est faite une fois pour toute et fige le territoire et ses différentes parties dans une nomenclature définitive. Le système de classification budgétaire pour la gestion courante doit être compatible avec les standards internationaux pour la production de rapports analytiques. Ces standards ne servent pas à la gestion budgétaire courante. Ils comprennent: - La classification économique donnée par le manuel SFP du FMI qui sert à la formulation de la politique budgétaire globale, et à la préparation du tableau des opérations financières de l'Etat (TOFE) et des comptes nationaux. Le manuel SFP de 2001 a adopté, comme le système de comptabilité nationale des Nations Unies, les concepts de la comptabilité droits constatés (ou patrimoniale). Il couvre donc des charges relatives aux opérations sur actifs physiques comme l’amortissement. Cependant, les pays n’utilisent pas toujours intégralement les procédures de ce manuel ; ils les adaptent en fonction de leurs capacités techniques. D’ailleurs, les tableaux des opérations financières de l’Etat (TOFE) préparés dans le cadre des programmes FMI n’adoptent pas l’optique du manuel SFP, version 2001, particulièrement en ce qui concerne ces aspects de la comptabilité patrimoniale. La classification des charges du manuel SFP est présentée dans le tableau 2. Le tableau 1 cidessus permet également de distinguer la nomenclature économique au sein de l’UEMOA. Deux niveaux de codification permettent d’identifier les dépenses par nature et par classification économique, à savoir l’article et le paragraphe. L’article représente la catégorie économique de la dépense et est identifié par les deux premiers caractères du compte par nature du plan comptable général de l’Etat. Le paragraphe est une subdivision de l’article précisant la nature de la dépense. Il est identifié par les trois premiers caractères du compte par nature du plan comptable de l’Etat. L’encadré 2 présente, à titre illustratif, la nomenclature budgétaire de l’Etat au sein de l’UEMOA. Dans cette nomenclature, le segment administratif intègre en même temps une présentation géographique. Les relations entre les différents codes de la nomenclature budgétairePour faciliter l a production des états financiers selon divers critères (par exemple, classification économique des dépenses budgétaires, classification par région, par sources de financement), les principes suivants doivent être appliqués lors de la codification des identifiants: (i) chaque segment doit être indépendant (par exemple, un même segment ne doit pas mélanger la nature économique et la destination de la dépense) ; (ii) les segments doivent être exhaustifs dans leur objet (par exemple, le segment correspondant à la classification administrative devra couvrir toutes les organisations couvertes par le budget); et (iii) les segments ne doivent pas être redondants. Le diagramme 1 ci-dessous illustre les relations entre segments du système de classification, un pont pouvant être établi entre les classifications administratives, programmatiques et fonctionnelles si et seulement si elles sont suffisamment détaillées au niveau de l'activité. Cependant, il convient d’éviter de descendre à des niveaux très bas qui exigeront des détails très fins. Il est judicieux de s’arrêter à un niveau de détail qui reste fonctionnel, par exemple au niveau des services pour le budget de fonctionnement et au niveau des projets (ou composante de projet) pour le budget d’investissement.
Tableau 2. Classification économique des charges
Tableau 3. Classification fonctionnelle des dépenses des administrations publiquesExtrait du manuel des statistiques de finances publiques. FMI. 2001 Diagramme 1 Relations entre segments du système de classification(1) Pour la responsabilisation les programmes doivent être définis au sein des ministères (ou institutions, agences principales, etc) (2) les programmes ou les sous programmes seront en général monofonctionnels, les exceptions sont à limiter (3) Un code fonction peut en général être attribué à chaque service et projet (à leur fonction principale pour les multifonctionnels) (4) En général les services, unités de base et projets seront rattachés à un seul programme. (5) Le pont entre classification administrative, fonctionnelle et programmatique s'établit théoriquement au niveau de l'activitéPour simplifier, on posera en général le pont au niveau du service ou du projet Adapté de R. Allen & D.Tommasi "Managing Public Expenditure: A reference book for transition countries". OECD. 2001, de Salvatore Schiavo Campo & Daniel Tommasi. "Managing government expenditure" Asian Development Bank 1999. et de D. Tommasi. Strengthening public expenditure management in developing countries. Sequencing issues. 2009. subventions, dépenses d’investissements, intérêts de la dette). La classification fonctionnelle s’établit à partir d’un tableau de passage des services ou projets vers la fonction (CFAP). Cette classification ne servant pas à la gestion courante, il est souvent déconseillé de tenter une classification à partir de l’imputation budgétaire. Diagramme 1. Ligne d’imputation budgétaire de Madagascar (nomenclature palier 2009)Diagramme 2. Ligne d’imputation budgétaire pour l’Union des Comores (encore en projet)Imputation budgétaire Entité Ministère Service Mission Programme PGE Financement Budget [_] [_[_] [_]_]_[_] [_[_] [_]_]_[_] [_]_]_[_] [_[_] [_] - Nomenclature administrative : Entité + Ministère + Service/Projet pour gestion courante, contrôle et responsabilisation - Nomenclature en nature : Plan Comptable Général de l’Etat (PGE) pour gestion courante et contrôle - Financementindique la source de financement pour gestion courante - Budgetindique si la ligne budgétaire concerne le budget de fonctionnement ou d’investissement, un compte spécial du trésor ou un budget annexe - Nomenclature programmatique (mission et programme) pour formulation des politiques, responsabilisation, gestion, suivi de la performance Classification croisée des dépensesLes classifications présentées ci-dessus peuvent être croisées. Comme le montrent les tableaux 3 et 4 présentent les classifications croisées les plus utilisées. Ces classifications sont éditées plus facilement à l’aide d’un système informatique lorsque les segments de la classification budgétaire sont indépendants et non redondants (cf. supra). Le tableau 3 présente également un état établi à partir d’une requête faite à l’aide d’une combinaison des codes « ministère » et des codes des programmes d’une part et de la nomenclature des codes du Plan Comptable Général d’autre part. Avec la nouvelle directive portant lois de finances au sein de l’UEMOA, les Etats membres annexent à la loi de finances « obligatoirement » un tableau matriciel croisé de classifications fonctionnelle et économique, un tableau matriciel croisé de classifications administrative et fonctionnelle ainsi qu’un tableau matriciel de classification administrative et économique (cf. directive N°06/2009/CM/UEMOA art. 46, point 7.) Tableau 3. Classification croisée fonctionnelle et économique des dépenses
Tableau 3. Classification croisée administrative et économique des dépenses
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