Cours generale sur la gestion financiere

Cours générale sur la gestion financière
Introduction
Je m’intéresse à la finance depuis quelques années déjà. J’aime les chiffres et les longs calculs menant à une décision d’investissement. Les différents fonctionnements des marchés financiers me fascinent. Mais, par-dessus tout, j’aime pouvoir étudier les états financiers d’une entreprise et avoir une idée de ses forces et faiblesses. Grâce à quelques chiffres, quelques données financières, on peut entrer dans l’univers d’une compagnie…
Par intérêt, j’ai donc choisi d’étudier la finance lors de mes études de premier cycle. Bien que j’y aie appris de nombreuses choses fort intéressantes, après trois années d’étude dans cette discipline, je ressentais le besoin d’élargir mes horizons. Aussi passionnant que soit le domaine financier, il comporte, à mes yeux, une principale lacune : il ne laisse qu’une place minime à l’aspect humain. Pour moi et pour plusieurs autres, la gestion est avant tout une relation directe entre individus. J’éprouvais donc le besoin de me pencher sur les préoccupations plus humaines de la gestion et j’ai choisi de poursuivre mes études de deuxième cycle en management. Cette décision peut en surprendre plus d’un. À mes yeux, il s’agit d’un cheminement tout à fait normal et naturel.
Je ne me suis pourtant jamais désintéressée de la finance. Il était important pour moi de conserver un lien étroit avec cette discipline. Ainsi, pendant mes études de maîtrise, je suis devenue stagiaire d’enseignement puis, par la suite, chargée de cours en finance. Lorsqu’il est venu le temps de choisir un sujet de recherche pour le mémoire, j’ai voulu faire un lien entre les deux disciplines étudiées, soit la finance et le management. En fait, je voulais étudier la finance sous un angle plus humain. Je délaissais la théorie financière pour connaître ce qui se faisait réellement dans les entreprises, par les individus y travaillant. Autrement dit, je m’interrogeais sur la contribution réelle de la finance dans le monde des affaires d’aujourd’hui.
Il importait maintenant de restreindre quelque peu mes ambitions et de choisir un terrain d’exploration plus précis. La PME s’est rapidement imposée et ce, pour deux principales raisons. Premièrement, ayant grandi dans une famille de gestionnaires, j’étais familière avec les défis, difficultés et réussites des entreprises de grande taille. J’avais envie de découvrir la réalité des entreprises plus petites. Pour moi, dans ce type d’organisations, l’aspect humain était d’autant plus présent puisqu’on ne retrouvait pas de bureaucratie. Deuxièmement, les PME attirant de plus en plus l’attention des chercheurs, il s’agissait d’un sujet d’actualité. Pour ces deux raisons, je me suis donc intéressée à la gestion financière dans la PME, en ayant une préoccupation marquée pour l’aspect humain.
Après multiples lectures sur le sujet et plusieurs heures de réflexion, j’ai su définir plus clairement mon intérêt de recherche. La question centrale de la présente recherche est donc la suivante :
Quelle est l’utilité accordée par le dirigeant de PME à la gestion financière ?
Cette recherche ne représente pas une réponse précise et définitive à cette question. Il ne s’agit que d’un pas de plus vers la compréhension de l’univers de la finance et de celui des PME.
Cette recherche s’inscrit donc dans le cadre d’une maîtrise ès sciences de la gestion, option management. Elle se divise en cinq grands chapitres. Le premier chapitre constitue un recensement des différents écrits sur le sujet. On y met en évidence les principaux apports des auteurs s’intéressant à la gestion financière et à la PME. Dans le second chapitre, on classifie les apports des recherches antérieures et on positionne la présente recherche par rapport à ces études. On y définit également la problématique et la question de recherche. Le troisième chapitre présente l’ensemble des choix méthodologiques effectués par la chercheure. La présentation des données se retrouve au quatrième chapitre. Finalement, on procède à l’analyse et à l’interprétation des ces données au chapitre 5.
Chapitre 1 - Revue de littérature
Avant de plonger au cœur de notre recherche, il est essentiel d’effectuer une revue de la littérature existant sur le sujet de la présente étude, soit la gestion financière et le dirigeant de PME. Dans cette première partie, nous recenserons donc les écrits et études qui nous permettront de mieux cerner et comprendre notre problématique.
La recension des écrits présente un double avantage. Premièrement, elle permet d’approfondir la problématique à l’aide des apports des différents auteurs qui se sont intéressés au sujet. On se retrouve alors avec une définition plus claire du problème à étudier. Deuxièmement, la revue de littérature permet de situer notre étude dans la lignée des recherches précédentes. En effet, notre questionnement s’inscrit dans les courants de pensée qui la précèdent. Grâce à la revue de littérature, on évitera la répétition pour privilégier un approfondissement des connaissances. Quivy et Van Campenhoudt (1995) disent sur ce point que l’exploration (dont fait partie la revue de littérature) a pour but de :
« Dépasser les interprétations établies qui contribuent à reproduire l’ordre des choses afin de faire apparaître de nouvelles significations plus éclairantes et plus pénétrantes que les précédentes. »
Nous avons identifié quatre domaines qui nous permettent d’éclaircir notre question de recherche. La revue de littérature se divise donc en quatre parties :
1- La gestion financière classique
2- La gestion financière et la PME
3- La décision et la planification en PME
4- Le dirigeant de PME et l’utilisation des données financières
1. La gestion financière classique
Les chercheurs et les auteurs s’intéressent depuis de nombreuses années à la gestion financière. Avant d’étudier la gestion financière dans un contexte de PME, il importe de s’attarder à la théorie financière classique. Notre but n’est pas d’exposer en détails les nombreux principes et construits théoriques relevant du domaine financier. Nous tenterons simplement de présenter une définition de la gestion financière et de déterminer ses principales utilités pour les dirigeants de grandes entreprises.
Une définition
Page (1996) définit la gestion financière comme :
« La fonction de l’administration dont l’objet est de procurer les fonds à l’entreprise et de faire en sorte que ces fonds soient utilisés de la façon la plus efficace possible. »
Il semble y avoir un consensus dans la littérature sur les deux principales dimensions de la gestion financière, tels que définis par Page. Hamoir (1993), Brophy et Shulman (1992), Michel et Colbert (1996) s’entendent pour dire que la théorie financière classique présente deux branches :
G La détermination de la structure de capital optimale (la dimension « financement »)
G L’évaluation des actifs (la dimension « investissement »)
La gestion financière réunit ainsi l’ensemble des décisions relatives à l’INVESTISSEMENT et au FINANCEMENT des projets de l’entreprise. La gestion financière peut être vue comme l’analyse des DONNÉES FINANCIÈRES afin de pouvoir prendre des décisions éclairées dans ces deux domaines.
Les utilités pour les dirigeants de grandes entreprises
Quelles sont les utilités de la gestion financière pour les dirigeants des grandes entreprises ? Les auteurs placent la gestion financière au centre des préoccupations du dirigeant, en lui accordant une importance cruciale dans la développement et la survie de l’entreprise.
Perreault et Dell’Aniello (1983) élaborent davantage sur la gestion financière en explicitant son objectif. Ils décrivent la gestion financière comme la fonction de l’entreprise qui voit à :
« - Ce que les éléments d’actif soient utilisés de façon à rapporter le plus haut taux de rendement de l’investissement possible
- Obtenir des fonds pour financer l’acquisition d’éléments d’actifs
- Rembourser les fonds empruntés à partir des profits que ces fonds permettront de réaliser. »
Pour Perreault et Dell’Aniello, l’objectif de la gestion financière est d’assurer à l’entreprise un profit maximal et suffisant afin de rembourser les fonds empruntés. La gestion financière s’inscrit ainsi dans la logique financière de MAXIMISATION DE LA RICHESSE des actionnaires.
Autrement dit, la gestion financière aide le dirigeant de l’entreprise à faire des choix qui maximiseront le rendement de l’entreprise et ce, à trois moments :
G Lors de sa décision d’investissement (choisir quel projet entreprendre)
G Lors de sa décision de financement (décider le mode de financement des projets)
G Lors de sa gestion quotidienne
À propos de ce troisième point, Hamoir (1993) précise que la gestion financière permet de déterminer les déséquilibres dans la gestion quotidienne de l’entreprise. Ces déséquilibres ont trait surtout aux liquidités (argent disponible dans l’entreprise) et à la gestion du fonds de roulement.
Nous pouvons résumer la gestion financière comme l’analyse de données financières afin de prendre des décisions d’investissement, de financement et relevant de la gestion quotidienne qui maximisent les profits de l’entreprise. Les cinq concepts-clé sont ainsi : DONNÉES FINANCIÈRES, INVESTISSEMENT, FINANCEMENT, GESTION QUOTIDIENNE et MAXIMISATION DE LA
RICHESSE.
Bien que cette section soit loin d’être exhaustive, on comprend maintenant ce qu’est la gestion financière et l’utilité pour le dirigeant de grande entreprise en termes de décision d’investissement, de décision de financement et de gestion quotidienne. Voyons maintenant si la gestion financière peut être adaptée et être utile pour l’entreprise de plus petite taille. Nous plongeons ainsi véritablement au cœur de notre problématique.
2. La gestion financière et la PME
La présence très importante des PME dans l’économie occidentale a entraîné un intérêt de la part des chercheurs pour ce type d’organisation. Certains auteurs se sont interrogés sur l’applicabilité de la théorie financière classique à l’entreprise de petite taille. Cet intérêt est toutefois relativement récent, les premières études sur le sujet datant de la fin des années 70’s. Les différents chercheurs présentent des opinions différentes. En effet, on retrouve à travers la littérature deux courants de pensée :
G Une première catégorie d’auteurs affirment que l’on peut appliquer les principes théoriques de la gestion financière classique au contexte de PME. Un effort d’adaptation est toutefois nécessaire.
G Une seconde catégorie d’auteurs prétendent que le contexte des grandes entreprises et celui des PME sont si différents qu’il est impossible de faire une transposition simple. On doit complètement repenser la théorie financière classique, afin de créer une nouvelle théorie conçue spécialement pour les PME.
Voyons ces deux courants de pensée plus en détail.
Premier courant de pensée : L’adaptation de la théorie financière classique
Brophy et Shulman (1992) semblent être les plus catégoriques sur l’adaptabilité de la théorie financière classique pour les PME. Selon ces derniers, les décisions en termes d’investissement ou de financement reposent sur les mêmes bases théoriques et sur les mêmes critères de décision que ce soit dans une entreprise de grande ou de petite taille. Il est à noter que ces auteurs adoptent un point de vue purement théorique, n’ayant pas testé leurs hypothèses en entreprises.
Les autres chercheurs relevant de cette première catégorie reconnaissent davantage les spécificités de l’entreprise de petite taille. Ces spécificités font en sorte qu’on ne peut appliquer directement les principes de gestion financière classique en PME. Ces dernières doivent être adaptées au contexte de la firme de petite taille. Le raisonnement logique et théorique sous-jacent à la gestion financière n’a toutefois pas à être remis en question. Les spécificités de la PME évoquées par les auteurs pour justifier l’effort d’adaptation sont néanmoins différentes d’un chercheur à l’autre.
Selon Walker et Petty (1978), les PME sont assujetties à des risques (commercial et financier) plus importants que la grande entreprise. Les critères d’évaluation pour les décisions d’investissement et de financement devront donc être adaptées pour tenir compte du risque accru. Les auteurs ne mentionnent toutefois pas sur quelles bases cette adaptation devrait être effectuée.
Gasse (1989) pousse plus loin cette réflexion. Il tente d’adapter le processus traditionnel de gestion générale (qui inclut la gestion financière) à la réalité de la PME. Selon lui, la PME est plus vulnérable aux changements de l’environnement que la grande entreprise. En effet, cette dernière présente une taille telle qu’elle est en mesure d’influencer l’environnement dans une certaine mesure. Cette possibilité ne se retrouve pas chez la PME qui tente de s’adapter à l’environnement plutôt que le prédire et le dominer. Il en résulte des pratiques de gestion différentes. Selon Gasse, l’entrepreneur doit sélectionner dans les techniques de gestion traditionnelle celles qui sont le plus pertinentes pour sa situation.
Kemberg (1990) nous donne des précisions sur l’adaptation des outils de gestion financière à l’environnement de la PME. Cette nécessité d’adaptation à l’environnement devrait se traduire en des outils simples et faciles à interpréter.
Ainsi, la gestion financière pour la PME devrait être basée sur une comptabilité simplifiée.
En résumé, les auteurs reconnaissent plusieurs spécificités de la PME :
G un risque et une incertitude plus élevés
G une préoccupation d’adaptation à l’environnement (plutôt que de contrôle et de domination)
Cette réalité particulière doit se traduire en une adaptation des outils et techniques de gestion financière pour le contexte de la PME. Les auteurs ne remettent toutefois jamais en question la théorie financière classique, ne faisant qu’adapter les outils et techniques qui en relèvent.
Deuxième courant de pensée : vers une nouvelle théorie financière
Le postulat de base de cette deuxième catégorie d’auteurs peut être résumé ainsi : Les fondements de la théorie financière classique sont trop éloignées de la réalité de la PME. La théorie financière classique ne peut donc être adaptée à ce type d’entreprise et une nouvelle théorie financière adaptée aux PME doit être développée.
Les différents chercheurs ne s’entendent cependant pas sur ce qui rend la théorie financière non-adaptable.
Colot et Michel (1996) adoptent une approche théorique pour réfuter le modèle de théorie financière classique pour la PME. La théorie financière classique est basée sur une théorie de la firme et un théorie économique développées à travers les années à partir du modèle de la grande entreprise. Donc, la théorie financière classique est construite à partir d’un modèle organisationnel complètement différent de celui de la PME. Cette approche traditionnelle est incompatible avec le contexte de la PME qui présente des différences trop importantes avec celui des grandes entreprises.
Belletante et Levratto (1996) ont étudié les décisions de gestion financière dans les PME. Plus précisément, ils ont étudié les décisions financières relatives à six variables : les liquidités, la diversification, la transférabilité, la flexibilité, le contrôle et la responsabilité. Ils ont trouvé que les décisions financières sont complètement différentes dans une PME. L’environnement particulier de la PME entraîne une logique décisionnelle différente de celle explicitée dans la théorie financière classique. On doit donc complètement repenser la gestion financière pour la PME.
Pour Belletante (1991) et Soler (1990), la théorie financière classique ne peut être appliquée à la PME puisque le dirigeant de la grande et celui de la petite entreprise présentent des logiques décisionnelles différentes. La théorie financière classique est dominée par une vision néoclassique qui présente le processus de décisions financières comme la résultante d’un choix reposant sur un calcul rationnel, soit la maximisation du profit. Or, pour la PME, la décision rationnelle est difficile et ce, pour deux raisons :
G Le processus de traitement de l’information repose souvent sur un seul individu (le dirigeant) tandis que dans la grande entreprise, le processus de traitement de l’information est hiérarchisé par département.
G Le dirigeant ne possède pas toutes les informations sur son environnement qui est fort complexe.
Comme le processus de décision est différent dans la grande et la petite entreprise, on ne peut adapter la gestion financière traditionnelle (qui comprend la décision d’investissement et de financement) au contexte de la PME.
En résumé, cette deuxième catégorie d’auteurs avancent que la théorie financière classique ne peut être adaptée au contexte de la PME car :
G La théorie financière classique est basée sur une théorie de la firme et une théorie économique développées à partir du modèle de la grande entreprise
G Les comportements observés en matière de gestion financière sont trop différents
G Les logiques décisionnelles sont trop différentes.
Cette section est nécessaire pour démontrer que ces auteurs ne prônent pas l’abandon de la gestion financière pour les PME. Ils reconnaissent pleinement son utilité, mais considèrent qu’ils seraient avantageux de bâtir une nouvelle théorie financière développée spécialement pour les PME.
Les utilités de la gestion financière pour la PME
Les deux groupes d’auteurs semblent ainsi s’entendre sur l’importance de la gestion financière pour la PME, d’où le débat sur le modèle théorique financier à privilégier. Indépendamment de leur position, ils admettent l’importance de cette fonction pour le dirigeant d’entreprise de petite taille.
Plusieurs auteurs ont écrit sur les différentes utilités de la gestion financière pour l’entreprise de petite taille. Plus précisément, ces chercheurs se sont penchés sur les utilités de l’analyse des ratios. L’analyse des ratios constitue un outil important de la gestion financière pour la PME. Mayo et Rosenbloom (1975) définissent cet outil comme la « combinaison des données financières provenant de l’état des résultats et du bilan d’une entreprise pour obtenir des mesures de performance financière » (traduction libre, p. 9). Il semble y avoir un consensus sur les différentes catégories de ratios financiers possibles. Raush (1979), Perreault et Dell’Aniello (1983) et Burstiner (1989) s’entendent pour dire que l’on retrouve quatre catégories principales de ratios :
G Les ratios de liquidités qui mesurent la capacité de l’entreprise à faire face à ses obligations à court terme
G Les ratios de productivité qui mesure la rapidité à laquelle l’entreprise transforme ses actifs à long terme en ventes
G Les ratios de rentabilité qui mesurent la performance financière de l’entreprise G Les ratios de solvabilité qui mesurent l’endettement.
Mayo et Rosenbloom (1975) reconnaissent trois utilités à l’analyse des ratios (et donc, à la gestion financière). Il s’agit d’une aide à la planification, d’un moyen de prévention et d’un outil d’évaluation des forces et faiblesses de l’entreprise. DeThomas et Fredenberg (1985) avancent que l’analyse des données comptables et financières a comme utilité principale la planification financière.
Ces différents auteurs nous amènent à conclure que la gestion financière constitue un outil important d’AIDE À LA DÉCISION (d’investissement, de financement ou dans la gestion quotidienne). Le dirigeant de PME peut ainsi analyser les données financières provenant de son entreprise ou de l’extérieur (données du secteur, données sur un nouveau projet, etc.) pour l’aider dans les décisions à prendre. Comme la planification est considérée comme la « mise en œuvre du processus de prise de décision » (Coulaud et Dervaux, 1986, p.142), la gestion financière peut devenir un important outil d’AIDE À LA
PLANIFICATION.
La gestion financière est donc utile pour la décision et la planification. Or, nous avons vu que les dirigeants de grandes entreprises et ceux de petites entreprises présentaient des logiques décisionnelles différentes. Avant d’aborder les études qui ont trait à l’utilisation de la gestion financière par les dirigeants de PME, il est donc important de tenter de comprendre comment se prennent les décisions et comment s’effectue la planification dans l’entreprise de petite taille. Voyons brièvement quelques études se rapportant au processus de décision et au processus de planification en contexte de PME.
3. La décision et la planification en PME
La décision en PME
Luoma (1967) a décrit la décision managériale comme un processus en six étapes :
- Identification du problème
- Définition des différentes alternatives
- Cueillette de l’information sur les différentes alternatives
- Évaluation des alternatives
- Prise de la décision (choix d’une alternative qui deviendra la solution)
- Suivi de la décision
Selon Luoma, un processus de décision logique ou rationnelle passe par ces six étapes. Toutefois, il note que les décisions managériales sont rarement totalement rationnelles et ce, pour plusieurs raisons. Premièrement, le décideur ne connaît pas toujours l’ensemble des alternatives possibles. Deuxièmement, le décideur évalue les différentes alternatives à l’aide de plusieurs critères qui peuvent être contradictoires et ne pas privilégier la même alternative. Troisièmement, le décideur peut éprouver de la difficulté à bien définir son problème de départ. Ainsi, on retrouve un nombre important de décisions qui ne suivent pas précisément le processus logique ou rationnel.
Simon (1987) s’est attardé au phénomène de la décision dite rationnelle. En fait, il a identifié deux types de décisions : la décision basée sur la logique et la décision basée sur le jugement. Lors d’une décision rationnelle (basée sur la logique), les buts et les alternatives sont explicitées. Les alternatives sont évaluées une à une en fonction des buts fixés. Ce type de décision rejoint la décision rationnelle décrite par Luoma. Le deuxième type de décision présenté par Simon est la décision basée sur le jugement. Cette décision est souvent prise dans un contexte où le temps disponible pour la réflexion est limité, l’analyse en profondeur étant par conséquent impossible. Le gestionnaire prend alors une décision, mais est incapable d’expliquer les étapes de son raisonnement. Ce deuxième type de décision est basé sur l’expérience, le jugement et la reconnaissance de « patterns » stockés dans la mémoire à long terme. Simon mentionne qu’en réalité, la décision managériale comprend les deux composantes (logique et jugement) à divers degrés. On peut ainsi situer chaque décision sur un continuum logique-jugement en fonction de la capacité du dirigeant à expliquer les étapes de son raisonnement.
Quel type de décision se retrouve le plus chez le dirigeant de PME ? Selon Mintzberg (1976), les dirigeants de PME auraient recours davantage à leurs jugements, intuitions et expériences pour prendre leurs décisions. On en déduit donc que les décisions basées sur le jugement seraient favorisées. Ceci peut s’expliquer par la nature entrepreneuriale du dirigeant, par la quantité importante d’informations qu’il doit analyser et par le peu de temps disponible pour prendre des décisions.
La planification en PME
Gasse (1989) définit la planification comme le :
« Choix explicite parmi diverses possibilités d’action pour l’entreprise dans son ensemble et pour chaque département et pour chaque individu à l’intérieur. »
On retrouve dans cette définition deux éléments relatifs à la décision, soit POSSIBILITÉS et CHOIX. La décision est donc au cœur du processus de planification.
Enrègle et Thiétart (1985) définissent plus précisément la planification en la divisant en trois principales étapes : la fixation d’objectifs, la détermination des moyens nécessaires pour les atteindre et la définition des étapes à franchir pour les réaliser. De la même façon, Bhide (1996) présente sensiblement les trois mêmes étapes, soit la détermination d’objectifs, la définition de la stratégie et l’identification des ressources nécessaires. Walker et Petty (1978) ont quelque peu élaboré le concept en incluant deux nouvelles étapes. En nous basant sur le raisonnement de ces trois groupes de chercheurs, on considère la planification comme ayant cinq étapes :
1- La détermination d’objectifs
2- La définition de stratégies
3- L’identification des ressources nécessaires
4- La définition des politiques
5- La création des procédures
Les auteurs et chercheurs s’entendent sur l’importance de la planification pour une PME. Robinson et Pearce (1984) affirment que l’existence ou l’absence de la planification conditionne la survie des PME. Burstiner (1989) partage l’opinion de Robinson et Pearce. Il affirme que la planification est l’activité la plus importante dans la survie d’une entreprise. Walker et Petty (1978) affirment que la planification est encore plus importante pour la PME que pour la grande entreprise. En effet, comme l’entreprise de petite taille possède moins de ressources financières et moins de personnel, elle doit mieux planifier ses activités, sa marge de manœuvre face à l’erreur étant fort restreinte.
Même si les auteurs semblent affirmer que la planification est une activité d’importance cruciale pour la PME, plusieurs études ont démontré que cette activité était souvent négligée en PME. L’étude de D’Amboise (1974) présente la conclusion que les dirigeants des PME étudiées semblent peu se préoccuper de la planification, tant générale qu’opérationnelle. D’Amboise et Bakanibona (1993) ont également fait ressortir ce fait dans leur synthèse des résultats empiriques sur la planification dans les PME :
« Certaines recherches faites avant 1984 observent des pratiques qui prouvent l’existence de la planification. Toutefois, elles décrivent la planification dans les PME comme incomplète, non-structurée, irrégulière, sporadique, plutôt réactive et informelle (Still (1974), Shuman (1975),
Dans son étude auprès de 51 PME de la région de Québec, Gasse (1989) a constaté qu’un peu plus de la moitié des dirigeants de PME avaient préparé des plans formels Ces plans n’étaient toutefois pas très détaillés. En effet, il indique que « dans l’ensemble, lorsqu’il y avait de la planification, elle avait été faite à court terme ou pour un an ou moins » (p.6).
Comment expliquer le peu de planification effectuée par les dirigeants de PME ? Robinson et Pearce (1984) avancent que le processus de planification traditionnel est jugé trop complexe par le dirigeant de PME. Ce processus nécessite également trop de temps. Walker et Petty (1978) ont identifié deux raisons principales pour le peu de planification formelle dans les PME. Premièrement, les dirigeants sont trop pris dans la gestion quotidienne, ne pouvant se libérer pour planifier. Deuxièmement, les dirigeants n’ont pas d’intérêt pour ce type d’activité puisqu’ils possèdent davantage des aptitudes techniques que des aptitudes de gestion. Ils privilégient ainsi les tâches basées sur l’action (l’opérationnel) que les tâches basées sur la réflexion (l’administration). Lapierre (1998) rejoint à ce niveau Walker et Petty. Selon lui, les dirigeants d’entreprise ont surtout une « intelligence de l’action », c’est-à-dire une compréhension intuitive basée sur leur expérience de gestion. Grâce à cette intelligence, ils peuvent passer à l’action sans avoir recours à des analyses explicites détaillées telles les efforts de planification. On revient ainsi à l’idée de Mintzberg sur l’importance de l’intuition et du jugement dans la prise de décision et dans l’action.
En résumé, les dirigeants semblent accorder peu d’importance à la planification. Ceci s’explique par le manque de TEMPS et le manque d’INTÉRÊT du dirigeant de PME.
Jusqu’à présent, nous avons vu qu’en théorie, la gestion financière est importante pour l’aide à la décision et à la planification. Dans un second temps, nous avons vu qu’en pratique, les dirigeants de PME prenaient des décisions surtout sur une base intuitive. La planification semble également être délaissée par le dirigeant de PME. On constate ainsi deux points de vue contradictoires. Pour démêler ceci, il importe maintenant d’aller étudier les pratiques concrètes en matière de gestion financière. Ainsi, dans cette quatrième partie, nous verrons les différentes études portant sur :
G Le rôle du dirigeant dans la gestion financière
G L’utilisation des données financières par les dirigeants de PME.
4. Le dirigeant de PME et l’utilisation des données financières
Le rôle du dirigeant de PME dans la gestion financière
Voyons tout d’abord le rôle du dirigeant dans la gestion financière. Dans la grande entreprise, l’importance des enjeux reliés à la gestion financière fait en sorte que le dirigeant doit s’impliquer directement dans cette activité (Hamoir, 1993). Bien que l’utilisation d’outils de gestion financière demeure la responsabilité première des spécialistes financiers, la direction doit s’assurer de la bonne exécution de la gestion financière. Pour ce, elle doit déterminer les objectifs à atteindre en matière de finance et définir les niveaux de risques acceptables. Autrement dit, elle doit établir le cadre de fonctionnement dans lequel évoluent les spécialistes.
Dans la PME, on ne retrouve habituellement pas de spécialistes en gestion financière responsables d’interpréter les données financières. Raush (1979) affirme que cette tâche revient essentiellement au dirigeant. Celui-ci a alors la responsabilité d’encadrer le comptable afin que ce dernier produise l’information pertinente pour la prise de décision.
DeThomas et Fredenberg (1985) affirment que les dirigeants de PME présentent d’importantes lacune en termes de gestion financière. Les auteurs avancent deux raisons possibles :
G La mauvaise compréhension de l’impact des opérations sur les données financières ( qui se traduit par une faible importance accordée aux données financières dans le processus décisionnel)
G Les informations disponibles qui sont peu pertinentes et mal adaptées au contexte des PME
Voyons maintenant les études réalisées se rapportant directement à l’utilisation des données financières par les dirigeants d’entreprises de petite taille. Nous nous intéressons ainsi sur les pratiques concrètes des dirigeants de PME en termes de gestion financière.
L’utilisation des données financières par les dirigeants d’entreprise
On retrouve relativement peu d’études traitant de l’utilisation des données financières par les dirigeants de PME. L’intérêt pour ce sujet est fort récent et peu de chercheurs se sont encore penchés sur la question. Nous sommes donc toujours en phase exploratoire.
Les chercheurs qui se sont intéressés au sujet ont tenté de déterminer :
1- si les PME produisaient des informations financières nécessaires à la prise de décision
2- si les données financières produites étaient analysées
3- si cette analyse intervenait dans le processus décisionnel et dans le processus de planification.
DeThomas et Fredenberg (1985) ont effectué une étude auprès de 350 PME en Géorgie. Ils ont trouvé que 92 % des PME ont un système d’enregistrement des transactions comptables et que 81 % des répondants produisaient des rapports financiers intérimaires. Holmes et Nicholls (1988) en sont arrivés à des conclusions similaires. Ils ont effectué une étude auprès de 928 PME australiennes et ont trouvé que la grande majorité des répondants produisaient les états financiers traditionnels, soit l’état des résultats et le bilan. Ces deux études semblent indiquer que les dirigeants de PME disposent des donnée financières pour les aider dans leur gestion. Voyons maintenant si ces données financières sont analysées réellement par les dirigeants.
Gasse (1989) a entrepris une étude exploratoire auprès de 51 PME manufacturières de la région de Québec. 25 de ces PME faisaient parti du secteur de la chaussure alors que les 26 autres œuvraient dans le domaine de la fabrication de plastique. Le chercheur a trouvé que la grande majorité des dirigeants de PME des entreprises étudiées procédaient à une forme ou une autre d’analyse financière (les pourcentages sont de 92,3 % pour les PME de l’industrie du plastique contre 96 % de l’industrie de la chaussure). Cette étude nous amène à croire que les dirigeants de PME utiliseraient l’analyse financière. Toutefois, nous n’avons aucune information sur la qualité ou la profondeur de l’analyse effectuée.
Plusieurs chercheurs se sont intéressés plus précisément à la nature de l’analyse financière effectuée par les dirigeants de PME. Leurs conclusions sont relativement similaires. Luoma (1967) fut le premier à s’intéresser à cette problématique. Il entreprit une recherche auprès de 62 PME manufacturières américaines. Dans un premier temps, il a trouvé que 86 % des dirigeants de PME procédaient à une analyse des données financières. Ce pourcentage est semblable à celui trouvé par Gasse, quoique légèrement inférieur. Cependant, Luoma mentionne que les résultats de l’analyse financière ne sont pas utilisés dans la prise de décision (stratégique ou opérationnelle), ni dans la phase de planification. Les entrepreneurs analysent les données financières pour des décisions relevant des domaines périphériques, telles la détermination des prix et la décision d’investissement dans du nouvel équipement.
Holmes et Nicholls (1988) en sont arrivés aux même constatations. Ils ont conclu que l’utilisation des données financières était restreinte à des domaines « périphériques ». DeThomas et Fredenberg (1985) reprennent également cette idée dans leurs conclusions de recherche. Tous les dirigeants de PME rencontrés affirmaient utiliser et analyser les données financières. Pourtant, seulement 11 % des répondants disent utiliser les données financières comme élément central dans leur processus de décision et de planification.
En réalité, on constate une grande diversité dans les comportements des entrepreneurs en matière de gestion financière (vue ici comme l’analyse des données financières). Soler (1990) a effectué une étude auprès de plusieurs PME de la région de Paris. Il a découvert que les outils d’analyse utilisés variaient de façon importante d’un individu à l’autre. Dans la même lignée, Chapellier (1997) a conduit une étude auprès de 113 entrepreneurs. Il retrouve également des attitudes très diversifiées face à l’utilisation des données comptables de gestion (données financières). Certains individus utilisent beaucoup l’analyse de ces données alors que d’autres non. Il explique ces attitudes différentes par la diversité importante des profils de dirigeants.
Les études précédentes nous permettent quatre conclusions :
G Les PME produisent des données financières.
G Dans la majorité des cas, ces données financières sont analysées par le dirigeant de PME.
G L’utilisation des données financières est restreinte à des domaines périphériques et non comme élément central dans leur processus de décision et de planification.
G Il semble toutefois y avoir des attitudes différentes face à l’utilisation des données financières, ce qui s’explique par la diversité des profils de dirigeant.
Chapitre 2 – Le cadre d’analyse
Au chapitre précédent, nous avons procédé au recensement des écrits sur le sujet de la présente étude, soit la gestion financière et le dirigeant de PME. Cette étape a permis d’identifier les différentes facettes du sujet d’intérêt et ainsi, de mieux le définir.
La construction du cadre d’analyse, sujet de ce deuxième chapitre, s’inscrit dans la suite logique du processus exploratoire entamé avec la revue de la littérature. L’intérêt du cadre d’analyse est double. Premièrement, il établit le positionnement notre étude par rapport aux recherches précédentes par l’élaboration de la problématique. Deuxièmement, il constitue le lien entre la problématique retenue et le travail d’observation sur le terrain en traduisant sous une forme opérationnelle les pistes de recherche.
Le cadre d’analyse se divise donc en deux parties distinctes :
1- La problématique
2- Le cadre théorique
1. La problématique
Quivy et Campenhoudt (1995) définissent la problématique de la façon suivante:
« La problématique est l’approche ou la perspective théorique qu’on décide d’adopter pour traiter le problème posé par la question de départ. » (p. 85)
La problématique constitue donc l’identification de la perspective, ou la « lunette » empruntée pour étudier le phénomène choisi, dans ce cas-ci la gestion financière pour la PME. L’élaboration de la problématique comprend deux étapes : la catégorisation des auteurs selon les différentes approches et le positionnement par rapport aux études antérieures.
A) Catégorisation des auteurs
Avant d’identifier la problématique qui sera traitée dans le mémoire, il est possible de procéder à une classification des auteurs identifiés dans la revue de littérature. Chaque chercheur a tenté de définir ou d’expliquer un aspect de la gestion financière pour la PME en mettant en relation l’objet d’étude avec un élément particulier. Comme le mentionnent Quivy et Campenhoudt, cette mise en relation rend le phénomène étudié intelligible. Il est possible de classer les auteurs de la revue de littérature en trois grandes catégories. Ces catégories sont élaborées en fonction de l’élément mis en relation avec la gestion financière pour tenter de l’expliquer. Voici les trois grandes catégories : La gestion financière pour la PME mise en relation avec :
1- La gestion financière classique
2- Les particularités du contexte des PME
3- Le dirigeant de PME