Manuel sur la modelisation financiere

Manuel sur la modélisation financière
Introduction
L’utilisation de la distribution de Laplace asymétrique généralisée dans le cadre de la modéli-sation des rendements financiers est de plus en plus courante dans les milieux académiques et pratiques. Entre autres, elle présente une alternative intéressante au modèle de Black-Scholes pour l’évaluation des options de type européennes. De plus, elle peut être utilisée pour modéli-ser les rendements obligataires à long terme et les variations du taux de change. Cependant, la littérature actuelle présente peu d’outils qui facilitent l’utilisation en pratique de cette distri-bution. La principale motivation derrière le travail de recherche et de synthèse présenté dans ce texte a été de développer certains outils qui permettent l’estimation des paramètres de la distribution et l’approximation de celle-ci. De plus, plusieurs tests statistiques sont présentés afin d’évaluer la validité du modèle estimé et de certaines contraintes linéaires qu’on pourrait lui appliquer.
Au chapitre 1, on présente les différents types de modèles financiers ainsi que le risque associé à la modélisation. On introduit aussi différents concepts théoriques entourant les rendements financiers. Puis, on dresse un historique des modèles financiers ayant mené à l’utilisation de la distribution de Laplace asymétrique généralisée.
Au chapitre 2, on introduit les processus gamma et de Wiener qui sont les deux composantes essentielles du processus de Laplace. Puis, on présente les principales caractéristiques de la distribution de Laplace asymétrique généralisée. Enfin, on présente quelques cas particuliers de celle-ci et on fait le lien avec le modèle variance-gamma de Madan et Seneta.
Au chapitre 3, on présente la méthode du point de selle qui permet d’effectuer l’approximation de la densité et de la fonction de répartition lorsqu’elles n’ont pas de forme analytique. On applique ensuite cette méthode à la distribution de Laplace asymétrique généralisée.
Au chapitre 4, on présente la méthode des moments généralisée ainsi que son utilisation dans le cadre de l’estimation sous contraintes. On présente ensuite certains tests d’hypothèse para-métriques.
Au chapitre 5, on présente la méthode des équations d’estimation optimales ainsi qu’une version légèrement modifiée qui diminue la quantité de calcul nécessaire.
Au chapitre 6, on applique les méthodes d’estimation des deux chapitres précédents à la distribution de Laplace asymétrique généralisée. On présente en premier lieu une méthode qui permet d’obtenir un point de départ pour l’algorithme d’optimisation. Puis, on détaille les résultats obtenus.
Au chapitre 7, on présente les tests de normalité de Shapiro-Wilk et d’Epps-Pulley, puis ceux d’adéquation du 2 de Pearson, celui de Kolmogorov-Smirnov ainsi qu’un autre basé sur la fonction génératrice des moments.
Au chapitre 8, on présente différentes méthodes pour l’évaluation d’options. On présente d’abord quelques notions liées aux produits dérivés, puis on détaille trois méthodes pou-vant être utilisées avec la distribution de Laplace asymétrique généralisée. Enfin, on présente quelques particularités liées à certains titres financiers.
Au chapitre 9, on présente un exemple d’application des outils développés aux chapitres 3 à 8 avec un ensemble de données.
Enfin, on présente en annexe certaines notions de théorie des probabilités et de statistique.
Chapitre 1 Les modèles de rendements financiers
1.1 L’utilisation de modèles en finance
On doit considérer les implications de l’utilisation de modèles en finance avant d’entreprendre leur étude. On doit aussi prendre connaissance des différents types ainsi que les risques liés à chacun d’entre eux. Pour ce faire, on se réfère à la note «Model Risk» publiée par Derman (1996).
Durant les dernières décennies, plusieurs modèles sont apparus afin de fournir une approche fondamentale aux concepts de tarification, d’offre et de demande et d’arbitrage aux interve-nants des milieux financiers. Au cours des années 1970, on se préoccupe particulièrement des fluctuations des taux d’intérêt, un phénomène qui marque cette époque. Les notions de dura-tion et de convexité font alors leurs débuts. Sur les marchés de capitaux propres, on s’intéresse à la discordance entre le prix négocié des contrats à terme et le prix raisonnable calculé selon une perspective théorique.
Puis, la confiance développée envers le modèle de tarification d’options de Black et Scholes (1973) et ses extensions a favorisé la croissance du marché des produits dérivés. La puissance de calcul croissante des ordinateurs a aussi permis l’élaboration et l’utilisation de modèles de plus en plus sophistiqués. La dépendance qui peut se développer envers ceux-ci apporte son lot de considérations. On doit donc se rappeler l’utilisation désirée par les auteurs de ceux-ci et le risque associé à leur usage à grande échelle.
1.1.1 Différents types de modèles
Toujours selon Derman, un modèle financier peut être classé parmi au moins trois catégories :
- Le modèle fondamental, basé sur un système de postulats et de données, entre lesquels on peut établir différentes relations. Le modèle de Black-Scholes en est un exemple.
- Le modèle phénoménologique, qui présente une description ou une analogie, afin d’illustrer quelque chose qui ne peut être directement observé. C’est un modèle moins fondamental, basé aussi sur des liens de cause à effet. Un modèle qui chercherait à expliquer l’impact du retrait du porteur de parts majoritaire d’une entreprise sur la valeur des actions de celle-ci serait phénoménologique.
- Le modèle statistique, basé sur une régression ou un réglage optimal entre différents ensembles de données. On ne cherche pas ici à expliquer une dynamique, mais à décrire une tendance ou une corrélation. Le modèle d’évaluation des actifs financiers et celui des trois facteurs de Fama et French (1993) en sont des exemples.
Un modèle financier est en partie basé sur des variables qui représentent des opinions et des anticipations, et non seulement des quantités mesurables. Ces variables peuvent être, entre autres, le rendement et la volatilité future espérés. Cette considération sera importante notamment lorsque l’on voudra déterminer le prix raisonnable d’un produit dérivé. En effet, un modèle de tarification est essentiellement un moyen de refléter l’intuition des acteurs du marché à propos de ces variables sous la forme d’un prix exprimé dans une unité monétaire. Un bon modèle doit faciliter l’extrapolation de ce prix sous certaines conditions de marché.
Contrairement à la physique classique, un principe fondamental en finance est l’incertitude. On ne peut anticiper la valeur d’un titre à un moment donné dans le futur avec la même précision qu’on peut prévoir la position d’un objet à cet instant. Les outils mathématiques principa-lement utilisés seront alors les processus stochastiques, les statistiques et les distributions de probabilités, en plus du calcul différentiel et intégral.
1.1.2 Le risque de modélisation
Plusieurs risques inhérents à la modélisation en finance existent. Quelques-uns d’entre eux seront décrits dans cette section.
La modélisation peut tout simplement ne pas être applicable à la situation étudiée. L’exemple le plus probant serait de tenter de prévoir les mouvements du prix d’un titre financier à court terme.
Un modèle peut être incorrect pour plusieurs raisons. Entre autres, il peut ignorer certains facteurs ou poser une hypothèse déterministe inappropriée sur ceux-ci. Il peut aussi considérer une dynamique incorrecte pour un des facteurs ou encore une relation inappropriée entre ceux-ci. Enfin, il peut n’être applicable que sous certaines conditions bien précises ou encore que son utilisation soit limitée à court terme, notamment lorsqu’il nécessite un temps de calibration pour être statistiquement valable. Il peut aussi être inutilisable par une mauvaise estimation des paramètres.
Un modèle peut aussi être correct, mais avoir une solution erronée. Cela se produit notamment lorsqu’on tente de dériver une solution analytique ou que l’on doit utiliser des méthodes numériques pour obtenir celle-ci. On se doit, dans ce cas, de connaître l’erreur maximale possible de la méthode utilisée. Un modèle correct peut aussi être utilisé dans le mauvais contexte. Par exemple, on pourrait avoir recours à des paramètres inadéquats de simulation, ou encore réutiliser le modèle dans une autre situation sans tenir compte des conditions de validité de celui-ci.
Son utilisation peut génèrer des prix déraisonnables ; on parle alors d’arbitrage de modèle. Par exemple, si un titre est évalué à l’aide du modèle d’évaluation des actifs financiers, son prix sera différent de celui qui serait obtenu avec la régression à trois facteurs de Fama et French. Un investisseur peut alors faire du profit en achetant le titre à celui qui demande le prix le plus faible pour le revendre à celui qui offre le plus élevé.
L’utilisation de données instables peut produire des résultats différents selon la période étu-diée. La possibilité qu’une estimation basée sur des données historiques soit erronée doit être considérée.
Enfin, comme la plupart des modèles financiers sont implémentés sous forme de logiciels, différents bogues informatiques peuvent se retrouver dans le code source. On considère entre autres des erreurs d’arrondissement, de logique et de clarté du code, ainsi que des particularités du matériel qui n’auraient pas été prises en compte par le programmeur. Ces erreurs peuvent être difficiles à détecter, c’est pourquoi un grand nombre de tests devraient être effectués avant de publier un logiciel de modélisation financière.
1.2 Les rendements financiers
Le rendement est défini comme étant le gain ou la perte de valeur d’un actif sur une période donnée. Il est constitué des revenus occasionnés et des gains en capitaux d’un investissement et est habituellement représenté sous la forme d’un pourcentage. Ces derniers peuvent prendre la forme de coupons pour les titres à revenus fixes et de dividendes pour les actions échangées sur les marchés boursiers. On ne considèrera, dans ce texte, que les titres boursiers sans dividende, dont le rendement est lié uniquement aux gains en capitaux.
1.2.1 Définitions et notations
On définit le prix S(t) > 0 d’un titre financier observé au temps t. Implicitement, le prix considéré est celui à la fermeture. On définit aussi le taux de rendement effectif R(t) sur une période comprise dans l’intervalle de temps [t 1; t]. C’est le taux composé continument, aussi appelé force d’intérêt, qui aurait occasionné les mêmes gains ou pertes sur un montant déposé en banque au cours de la période concernée. Le taux de rendement est la variable d’intérêt dans le contexte de la modélisation financière.
On associe le taux de rendement effectif à la différence entre le logarithme du prix initial et final. Dans la situation où le taux de rendement est déterministe et non aléatoire, on obtient l’équation différentielle suivante :
dS(t) = R(t) S(t): dt
On peut interpréter cette équation en affirmant que la variation du prix dS(t) sur un intervalle de temps infiniment petit dt est proportionnelle à la valeur actuelle S(t). Cette équation différentielle a pour solution générale :
S(t) = S(0)eR(t)t: | (1.2.1) |
Afin de définir les propriétés de l’échantillon sélectionné, on pose comme hypothèse :
Hypothèse 1.1. Le rendement R(t) est constant durant la période définie par l’intervalle de temps [t 1; t], mais il est différent d’une à l’autre : R(s) 6= R(t); s 6= t.
On peut alors représenter le rendement R(t) comme étant la différence entre les logarithmes des prix observés au temps t et t 1, ou encore le logarithme du quotient de ces mêmes prix :
R(t) = ln (S(t)) ln (S(t 1)) | |||
= ln | S(t) | : | (1.2.2) |
S(t 1) |
On définit aussi le rendement cumulé L(t). Il correspond à la somme des rendements effectifs observés sur l’intervalle [0; t] :
T X L(t) = R(i)
i=1 = [ln (S(i) ln (S(i 1))]
i=1
= ln (S(t)) ln (S(0))
= ln | S(t) | : | (1.2.3) |
S(0) |
Cette représentation permet d’exprimer le prix actuel S(t) en fonction de la valeur initiale
S(0) sous une forme similaire à la solution (), mais tenant compte de l’hypothèse émise précédemment :
eL(t)=S(t)
S(0)
S(t) = S(0) eL(t)
= S(0) exp | Xi | R(i)! : | (1.2.4) |
t |
1.2.2 Rendements cumulés
On pose l’hypothèse suivante :
Hypothèse 1.2. Les rendements R(i); i 2 1; : : : ; t sont indépendants, mais pas nécessairement identiquement distribués.
On peut alors obtenir la distribution du rendement cumulé L(t) en utilisant le produit de convolution (). Considérons R(i)( ) la fonction caractéristique d’un rendement R(i) et L(t)( ) celle du cumulé L(t). On obtient alors que cette dernière est égale au produit des fonctions caractéristiques des rendements effectifs sur chacune des périodes de l’intervalle
[0; t] :
t | |
Yi | (1.2.5) |
L(t)( ) =R(i)( ): | |
=1 |
On considère la situation où l’on posera plutôt l’hypothèse suivante :
Hypothèse 1.3. Les rendements R(i); i 2 1; : : : ; t sont à la fois indépendants et identiquement distribués.
Alors, la fonction caractéristique des rendements est égale pour chaque période :
R( ) = R(1)( ) = : : : = R(t)( ): | (1.2.6) |
On peut donc simplifier l’expression () pour obtenir la fonction caractéristique :
L(t)( ) = [ R( )]t : | (1.2.7) |
Considérer une distribution qui est fermée sous la convolution pour modéliser les rendements sur une période R(i) peut alors être intéressant. Le rendement cumulé L(t) pourra aussi être modélisé à l’aide de la même distribution. Pour ce faire, on modifie un paramètre d’échelle en fonction de la longueur t de l’intervalle de temps considéré.
1.2.3 Données disponibles
Les données disponibles auprès des fournisseurs d’informations financières prennent habituel-lement la forme de séries chronologiques discontinues. Celles-ci incluent les prix à l’ouverture, le plus bas et le plus élevé au courant de la journée ainsi qu’à la fermeture, pour chaque jour où les marchés financiers sont en activité. Afin de mesurer le rendement quotidien d’un titre, seuls les prix à la fermeture seront considérés.
1.3 Les premiers modèles
1.3.1 Le modèle de Bachelier
Un des premiers modèles proposés afin de représenter les rendements financiers a été celui de Bachelier (1900) .
Le prix d’un titre peut varier, durant une période, de n’importe quelle valeur comprise dans l’intervalle [ S(t); 1]. Il propose donc que cet intervalle soit remplacé par l’ensemble du domaine réel R. La probabilité que le titre atteigne une valeur nulle ou négative ou que celle-ci double devrait donc être négligeable. Il ajoute aussi que la variation est indépendante du prix actuel du titre S(t) et que la distribution de probabilités de celle-ci est symétrique et centrée en ce point.
Il utilise le principe selon lequel la probabilité que deux évènements indépendants consécutifs aient lieu est le produit de celles que chacun d’entre eux se réalise, pour établir la distribution des variations du prix. Par exemple, la variation du prix sur une première période prend la valeur x et celle sur une seconde, z x, comme illustré à la figure 1.1.
S(0) | S(0) + x | S(0) + z |
t1 | t1 + t2 |
Figure 1.1: Modèle de Bachelier : probabilité composée
On définit f(x; t) la fonction de densité de la variation du prix S(t) par rapport au niveau initial S(0). Alors, selon le principe précédent, on obtient l’expression
f(z; t1 + t2) = Z 1 f(x; t1) f(z x; t2) dx: | (1.3.1) |
La solution proposée est que la densité de probabilité soit de la forme f(x; t) = A exp B2x2 :
Afin que la fonction f(x; t) soit une densité de probabilité, la condition suivante doit être respectée :
Z 1
A exp B2x2 dx = 1: | (1.3.2) |
1
Ceci implique que
p
B = A :
En posant x = 0, on a A = f(0; t) et l’on en déduit :
f(x; t) = f(0; t) expf(0; t)2 x2 : | (1.3.3) |
…
On reconnaitra que cette densité est, à un changement de variable près, une loi normale. La démarche suggère qu’il recherchait une distribution qui était fermée sous la convolution, une propriété souhaitable pour un modèle cohérent des rendements financiers.
Ce modèle implique un processus de Wiener-Bachelier selon lequel les incréments, ou les chan-gements de prix, suivent une distribution normale :
S(T ) S(t) N 0; 2 (T t) : (1.3.5)
On doit noter que ce modèle implique que la variance des fluctuations n’est pas proportionnelle au prix initial. Une première correction sera apportée au modèle afin de considérer le logarithme du prix. Ce changement permettra d’obtenir un modèle où elle est désormais proportionnelle au prix initial. Le processus du prix suivra alors un mouvement brownien géométrique :
S(T ) S(t) LN (0; (T t)) : | (1.3.6) |
Le logarithme du prix suivra alors un processus de Wiener-Bachelier :
ln (S(T )) ln (S(t)) N (0; (T t)) : | (1.3.7) |
Un des principaux avantages du processus de Bachelier modifié est que le rendement cumulé
L(t) est aussi une variable aléatoire gaussienne. Cette propriété est appelée L-stabilité ou invariance sous l’addition. La distribution gaussienne est la seule ayant cette propriété où le second moment est fini. Le sujet des distributions L stables sera aussi abordé à la section 1.3.2.
Quelques années après sa publication, ce modèle est l’objet de critiques de la part d’économistes et de financiers. En se référant à Mitchell (1916), on observe que, sur une base annuelle, les variations négatives par rapport à la moyenne (149) sont plus fréquentes que celles qui sont positives (126), pour un ensemble de 40 titres boursiers, entre 1890 et 1915 (figure 1.2). Une asymétrie négative des rendements sera alors présente.
−100 0 100 200 300
Rendements annuels (%)
Figure 1.2: Distribution des rendements annuels de 40 titres boursiers, de 1890 à 1915, Table XVIII de Mitchell (1916)
De plus, les variations extrêmes sont plus fréquentes que ne pourrait le prédire un modèle basé sur un mouvement brownien. La distribution des rendements aurait donc des queues plus épaisses 1 que la normale. On doit trouver un modèle qui permet de tenir compte de ces
1. traduction de l’anglais heavy tailed particularités.
1.3.2 Proposition de Mandelbrot
Mandelbrot (1963) propose un modèle qui vise à combler les lacunes du processus brownien géométrique (1.3.6). Il explique que les distributions empiriques des changements de prix sont habituellement trop pointues pour être considérées comme des échantillons d’une population gaussienne.
Il identifie différentes caractéristiques qu’un bon modèle des rendements financiers devrait posséder :
- Il doit tenir compte de la fréquence des grands changements de prix. Il doit donc être basé sur une distribution leptocurtique, plus pointue au centre que la normale.
- Il doit permettre des changements instantanés et imprévisibles de toute amplitude.
- Il doit admettre une probabilité non nulle que plusieurs changements consécutifs semblent corrélés.
- Il doit admettre un processus de prix non stationnaire, car la variance échantillonnale prend différentes valeurs à travers le temps.
La famille de distributions L stables semble être celle qui répond le mieux à l’ensemble de ces conditions (). L’équation suivante définit la propriété de L-stabilité de la distribution de la variable aléatoire des rendements sur une période R :
d | (1.3.8) |
(a1R1 + b1) + (a2R2 + b2) = aR + b | |
8a1; a2 > 0; 8b1; b2: | (1.3.9) |
La solution générale de cette équation a été découverte par Lévy en 1925. Le logarithme de la fonction caractéristique de celle-ci prend la forme suivante :
ln ( R( )) = ij j | 1 + ij j tan | 2 | (1.3.10) |
…
Table 1.1: Domaine et rôle des paramètres de la distribution L stable de Mandelbrot produits dérivés pour cette raison, étant donné que l’on devra être en mesure de quantifier la volatilité.
L’approche classique, selon Mandelbrot, pour expliquer les grands changements de prix a été de considérer un mélange de deux distributions normales, dont une pour les fluctuations régulières et une qui a une variance plus importante, pour les discontinuités. Il remarque que pour expliquer adéquatement le comportement des données empiriques, on doit introduire un mélange de plusieurs distributions normales, ce qui rendrait le modèle plus complexe. Par contre, on retrouve une approche intéressante avec le modèle présenté à la section suivante.
1.3.3 Le modèle de Press
Press (1967) propose un modèle statistique basé sur un processus de Poisson composé auquel on ajoute un mouvement brownien W (t). C’est donc d’un processus ayant des incréments sta-tionnaires et indépendants. Il présente donc les caractéristiques d’un processus de Lévy. Press utilise aussi la transformation logarithmique (1.3.6) afin que la variation soit proportionnelle au prix. Il remarque aussi que le modèle logarithmique de Bachelier est inadéquat, car il ne tient pas compte des queues de la distribution empirique des rendements qui sont plus épaisses que celles de la normale. Il ajoute que le modèle proposé par Mandelbrot est discutable, car il ne trouve aucune évidence, à partir des données observées, que la distribution de la population aurait une variance infinie.
Le processus de Poisson fN(t)g de paramètre t est un processus de comptage qui détermine les occurrences des sauts Yk; k = 1; : : : ; N(t). Ces sauts surviennent généralement lorsqu’une information importante est rendue publique par rapport à un titre. Ceux-ci sont aussi de distribution normale, mais leur espérance n’est pas nulle et leur variance est différente de celle du processus W (t). Cette composante que l’on ajoute au modèle de Bachelier modifié permet d’expliquer les variations plus importantes et moins fréquentes observées empiriquement.
Le processus du logarithme du prix fs(t)g fln (S(t))g est donc représenté par l’équation suivante :
N(t) | |
X | (1.3.11) |
s(t) = s(0) + Yk + W (t): | |
k=1 |
On définit les différentes variables aléatoires composant le processus comme suit :
Yk N( ; 22) W (t) N(0; 12t)
N(t) P oisson( t)
Comme pour la plupart des processus de Lévy, on ne peut obtenir une forme explicite pour la fonction de densité, car celle-ci se présente sous la forme d’une série infinie. On représente alors ces processus par leur fonction caractéristique, formée par le produit de celles de leurs différentes composantes.
La distribution du logarithme du prix s(t) est définie par la fonction caractéristique s(t)( ), qui est le produit de celle de la constante et celles des processus de Wiener et de Poisson composé :
…
Afin d’estimer le modèle, on s’intéressera plutôt à la distribution d’un incrément s(t) = s(t) s(t 1) de ce processus. La fonction caractéristique s(t)( ) de cette variable aléatoire peut être facilement identifiée à partir de celle du processus (). Essentiellement, on pose s(0) = 0 et t = 1, pour obtenir :
s(t) ( ) = E ei s(t) | ||||
= exp | 1 | +hei (22 2=2)1i: | (1.3.13) | |
2 | ||||
Pour estimer les paramètres du modèle, on privilégie la méthode des cumulants, qui est simi-laire à la méthode des moments. Considérons les quatre premiers cumulants de la distribution
k)dt + dW + dq: |
de l’incrément s(t) :
K1 | = | (1.3.14a) |
K2 | = 12 + ( 2 + 22) | (1.3.14b) |
K3 | = ( 2 + 3 22) | (1.3.14c) |
K4 | = ( 4 + 6 222 + 3 24): | (1.3.14d) |
En utilisant les quatre premiers cumulants empiriques (), on obtient les équations sui-vantes :
…
En résolvant numériquement l’équation (1.3.15a) pour le , puis par substitutions successives dans les équations (1.3.15), on obtient des estimateurs convergents pour les quatre paramètres du modèle.
Un modèle similaire a aussi été présenté par Merton (1976), cependant, il inclut un paramètre de dérive , et considère que les sauts Y , qui sont des facteurs multiplicatifs, peuvent suivre une autre distribution que la normale. Il présente le modèle sous la forme d’une équation différentielle stochastique :
La constante k représente l’espérance de la variation relative si un saut se produit et q, le processus de Poisson composé. La solution de cette équation est, selon le lemme d’Itô :
S(t) = S~(0) exp | ( 2 | 2 | k)t + W (t) | (1.3.17) |
où
S(0) = 8 <S(0)
PN(t)
:S(0) k=1Yk
si N(t) = 0 si N(t) 1:
En spécifiant un paramètre de dérive = 122 k et en considérant que les sauts Y sont de distribution lognormale, on peut réécrire la fonction caractéristique d’un incrément ()
L’utilisation de ce modèle présente deux désavantages. L’estimation du modèle est difficile lorsque la moyenne s’approche de 0, car le quotient (1.3.15b) tend alors vers une indétermina-tion. De plus, contrairement à d’autres modèles, il est difficile d’identifier le rôle des paramètres par rapport à un moment en particulier (classification de Pearson), contrairement à ce qu’on pourra observer avec la distribution de Laplace asymétrique généralisée.
1.3.4 Le modèle de Praetz
Praetz (1972) propose un modèle inspiré par la physique des particules. Il pose comme hy-pothèse que deux intervalles qui ne se chevauchent pas forment une marche aléatoire, et que les éléments qui composent la séquence des rendements financiers fR(t)g sont mutuellement indépendants. Il considère qu’un état stable existe où les rendements suivent une loi normale de paramètres et 2.
Cependant, cet état stable n’est jamais réellement atteint, et la fonction de densité empirique généralement observée suppose une distribution symétrique concave, pointue au centre et ayant des queues épaisses. Il fait une analogie entre la température d’un gaz et le niveau d’activité sur les marchés, où la variance du mouvement brownien est proportionnelle à ces deux quantités. Il propose que le paramètre de variance de la normale 2 suive une distribution g( 2) ayant un support pIl propose comme solution acceptable pour la densité g( 2), la distribution gamma inverse de paramètres m et s2 :
s2m(m1)me(m1)s2
g( 2) = : (1.3.21)
2(m 1)(m)
Cette distribution a pour moyenne s2 et variance ms22 . La distribution non conditionnelle des rendements hR(t) est approximativement une Student avec 2m degrés de liberté à un facteur
…
(y )21 + s2(2m 2)
D’autres distributions pourraient être utilisées au lieu de la gamma inverse. En utilisant la loi gamma, on obtient la distribution de Laplace asymétrique généralisée, qui sera l’objet d’une étude approfondie aux chapitres suivants. Il propose enfin d’utiliser aussi la distribution a priori gamma inverse pour le paramètre . Par contre, il remarque qu’il obtient aussi une distribution similaire à celle de Student. Cette généralisation n’est donc pas nécessaire.
1.4 Conditions essentielles de Madan et Seneta
Inspirés par les travaux de Mandelbrot, Press et Praetz, Madan et Seneta (1990) présentent un ensemble de conditions considérées essentielles dans l’élaboration d’un modèle de rendements financiers. Ils se baseront sur celles-ci pour proposer le modèle Variance Gamma :
- La distribution des rendements R doit avoir une queue épaisse. Ainsi, la probabilité que cette variable aléatoire ait une valeur supérieure à r + t avec un t petit, sachant qu’elle est supérieure à r, doit tendre vers 1, ce qui signifie que la fonction de survie converge lorsque cette quantité est grande.
rlim P [R > r + tjR > r] | = | 1 | (1.4.1) |
!1 | r ! 1 | ||
F (r + t) | F (r); |
- La distribution doit posséder des moments finis pour les n premières puissances des rendements R. Étant donné que l’on cherche à modéliser la queue de la distribution, on fixe n = 4.
h | i | |
E Rk | < 1;k 2 f1; 2; 3; 4g | (1.4.2) |
- a) Le modèle doit proposer un processus de temps continu ayant des accroissements stationnaires et indépendants.
- Les distributions des accroissements doivent appartenir à la même famille, quelle que soit leur longueur. Cette condition est essentielle afin de permettre l’échan-tillonnage et l’analyse des séries chronologiques.
- Le modèle doit permettre une extension multivariée avec une distribution elliptique afin de conserver la validité du modèle d’évaluation des actifs financiers.
Chacun des modèles présentés précédemment respecte la majorité ou toutes ces conditions. Les résultats se retrouvent à la table.
Conditions
Modèles |
Mouvement brownien de Bachelier |
Distribution stable symétrique de Mandelbrot |
Processus de Poisson composé de Press |
Mélange gaussien/inverse gamma de Praetz |
Modèle Variance Gamma de Madan et Seneta |
Table 1.2: Respect des conditions émises par Madan et Seneta pour les différents modèles présentés
On remarque que le modèle de Press remplit toutes les conditions émises par Madan et Seneta. Cependant, ils remarqueront que ce n’est pas un processus de sauts, car il contient aussi une composante de diffusion (Section A.4.1), ce qui va à l’encontre de l’intuition derrière la continuité de la trajectoire du prix. C’est cette dernière observation qui les incitera à proposer le modèle Variance Gamma, qui est un processus de sauts. Ce modèle, aussi étudié sous le nom de distribution de Laplace asymétrique généralisée par Kotz et al. (2001), a acquis beaucoup de notoriété dans le domaine de la finance mathématique. De plus, avec le développement de l’informatique et des méthodes numériques, on peut maintenant utiliser de manière efficace la fonction caractéristique dans le cadre de la calibration, des tests statistiques et de la tarification d’options. C’est pourquoi un intérêt particulier est apporté à cette distribution dans ce texte.
Table des matières
Résumé iii
Abstract v
Table des matières vii
Liste des tableaux xi
Liste des figures xiii
Remerciements xvii
Introduction 1
1 Les modèles de rendements financiers 3
1.1 L’utilisation de modèles en finance . . ....... . . . . 3
1.1.1 Différents types de modèles ......... 3
1.1.2 Le risque de modélisation ......... . 4
1.2 Les rendements financiers ..........5
1.2.1 Définitions et notations ......... . . 5
1.2.2 Rendements cumulés ......... . . . . 7
1.2.3 Données disponibles ......... . . . . 8
1.3 Les premiers modèles ........... . . 8
1.3.1 Le modèle de Bachelier ......... . . 8
1.3.2 Proposition de Mandelbrot ......... 11
1.3.3 Le modèle de Press ..........12
1.3.4 Le modèle de Praetz ......... . . . . 15
1.4 Conditions essentielles de Madan et Seneta ....... . 16
2 La distribution de Laplace asymétrique généralisée 19
2.1 Le processus de Laplace ........... 19
2.1.1 Le processus gamma ......... . . . . 20
2.1.2 Le processus de Wiener ......... . . 21
2.1.3 Le processus de Laplace est un processus subordonné ... . . . . 22
2.2 Distribution de Laplace asymétrique généralisée ......25
2.2.1 Fonction caractéristique ......... . . 25
2.2.2 Invariance d’échelle ..........26
2.2.3 Fonctions génératrices ......... . . . 28
2.2.4 Moments et rôle des paramètres ....... . . . . 28
2.2.5 Changement d’échelle et de localisation ......30
2.2.6 Représentation alternative et simulation ......32
2.2.7 Fonction de Bessel et densité ........33
2.3 Cas particuliers ............35
2.3.1 Distribution de Laplace asymétrique ....... . 35
2.4 Relation avec le modèle de Madan et Seneta (1990) ..... . . . 37
3 Approximation de la densité et de la fonction de répartition 39
3.1 L’approximation de Laplace ......... . . . . 39
3.2 L’approximation de Temme ......... . . . . 41
3.3 La méthode du point de selle ......... . . . 42
3.3.1 Approximation de la densité ......... 42
3.3.2 Unicité du point de selle ......... . . 44
3.3.3 Approximation de la fonction de répartition ..... . . . 44
3.3.4 Quelques propriétés des approximations ......45
3.4 Application de la méthode du point de selle ....... . 46
3.4.1 Approximation de la densité ......... 46
3.4.2 Approximation de la fonction de répartition ..... . . . 47
4 Méthode des moments généralisée 49
4.1 Introduction ............. . 49
4.1.1 Méthode classique des moments ....... . . . . 50
4.2 Méthode des moments généralisée ......... . 50
4.2.1 Définition ........... . . . . 51
4.2.2 Convergence ........... . . 52
4.2.3 Matrice de pondération optimale ....... . . . 53
4.2.4 Méthode des moments généralisée itérative ..... . . . 55
4.2.5 Distribution asymptotique des estimateurs ..... . . . . 55
4.3 Estimation sous contraintes ......... . . . . 58
4.3.1 Distribution asymptotique des estimateurs contraints ... . . . . 59
4.4 Tests d’hypothèses paramétriques ......... . 61
4.4.1 Test de Wald ........... . . 61
4.4.2 Test du multiplicateur de Lagrange ....... . . 62
4.4.3 Test basé sur la statistique de métrique de distance ....63
4.4.4 En résumé ........... . . . . 63
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