Livre sur l’evaluation financiere des projets

Livre sur l’évaluation Financière Des Projets
INTRODUCTION
L’évaluation financière de projets d’investissements peut apparaître comme un moyen terme ou une synthèse entre l’approche planificatrice de type micro ou macroéconomique et la gestion prévisionnelle dans l’entreprise. Elle correspond à un besoin particulier de prévision (que l’on retrouve par exemple dans l’introduction en France de la notion anglo-saxonne de business plan), centré sur le concept de produit et reposant sur une modélisation réalisée à partir des études techniques et commerciales. Le terme d’ingénierie de projets est égale ment utilisé. Cinq idées confirment la spécificité de l’approche projet.
1) La nécessité de bien marquer la différence entre le produit final (situation après projet) et le projet.
La notion de projet tire son origine de la planification. Réaliser un projet. c’est vouloir une finalité (développer un produit ou un service) qui devra se construire à partir de ce qui existe déjà (la situation de référence). Le projet n’est donc pas la description de l’état final recherché mais ce qui permet d’atteindre cet état en supprimant l’écart entre la réalité existante et l’objectif recherché.
Si un projet est souvent lié à un produit, il s’en démarque par le tait qu’un projet est toujours le résultat d’une construction par rapport à une situation de référence, en relation avec une ou plusieurs finalités. Cette démarche permet de répondre à plusieurs erreurs constatées, le «paysagisme » qui se limite à la description de l’état final visé et le «productivisme » qui retrace une augmentation de production sans lui associer les différents facteurs qui lui sont liés 1 .
Le cas souvent cité est celui du changement d’un équipement qui se limite aux seuls coûts de cet équipement et sous-estime les coûts de son changement.
L’évaluation d’un projet est donc toujours différentielle. Par ailleurs, elle n’est jamais universelle, c’est-à-dire qu’elle n’a de valeurs ou de significations que dans le domaine des finalités visées, li sera donc important de présenter (ou de rechercher selon les situations) ces finalités ou objectifs préalables à l’évaluation. L’idée importante de l’évaluation est aussi de travailler avec des politiques, que ce soit au niveau de l’entreprise, de la région ou de l’Etat, tout dépendra des projets.
La prise en considération de l’environnement, en tant que variable exogène,qui influe sur le projet (par exemple les prix d’achat), ou endogène (par exemple le prix de vente), qui débouchera sur la mise en place de stratégies de réalisation. Ce qui représente un élargissement nécessaire des flux pris en compte par l’évaluation que l’on retrouve à deux niveaux.
— En premier lieu dans l’évaluation financière qui exprime le point de vue des agents ayant un pouvoir de décision sur la réalisation du projet. Quand nous mesurons dans une entreprise la productivité d’un facteur de production (celle du travail par exemple), nous savons très bien que les autres facteurs influent sur cette performance. De la même façon, la rentabilité d’un projet est liée à des éléments externes à son calcul. Un des objectifs de l’évaluation financière sera d’internaliser » ces éléments externes.
Dans le même esprit, il peut être intéressant d’élargir les flux directe ment pris en considération par l’analyse, pour refléter correctement la situation des agents ou partenaires concernés. C’est par exemple le cas de la prise en considération de la rémunération du travail de l’exploitant dans le calcul de la rentabilité de l’entreprise individuelle 1,
— En second lieu dans l’évaluation économique (non traitée dans cet ouvrage) qui exprime le point de vue de la collectivité sur le projet. Sa vocation est essentiellement décisionnelle. Elle ne pourra donc intervenir que lorsque des finalités collectives auront été exprimées. Par opposition l’évaluation financière, mais dans une démarche souvent proche, son ambition est de valoriser les « externalités », c’est-à-dire les effets du pro jet sur son environnement, afin de les intégrer aux différents critères de décision.
L’introduction de la dimension temporelle. L’évaluation d’un projet étudie les différents flux sur leur durée de vie. Cette perspective qui est présente dans, par exemple, la notion de coût global (cf. supra) change les recherches d’efficacité dans un projet. Elle permet notamment de procéder à des « arbitrages entre phases différentes » 2, L’idée est que les dépenses initiales conditionnent celles qui vont suivre. C’est le cas, en particulier de toutes les dépenses de fonctionnement supportées par les utilisateurs du produit ou service mais aussi du Coût de destruction de certains biens aujourd’hui intégré au mécanisme du calcul privé.
L ‘utilisation de la synergie qui existe entre l’ élaboration et l’évaluation des projets.
L’évaluation d’un projet est souvent conçue comme une sanction finale (le projet est intéressant à réaliser ou non). Mais elle peut aussi être constructive et servir à faire « un bon projet » en s’associant à un processus de modélisation. L’évaluation, si elle est intégrée dès l’élaboration. permet de mettre au point de tester et de développer plus facilement des options nouvelles. Elle débouche ainsi sur une simulation active permettant la construction de stratégies.
La notion de profil de projet
Il existe une très grande diversité de projets et il devient intéressant de retracer la personnalité de chacun d’eux. C’est le contenu de la notion de profil de projet. Où se trouve cette personnalité ? Nous la rencontrons dans la composition des flux d’investissement, le niveau du besoin en fonds de roulement, celui de la rentabilité, du risque, du montage financier. Tous ces éléments relativement simples, combinés, donnent une personnalité au projet et le rendent unique. La mise en avant de cette personnalité permet d’accroître les chances de succès, avec une meilleure réalisation des objectifs. C’est le cas avec la recherche de solutions de financements adaptées à chaque projet et à sa capacité effective de remboursement, ainsi qu’à son niveau de risque atteint.
Un premier chapitre aborde le domaine des définitions et de la méthodologie de l’évaluation financière. Il permettra de situer la place de l’évaluation financière au niveau de la mesure des performances ainsi qu’à celui de l’élaboration et de l’évaluation d’un projet. Les chapitres suivants Sont calqués sur la démarche générale de l’évaluation financière.
L’étude avant financement (chapitre 2) dont la finalité est le traditionnel calcul de rentabilité précise la construction des différents concepts et instruments nécessaires à son élaboration : flux d’investissement, capacité d’autofinancement (CAF), besoins en fonds de roulement (BFR). La rentabilité elle-même fait l’objet d’un développement particulier, en précisant les critères les critères de mesure utilisés dans des environnements différents.
Une place est faite aux problèmes de comparaison et à l’intégration à la décision des éléments tels que le risque et l’inflation. L’étude des risques est réalisé à différents niveaux, celui du projet et de son environnement direct (risque de rentabilité, d’exploitation et de liquidité)et celui des relations avec le marché financier. Elle débouche sur la détermination pratique du taux d’actualisation.
Le troisième chapitre aborde le problème du financement des projets, la détermination des besoins,le recensement des solutions, et le choix en relation avec la rentabilité et le risque après financement. L’effet de levier est notamment développé sur la dimension temporelle des projets.
C e chapitre se termine sur la présentation finale des résultats, reprise des différents instruments après intégration des éléments de financement, puis cal cul des principaux ratios de performance.
Une étude de cas tirée de l’évaluation réelle d’un projet termine chaque section principale de chapitre. Elle est examinée dans les différents aspects de la démarche adoptée dans cet ouvrage. L’étude de cas proposée a fait l’objet d’un traitement informatique à partir d’un progiciel fonctionnant sous Microsoft Excel (Evalpro 1). Des exercices corrigés traitant de différents aspects de l’évaluation et de synthèse terminent cet ouvrage 2.
1. Cf.supra et en fin d’ouvrage.
2. Une disquette contenant les différents exercices corrigés peut également être obtenue, sous les conditions indiquées à la lin de cet ouvrage.
PREMIERE PARTIE
Méthode
Après une présentation des différents types de projets d’investissements et de la problématique,cette première partie suit la démarche générale de l’évaluation financière : étude avant financement axée sur la création de richesses, réalisation du montage financier, présentation et analyse des résultats.
Chapitre 1
DÉFINITION ET MÉTHODOLOGIE
DE L’ÉVALUATION FINANCIÈRE
Ce chapitre a pour objet de définir l’approche projet, puis de préciser et de situer la démarche de l’évaluation financière dans l’ensemble du cycle du projet.
1. Définition, classification et mesure des performances des projets
L’étude des différentes catégories de projets permettra de compléter la définition générale. Malgré la diversité des projets, il sera important de rechercher à apprécier leurs performances.
1.1. Définition d’un projet d’investissement
1.1.1. Du projet d ‘investissement au système projet
Le terme « projet » fait l’objet d’une utilisation fréquente. Partons d’une définition étymologique. L’investissement est représenté par des immobilisations nouvelles corporelles ou incorporelles (éléments de dépenses dont la durée de vie est supérieure à un an). Un projet est un ensemble cohérent d’activités.
Sous l’aspect financier, un projet d’investissement représente l’acquisition d’un ensemble d’immobilisations, permettant de réaliser ou de développer une activité (ou un objectif) donnée.
Dans son aspect commun, il correspond i une dépense immédiate dont on attend des avantages futurs.
Les éléments caractéristiques d’un projet sont l’envergure et la finalité. L’envergure est ce qui permet de distinguer un projet d’investissement d’un ensemble de charges (avec les ambiguïtés liées à la distinction entre charges et immobilisations). Peut-on parler par exemple d’un projet d’organisation ou de formation 1? L’existence d’un investissement ne suffit pas ; un projet doit avoir un objectif cohérent.
La notion de projet est liée à celle de produit (activité), que l’on caractérise généralement par trois éléments e un bien ou un service, un marché, une technologie.
La finalité du projet (cohérence) peut concerner plus particulièrement l’un de ces trois éléments : la création d’un bien, la conquête d’un marché et le changement technologique (cf. typologie).
Il existe également la notion de SYSTEME PROJET 2 .Celui-ci regroupe quatre pôles (ou acteurs)
— le projet;
— le porteur (initiateur de l’idée);
— les ressources nécessaires (financières, humaines...);
— l’environnement, par les influences qu’il exerce (problèmes d’impact).
Cette approche selon ces auteurs a l’avantage de mettre en avant les nombreux problèmes de cohérence et facilite l’étude des risques (cf. supra).
Il est important de bien distinguer l’investissement et le placement.
Le placement est une opération de financement (direct ou indirect) d’un investissement. Il sera indirect lorsqu’il concernera un organisme qui financera lui-même l’investissement. L’investissement est une création de richesse. L’opération de financement n’est pas en elle-même une création de richesse comme l’investissement. Par contre, elle influe sur la répartition des richesses générées par l’investissement, Mais ceci ne veut pas dire que les conditions de financement n’influent pas sur le niveau des investissements 3. La distinction est fondamentale pour la méthodologie et justifie le découpage « avant et après » financement.
L li faut les considérer comme des sous-ensembles de projet niais la formation est aussi un investissement intellectuel (cf. supra).
Voir par exemple Marmuse et Baron qui sont à l’origine dune méthodologie d’évaluation des projets (la méthode EPI). Cf. « Faisabilité et risque des projets d’activités nouvelles », op. cd..Revue Sciences de Gestion.
Quelques autres définitions peuvent être signalées
- Un projet est un ensemble cohérent d’activités influençant les flux monétaire de l’entreprise (Ardoin, Le contrôle de gestion, p 175).
— Un projet est un ensemble d’investissements qui doit être achevé pour avoir une valeur réelle pour l’exploitation et ne contient pas de sous ensembles ayant cette propriété (Stengel. Le choixdes investissements dans une économie incertaine. p. 20)
1.1.2. Structure et diversité des projets d’investissement
Diversité des genres: du projet d’entreprise au projet collectif
Parmi la grande diversité que ce concept représente (les typologies sont nombreuses), il faut distinguer le projet d’entreprise du projet de nature collective, dont les complexités sont très différentes.
Le projet d’entreprise (ou projet individuel) est conçu au sein d’une entité limitée à un agent (au sens économique), qui existe ou qui sera créée. Le projet collectif, au contraire, même s’il possède une unité, de par sa finalité ou son pilotage, a un contenu complexe du fait des nombreux agents qu’il concerne. Le projet collectif contient généralement des ensembles de projets d’entreprises souvent accompagnés d’un projet d’infrastructure. Ceci conduira à des niveaux différents d’analyse et à des méthodes différentes d’évaluation. Les projets collectifs devront mêler les approches économiques et financières, à différents niveaux (agents, secteurs, organismes, Etat...). Selon l’étendue de leurs objectifs, nous aurons des projets locaux, régionaux...
Diversité de la structure des investissements
Les investissements sont composés d’éléments corporels et incorporels. Signalons une évolution dans la composition des investissements des entreprises, qui comportent une part de plus en plus grande d’éléments incorporels 1 .
Ces derniers contiennent les éléments suivants : recherche-développement, formation, conseil. organisation, brevets, licences, droit au bail, logiciels, marketing... Certains font l’objet d’une acquisition. d’autres comme la recherche proviennent de l’exploitation et sont appréhendés par la comptabilité analytique. Cette évolution a plusieurs conséquences :
— les éléments incorporels sont plus difficiles à évaluer (ex ante) de plus, les durées d’amortissement sont souvent forfaitaires
— le plus souvent, il s’agit de « non-valeurs » qui ont un coût pour le projet mais ne devraient avoir aucune incidence sur la décision (cf.supra dépenses non récupérables)
— dans les projets en cours de réalisation, certains éléments incorporels vont apparaître ou vont voir leur valeur effective se modifier (fonds de commerce,
clientèle...) 2
— ce type d’investissement pose aussi un problème pour le financement bancaire traditionnel, dans la mesure où ce dernier est surtout basé sur le principe de l’hypothèque.
I. A. Marion, « La place de l’investissement immatériel dans l’évaluation des entreprises ». Revue française de Gestion. janvier 1 988. P. Epingard. Investir face aux enjeux technologiqueset informationnels, Ellipses. 1991.
2. Voir financement et capital-risque. Le mécanisme de l’introduction en bourse repose sur l’existence d’un écart entre la valeur d’actif (ce que l’entreprise a coûté) et la valeur de rendement (ce que l’entreprise rapportera).
L’investissement intellectuel est primordial dans la création d’une entre prise, sa sous-estimation est cause d’échec. C’est cet investissement qui permet d’assurer à la fois le démarrage et la pérennité de l’entreprise. Face à cette diversité, il est intéressant de présenter une typologie des projets.
1.2. Typologie des projets
Les projets peuvent être classés par finalité et par activité.
1.2.1. Classification des projets par finalité
Nous allons étudier quelques grands types de projets: le lancement d’un produit nouveau, l’amélioration de la productivité, les aménagements sociaux, les projets collectifs et les projets de développement.
1.2.1 .1. Projets de création de produits nouveaux
Leur originalité tient d’abord au fait que nous cherchons à mesurer la rentabilité d’un produit qui n’existe pas encore. Par ailleurs, il est possible dans le cas d’un développement dans une entreprise déjà créée que l’activité nouvelle absorbe une part de charges déjà existantes 1 .Ceci va entraîner quelques difficultés de mesure.
Une de leurs particularités essentielles tient au passage de l’idée au pro duit (génie industriel et techniques marketing) 2
Il faudra tenir compte de l’existence d’une très forte mortalité des idées nouvelles et des produits nouveaux.
Pour aboutir au produit, il sera nécessaire de définir les caractéristiques du bien (ou du service), de son marché et de son processus d’élaboration.
Le point le plus sensible est souvent représenté par le marché du pro duit (validité des prévisions commerciales). Ceci pose le problème de l’adaptation de la capacité de production et de son évolution par la montée en production.
Il sera nécessaire de faire plusieurs hypothèses et de tester les possibilités d’adaptation ù une modification du marché.
Une minoration systématique des frais d’installation et de démarrage,liée à l’importance des inconnues au moment de l’élaboration, a souvent été constatée.
I. Nous trouverons donc un problème de répartition de charges entre activité ancienne et nouvelle. Exemple : administration commune, réseau commercial identique, partie commune dans le processus de production.
2. la définition du produit passe généralement par les phases de test des idées et des concepts de produit (cf. Y. Chirouze. op. cit.).
Il faudra majorer systématiquement les charges et avoir une attitude pessimiste dans les choix implicites.
1.2.1.2. Projets d’investissements de productivité
Leur finalité tient au fait que l’entreprise cherche à mesurer l’opportunité du changement d’un équipement, et non la rentabilité de l’équipe ment (problème de la catégorie précédente). De ce fait, la rentabilité du produit peut rester bonne et le changement d’équipement s’avérer mauvais (et inversement).
Le produit est connu, la demande déjà appréciée. Toute la difficulté réside dans le calcul des coûts et notamment l’intégration correcte des changements induits par le nouvel équipement 1; le coût de la formation, de la nouvelle organisation, ainsi que la surcharge administrative.
Il faudra généralement tenir compte de la valeur de l’équipement ancien (cas de cession). Tout remplacement de matériel important peut s’assimiler à ce type de projet, dans la mesure où le remplacement ne se fait pas à l’identique. Le problème est alors de savoir quand remplacer l’équipement.
1.2.1.3. Projets d’investissements de capacité
Ce type de projet combine des éléments de figures antérieures: le changement de dimension du marché (type A) et le changement d’équipe ment (type B). La finalité de ce type de projet est le changement de taille de la production à partir d’une modification de la demande. Il s’agit donc de déterminer une nouvelle capacité optimale de l’investissement. Parmi leurs particularités, nous retrouverons les points sensibles précédents:
L’incertitude du nouveau marché, l’intégration du coût du changement technologique. Le problème déjà soulevé de répartition des charges entre ancien et nouveau devient plus aigu.
1.2.1.4. Projets d’investissements collectifs ou sociaux
Le terme social a un double sens ; il peut signifier ce qui concerne le personnel d’une entreprise ou la nature collective du projet, dans le sens de national (ou encore public).
Dans le premier cas, nous trouvons les investissements relatifs aux conditions générales de vie dans une entreprise (équipements administra tifs de toutes sortes). Ils sont nécessaires à toutes les catégories de projets. Et à ce titre, ils doivent être intégrés aux investissements directement productifs (en totalité ou par un mécanisme de répartition).
Néanmoins ils peuvent faire l’objet d’une étude spécifique. Ils sont destinés alors à obtenir une meilleure intégration du personnel (point de vue interne 1) ou même simplement une meilleure image de marque (point de vue externe).
Il existe des exemples de choix technologiques inversés par la prise en considération de ces facteurs que l’on pourrait considérer comme secondaires dans une optique « productiviste ».
Dans ce cas, l’étude de leur rentabilité ne peut être menée qu’avec des indicateurs propres, par exemple la diminution du « turn over» ou l’amélioration du rendement du travail. Le terme de rentabilité sociale a également fait son apparition.
Dans le second cas, nous avons tous les projets d’aménagement (d’infra structure) ou de façon générale tous les projets publics de substitution à l’initiative privée. L’étude de ces projets ne devrait être analysée que du point de vue de la collectivité (internationale, nationale ou régionale) par opposition à celui plus étroit d’un agent. Seule l’évaluation économique peut rendre compte de l’opportunité (ou du choix) de ces projets (cf. supra, critères économiques). Cette approche est par exemple celle d’EDF! GDF Les coûts sont également un point sensible, en raison de leur ampleur et souvent de leur caractère novateur. La rentabilité est calculée sur le très long terme (Taux Interne de Rentabilité calculé sur 60 ans pour le tunnel sous la Manche).
A côté de ces grands projets, nous trouvons de plus en plus une catégorie intermédiaire de projets, publics (réalisés par une collectivité locale) mais ayant les caractéristiques d’un projet d’entreprise (réalisation d’un service). Ce type de projets ne vise pas la rentabilité mais exige une autonomie de fonctionnement (parfois obligatoire dans le cadre européen). Il s’agit de projets de services locaux donc de dimension modeste. Citons le cas des projets de médiathèques, de service de proximité ou de services aux entreprises. Autrefois, ces projets étaient peu évalués en raison de leur caractère public et local (seule l’existence préalable de fonds décidait de leur réalisation). Or aujourd’hui avec la plus grande autonomie locale face à de plus larges possibilités de réalisation, une réflexion sur l’utilisation des fonds est devenue indispensable. La particularité de l’évaluation de ces projets locaux tient souvent au montage financier qui va intégrer plu sieurs partenaires.
1.2.1.5. Projets de développement
Ces projets peuvent concerner toutes les catégories précédentes, mais avec une composante particulière dans la finalité, qui est celle du développement.
Etant donné l’ampleur des problèmes, seules quelques remarques seront formulées pour indiquer les points qui nous semblent essentiels:
— la transposition des techniques mises au point dans des pays n’ayant pas atteint le même niveau de développement (à l’Ouest comme à l’Est);
Voir toutes les études concernant les éclairages internes automatiques en fonction de la lumière du jour ou des travaux effectués.
Marc Chervel, « Premières applications de la méthode des effets en France, études pour le développement », SEDES, juin 1984 ou La documentation française, n° 1900 du 28/11/84.
— le problème de greffe du projet sur le lieu d’implantation avec des risques plus élevés de rejet (particulièrement en milieu rural);
— le développement comme facteur propre, c’est-à-dire ayant un coût spécifique lié à sa finalité et qu’il est important d’isoler, pour par exemple des questions de modalité de financement ou de contrôle des coûts.
Coûts spécifiques des projets de développement:
— adaptation des techniques;
— risques de rejets du milieu;
— lenteurs des démarrages.
Le développement est un coût à part entière qui pourrait entrer dans la classification analytique des charges.
Souvent dans ce type de projet, il est prévu d’atteindre en quelques années un niveau de production maximal à partir d’inputs classiques (avec malheureusement souvent un faible taux de réussite). Il serait au contraire intéressant de faire apparaître le coût du développement à part, en plus des coûts classiques de production, comme c’est par exemple fait pour la formation. Ceci permettrait peut-être de mieux effectuer le suivi et l’évaluation ex post de ces projets.
1.2.2. Classification des projets selon l’activité
L’activité donne lieu à des spécificités que nous n’allons pas développer mais qui méritent quelques remarques destinées à montrer que la technique de l’évaluation ne peut être uniforme et par conséquent doit s’adapter à la nature du produit pris en considération.
• Le cas des Secteurs agricole et industriel
L’opposition de ces secteurs est traditionnelle. Les particularités du secteur agricole tiennent souvent à la spécificité de la fonction de production (êtres vivants par rapport à des objets), qui obéit à des règles différentes (problèmes de croissance par exemple). Voici, à titre d’illustration, une fonction de croissance du Loup, utilisée à la détermination des prévisions de poids des poissons à partir des profils thermiques des stations d’élevage, et du poids de départ 1 :
tcj= 0,3x P -0,34 x e 0,1151 x T
avec tcj = taux de croissance journalier, P= poids,
T= température de l’eau.
• Le cas de la production d’un bien et de la réalisation d’un service
Les caractéristiques majeures des services sont l’intangibilité (non matérialité), la simultanéité (absence de stock) et l’interactivité (présence souvent active du client).
Étude IFREMER.
Elles induisent des difficultés de définition et de standardisation du contenu des services offerts. L’élaboration et l’évaluation d’un service restent soumises à de plus fortes contraintes dues à l’existence d’un support et à la proximité du client. Le découpage des charges en variables et fixes est souvent plus délicat. Les charges des services pré sentent une certaine rigidité à court terme dont il faudra tenir compte dans l’évaluation. Nous avons aussi à signaler l’importance relative de certains éléments incorporels (investissements intellectuels issus de l’exploitation) et leur caractère stratégique dans une phase de démarrage.
Au niveau des moyens utilisés, l’image classique du service utilisateur de personnel avec peu de capital n’est pas générale. Mais l’existence d’un plus faible coefficient de capital entraîne une place relative plus importante du fonctionnement (exploitation) sur l’investissement corporel, qui se traduit par une plus forte rentabilité du capital technique. Les activités de service avec une faible intensité capitalistique pourront avoir, pour une même performance de rentabilité, une plus faible productivité et profitabilité. Ces deux derniers indicateurs joueront donc un rôle moindre dans une activité de service ayant ce profil.
• Le cas de la saisonnalité des ventes
Il correspond à une variation significative des ventes ou (et) de la production à l’intérieur de l’année, que l’on rencontre dans des projets agricoles (cultures pérennes/cultures saisonnières, projets arboricoles, aquacoles) ou des projets industriels (jouets, cadeaux...).
Les particularités concernent surtout le calcul du besoin en fonds de roulement et de la trésorerie.
• Le cas d’une durée du cycle d’exploitation supérieure à l’année
Cette situation est notamment rencontrée dans les projets forestiers ou d’infrastructure. La rentabilité est calculée sur de plus longues périodes. Le calcul du taux d’actualisation peut également présenter des difficultés.
1.3. La mesure des performances (ex ante)
L’appréciation ex ante d’un projet est essentielle. Il est possible de con sidérer plusieurs niveaux de réflexion:
— celui des critères, nombreux, complémentaires ou concurrents qui dépendent notamment de la nature des projets (cf. infra) avec la tentative, souvent délicate, de synthèse opérée par les méthodes multicritères;
— celui des conditions d’utilisation de ces critères, qui concernent à la fois l’environnement du projet (localisation, informations disponibles) et le point de vue de l’analyste (les mêmes critères ne sont pas valables partout);
— celui de la finalité, c’est-à-dire de la nature de la décision qui doit être prise choix entre plusieurs projets ou variantes, aide à la réalisation (modifications d’hypothèses de travail...).
C’est un niveau politique entièrement dépendant du réalisateur du projet (ou porteur). Le processus de décision lui-même a fait l’objet d’études récentes et le modèle monorationnel que nous enseignons est parfois contesté 1 .
1.3.1 Les critères d’appréciation
La première opposition est relative aux critères financiers et économiques. Mais il est aussi fait appel, dans les décisions, à des critères « qualitatifs », qui regroupent souvent l’ensemble de tout ce qui n’a pu être quantifié dans l’analyse des performances. Avant de développer l’approche financière pour l’entreprise et pour l’exploitation familiale, faisons référence à quelques concepts généraux d’appréciation des projets.
1.3.1.1. De la pertinence à l’efficacité
Les performances (d’une façon générale) sont assez bien mesurées au niveau de l’entreprise. Des difficultés demeurent lorsqu’on se situe dans des projets collectifs. Il est souvent nécessaire de se situer à différents niveaux d’analyse, celui des agents concernés et du projet dans sa globalité bien sûr, mais aussi celui des différentes actions choisies, et dont on veut mesurer la pertinence, la cohérence, l’efficience et l’efficacité.
— La pertinence fait en général référence à une adéquation des objectifs du projet à son environnement. Pour un projet local, c’est «soutenir des objectifs et des actions locales qui présentent un intérêt suffisant au regard des enjeux locaux et départementaux, qu’ils soient objectifs ou subjectifs » 2
— La cohérence vise l’adéquation des moyens du projet aux objectifs (et à son environnement) « soutenir des procédures, des outils et des actions qui soient susceptibles de répondre aux objectifs et aux enjeux locaux et départementaux ». Parfois les deux notions sont confondues. « La pertinence d’un projet peut être définie comme sa capacité à réaliser les objectifs qui lui sont assignés... et revient à mesurer ses risques de défaillances » 3.
— L’efficacité s’apprécie par rapport aux objectifs de l’organisation 4. Elle correspond donc à la capacité à réaliser ses objectifs.
L’efficience est « la somme des outputs obtenus par unité d’input ». L’efficience est donc générale, elle est mesurée par les indicateurs classiques des entreprises. C’est essentiellement à ce niveau que se situe l’évaluation financière.
STRATEGOR, Stratégie, structure, décision, identité, InterEditions, 1990.
Cabinet Argos.
M. Garrabé, « Méthode d’évaluation de la pertinence d’un projet », Revue Tiers Monde, n° 129, janvier-mars 1992.
M. Gervais, Contrôle de gestion, Economica, 5e édition, 1996, page 11.
Testé
1.3.1.2. Les critères financiers
• Les indicateurs financiers au niveau de l’entreprise
Les critères financiers expriment le point de vue du projet en tant que centre de décision autonome, ou celui des propriétaires des capitaux, véritables décideurs dans le projet. Cette distinction permet de séparer la rentabilité financière (dans le second cas) de la rentabilité globale (dans le premier cas), souvent improprement appelée rentabilité économique par les financiers (cf. supra).
Le tableau I décompose la rentabilité financière (bénéfice net/capitaux propres) en ses principales composantes.
La rentabilité globale (bénéfice avant financement/capitaux permanents), modifiée par le niveau et le coût de l’endettement extérieur, exprime la rentabilité du projet, indépendamment de toute politique financière.
La relation entre la rentabilité globale et le coût de l’endettement détermine l’effet de levier, utile à la définition du niveau de l’endettement extérieur (cf. supra, le financement).
La rentabilité globale apparaît comme le produit de la profitabilité par la rotation des capitaux.
La profitabilité exprime le point de vue commercial (revenus tirés des ventes). La rotation des capitaux mesure l’utilisation des capitaux permanents par l’activité (ou la capacité pour une activité à générer un chiffre d’affaires).
La rotation des capitaux apparaît aussi comme le produit de la productivité du travail par l’inverse de l’intensité capitalistique.
La productivité représente le point de vue de la production dans le pro jet (ici le rendement du travail).
L’intensité capitalistique dépend des processus de production utilisés (plus ou moins grande utilisation de capital par rapport au travail).
La rentabilité financière apparaît ainsi comme le résultat de quatre éléments principaux (dont les trois premiers constituent la rentabilité globale) la profitabilité, la productivité, l’intensité capitalistique et l’endettement.
Ceci nous indique que l’amélioration des performances peut être recherchée dans plusieurs directions. Il est important qu’il y ait une certaine additivité dans les différents critères (à des fins essentiellement de contrôle), c’est-à-dire que les différents sous-indicateurs soient liés à une performance plus globale considérée comme essentielle. Il est évident que ce schéma doit être complété et adapté à la spécificité des projets.
Sur le plan macro-économique, des études ont montré une baisse cons tante, pendant une vingtaine d’années, de la rentabilité globale et financière avec une remontée depuis 1983 1•
Les indicateurs financiers au niveau de l’exploitation familiale
L’approche précédente, même si elle est très générale, concerne les agents dont les comportements sont attachés au concept d’entreprise. Or c’est loin d’être le cas de tous les agents, notamment des petites unités et du monde agricole qui considèrent la notion de rentabilité du capital comme plus secondaire, c’est pour eux la valorisation du travail qui prime. Par ailleurs, l’information disponible dans une petite exploitation familiale n’est pas la même que dans une entreprise classique. Ceci ne remet pas en cause la technique des ratios-chaîne mais la complète.
Selon cette présentation, le travail est « servi » pas la rentabilité qui peut être encore masquée par la profitabilité et la rotation des capitaux. Le bénéfice est ici donné à titre général, il pourra aussi correspondre au résultat d’exploitation ou à l’excédent brut d’exploitation, selon les situations et les analyses.