Formation complet sur la finance immobilière
Le bail est un élément essentiel de l’immobilier. Le bail est un contrat de location lié à l’actif immobilier. Il est essentiel en finance immobilière car il est à la base des échanges de flux. Outre la définition juridique de jouissance d’une chose immobilière pour une durée donnée, le contrat de bail stipule le montant du loyer, son mode d’ajustement, la durée du bail et les éventuelles conditions de rupture. Les baux ont fait l’objet d’un grand nombre de recherches dans la littérature en finance immobilière mais aussi en économie immobilière. De nombreux articles s’intéressent à la valorisation financière des baux et à l’influence qu’ils ont sur la structure des loyers. Dans cette thèse, nous nous intéressons particulièrement à l’influence de la structure des baux sur le risque immobilier et sur l’évaluation immobilière. En effet les baux commerciaux (européens en particulier) sont en général signés sur des durées longues avec des options de départ anticipées possibles en faveur du locataire en cours de contrat à des dates données.
On s’intéresse dans cette thèse à l’analogie qu’il y a entre les options financières et les options de départ des locataires dans les baux commerciaux. La distribution des rendements immobiliers est un sujet récurrent dans la littérature en finance immobilière. La littérature sur le sujet est principalement anglosaxonne et fait l’objet d’un consensus : les rendements immobiliers ne suivent pas une distribution normale. Les articles sur le sujet sont basés soit sur l’immobilier direct, soit sur l’immobilier coté. Les travaux de Young (1995, 2006, 2008) sont une référence dans le domaine. Dans cette thèse, on s’intéresse à l’immobilier direct et la non-normalité des rendements nous amène à utiliser des techniques qui prennent en compte cette nonnormalité pour déterminer la Value at Risk. La Value at Risk est une mesure de risque relativement récente (années 90) qui a connu un fort essor à la lumière des diverses régulations qui se sont imposées aux acteurs de la finance. L’objet de la thèse n’est pas de discuter la pertinence de la VaR comme mesure de risque ou de dénoncer ses limites. Les régulateurs de nombreux pays (entre autres, ceux concernés par Bâle II, Bâle III et Solvency II) ont choisi la VaR comme mesure de risque (pour le calcul entre autre du capital requis) et de fait, s’intéresser à la VaR est essentiel même s’il faut rester conscient de ses limites.
La VaR a fait l’objet de travaux très nombreux. Les travaux fondateurs sur la mesure de la VaR sont, entre autres, ceux de Jorion (1996), Linsmeier et Pearson (2000), Duffie et Pan (1997) ou Engle et Manganelli (1999). Les propriétés théoriques ont été abordées par Artzner et al.
(1999), Cvitanic et Karatzas (1999) ou encore Wang (1999). L’article d’Artzner et al. (1999) est essentiel dans la littérature. De nombreux articles se sont aussi intéressés à la meilleure méthode pour calculer la VaR, entre autres, ceux de Pichler et Selitsch (1999) et Mina et Ulmer (1999) s’intéressent à la décomposition de Cornish Fisher pour le calcul de la VaR. La littérature relative à la VaR spécifique à l’immobilier est pratiquement inexistante. L’immobilier indirect coté n’a pas fait l’objet de recherches spécifiques car les outils et méthodologies que l’on peut appliquer sont ceux qui ont été développés pour les autres classes d’actifs. Pour l’immobilier direct, la littérature est pratiquement inexistante. Pourtant le besoin de méthodes et outils spécifiques se fait fortement ressentir. Ceci est souligné dans le rapport pour IPF (Investment Property Forum) écrit par Booth et al. (2002) et qui revoit l’ensemble des méthodes de mesure et de gestion du risque. Le seul article spécifique sur la VaR est l’article de Gordon et Wai Kuen Tse (2003) qui considère la Value at Risk comme une mesure de risque pour prendre en compte l’effet de levier. C’est en particulier cette absence de recherche sur la VaR en immobilier qui a motivé le travail de thèse sur la VaR immobilière.
Le troisième chapitre (premier article)3 Combining Monte Carlo Simulations and Options to manage Risk of Real Estate Portfolio se concentre sur l’analogie qui existe entre les baux en immobilier commercial et les options financières. Un bail donne généralement au locataire le droit mais pas l’obligation de partir avant la fin du contrat à des échéances données (traditionnellement un bail est signé pour une durée donnée avec une ou plusieurs options de départ en faveur du locataire au cours de la durée du bail). De la même façon, une option européenne donne le droit mais pas l’obligation à son détenteur de vendre ou acheter un sous-jacent financier à une date donnée. Si l’on fait l’hypothèse que les acteurs sont rationnels, ces options ne seront exercées que si elles sont dites « dans la monnaie ». Par analogie, on peut envisager que sous l’hypothèse d’un comportement rationnel des acteurs, une option de départ en faveur d’un locataire sera exercée si la valeur des loyers de marché est inférieure au loyer payé actuellement (le loyer payé devenant la valeur du strike et l’option de départ étant « dans le monnaie » dans le cas où le locataire rationnel doit l’exercer). C’est sur la base de cette analogie que ce chapitre est construit. De la même façon qu’une option financière est exercée, le chapitre intègre les options de départs des locataires dans un modèle d’évaluation qui prend ainsi en compte les risques liés aux baux.
Ces options de départ contenues dans les baux sont l’une des principales préoccupations des investisseurs. En effet, les investisseurs en immobilier sont majoritairement attirés par deux choses : d’une part les flux récurrents et indexés que procurent l’immobilier et d’autre part les potentielles plus-values immobilières liées à la corrélation entre cet actif et le niveau d’inflation. Cependant, les options contenues dans les baux ont une grande influence sur la récurrence des flux mais aussi sur la valeur des actifs4 . C’est pourquoi il est fondamental de les prendre en considération lors de l’évaluation d’un actif et dans le cadre de la gestion de portefeuilles immobiliers. En effet, les modèles traditionnels de gestion et d’évaluation prennent mal en compte cette spécificité immobilière : soit un revenu moyen récurrent est considéré, soit deux ou trois (en général : cas de base, optimiste ou pessimiste) sont pris en compte auxquels on affecte éventuellement une probabilité d’occurrence.
La nécessité d’une approche qui tient compte des risques spécifiques provient d’une part de la mauvaise appréciation du risque lié aux baux et d’autre part des difficultés à faire disparaitre le risque spécifique des portefeuilles immobiliers. En effet, comme présenté dans la revue de la littérature, un portefeuille immobilier diversifié nécessite un très grand nombre d’actifs. Ce nombre d’actifs est rarement atteint par les investisseurs. Par suite, le risque spécifique demeure dans le portefeuille et il est donc nécessaire de le prendre en compte dans les modèles d’évaluation. C’est là l’idée de base de ce premier chapitre. C’est justement de proposer un modèle qui pallie aux défauts des modèles plus traditionnels importés de la finance. Notre approche suggère de combiner l’utilisation de méthodes numériques (Monte Carlo) et de la théorie des options (cependant l’objet n’est pas de valoriser la prime d’option mais seulement d’utiliser la théorie des options : exercice ou pas).
L’idée est d’utiliser des simulations de Monte Carlo pour les valeurs locatives de marché et pour le prix du portefeuille (en prenant en compte la corrélation entre les différents facteurs de risques estimés) puis, aux dates déterminées, de comparer le loyer payé avec le loyer disponible (simulé) sur le marché pour un bien identique et considérer la décision la plus rationnelle du locataire. Ainsi, si face à une option de départ, si le loyer payé est supérieur (à la constante 5 près) au loyer de marché, le locataire quitte l’immeuble et le propriétaire fait face à une période de vacance et donc à un vide dans ses revenus. Eventuellement, selon les situations et les marchés, cette période peut générer des coûts de vacance. La durée de la vacance est modélisée par une loi de Poisson. Dans notre cas et pour simplifier la présentation, nous prenons l’hypothèse qu’à la fin d’un bail, les deux acteurs ayant une option (de départ ou de reprendre son bien), ils négocient un nouveau bail à la valeur locative de marché. La figure 1 présente le cas sur un bail type français, soit un bail de 9 ans avec deux possibilités de départ pour le locataire en année 3 et 6 (dit le bail 3/6/9). Cette figure illustre le cas ou à la fin de l’année 3, le loyer de marché (MRV) est inférieur au loyer payé et le locataire quitte l’immeuble. Le propriétaire fait face à 4 années de vacance et un nouveau bail est contracté jusqu’à la fin de la simulation.
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Ensuite, cette action est répétée de très nombreuses fois et on peut obtenir la moyenne des flux reçus sur un bail. Le résultat est présenté dans la figure 2. On observe une forte baisse des loyers générés par le bail type aux années ou le locataire à une possibilité de départ.
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L’intérêt de cette méthode en plus d’une meilleure prise en compte des risques spécifiques dans la valorisation d’un portefeuille immobilier est aussi de mieux appréhender et évaluer les risques immobiliers. En effet, l’utilisation des méthodes numériques permet d’évaluer avec plus de pertinence les risques du portefeuille, en particulier, la distribution des loyers ou la distribution des valeurs possibles de portefeuilles permet une meilleure prise en considération des risques. La figure 3 illustre ce phénomène. On observe qu’à la période 8, la distribution est fortement centrée sur deux points, ce qui laisse présager un grand nombre de possibilités de départ à cette date. De plus l’obtention de distribution donne la possibilité de déterminer la VaR de l’investissement ou d’autres mesures de risque lié à la distribution.
Dans ce chapitre, nous avons proposé une nouvelle méthode pour l'évaluation d'un portefeuille immobilier qui utilise des simulations de Monte Carlo et la théorie des options pour le calcul des valeurs du portefeuille. Ceci a permis d’intégrer la structure des baux dans le processus d’évaluation. Le modèle prend ainsi en compte le comportement des locataires et l’influence de ce comportement sur les flux de trésorerie. Une loi de Poisson est utilisée pour déterminer la durée de la vacance (comptage des périodes vacantes). Du point de vue du praticien, le modèle peut être utilisé pour calculer des évaluations de portefeuilles ou d’actifs plus pertinentes. Avant tout, l’intérêt réside dans la possibilité conférée par le modèle d’obtenir un histogramme. L’approche est flexible et permet de rajouter et de modifier de nombreux paramètres en fonction des besoins inhérents à chaque marché et à chaque investisseur. Ce travail ouvre la voie à de nombreux autres domaines de la finance immobilière, la gestion des risques en particulier. La connaissance des flux de trésorerie est une aide précieuse pour la mesure des risques et dans les négociations entre propriétaire et locataire. En utilisant des méthodes de Monte Carlo, on obtient aussi un ensemble de résultats au lieu d'un résultat unique ce qui présente un intérêt évident pour la gestion des risques car les régulateurs comme les investisseurs ont de plus en plus besoin de mesures de risque. Le développement de notre démarche va dans ce sens.
Le quatrième chapitre (second article)6 de cette thèse est une application directe du modèle précédent. L’article présenté dans ce chapitre se concentre sur un problème traditionnel de la Finance : la durée de détention. La littérature sur le sujet a créé un consensus : des coûts de transaction élevés impliquent une durée de détention plus longue et une forte volatilité implique une durée de détention plus courte. A ce sujet, on peut se reporter aux travaux de Demsetz (1968), Tinic (1972), Amihud et Mendelson (1986) ou encore Atkin et Dyl (1997). L’immobilier qui présente une forte volatilité et des coûts de transactions élevés est un cas à part sur lequel la littérature n’a pas su trouver un consensus. De plus, le caractère local et les spécificités pays de l’immobilier créent de grandes différences. Par suite, il convient de considérer les spécificités de l’immobilier pour déterminer la durée de détention optimale. Dans ce contexte, le second article se propose de prendre en compte les baux inclus dans le portefeuille pour déterminer la durée de détention optimale du portefeuille.
Ceci est rendu possible grâce à l’utilisation du modèle développé précédemment7 . Ce travail fait suite à un travail précédent publié par Baroni et al. (2007b) et qui donne une formule fermée qui permet d’obtenir la durée de détention optimale d’un portefeuille immobilier par l’utilisation de méthodes de simulations de Monte Carlo. Notre objectif est d’utiliser une méthodologie proche mais pas similaire. L’idée est de rajouter la structure des baux et donc de prendre en compte les options incluses dans les baux (au lieu d’un loyer moyen tel que utilisé dans Baroni et al., 2007b). Ces modifient la distribution des valeurs et par suite la durée de détention optimale. Ce chapitre démontre les différences qui se produisent lorsque les options accordées aux locataires sont prises en considération. Nous démontrons comment l objectifs de détention peuvent être modifiés par la prise en considération de la structure des baux du portefeuille. L mais d'analyser l'effet des paramètres sur la durée de détention optim sont illustrés sur les deux figures 4 et 5.
Dans ce chapitre, nous avons donc proposé de tenir compte de la structure des baux dans le calcul de la durée de détention optimale d’un portefeuille de biens immobiliers en utilisant le modèle proposé au chapitre précédent. En grande partie, le meilleur moment pour vendre un portefeuille immobilier dépend des flux futurs de trésorerie. Nos principaux résultats sont les suivants : d’abord la volatilité des valeurs locatives de marché a une très forte influence sur la période de détention (plus la volatilité augmente, plus la durée de détention diminue), ensuite, le nombre d’options a un effet très fort sur la durée de détention. En somme, prendre en compte la structure des baux et par suite les possibilités de rupture données aux locataires permet d’obtenir une meilleur évaluation et analyse de la durée de détention optimale.
Le chapitre 5 (troisième article)8 traite de la mesure de la Value at Risk lorsque la non-normalité des rendements est prise en compte. Pour ce faire, ce chapitre propose l’utilisation du développement de Cornish-Fisher qui permet d’approcher les quantiles d’une distribution lorsque celle-ci ne satisfait pas l’hypothèse de normalité. Comme présenté dans la revue de la littérature, la distribution des rendements en immobilier ne peut pas être décrite par une loi normale. La littérature sur le sujet est relativement large et crée un consensus. C’est pourquoi, on ne peut faire l’hypothèse d’une distribution Gaussienne pour le calcul de la VaR. Traditionnellement, cette hypothèse est acceptée car elle permet de calculer très rapidement la VaR avec comme seule information la moyenne et la variance. Ce chapitre propose de mesurer la VaR en utilisant les 4 premiers moments de la distribution (moyenne, variance, coefficient d’asymétrie et Kurtosis). Pour ce faire, le développement de Cornish-Fisher est introduit. Ce développement permet d’approximer le quantile d’une distribution.
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Ce développement de Cornish-Fisher permet donc de calculer rapidement le quantile d’une fonction en prenant en compte les moments d’ordre supérieur à 2. Bien que cette approximation soit un outil utile et puissant, il est peu utilisé en finance. Ceci provient d’une des limites du développement de Cornish-Fisher, il ne conserve pas la monotonie, pourtant condition nécessaire pour les fonctions de répartition : l’ordre des quantiles de la distribution n’est pas conservé par la transformation. Le développement de Cornish-Fisher viole donc une des conditions de base des fonctions de répartition.9 Une condition nécessaire et suffisante pour conserver la monotonie est que la dérivée de CF ,α z par rapport à α z ne soit pas nulle. Cela peut se traduire par :
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Il faut donc que S et K respecte les conditions permettant de satisfaire l’inéquation précédente. En pratique, cette condition n’est que rarement vérifiée ce qui rend l’utilisation du développement de Cornish-Fisher compliquée. Cette difficulté a été résolue par Chernozuhov et al. (2010). Il propose d’introduire une procédure de réarrangement pour résoudre le problème de la non-monotonie. Le réarrangement consiste à classer par ordre croissant ou décroissant l’ensemble des éléments d’une base de données. Cet article, Chernozuhov et al. (2010), démontre que l’utilisation d’une procédure de réarrangement permet d’une part de résoudre le problème de la non-monotonie dans l’utilisation de l’approximation de Cornish Fisher et d’autre part d’obtenir une meilleure estimation des quantiles. La figure 6 illustre ce principe.
Dans ce chapitre, nous proposons d’estimer les quantiles des rendements immobiliers en utilisant cette combinaison (développement de Cornish Fisher et réarrangement) afin de déterminer la Value at Risk de l’immobilier lorsque les moments d’ordre supérieur à deux sont pris en compte. Nous appliquons cette méthodologie à l’indice IPD rendement en capital entre Janvier 1988 et Décembre 2010. En ce sens, nous nous plaçons très près du travail du régulateur pour Solvency II qui prend l’indice IPD rendement total (comprenant les revenus de loyers) sur les mêmes périodes. Nous choisissons l’indice rendement en capital car nous le considérons comme plus pertinent dans le calcul de la VaR qui traite de la perte de valeur. Le résultat est donné dans la figure 7. On peut observer que le cas Gaussien donne une VaR proche de 25% (valeur retenue par le régulateur pour l’immobilier avec une autre méthode et une autre base de données) et que lorsque les moments d’ordre supérieur à deux sont pris en compte, la VaR monte à 36%.
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L’approche que nous proposons présente de nombreux avantages. Elle ne repose sur aucune hypothèse de distribution, le manque de données (problème classique de l’immobilier) est dépassé par cette approche (la méthode historique, par exemple, nécessite une grande quantité de données) et elle permet de prendre en compte les moments d’ordre supérieur à 2. Nos résultats suggèrent que les méthodes qui ne tiennent pas compte des moments d’ordre supérieur à 2 pour calculer la VaR donnent une mauvaise estimation du risque. En présence de rendements asymétriques et de queues épaisses, la VaR gaussienne conduit à des exigences de capital non adéquates et à une sous-évaluation de leur montant. Cette situation semble surtout apparaitre après la crise des subprimes. Ce chapitre a une pertinence particulière pour les praticiens du risque qui doivent calculer le capital requis dans un cadre règlementaire. Il ouvre en outre le champ à de très nombreuses autres recherches.