Livre avec exercices corriges sur la finance de marche

Livre avec exercices corrigés sur la finance de marché
CHAPITRE 3 Modélisation des marchés discrets
3.1 Modèle probabiliste
Nous nous donnons un espace probabilisé (Ω, F, P). Un élément générique de Ω est parfois appelé scénario (cette terminologie est propre aux mathématiques financières). La probabilité P représente la probabilité réelle du « monde » Ω dans lequel nous nous plaçons et est appelée probabilité historique. Dans nos problèmes de calcul de prix d’actifs dérivés, son rôle est de distinguer les scenarii importants de ceux qui ne le sont pas : elle donne les ensembles de mesure nulle. Comme nous supposerons souvent que la probabilité historique charge tous les scenarii, celle-ci jouera donc un rôle mineur et d’autres probabilités seront introduites sur Ω.
Nous verrons que, dans le cas des marchés dits complets, on peut sans véritable perte de généralité supposer Ω fini. Le fait que Ω soit fini permet de simplifier les preuves bien sûr et offre également une présentation beaucoup plus aisée des principaux concepts. En particulier, on ne doit pas faire d’hypothèse d’intégrabilité et l’on peut s’épargner beaucoup d’égalités ou d’inégalités P-p.s. Nous préciserons dans chaque chapitre dans quel contexte nous nous trouvons. Mais, sauf mention explicite du contraire (essentiellement dans les parties traitant des marchés incomplets), nous allons faire les trois hypothèses suivantes :
(i) l’espace Ω est supposé fini,
(ii) Ω est muni de sa tribu grossière P(Ω) (engendrée par tous les scenarii élémentaires
{ω}, ω ∈ Ω),
(iii) P({ω}) > 0 pour tout ω ∈ Ω : la probabilité historique charge tous les scenarii.
Un espace probabilisé (Ω, F, P) vérifiant (i), (ii) et (iii) est dit non redondant. La probabilité P sera aussi appelée probabilité non redondante. L’hypothèse de non redondance signifie qu’il n’y a pas dans Ω de scénario ω « inutile ».
Une probabilité P sur un espace non redondant est entièrement caractérisée par la donnée d’une famille
…
Par ailleurs, toute application X : Ω → R est une variable aléatoire réelle, puisque, pour tout borélien B ∈ B(R), X−1(B) ∈ P(Ω).
L’espace vectoriel LR(Ω, F, P) des variables aléatoires réelles sur Ω confond donc avec
le R-espace vectoriel de dimension |Ω|(1) des applications de Ω dans R, noté RΩ. Il en est de même de L∞R(Ω, F, P) et de LpR(Ω, F, P) pour p ∈ ]0, ∞[ (l’indice R sera souvent omis dans la suite). L’espérance par rapport à la probabilité P sera notée EP ou, plus simplement, E en l’absence d’ambiguïté. Elle est définie par
EP(X) = pω X(ω).
ω∈Ω
À noter que, grâce à l’hypothèse de non-redondance, l’application
(X, Y ) 7→E(XY )
définit un véritable produit scalaire sur RΩ.
Nous nous donnons un horizon de temps entier et fini T ∈ N∗. En général, T correspond à l’horizon des actifs financiers à analyser.
Nous munissons alors l’espace probabilisé (Ω, F, P) d’une filtration (voir défini-tion 2.3.1), i.e. d’une suite croissante pour l’inclusion de sous-tribus de F, notée F = (Ft)t{0,...,T}. La sous-tribu Ft représente l’information « observable » ou « dispo-nible » à chacun des instants t∈ {0, . . . , T } : la croissance pour l’inclusion rend compte du fait que l’information s’accumule au fil du temps. Le plus souvent, mais pas toujours, la tribu F0 sera la tribu triviale, i.e.,
F0 := { , Ω}
et la tribu terminale FT la tribu grossière P(Ω). La trivialité de F0 rend compte du fait que le présent est déterministe dès qu’il est observable et la grossièreté de FT est
– comme la non-redondance – une caractéristique de la minimalité du modèle.
3.2 Actifs risqués et actif sans risque
Considérons un marché financier constitué de d + 1 actifs négociables notés selon les cas S0, S1, . . . , Sd ou plus simplement 0, 1, . . . , d. Ce marché a pour horizon l’entier T ∈N∗– on parle aussi de marché à T périodes – et t = 0, 1, 2, . . . , T désignent de façongénérique les T + 1 instants de cotation de ce marché. La nature des actifs financiers variera de problèmes en problèmes (actions sans dividendes, actifs négociables « associés » à des actions distribuant des dividendes, taux de change, taux d’intérêt). Pour chaque t ∈{0, . . . , T }, Stidésigne le prix (ou valeur ou cotation) de l’actif Sià l’instant t(2).Les Sti sont modélisés par des variables aléatoires positives, définies sur le même espace probabilisé filtré (Ω, F, F, P), où l’on rappelle que F = (Ft)t{0,...,T}.
- Il est implicite dans cette définition que ce marché fonctionne sans coût de transaction, qu’il n’y a donc pas de prix bid et ask pour les actifs sous-jacents. Il s’agit là évidemment d’une restriction peu réaliste même si elle est souvent adoptée.
Nous nous plaçons dans un cadre où, à chaque instant t, les prix des actifs négociables du marché sont observables et ne dépendent que de l’information « disponible » en t. Cela se traduit par le fait que, pour tout t∈ {0, . . . , T }, les prix (St0, St1, . . . , Std) des actifs à la date t sont Ft-mesurables. En particulier, ceci est équivalent à σ(St0, St1, . . . , Std) ⊂ Ft, où σ(St0, St1, . . . , Std) désigne la plus petite tribu sur Ω rendant les variables aléatoires Sti, i = 0, . . . , d, mesurables (voir définition 2.1.4). CommeFtest croissante pour l’inclusion,on en déduit qu’en fait
FtS0...Sd := σ(Ss0, Ss1, . . . , Ssd, i = 0, . . . , d, s = 0, . . . , t) ⊂ Ft,
…
3.2.1 Définition
En termes de modélisation, nous distinguerons l’actif S0 des autres actifs. Mathémati-quement, nous imposerons que
S00= 1 et ∀ t ∈ {1, . . . , T },St0 > 0.
Grâce à l’hypothèse St0> 0, l’actif S0 permet de transférer, éventuellement à perte, de l’argent d’une date à l’autre. La quantité St0 représente la capitalisation à la date t d’une unité monétaire placée dans l’actif 0 à la date 0. Cet actif rend donc compte de la rémunération des liquidités, ainsi que de leur coût d’emprunt au jour le jour. Il est souvent appelé numéraire. Cet actif est relié à la notion de taux d’intérêt. En effet, la quantité définie, pour tout t∈ {1, . . . , T }, par
St0− St0−1 | St0 | |||
rt:= | = | − 1, | ||
St0−1 | St0−1 |
désigne le rendement de l’actif S0 entre t − 1 et t et n’est autre que le taux d’intérêt d’un placement fait en t, entre t et t + 1. Il s’agit donc du processus des taux d’intérêt à court terme, i.e. le montant des intérêts requis ou versé en t pour 1 euro emprunté ou placé en t −1. Ceci est équivalent à affirmer que1+1rtest le prix en t −1d’un0-coupon versant1
euro en t. Évidemment, on obtient que
St0= (1 + rs). | (3.2.1) |
s=1
Notons que l’on désigne souvent S0 sous le nom d’actif sans risque, à tort (puisque que l’on ne suppose même pas rt> 0).
Par extension, les d autres actifs négociables du marché S1, . . . , Sd sont appelés actifsrisqués. Nous noteronsSt:= (St1, . . . , Std)le vecteur des prix des actifs risqués à l’instant t etSt:= (St0, St)le vecteur des prix de l’ensemble des d + 1actifs.
Ainsi, si l’on résume les hypothèses faites :
(i) (Ω, F, P) est non redondant,
(ii) F est une filtration telle que F0 = { , Ω} et FT = F,
(iii) S = (S0, S) est F-adapté,
(iv) S00 = 1 et St0> 0, ∀t ∈ {1, . . . , T }.
Notation : Un tel marché financier est désigné par
M(Ω, P(Ω), P, F, S0, S).
Dans l’énoncé de certaines définitions, théorèmes et dans certains problèmes, nous considérerons un espace Ω infini non dénombrable et nous ne pourrons plus faire la première hypothèse (i) ; dans ce cas le marché sera alors noté
M(Ω, F, P, F, S0, S).
Dans les sections 3.3, 3.4 et 3.5, certaines définitions ou propositions sont données en se référant à F sans préciser si F = P(Ω) ou non, car ces énoncés, bien que donnés dans le cadre Ω fini, seront aussi utilisés dans le cadre infini.
Remarquons que, dans le cadre des modèles à temps continu, le numéraire S0 et les actifs risqués Si ne sont habituellement pas des processus de même nature probabiliste. Ce n’est pas le cas pour les marchés en temps discret. Mais nous allons voir dans le paragraphe suivant que, cependant, le numéraire S0 joue un rôle particulier au sein des actifs négociables.
3.2.2 Actualisation
La valeur actualisée d’un actif négociable est sa valeur exprimée en unités de numéraire : à chaque instant t∈ {0, . . . , T }, nous définissons donc la valeur actualisée de l’actif i par
SiSei:=t.tSt0
Dans un univers déterministe, c’est la quantité de liquidités qu’il faut détenir à l’origine (t = 0) et qui, placée dans le numéraire S0 entre les dates 0 et t, aura pour valeur capitalisée Sti à la date t. L’actualisation consiste donc à évaluer les prix des actifs, non plus en unités monétaires (e), mais en unités de numéraire. On étalonne ainsi l’évolution des actifs risqués à l’aune de l’actif dit « sans risque », i.e. à la rémunération des liquidités.
Il est à noter que Set0 = 1 identiquement pour t∈ {0, . . . , T }.
Les Seti sont évidemment des variables aléatoires positives définies sur Ω, Ft-adaptées (en particulier Seti n’a évidemment aucune raison d’être connue à la date initiale). Nous définissons alors le vecteur des prix actualisés des actifs risqués par
Se:= (Se1, . . . , Sed).
3.3 Portefeuille, stratégie
Tout agent (ou opérateur ou investisseur) sur le marché décrit ci-dessus va se constituer un portefeuille et va donc détenir à chaque instant t ∈ {1, . . . , T } un certain nombre de chacun des actifs du marché. Dès la diffusion des cotations à l’instant t − 1, cet agent, au vu des informations disponibles à cet instant, c’est-à-dire Ft−1, va prévoir une modification de la composition de son portefeuille qui sera effective à l’instantt.
Nous noterons donc Φit la quantité d’actif i détenue en portefeuille à la date t, ou, plus précisément, « sur la période ]t − 1, t] ».
Chaque Φit est une variable aléatoire définie sur l’espace probabilisé filtré (Ω, F, F, P) associé au marché. Nous notons Φt := (Φ1t, . . . , Φdt) le vecteur aléatoire des quantités
d’actifs risqués détenues à la date t∈ {0, . . . , T }, Φ = (Φt)t{0,...,T} le processus (vectoriel) de ces quantités et, enfin, avec des notations évidentes, Φ := (Φ0, Φ).
Le choix de Φt ne dépend que de l’information disponible à la date t − 1 pour tout t ≥ 1 : ΦtestFt−1-mesurable.
La suite Φ = (Φit)t{0,...,T} est donc supposée prévisible.
Le cas t = 0 est un peu particulier et nous verrons que les quantités investies à cette date n’interviennent pas réellement. Dès que F0 = { , Ω}, Φ0 étant F0-mesurable, c’est une constante.
Par extension, nous dirons qu’un processus Φ est prévisible si
ΦtestFt−1-mesurable,t∈{1, . . . , T}et Φ0estF0-mesurable.
Définition 3.3.1 Une suite(Φt)t{0,...,T}de vecteursF-prévisibles à valeurs dansRd+1est appelée portefeuille ou stratégie.
La définition suivante est propre au cas où Ω est infini.
Définition 3.3.2 Dans le cas oùΩest infini, les stratégies sont ditesP-admissibles si,en outre, pour tout t, (Φ :Se)t est Q-intégrable (voir la définition 2.3.4) lorsque Q parcourt une famille P de probabilités (voir le théorème 4.2.3 ci-après pour la définition de P).
D’après la remarque 3.4.4 ci-après, cela revient à supposer que la valeur du portefeuille est intégrable pour toute probabilité risque-neutre équivalente. On notera que, par exemple, les stratégies Φ bornées sont toujours admissibles.
Remarque 3.3.3 Nous avons choisi d’adopter la convention selon laquelle les stratégiessont prévisibles. Ce choix a été fait par souci de cohérence avec la modélisation en temps continu. On peut alternativement choisir les stratégies adaptées. On suppose alors que, pour tout t = 0, . . . , T − 1, Φit représente la quantité d’actif i détenue sur la période [t, t + 1[ pour i = 0, . . . , d. Il faut alors modifier les définitions qui suivent en conséquence.
Le produit ΦitSti correspond au montant investi en actif i = 0, . . . , d à la date t∈{0, . . . , T }. En conséquence, la valeur d’un tel portefeuille (ou stratégie) est donnée àchaque instant t par
VtΦ= ΦitSti= Φ0tSt0+ Φt.St=Φt.St. i=0
Remarque 3.3.4 Nous ferons la convention suivante :X.Ydésignera systématiquementle produit scalaire des vecteurs aléatoires X par Y dans leur espace d’états. Ainsi, pour chaque ω ∈ Ω, Φt.St(ω) résulte d’un produit scalaire dans Rd et Φt.St(ω) d’un produit scalaire dans Rd+1.
Souvent, la valeur initiale du portefeuille joue un rôle particulier, elle sera notée x,
x = V0Φ= Φ00S00+ Φ0.S0. | (3.3.1) |
Si x > 0, il faut un capital pour initialiser la stratégie, si x < 0, à l’inverse, ce portefeuille dégage un « profit » au départ.
La valeur actualisée d’un portefeuille à la date t ∈ {0, . . . , T } est définie par
VeΦ:=VtΦ= Φ0+ Φt.Set=Φt.Set
tSt0 tSt
où Set = St0 = (1, Set) pour tout t ∈ {0, . . . , T }.
3.4 Autofinancement
Nous allons dans un premier temps traduire la notion d’autofinancement d’un portefeuille. Comme l’indique son nom, il s’agit de construire, date après date, un portefeuille se finançant lui-même : la liquidation du portefeuille de la date précédente permet exactement de construire celui de la date suivante.
Considérons donc les deux quantités suivantes pour t ∈ {1, . . . , T }
– la valeur du portefeuille juste après les cotations de l’instant t − 1 est donnée par
Φt−1.St−1= Φ0t−1St0−1+ Φt−1.St−1,
– la valeur du portefeuille après le redéploiement décidé par l’investisseur au vu des cotations de t − 1 et juste avant celles de t est donnée par
Φ | .S | t−1 | = Φ0S0 | + Φ .S | . |
t | t t−1 | t t−1 |
La conservation de la valeur – pendant financier de la loi de conservation de la masse – induit l’égalité immédiate suivante
Φt−1.St−1=Φt.St−1.
D’où la définition suivante.
Définition 3.4.1 Un portefeuille(Φt)t{0,...,T}de vecteursF-prévisibles à valeurs dansRd+1 est autofinancé si, pour t ∈ {1, . . . , T },
Φt−1.St−1=Φt.St−1. | (3.4.1) |
VtΦ = VtΦ− VtΦ−1
= Φt.St− Φt−1.St−1
= Φt.St− Φt.St−1= Φt. St.
D’où, l’identité
VtΦ=Φt. St, t∈{1, . . . , T }. | (3.4.3) |
La notion d’autofinancement se traduit donc par le fait que la variation de valeur du portefeuille entre deux instants successifs t − 1 et t ne provient que de la variation des cours entre ces mêmes instants. En sommant les relations (3.4.3) entre les instants 1 et t, pour tout t∈ {1, . . . , T }, on obtient alors
…
La valeur d’un portefeuille autofinancé est donc à chaque instant la somme de l’investis-sement initial x = Φ0.S0 et des gains algébriques réalisés au fil des cotations.
L’équation (3.4.2) s’interprète à son tour, en séparant actifs risqués et sans risque, et en utilisant que Set = 1,
ΔΦt0 = −ΔΦt.Set−1. | (3.4.5) |
Ceci signifie que l’on peut remanier son portefeuille autofinancé comme l’on veut sur les actifs risqués, sous réserve de se financer ou de placer ses excédents de liquidités en numéraire. En remarquant que, par hypothèse (voir l’équation (3.3.1)), Φ00 = x−Φ0.S0 et, par autofinancement, Φ01 = x − Φ1.S0, on établit par une récurrence immédiate l’identité
X | , t∈{2, . . . , T }. | (3.4.6) | |
Φt0 = x − Φ1.S0 − | ΔΦs.Ss−1 |
En d’autres termes, le processus des quantités d’actif sans risque (Φ0t)t{0,...,T} est entièrement déterminé par le couple constitué de l’investissement initial x et du pro-cessus Φ = (Φt)t{0,...,T} des quantités investies en actifs risqués. On voit même que
(Φ0t)t{1,...,T} est entièrement déterminé par x et Φ = (Φt)t{1,...,T}. Nous allons pour-suivre le raisonnement et montrer que la valeur d’un portefeuille autofinancé Φ dans
son ensemble est caractérisée par x et (Φt)t{1,...,T}. Nous verrons, comme annoncé précédemment, que la stratégie à l’instant 0 n’intervient pas dans la détermination de
V Φ. Reprenons la démonstration de l’identité (3.4.4), mais en considérant cette fois le
…
s=1
Définition 3.4.2 On appelleracaractéristiques du portefeuille autofinancé Φ = (Φ0,Φ)–
au sens de sa valeur – le couple (x, (Φt)t{1,...,T}), où x = Φ00 + Φ0.S0 et l’on notera de manière alternative
Vtx,Φ:= VtΦ
la valeur du portefeuille autofinancé Φ à l’instant t.
Réciproquement, étant donné x∈ R et (Φt)t{1,...,T}, un processus vectoriel F-prévisible à valeurs dans Rd, on peut construire (Φ0t)t{1,...,T} grâce à l’identité (3.4.6) de telle sorte que le portefeuille Φ = (Φ0t, Φt)t{1,...,T} soit autofinancé et que Vtx,Φ = VtΦ. On notera que Φ00 et Φ0 ne sont pas complètement identifiés : on sait juste que x = V0x,Φ =
V0Φ= Φ00+ Φ0.S0.
Remarque 3.4.3 Les stratégies à la date0ne sont pas très importantes pour définir lavaleur d’une stratégie autofinancée puisque V0Φ = Φ01 + Φ1.S0. On peut adopter plusieurs conventions :
(i) Φ00 = Φ01 et Φ0 = Φ1,
(ii) Φ00 = 0 et Φ0.S0 = x, i.e on débute la stratégie sans liquidités,
(iii) Φ00 = x et Φ0 = 0, i.e on débute la stratégie sans actifs risqués.
Chacune de ces possibilités présente des avantages et des inconvénients, aussi choisirons-nous de ne pas spécifier Φ00 et Φ0. Il faudra donc, dès à présent, considérer Φ = (Φt)t{1,...,T}lorsque l’on écritVtx,Φ.
- ˜
= Φ0 + (Φ :S)t.
Remarque 3.4.5 Si l’on choisit des stratégies adaptées, la condition d’autofinancementchange. En effet, à la date t∈ {1, . . . , T }, l’investisseur – au vu de l’information disponible à la date t en l’espèce Ft – réajuste sa stratégie Φt−1 détenue entre [t−1, t[, en Φt détenue entre [t, t + 1[ ; ce réajustement se fait à la cotation de la date t et l’autofinancement s’écrit
Φt−1.St= Φt.St.
3.5 Financement avec entrée/sortie
Contrairement à la section précédente, nous allons envisager d’autoriser à chaque instant l’intervenant, soit à recevoir, soit à dépenser de l’argent en dehors des actifs financiers du marché. Ainsi, c’est le cas, par exemple, si l’intervenant reçoit un salaire ou décide de consommer en dehors des actifs financiers du marché, une partie de l’argent investi. Ce montant est décidé au vu de l’information disponible à la date t. Nous noterons donc
ctle montant de liquidités dépensé ou reçu localement à la date t.
Chaque ct est une variable aléatoire définie sur l’espace probabilisé filtré (Ω, F, F, P) associé au marché financier, elle est supposée Ft-adaptée.
Les notions liées à l’autofinancement avec entrée/sortie seront utiles pour parler de stratégie minimale de couverture (voir définition 5.1.3) et aussi, plus directement, pour modéliser et résoudre le problème de consommation optimale (voir problème 15).
Définition 3.5.1 Une suite(ct)t{0,...,T}de variables aléatoiresF-adaptées à valeursdans R est appelée processus d’entrée/sortie locale. Si ct ≥ 0, on parle de consommationlocale.
Le choix fait dans la section précédente pour définir la valeur du portefeuille Φ ne tenait pas compte de l’apport ou du retrait d’argent à chaque date. Nous allons donc maintenant considérer la valeur du portefeuille une fois l’entrée/sortie locale effectuée, que nous noterons VtΦ,c, et donnée par
VtΦ,c:= VtΦ− ct=Φt.St− ct,t∈{0, . . . , T }.
Il est naturel de le désigner sous le nom de valeur nette d’entrée/sortie associée au portefeuille Φ et au processus d’entrée/sortie locale c (par extension nous appellerons souvent portefeuille le couple (Φ, c)). Les deux processus de valeurVΦetVΦ,ccoïncidentévidemment en l’absence d’entrée/sortie locale c ≡0.
La valeur actualisée d’un portefeuille (Φ, c) est définie par
…
où c˜t = Sct0 pour tout t (processus d’entrée/sortie locale actualisé).
Intéressons-nous maintenant à la variation de la richesse de l’investisseur entre deux instants t − 1 et t, pour t ∈ {1, . . . , T }.
Considérons les trois quantités suivantes :
– la valeur du portefeuille juste après les cotations de l’instant t − 1 est
Φt−1.St−1= Φ0t−1St0−1+ Φt−1.St−1,
– l’entrée/sortie locale en t − 1 est ct−1,
– la valeur du portefeuille après le redéploiement – décidé par l’investisseur au vu des cotations de t − 1 et juste avant celles de t – et avant l’entrée/sortie locale à l’instant t est
Φt.St−1= Φ0S0−+ Φt.St−1.
tt 1
En appliquant à nouveau, la loi de conservation de la valeur, on obtient
Φt−1.St−1−ct−1=Φt.St−1
Ceci conduit à la définition ci-après.
Définition 3.5.2 Un portefeuille(Φt)t{0,...,T}de vecteursF-prévisibles à valeurs dansRd+1 est dit financé par un processus d’entrée/sortie locale (ct)t=0,...,T si, pour t ∈
{1, . . . , T },
Φt−1.St−1−ct−1=Φt.St−1.
Ceci se réécrit pour tout t∈ {1, . . . , T } en
Φt.St−1=−ct−1.
Sous forme actualisée, on obtient pour tout t∈ {1, . . . , T }
Φt.Set−1=−c˜t−1.
Remarquons d’après la loi de conservation (3.5.1) que, pour t ∈ {1, . . . , T }
VtΦ,c= VtΦ,c− VtΦ−,c1=Φt.St− ct−(Φt−1.St−1− ct−1)= Φt.St − ct − Φt.St−1 = Φt.St − ct.
D’où l’identité fondamentale
VtΦ=Φt. St− ct,t∈{1, . . . , T }.
(3.5.1)
(3.5.2)
(3.5.3)
(3.5.4)
Comme précédemment, l’investissement initial nécessaire à la mise en œuvre de la stratégie sera noté x, et vérifie donc
x = V0Φ,c | X |
= Φ00 + Φ0iS0i − c0. |
Nous allons nous appuyer sur cette formulation pour définir les caractéristiques d’un portefeuille. En effet, il est évident à partir de la formule (3.5.3) que
Φ0t = Φ0t−1 − ΔΦt.Set−1 + c˜t−1.
Ainsi, comme par définition Φ00 = x − Φ0.S0 + c0, et d’après la formule (3.5.1), Φ01 = x −Φ1.S0. Par une récurrence immédiate, on obtient pour t ∈{2, . . . , T },
Φt0 = x − Φ1.S0 | t | ΔΦs.Ss−1 + c˜s−1 | . | (3.5.5) |
− s=2 |
En d’autres termes, pour le processus d’entrée/sortie (ct)t{0,...,T} donné, l’équation de financement par entrée/sortie (3.5.1) permet de déterminer entièrement le processus des quantités d’actifs sans risque (Φ0t)t{0,...,T} à partir de l’investissement initial x et du processus Φ des quantités investies en actifs risqués. Comme dans le cas autofinancé, nous allons voir que la valeur du portefeuille VΦ,c ne dépend pas de c0 et Φ0. Reprenons la preuve de la relation (3.5.4), mais en utilisant le processus des valeurs actualisées. En remarquant que Set0 = 0, il vient que pour t ∈ {1, . . . , T }
…
Définition 3.5.3 On appellera caractéristiques – au sens de sa valeur – du portefeuille
Φ = (Φ0,Φ)financé par le processus entrée/sortiec, le triplet(x,(Φt)t{1,...,T},(ct)t{1,...,T})où x = Φ00 + Φ0.S0 − c0 et nous noterons de manière alternative
Vtx,Φ,c:= VtΦ,c
la valeur à l’instant t d’un portefeuille Φ financé par le processus entrée/sortie c.
Soit x∈ R, Φ := (Φt)t{1,...,T} un processus vectoriel à valeurs dans Rd, F-prévisible
et c := (ct)t{1,...,T} un processus réel F-adapté, alors on peut construire (Φ0t)t{1,...,T} grâce à l’identité (3.5.5), de telle sorte que (Φt)t{1,...,T} soit financé par entrée/sortie et
que Vtx,Φ,c := VtΦ,c. Encore une fois, Φ00, Φ0 et c0 ne sont pas complètement identifiés puisque l’on sait juste que x = Φ00 + Φ0.S0 − c0.
Remarque 3.5.4 Les stratégies et la consommation à la date0ne sont pas trèsimportantes pour définir la valeur d’une stratégie financée par entrée/sortie puisque V0Φ,c= Φ01+ Φ1.S0− c0. On peut adopter plusieurs conventions, chacune privilégiant lechoix d’une consommation nulle en 0 :
(i) Φ00 = Φ01, Φ0 = Φ1 et c0 = 0,
(ii) Φ00 = 0, Φ0.S0 = x et c0 = 0, (iii) Φ00 = x, Φ0 = 0 et c0 = 0.
Au vu de ces commentaires, nous choisissons de ne pas de spécifier Φ00et Φ0 dans la suite. Nous allons introduire une notion de consommation cumulée et, de ce fait, il est pratique de choisir c0 = 0.
Il faudra donc dès à présent considérer des suites Φ = (Φt)t{1,...,T} et c = (ct)t{0,...,T} avec c0= 0 lorsque l’on écrit Vtx,Φ,c.
Remarque 3.5.5 Un portefeuille Φ financé par entrée/sortie est autofinancé si etseulement c = 0.
On voit alors que ces caractéristiques sont (x, Φ, 0). Nous adopterons bien évidemment les notations de la section précédente et noterons (x, Φ) en lieu et place de (x, Φ, 0), soit encore
VtΦ,0= VtΦet Vtx,Φ,0= Vtx,Φ.
Nous déduisons immédiatement de l’équation (3.5.8) les propriétés de linéarité et de croissance suivantes du processus (Vtx,Φ,c)t{0,...,T}.
Proposition 3.5.6 (a)L’application
(x, Φ, c) 7−→(Vtx,Φ,c)t{0,...,T}
est linéaire.
(b) L’application c 7→(Vtx,Φ,c)t{0,...,T} est décroissante au sens où, si ct ≤ c0t pour tout t∈{0, . . . , T }, alors
Vtx,Φ,c≥ Vtx,Φ,c0 ,t∈{0, . . . , T }.
(c) Pour tout t∈ {0, . . . , T }, l’application x 7→Vtx,Φ,c est strictement croissante.
Définition 3.5.7 À partir d’une suite(ct)t{0,...,T}d’entrée/sortie locale (voir défini-tion 3.5.1), le processus d’entrée/sortie cumulée est défini par C0 = c0 = 0 et t
Ct= St0XScs0 ,t∈{1, . . . , T }. (3.5.9)
s=1 s
Alors c˜t = Ctet il est équivalent de se donner le processus C ou le processus c.
Nous utiliserons les caractéristiques (x, Φ, c) ou (x, Φ, C) selon les problèmes rencontrés. Remarquons que, dans un cadre déterministe, choisir la consommation cumulée revient à réaliser trois opérations. Tout d’abord, nous actualisons toutes les consommations locales en zéro, i.e pour tout s ∈ {0, . . . , t} nous calculons Scs0 . Cela a alors un sens de s les sommer, i.ePt