Introduction à la finance d entreprise cours complet
INTRODUCTION
L’évolution de l’environnementa transformé les métiers de la finance
Cette introduction a pour but d’expliquer brièvement la diversification des métiers de la finance, les principes et approches qui ont guidé cet ouvrage et le plan qui le structure.
Nul ne peut comprendre, en effet, l’évolution considérable de la fonction financière ces dernières années s’il ignore celle de l’environnement de l’entreprise. Ainsi, l’évolution de l’environnement (§ 1) a poussé la finance à s’adapter (§ 2), ce qui a provoqué l’élargisse-ment et la diversification de ses métiers (§ 3).
1. L’ÉVOLUTION DE L’ENVIRONNEMENT
1.1. Le décloisonnement des places financières
A partir des années 1980, le creusement inquiétant des déficits budgétaires et commerciaux aux États-Unis lié à leur insuffisance d’épargne domestique et à une politique monétaire res-trictive ont poussé les autorités américaines à initier le mouvement de décloisonnement des marchés financiers. Dès lors que New York proposait une libre circulation des capitaux étran-gers sans prélèvement à la source sur les intérêts et plus-values réalisés par les non-résidents1, les autres places financières internationales se devaient d’appliquer les mêmes règles pour éviter la fuite de leur épargne nationale.
Le décloisonnement des places financières s’est donc accompagné d’un mouvement de dé-réglementation et a été renforcé par les progrès étonnants de l’informatique. Aujourd’hui, il est possible à tout moment de comparer le rendement des placements entre marchés de capi-taux intégrés à l’échelle mondiale. L’argent se place où il est le mieux rémunéré d’où une comparaison incessante des taux d’intérêt offerts, des taux de change qui y sont liés et des an-ticipations correspondantes.
Ainsi, l’interconnexion des places s’est traduite de façon mécanique par l’interdépendance des taux d’intérêt, compte tenu du niveau des taux de change et des taux d’inflation. Ce « Système Financier International2 », substitut de facto du Système Monétaire International (SMI) de Bretton Woods, a contribué à multiplier les risques.
1.2. La multiplication des risques
L’émergence et la multiplication des risques se situent principalement à trois niveaux :
1.2.1. Risque de change
Le régime des changes flottants apparu dans les années 1970 avec l’éclatement du SMI s’est traduit par l’apparition du risque de change. Le fait n’est pas nouveau, mais combiné à l’intensification des échanges internationaux et au décloisonnement des marchés, il se traduit par une aggravation de ce risque et peut peser lourd sur le compte de résultat des entreprises. Ainsi, une créance en dollars sur un client américain génère un risque de change dans l’hypo-thèse d’une baisse du dollar d’ici l’échéance. La réalisation de l’UEM a supprimé en totalité le risque de change des monnaies des pays participants, mais nullement le risque lié aux mon-naies extérieures.
Le développement des investissements directs a renforcé ce mouvement d’internationali-sation. La transmission instantanée des données l’a accéléré. Selon le rapport de la Banque des Règlements Internationaux (BRI), il s’échangeait quotidiennement plus de 1 500 mil-liards de dollars par jour sur les marchés en 1998, près de 1 100 en 2000, contre 820 en 1992. Les quantités en jeu sont donc considérables : les besoins en devises des entreprises sont de-venus marginaux par rapport aux transactions purement financières.
La sphère financière s’auto-alimente et perturbe les anticipations basées sur les facteurs réels, d’où la difficulté accrue de prévoir les cours des devises. Quant aux réserves de change des banques centrales, elles sont devenues dérisoires par rapport aux volumes échangés (774,8 Mds US$ d’encours fin 2000 pour les pays industrialisés), d’où un recours croissant aux taux d’intérêt comme outil de régulation monétaire dont les fluctuations contribuent au deuxième type de risque.
1.2.2. Risque de taux
Devenu le principal outil de régulation de la politique monétaire, les taux d’intérêt ont vu leur volatilité s’accentuer, et ce d’autant plus qu’ils sont liés aux taux de change : un différentiel de taux d’intérêt entre deux monnaies se traduira par un afflux de capitaux sur la plus ré-munératrice et modifiera ainsi la parité des changes entre elles, toutes choses égales par ailleurs.
Cette volatilité des taux d’intérêts se traduit par un risque : si l’entreprise s’endette à taux fixe, elle est sûre de son coût mais s’interdit de profiter d’une éventuelle baisse des taux ; si elle le fait à taux variable, elle anticipe une baisse qui réduira le coût de son emprunt mais court le risque de le voir augmenter en cas de hausse des taux.
En France, cette volatilité est d’autant plus préoccupante pour les entreprises qu’elle s’est conjuguée à un niveau très élevé des taux d’intérêts réels entre 1984 et 1995, précisément pour défendre les parités fixes à l’intérieur du SME (politique du franc fort). La convergence vers un marché monétaire unifié s’est accompagné ensuite d’une baisse des taux d’intérêt.
…
Les entreprises sont placées devant l’alternative classique :
En période de faible croissance (première moitié des années 1990), elles ont effectivement donné la priorité au désendettement sur l’investissement, ce qui s’est traduit par la reconstitu-tion de leur trésorerie, le renforcement de leurs fonds propres et des taux d’autofinancement plus élevés par rapport à la décennie précédente. La reprise a permis de les améliorer à partir de 1997 (progression des résultats), mais l’effort d’investissement les a réduit à partir de 1999.
Salaires et VA, autofinancement et investissements des entreprises
1990 | 1991 | 1992 | 1993 | 1994 | 1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | |
Part des salaires dans la valeur ajoutée1 | 64,5 | 64,7 | 64,6 | 64,5 | 64,1 | 63,6 | 64,4 | 63,7 | 63,2 | 63,4 | 63,6 |
Taux d’autofinancement2 | 82,3 | 83,8 | 91,1 | 95,9 | 97,5 | 93,0 | 93,3 | 97,4 | 100,5 | 91,4 | 82,5 |
Taux d’investissement3 | 21,4 | 20,8 | 20,4 | 18,6 | 18,5 | 18,2 | 18,2 | 17,4 | 18,0 | 18,5 | 19,3 |
source : INSEE, comptes de la Nation – base 1995
L’évolution des bilans et des comptes de résultat sur la période montre clairement le poids de la contrainte de financement liée à l’évolution des taux d’intérêt réels. A partir de la deuxiè-me moitié des années 1990, les taux courts puis, dans une moindre mesure, les taux longs amorcent une décrue en terme réel pour atteindre des niveaux plus favorables à la croissance.
Plusieurs phénomènes récents sont à souligner :
Résultats, autofinancement et endettement
1995 | 1996 | 1997 | 1998 | 1999 | 2000 | 2001 e | 2002 p | 2003p | |
Excédent brut d’exploitation/ Valeur ajoutée (ratio en %) | 32,9 | 31,9 | 32,2 | 33,3 | 32,7 | 32,8 | 32,2 | 31,7 | 31,7 |
Autofinancement/Valeur ajoutée | |||||||||
(ratio en %) | 17,1 | 17,0 | 16,9 | 18,0 | 16,9 | 16,1 | 15,1 | 14,7 | 14,5 |
Intérêts nets versés/Excédent brut d’exploitation (%) | 20,5 | 20,4 | 18,9 | 15,8 | 16,2 | 15,4 | 16,7 | 17,7 | 18,6 |
Dette rémunérée1/Autofinancement2 | 6,7 | 6,7 | 6,7 | 6,2 | 7,1 | 8,2 | 9,1 | 9,6 | 10,1 |
Dette rémunérée1/Valeur ajoutée | 115,7 | 114,2 | 112,8 | 112,2 | 119,8 | 132,2 | 137,7 | 140,7 | 146,2 |
Sources : INSEE – comptes nationaux –, Banque de France pour 2001 et 2002, estimations et prévisions BNP P aribas
1.2.3. Risque client
Enfin le risque client, c’est-à-dire le risque de ne pouvoir recouvrer une créance, s’est déve-loppé dans les années 1980 pour atteindre un sommet en 1993, année de récession. Le niveau longtemps élevé des taux courts a favorisé le développement du crédit interentreprises comme mode de financement à court terme : en 1994, la proportion de dettes fournisseurs dans le passif des entreprises était deux fois et demie plus important en France qu’au Royaume-Uni.
Introduction
La défaillance d’un client important étant une des premières causes de celle d’une entrepri-se, le suivi de la liquidité et de la solvabilité d’un client actuel ou potentiel est devenu une préoccupation primordiale des entreprises.
…
1.3. L’intensification de la concurrence
L’internationalisation des marchés combinée à la relative saturation des plus solvables d’entre eux explique la forte intensité de la concurrence aujourd’hui. Mobilisation des res-sources humaines, innovation de produits, maîtrise de l’évolution technologique comptent parmi les facteurs déterminants du succès de l’entreprise.
La finance y joue également un rôle important :
Ces nécessités se heurtent à des difficultés croissantes dans un contexte d’interdépen-dance des économies : un tremblement de terre à Kobe, une crise monétaire en Amérique du Sud ou en Asie ou un attentat à New York provoquent des turbulences économiques à l’échelle mondiale. Les entreprises françaises qui échangent près d’un quart de leur production avec l’étranger sont soumises à ces turbulences qui se traduisent concrè-tement au niveau de leur compte de résultat : impact sur les frais financiers, variation du cours des matières premières, modification des marges ou des volumes à l’export... Tout cela pèse sur la rentabilité.
2. L’ADAPTATION DE LA FINANCE À SON ENVIRONNEMENT
L’adaptation de la finance à cet environnement était nécessaire. Elle peut se résumer en deux points :
2.1. La réforme des marchés et des institutions
L’objectif est double : améliorer les conditions de financement direct et mettre en place des outils de couverture contre les risques de change et de taux. Des transformations sont enga-gées dès les années 1970 aux États-Unis et gagnent l’Europe à partir des années 1980 pour se poursuivre jusqu’à aujourd’hui.
En France, cela se traduit notamment par les réformes et innovations suivantes : création du Second Marché (février 1983), élargissement du marché monétaire et apparition de nou-veaux titres de créances négociables (1985), création du MATIF (février 1986) et du MONEP (septembre 1987) proposant des instruments de couverture des risques, cotation en continu (juin 1986), libéralisation des conditions de courtage (juillet 1989), libération des mouve-ments de capitaux dans la Communauté Européenne (juillet 1990), constitution de nouveaux indices (SBF 120 et 250 en 1993, MidCAC en 1995), création du nouveau marché (février 1996) adaptation des indices, taux et produits à l’euro (Euro-Stoxx, EONIA, contrats Euri-bor…).
Cette réforme des marchés s’accompagne d’une réforme des institutions : le système ban-caire est réformé par la loi de janvier 1984, la Commission des Opérations de Bourse (COB) voit ses pouvoirs renforcés et la Banque de France change de statut en 1993 pour remplir les conditions de la première étape de l’UEM.
Ces changements ont provoqué trois phénomènes concomitants :
Introduction
Ces réformes ont totalement bouleversé la physionomie des marchés et provoqué l’appari-tion d’outils et d’instruments très sophistiqués : la finance est devenue extrêmement techni-que et requiert un niveau de compétences de plus en plus élevé.
2.2. Le renouvellement des méthodes et la multiplication des outils
Ce contexte de diversité des risques, de déréglementation des marchés et de concentration des sociétés a favorisé le développement des méthodes et des outils au service de la finance :
– renouvellement des méthodes d’analyse financière davantage axées sur l’appréciation du risque de faillite (score Z ou système-expert Géode de la Centrale de Bilans de Ban-que de France par exemple) et sur la liquidité (approches en termes de flux financiers).
– multiplication des outils à divers niveaux :
Bon de Souscription d’Action, ABSOC – Actions à Bon de Souscription d’Obliga-tion Convertible...) ;
Toutes ces réformes ont finalement transformé les métiers de la finance.
DES MÉTIERS
Cette transformation s’est traduite par l’élargissement de la fonction, d’où une diversifica-tion des métiers de la finance.
Traditionnellement, les objectifs de la fonction financière s’articulent autour de cinq axes :
Informer et sensibiliser les autres responsables de l’entreprise des conséquences financiè-res de leurs décisions vient compléter ces différentes missions. Enfin, le contrôle de gestion est souvent rattaché à la direction financière, compte tenu des imbrications et similitudes des techniques et des outils utilisés (informatique notamment, dont la supervision peut lui être aussi confiée).
Sous l’effet de l’évolution de l’environnement, la fonction s’est élargie :
Introduction
La technicité croissante de certains outils a amené la diversification des métiers. Bien sûr, la différenciation et la spécialisation des postes croit avec la taille de l’entreprise ou du grou-pe. Un directeur financier de PME assurera des responsabilités très diversifiées avec l’appui éventuel de conseils extérieurs alors que dans une grande entreprise, il disposera d’une équipe de spécialistes qu’il devra animer.
Ces considérations sur l’évolution de l’environnement et de la fonction ont guidé le principe, l’approche et le plan de cet ouvrage.
L’approche positive est davantage empirique, dans la mesure où elle considère que la ra-tionalité des décisions et des acteurs est limitée tout en restant satisfaisante. La rentabilité y devient une condition de survie de l’entreprise plus qu’un impératif vers lequel tendent toutes ses décisions. Les actionnaires constituent un acteur parmi d’autres (salariés, clients, banques...) dans une organisation qui a sa propre logique (développement, iner-tie, souplesse d’adaptation ou rigidités…), laquelle évolue dans un environnement sou-vent non maîtrisé.
Cet ouvrage est un manuel pratique plus qu’un cours de théorie financière : il se situe da-vantage dans le cadre de l’approche positive, même si nous utiliserons des éléments de la pre-mière pour la compréhension de certains phénomènes.
Son approche est également globale, entendons par là que, la finance s’inscrivant dans un environnement qui la détermine, il nous a semblé indispensable de dépasser une approche strictement financière pour intégrer l’environnement économique, bancaire, juridique et fiscal. Au-delà de la diversité des approches, les outils doivent toujours être utilisés avec discer-nement parce que des considérations non financières, sociales et humaines notamment, mais aussi stratégiques entrent également en jeu.
– Enfin le plan de l’ouvrage découle des principaux objectifs de la fonction financière,présentés dans le schéma ci-après du processus décisionnel.
Ce processus est itératif, il constitue un circuit, d’où la difficulté du choix de l’élément ini-tial. Pour des raisons pédagogiques, son déroulement commencera par l’analyse financière, d’où le plan suivant :
Étude environnement opportunités/menaces
révisions objectifs
révisions prévisions actions correctives
POLITIQUE Détermination du cadre de référence des décisions
STRATÉGIE
Évaluation des choix stratégiques retenus Plans d’investissements et de financement
GESTION OPÉRATIONNELLE Budgets, trésorerie, couverture des risques
Points forts/points faibles de l’entreprise redéfinition ?
Processus de décision financière
Introduction
Le schéma « comment circuler dans l’ouvrage : plan et guide » (p. XXI et XXII) récapitule l’ensemble de cette démarche.