Cours économie monétaire sur la monnaie et le marche monétaire
L’approche la plus courante de la monnaie la définit comme un moyen de paiement accepté par tous, au sein d’un espace géographique donné, directement utilisable pour effectuer les règlements sur les marchés des biens et services ou pour régler définitivement toutes les dettes au sein d’un espace monétaire donné. L’étude de la monnaie nous oblige à délimiter le champ de nos investigations.
- Nous nous situons dans une économie monétaire, c’est-à-dire dans une économie où il y a circulation de la monnaie. La monnaie a ce que l’on appelle un pouvoir libératoire immédiat et général. La monnaie n’a pas d’utilité privée, mais une utilité sociale. Son utilisation est en effet uniquement collective.
- La monnaie est un bien indivisible (sa consommation par un individu quelconque ne diminue par la consommation des autres) qui s’échange sur un marché. Elle est donc offerte et demandée sur le marché monétaire. - Le marché de la monnaie est organisé et structuré. On parle généralement de système bancaire, de loi bancaire, de banque centrale et de banques commerciales. L’existence de la monnaie repose sur la confiance. Celle-ci est liée à la garantie officielle qui est apposée sur toute monnaie sous forme d’une marque, image, emblème...
La garantie donnée par une autorité représentant la collectivité, permet l’usage par le plus grand nombre.
- Le marché de la monnaie doit coexister avec d’autres marchés (marché des biens et services, marché financier et marché du travail). Ces 4 marchés sont interdépendants, ainsi le déséquilibre d’un marché entraîne souvent un déséquilibre sur les autres marchés. Le marché de la monnaie et le marché financier sont des marchés très volatiles, les ajustements en termes de prix sont très rapides. Le marché du travail et le marchés des biens et services sont plus rigides (les ajustements sont plus longs).
- La monnaie et le marché monétaire doivent être analysés en tenant compte du contexte historique, géographique et temporel. L’émergence de l’Union Economique et Monétaire (UEM), l’arrivée de l’Euro, la création d’une Banque Centrale Européenne ont modifié le paysage monétaire national, européen et international.
- L’utilisation et la circulation de la monnaie renvoient à la question du financement de l’économie, c’est à dire à la finance directe (marché financier) et indirecte (intermédiation bancaire).
I. FONCTIONS, FORMES ET MESURES DE LA MONNAIE
A. Les fonctions de la monnaie On distingue habituellement trois fonctions de la monnaie :
1. La monnaie, intermédiaire des échanges
Dans les sociétés primitives, les échanges se réalisaient sous la forme d’un troc, un bien étant cédé contre un autre bien. Cette économie non monétaire présentait cependant une série d’inconvénients qui en limitaient son usage :
- Tout agent devait trouver non seulement quelqu’un qui soit prêt à lui vendre les biens qu’il recherche mais aussi qui accepte en échange les biens dont l’agent dispose. L’échange devenait particulièrement exceptionnel.
- Il était relativement difficile de déterminer la valeur d’une marchandise par rapport à toutes les autres. La difficulté de l’échange augmentait lorsque les marchés et les biens étaient nombreux.
- Enfin les coûts de transaction (recherche des lieux et termes de l’échange, recherche des clients, perte de temps, coûts de stockage, coûts de recherche d’information...) d’un tel échange pouvaient être très importants. Le recours à un moyen de paiement unique et accepté par tous, la monnaie, est donc devenu une nécessité pour pallier les inconvénients du troc.
L’intervention de la monnaie permet d’assurer les échanges et de séparer chaque transaction en deux parties : une vente et un achat. Ainsi dans une économie monétaire, celui qui détient un bien et souhaite le vendre, va pouvoir céder ce bien contre une certaine quantité de monnaie qui en constitue le prix. La monnaie élimine les coûts de transaction car elle permet d’éviter ceux afférents à la recherche d’un partenaire, à l’attente, au transport.
Plus généralement, avec la fonction d’intermédiaire des échanges, la monnaie peut être définie comme un moyen de règlement : indéterminé (c’est à dire qui permet d’acquérir n’importe quel bien ou service, et de régler n’importe quelle dette), général (elle est admise par tout le monde et en toutes circonstances, dans un espace déterminé, généralement national ou dans une communauté de paiement, exemple de l’EURO dans l’UEM), immédiat (le simple transfert de cet instrument de paiement entraîne l’extinction de la dette).
Pour assurer ce rôle, la monnaie a cours légal, c’est à dire qu’elle ne peut être refusée dans les paiements.
2. La monnaie, réserve des valeurs
Dès que la monnaie est un moyen d’échange, il est possible de la conserver pour réaliser un achat à une période ultérieure. La monnaie donne ainsi la possibilité de transférer du pouvoir d’achat d’une période à l’autre. Elle sert donc de réserve de pouvoir d’achat. On peut alors introduire la nécessité de détenir une encaisse monétaire et donc une véritable demande de monnaie, ce qui implique que les agents économiques ont un comportement spécifique par rapport à la monnaie qui pourtant n’a aucune utilité et n’est donc pas l’objet d’un besoin.
Les encaisses monétaires sont constituées par les agents pour diverses raisons :
En cas d’hyper-inflation, la monnaie n’assure plus la fonction de réserve de valeur car les agents économiques préfèrent s’en débarrasser et réaliser leurs transactions en monnaie étrangère (ou en troc). En revanche, lorsque les prix baissent, c’est l’inverse qui se produit, le pouvoir d’achat de l’agent économique augmente. La monnaie est recherchée et conservée par les agents économiques. A travers la fonction de réserve de valeur, la monnaie est considérée comme un actif de patrimoine et devient une forme que peut prendre la richesse. Les agents économiques peuvent en effet détenir leur patrimoine sous forme d’actifs réels comme les biens de production (usines, immeubles, terrains…or), d’actifs financiers comme les obligations et actions dont le rendement est constitué de recettes en monnaie (l’intérêt pour les obligations, les dividendes et plus-values pour les actions), d’actifs liquides comme la monnaie (billets et dépôts à vue) et quasi-monnaie (dépôts à terme, bons du Trésor).
La monnaie constitue en effet, par rapport à tous les autres biens, un actif parfaitement liquide permettant d’acquérir tout bien à n’importe quel moment. Cette propriété de liquidité fait qu’elle est immédiatement disponible pour acquérir des biens (le bon du trésor et les obligations sont moins liquides que la monnaie, car ils doivent être préalablement vendus sur un marché contre de la monnaie afin d’être utilisés comme moyens de paiement).
3. La monnaie, unité de mesure des valeurs (unité de compte)
B. Les formes de la monnaie
Si la nature de la monnaie dans tout système monétaire est unique, il existe plusieurs sortes d’instruments de circulation que l’on regroupe souvent dans la littérature économique sous le terme de « formes de la monnaie ». En réalité, l’étude de ces formes inclut celles des techniques d’émission des différents instruments monétaires, tout autant que la description des instruments de circulation eux-mêmes.
1. La monnaie métallique
Elle fait partie de la catégorie plus vaste de la monnaie marchandise. On appelle ainsi la monnaie dont la fonction d’unité de compte est rattachée à une quantité d’un étalon qui est un bien matériel et une marchandise ayant un coût de production et une valeur. L’instrument de paiement est ainsi un objet tangible. Ces objets ont été divers selon les sociétés (bétail, sel, coquillages, morue....) mais la monnaie marchandise la plus connue est la monnaie métallique. Si les métaux tels que le cuivre, le fer, le bronze ont constituées les premières monnaies, ce sont les métaux précieux (or et argent), en raison de leurs qualités particulières, qui se sont progressivement imposés comme instruments monétaires.
Quatre qualités essentielles de l’or et l’argent peuvent être présentées :
- leur inaltérabilité (l’or et l’argent peuvent être stockés sans inconvénients)
- leur divisibilité (il est possible d’obtenir des éléments de dimension voulue, la valeur de ceux-ci étant proportionnelle à leur poids).
- leur malléabilité (les métaux précieux peuvent recevoir l’empreinte d’un symbole monétaire)
On parle de monnaie pesée. → Vers 800 A.V J.C, les lingots prennent un poids et une forme déterminés donnant naissance aux pièces métalliques. On parle de monnaie comptée. → Durant l’Antiquité, les pièces sont frappées par les autorités religieuses qui garantissent ainsi la valeur des pièces, c’est à dire le titre et le poids du métal qu’elles contiennent. On parle de monnaie frappée. → Au moyen âge, les souverains tentent à leur tour de prendre le monopole de la frappe de la monnaie. Le métal est transformé en instruments monétaires, des pièces frappées dans des organismes spécialisés (Hôtels des Monnaies), représentant un pouvoir politique (le Prince), qui achètent le métal à prix fixe et arbitrairement déterminé, dit prix légal.
A cette occasion, la quantité de métal contenue dans la pièce est pesée et certifiée par l’apposition d’une marque officielle. → L’instauration de systèmes monétaires métalliques, reposant sur le bimétallisme, or et argent, date du XVII et XVIIIème siècles. Ils cherchent à organiser le moyen de garantir la stabilité des monnaies métalliques face à l’arbitraire politique en imposant une règle concernant la définition et l’usage de la monnaie nationale, notamment par une relation fixe entre l’unité monétaire et une quantité de métal précieux ainsi que la mise en oeuvre de la frappe par un organisme spécialisé.
→ Le système du bimétallisme évoluera vers la seconde moitié du XIX siècle vers le monométallisme du fait des rapports entre le métal monnaie et le métal marchandise. En effet, les pièces du métal le plus apprécié sur le marché furent l’objet de spéculation (le cours des métaux précieux fût largement influencé par la découverte des mines d’or et d’argent) et de thésaurisation grâce aux possibilités de transformation. Ainsi si l’argent se déprécie par rapport à l’or sur le marché, ce dernier sera thésaurisé. On assiste alors à une rivalité entre les deux métaux marqué par le triomphe du monométallisme-or. Il est instauré en Grande Bretagne dès le début du 19ème siècle, puis en Allemagne et aux Etats Unis, et en France en 1876.
Ce phénomène est plus connu sous le nom de Loi de Gresham : «Lorsque deux monnaies circulent dans un pays, la mauvaise a tendance à chasser la bonne ». Comment expliquer ce phénomène ? Considérons un agent qui reçoit deux pièces d’or sensées avoir la même valeur monétaire. La première est composée d’or pur alors que la seconde est composée de 50% d’or pur et de 50% d’argent. Chaque pièce possède officiellement le même pouvoir d’achat. Cependant, la seconde a moins de valeur que la première et cela est parfaitement connu. Si ces deux monnaies circulent en même temps, les agents économiques vont garder la monnaie composée entièrement d’or pur et utiliser l’autre pour le règlement de leurs transactions.
A la veille de la première guerre mondiale, règne le système monétaire international dit de l’étalon-or sous l’égide de l’Angleterre, c’est à dire réglementé par la politique monétaire et les interventions de la Banque d’Angleterre. Toutes les monnaies sont alors définies en un poids d’or et les taux de change entre elles sont donc des rapports de quantités physiques d’or.
Certains pays comme la Grande-Bretagne (1925), la France, ont tenté de rétablir l’ancien système. On instaure en France, dès 1928, l’étalon lingot d’or. Le franc est convertible à nouveau en or, mais seulement en lingots d’un poids minimum de douze kilogrammes et non plus en pièces, afin d’économiser l’or. La crise de 1929 et ses suites contraindront l’ensemble des pays à abandonner toute convertibilité en or même en lingots. L’or ne jouera plus aucun rôle dans les paiements et toute référence à lui aura définitivement disparu au niveau international lorsque le dollar, seule monnaie encore définie en or, en sera détaché en 1971 avec la fin des Accords de Bretton Woods.
2. La monnaie de papier ou les billets
La monnaie papier est acceptée en vertu de la confiance de son émetteur (d’où sa dénomination de monnaie fiduciaire). On dit également que c’est un instrument monétaire qui a une faible valeur intrinsèque en comparaison de sa valeur faciale. La mise au point de cet instrument monétaire s’est révélée relativement longue. Trois grandes étapes ont marqué l’évolution du billet de banque : → Dans l’Antiquité, puis au Moyen Age, les particuliers déposent de l’or et de l’argent auprès de banquiers et reçoivent en contrepartie des billets représentatifs de ces dépôts. Le Billet est alors un certificat représentatif d’un dépôt de métal précieux. Utilisé pour effectuer des règlements, le billet ne constitue pas pour autant une véritable monnaie.
A la suite d’événements tels que les guerres et les demandes massives de conversion des billets en métal précieux, l’Etat fût amené à prononcer le cours forcé des billets (il devenait impossible d’en obtenir le remboursement en pièces). Cette mesure mise en place temporairement par de nombreux pays, devint définitive après la crise économique de 1929 et les nombreux chocs monétaires de cette fin de siècle. On parle alors de billet de banque inconvertible.
3. La monnaie scripturale ou la monnaie de banque
On appelle ainsi la forme de la monnaie consistant en une écriture dans les livres d’une banque sous la forme de l’ouverture d’un compte à un client donnant naissance à un dépôt qui est une reconnaissance de dette de la banque envers son titulaire, et qui circule, sert à payer ses créanciers, est transférée sur le compte d’un autre agent par l’intermédiaire d’instruments tels que les chèques, les ordres de virement et les cartes bancaires. Il s’agit de pratiques très anciennes. Ainsi les Grecs et les Romains connaissaient les virements de même que les arabes qui les utilisaient au IXe et Xe siècles. Cependant leur véritable développement date du XIIe siècle grâce aux marchands italiens et flamands.
Les premières techniques dites « bancaires » apparaissent sous la forme de virements effectués à partir des comptes courants de marchands tenus par des banquiers changeurs. Les transferts pouvaient s’opérer entre banques. Les règlements se faisaient par débits et crédits de comptes et des avances en comptes courants (découverts ou prêts gagés) étaient possibles. Les comptes étaient ouverts sans dépôts d’espèces préalables. Viendront ensuite les procédés de paiements à distance et lettres de change. Ces techniques présentent l’avantage de permettre de payer sur une autre place un exportateur étranger par exemple.
Ces pratiques en se généralisant, notamment dans le cadre de Foires, vont donner lieu à de vastes systèmes de compensation multilatérale dans lesquels les intermédiaires spécialisés vont s’interposer pour centraliser les lettres de change, évaluer leur qualité (juger la liquidité des débiteurs) et effectuer le change de celles-ci puisqu’elles sont libellées dans des unités de compte différentes. Ainsi apparaissent des marchands de dettes spécialisés : les banquiers. Le rôle de ces intermédiaires spécialisés va progressivement s’accroître. Ils vont tout d’abord permettre au système des paiements de s’améliorer en accélérant la circulation des dettes par la technique de l’endossement de lettres de change qui cependant peut être opéré par n’importe quel agent. Le transfert de créance s’effectuant alors par signature du nouveau créancier, les banquiers vont accepter de se substituer aux créanciers, ce qui permet de régler plus vite les créanciers initiaux. Ils vont ensuite faciliter le tirage de lettres de change en les émettant spontanément sur eux-mêmes pour permettre à leur client de régler et améliorer la compensation.
PLAN
I. FONCTIONS, FORMES ET MESURE DE LA MONNAIE
A. Les fonctions de la monnaie
1. La monnaie, moyen d’échange
2. La monnaie, réserve des valeurs
3. La monnaie, unité de mesure des valeurs
B. Les formes de la monnaie
1. La monnaie métallique
2. La monnaie papier ou les billets
3. La monnaie scripturale
4. La monnaie électronique
C. Les mesures de la monnaie
1. La définition des agrégats monétaires
2. L’utilisation des agrégats monétaires
II. LE MARCHE DE LA MONNAIE
A. L’offre de monnaie
1. Les mécanismes de création monétaire
a. Les Banques commerciales
b. La Banque Centrale (Banque de France)
c. Le trésor Public
2. Les contreparties de la masse monétaire ou créances transformables
b. Les créances sur l’extérieur
c. Les créances sur l’Etat
3. Les limites de la création monétaire
B. La demande de monnaie
1. Détention de monnaie dans une optique transactionnelle
a. La théorie quantitative de la monnaie (I. Fisher)
b. L’équation de Cambridge (A. Marshall, A.C Pigou)
2. Demande de monnaie comme demande d’encaisse (J-M Keynes)
a. Les motifs de transaction, de précaution et de spéculation
b. Le motif de financement
c. La préférence pour la liquidité
- La relation entre le prix d’un actif et le taux d’intérêt
- Les anticipations des agents
3. Demande de monnaie et diversification du patrimoine (Friedman)
4. Demande de monnaie, diversification du patrimoine et risque (Tobin)
C. Le taux d’intérêt, prix de la monnaie ?
D. L’organisation du marché de la monnaie
1. La loi bancaire de 1984
a. L’unicité du cadre juridique
b. Réglementation et contrôle de la profession bancaire
c. Les mécanismes et les procédures de sécurité
d. La banque universelle
2. Les acteurs du système bancaire
a. Les établissements de crédit
b. Les autres acteurs
3. Les différents compartiments du marché monétaire
a. Le marché interbancaire (intermédiation financière)
b. Le marché des titres de créances négociables (désintermédiation)