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Economies d’agglomération et concentration spatiale dans la nouvelle économie géographique
La nouvelle économie géographique , qui s’est développée à la suite des travaux de Paul Krugman (1991), offre un cadre théorique pour analyser la concentration-spécialisation des activités économiques dans l’espace. Les modèles de la nouvelle économie géographique donnent notamment aux économies d’agglomération une place centrale dans les processus de localisation et de concentration.
Les travaux, essentiellement théoriques, peuvent être groupés en deux catégories :
- une première famille de modèles statiques, décrite dans cette fiche, cherche à mettre en évidence l’influence des économies d’agglomération sur la répartition spatiale des activités et des agents ;
- une deuxième famille de modèles intégrant les travaux sur la croissance endogène constitue une « théorie économique de la géographie de la croissance ».
1. Le modèle fondateur
Dans le modèle initiateur de Paul Krugman, les externalités statiques apportent une explication à la concentration spatiale à partir d’un état d’origine donné (mais pas à la croissance au cours des étapes successives de développement). Le processus conduisant à la concentration des activités et des agents repose sur l’existence d’économies externes « marshalliennes » internes à la région considérée.
Dans le modèle de Krugman, du côté de l’offre, c’est la taille du marché, déterminée de manière endogène dans chaque région, qui va expliquer les localisations.
Trois paramètres jouent un rôle essentiel :
- la part de l’industrie dans l’économie : elle reflète l’effet taille de marché qui rend compte de l’influence des économies d’agglomération ;
- les coûts de transport qui peuvent être reliés au stock d’infrastructures régionales et traduisent d’une certaine manière le rôle des économies d’urbanisation dans la concentration spatiale.
- la différenciation des activités et la spécialisation intra-industrielle : elles trouvent leur fondement, dans le modèle de Krugman, dans un double phénomène : la préférence des consommateurs pour la variété des biens et la complémentarité des industries dans le tissu productif.
Dans les modèles de base, ce sont plutôt des « dotations initiales » qui induisent, dans un premier temps, les choix de localisation des firmes. Le propos central de la nouvelle économie géographique est plutôt de montrer comment deux régions totalement identiques au départ peuvent se différencier de manière endogène entre une région centrale riche et une région périphérique pauvre.
2. Economies de localisation liées aux consommations intermédiaires et à la spécialisation intra-industrielle Krugman et Venables (1995) ont explicitement introduit le rôle des effets d’entraînement intersectoriels dans la concentration spatiale. Les firmes ne sont plus liées, dans leur choix de localisation, uniquement aux consommateurs mais aussi entre elles : lorsqu’il existe des coûts de transport sur les intrants, les firmes en amont et en aval sont incitées à se concentrer dans la même région, et ce d’autant plus que les économies d’échelle et la part de l’industrie dans l’économie sont élevées.
L’influence de la spécialisation du secteur des biens intermédiaires sur la concentration spatiale a été particulièrement abordée en économie urbaine dans les théories de la formation endogène des villes. Catin et Ghio (1999) montrent par exemple comment une spécialisation accrue dans le secteur des services à la production peut conduire à un processus de métropolisation en région centrale où les industries technologiques et les services se concentrent. Sur le plan empirique, Catin (1997) montre sur données régionales françaises qu’une spécialisation élevée dans le secteur des services à la production implique des gains de productivité supérieurs dans les industries technologiques ; en retour, la productivité et le développement des services aux entreprises sont plus importants en présence d’industries à fort capital humain et forte activité de R&D, ce qui tend à renforcer la concentration des deux secteurs dans le même espace.
3. Economies d’agglomération et avantages comparatifs
La plupart des modèles de la nouvelle économie géographique supposent une activité à rendements d’échelle croissants sujette à un processus endogène d’agglomération et une activité à rendements d’échelle constants insensible à ces processus. Le résultat classique est que l’agglomération endogène induit la spécialisation d’une région centrale dans l’activité à rendements d’échelle croissants et d’une région périphérique dans l’industrie à rendements d’échelle constants. Or, lorsque l’on considère que l’industrie à rendements croissants peut être composée de différents secteurs et que les régions peuvent avoir un avantage comparatif dans certains secteurs, ce résultat n’est plus aussi évident. Ricci (1999)distingue deux types de concentration : - une concentration sectorielle : le nombre de firmes d’un secteur i dans une région j ; - une concentration industrielle : le nombre de firmes tous secteurs confondus dans une région j.
Dans son modèle, durant le processus d’ajustement vers l’équilibre de long terme, une hausse de la taille d’une région conduit à un phénomène d’agglomération qui attire proportionnellement plus de firmes du secteur industriel dans lequel la région n’a pas d’avantage comparatif. Cette région apparaît ainsi moins spécialisée dans le secteur à rendements croissants où elle a un avantage comparatif. De manière classique dans les modèles d’économie géographique, la réduction des coûts d’échange augmente à la fois l’incitation à se localiser dans le grand marché et l’incitation à se localiser dans le marché ayant une plus forte productivité moyenne. Si le grand marché n’est pas le plus productif, les deux forces jouent en sens opposés. Peu d’études empiriques ont tenté de préciser le jeu respectif des économies d’agglomération et des avantages comparatifs et de saisir les liens concentration-spécialisation.
. Le rôle des infrastructures
Dans la nouvelle économie géographique, les infrastructures régionales influencent la concentration spatiale par deux canaux :
• Les coûts de transport intra et/ou interrégionaux: Selon Martin et Rogers (1995), lorsque le stock d’infrastructures influence les coûts d’échange intra-régionaux, une amélioration des infrastructures dans une région, donc un accroissement de la taxe, conduira à une concentration des firmes dans cette région si et seulement si l’augmentation de la demande pour les biens domestiques liée à l’amélioration des infrastructures est supérieure à la diminution de la demande due à l’accroissement de la taxe. Lorsque le stock d’infrastructures influence les coûts d’échange inter-régionaux, le désavantage initial d’une région (en donation de capital et/ou en taille) va être amplifié par une chute des coûts d’échanges inter-régionaux. Dans ce cas, les importations de la région périphérique provenant de la région centrale deviennent relativement moins coûteuses ce qui renforce les exportations et le processus d’agglomération des activités en région centrale.
Une implication importante de cette analyse est de montrer qu’il est nécessaire de différencier les politiques d’infrastructures en matière de localisation industrielle. Si dans la région périphérique le but est d’augmenter la convergence industrielle avec la région centrale, alors la politique doit être basée sur le développement d’infrastructures qui facilitent le commerce intra-régional plutôt que le commerce inter-régional.
• Une influence directe sur la productivité des entreprises (Charlot, 1999) : les coûts de transport sont fonction des investissements publics qui génèrent dans le même temps des externalités qui transforment les combinaisons productives des firmes. En supposant que le stock d’infrastructures affecte la productivité des entreprises régionales de manière homogène sur tout le territoire régional et que les externalités liées au stock d’infrastructures sont purement régionales, les simulations montrent que l’intervention publique semble ne pas pouvoir contrecarrer les processus cumulatifs conduisant à la concentration spatiale des activités industrielles ; autrement dit ce sont les mécanismes purement économiques qui l’emportent. L’analyse quantitative des liens entre infrastructures publiques et productivités régionales a fait l’objet d’une abondante littérature. Des comparaisons transversales inter-régionales tendent à montrer que c’est la densité d’infrastructures qui produit les effets les plus nets sur les productivités et qu’ils sont différents selon les secteurs industriels et de services (Catin, 1997).
5. Politiques redistributives et convergence des régions
Pour ce qui est de l’évolution du bien-être avec le processus de concentration, Calmette et Le Pottier (1998) montrent que lorsqu’il y a émigration de la main-d’oeuvre, le bien-être de la région périphérique diminue, ce qui incite davantage de travailleurs à migrer vers la région centrale. Si un gouvernement décentralisé existe en région périphérique, il peut vouloir stopper le processus de migration par une taxation de la population immobile (agriculteurs) et une redistribution en faveur de la population mobile. Cette politique va dépendre du groupe d’agents ayant la majorité politique dans la région périphérique. La politique fiscale peut maintenir la répartition de l’industrie entre les régions voire conduire à une concentration de cette industrie périphérique. Lorsque la réaction de la région centrale conduit à une « guerre » entre les régions, une intervention supra-régionale devient nécessaire pour prévenir les stratégies désordonnées des gouvernements régionaux afin de garantir une exploitation efficiente des rendements croissants par des transferts des régions riches vers les régions pauvres.
6. Congestion et délocalisation
L’existence de déséconomies d’agglomération peut expliquer la viabilité économique de petits centres industriels et les processus de diffusion des activités industrielles des régions centrales vers les régions périphériques. En effet, des externalités négatives liées à la congestion peuvent rendre profitable la délocalisation d’un certain nombre de firmes
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Les déterminants de la localisation urbaine des ménages :
Aperçu des principaux résultats des travaux économiques Les comportements de localisation des ménages sont le moteur principal des dynamiques urbaines. De nombreux travaux économiques, théoriques et empiriques, ont tenté de mettre en évidence les déterminants des choix de localisation des ménages. Il résulte de ces travaux que les modèles théoriques sont mal armés pour rendre compte de la diversité des comportements, qui tient à la diversité des préférences des ménages pour les différents services urbains. Les travaux sur les comportements des ménages ne s’articulent donc pas aussi clairement autour de « faits stylisés » que ceux des entreprises. Les travaux empiriques dominent ainsi les travaux théoriques. Cette fiche fournit les quelques résultats issus de travaux théoriques considérés comme robustes, ainsi qu’un aperçu thématique des travaux empiriques, dont la sélection fait par ailleurs l’objet de fiches de synthèse.
1. Principaux faits stylisés théoriques
Les résultats des travaux théoriques s’articulent schématiquement autour de quatre axes : L’arbitrage foncier-mobilité (modèle dit de Von Thünen) illustre le fait que les ménages arbitrent entre les coûts de localisation (coût du foncier ou de la location) et les coûts de mobilité (coûts généralisés des déplacements domicile-travail). Dans une zone urbaine où les emplois sont situés au centre, ce modèle conduit à des prix de marché immobilier à l’équilibre qui décroissent en fonction des coûts généralisés d’accès aux emplois. L’arbitrage aménités-accessibilité enrichit le modèle précédent en y ajoutant la valeur des aménités de localisation dans l’arbitrage des ménages. Il peut conduire cependant à des résultats contrastés en termes de comportements des ménages, selon que les aménités sont considérées comme plus importantes au centre (aménités culturelles et sociales) ou à la périphérie (espace, réduction des nuisances « de voisinage ») ; dans ce corpus de travaux, l’aménité de sécurité joue un rôle différent selon que les zones centrales ou périphériques sont considérées comme les plus sûres.
Le lien entre revenu et localisation a suscité divers travaux, afin notamment d’expliquer les différences entre les villes américaines (centre pauvre et périphérie riche) et européennes ; le résultat théorique de ces travaux peut être résumé de façon très simple : si l’élasticité-revenu des coûts de transports (avec notamment l’effet de valeur du temps) est supérieur à l’élasticité- revenu de la demande foncière, les ménages à revenu élevé se rapprochent du centre et viceversa ; cependant, diverses études empiriques ont souligné l’importance des préférences pour les aménités qui sont liées au revenu et qui dominent l’effet précédent ; quelques travaux empiriques ont aussi montré que les deux élasticités-revenu sont relativement proches et leur ordre peut s’inverser, par exemple en fonction des situations de congestion (qui ont tendance à faire revenir les ménages à haut revenu au centre).
La ségrégation urbaine a donné lieu à de nombreux travaux théoriques et empiriques (cf. fiche de synthèse sur ce thème). Les principaux faits stylisés qui s’en dégagent sont que les externalités de voisinage, la création d’aménités collectives, les attitudes sociales et culturelles façonnant l’environnement urbain conduisent spontanément à un rapprochement spatial des groupes sociaux homogènes ; ce phénomène est renforcé par deux mécanismes : la concentration des groupes sociaux à faible revenus dans certaines zones diminue la capacité de financement des équipements collectifs et donc l’attractivité; la « stigmatisation spatiale » des salariés issus de ces zones y augmente le taux de chômage. Par ailleurs, la mobilité résidentielle des groupes sociaux défavorisés étant plus faible, la ségrégation urbaine se caractérise par une irréversibilité ou des hysteresis importants. Les faits stylisés précédents fournissent un cadre général d’analyse des choix de localisation des ménages.
Dans la réalité, les facteurs (ou services ou aménités) de localisation des ménages sont très divers et la préférence d’un ménage particulier pour ces facteurs lui sont propres. Les modèles théoriques sont donc rapidement limités par le besoin de prendre en compte la diversité des facteurs d’attractivité et des ménages, au profit des travaux empiriques. 2. Principaux axes des travaux empiriques Les travaux empiriques sur le choix de localisation résidentielle des ménages peuvent, schématiquement, être regroupés en deux catégories : Les travaux de préférences déclarées (ou enquêtes contingentes), qui visent à interroger des ménages sur des scénarios de décisions « fictifs » dans lesquels les facteurs de localisation auxquels on s’intéresse sont injectés ; Les travaux de préférences révélées, qui tentent d’expliquer des choix réels des ménages, par les facteurs de localisation auxquels on s’intéresse.
On peut distinguer les travaux qui portent sur les prix de marché, qui supposent qu’à l’équilibre des marchés immobiliers, les prix illustrent le consentement à payer pour certaines aménités de localisation ; et les travaux qui portent sur les trajectoires de mobilité résidentielle tentant d’expliquer soit les trajectoires individuelles, soit les migrations inter-zones. Ces travaux sont confrontés, outre la disponibilité des données, à des difficultés importantes. La méthode « d’évaluation contingente » concerne les préférences déclarées ; elle consiste à interroger directement un échantillon d’individus sur leur consentement à payer pour un service, une aménité, un bien environnemental en leur soumettant différents scénarios fictifs destinés à les aider à formuler cette valeur. Dans les modèles de prix hédoniques, l’hypothèse d’équilibre des marchés est contraignante. Ces motifs s’appliquent donc mal aux marchés à forte évolution, sauf à utiliser les données de panel.
Par ailleurs, les modèles de prix hédoniques supposent une certaine homogénéité des préférences des ménages, sauf à pouvoir utiliser des données permettant de relier des caractéristiques des ménages aux prix (identité des acheteurs pour les transactions par exemple). S’agissant des travaux sur les trajectoires résidentielles, il est important de tenir compte des trajectoires personnelles (emploi, famille) qui restent le facteur dominant de la mobilité résidentielle. Les difficultés méthodologiques de ces travaux étant rappelées, les principaux facteurs de localisation étudiés dans les études empiriques sont l’accessibilité aux équipements et aux bassins d'emplois (coûts des déplacements domicile-travail) ; les aménités environnementales (notamment en zone péri-urbaine) ; l’offre scolaire et sa qualité ; la sécurité.
Les déterminants de la localisation urbaine des entreprises : Quelques résultats de la théorie économique
De nombreux travaux théoriques et empiriques se sont intéressés aux moteurs du développement urbain et ont notamment tenté d’expliquer les différentes dynamiques observées aux Etats Unis, en Europe et dans les pays en développement. Ces travaux peuvent schématiquement se regrouper en fonction de l’accent mis sur la localisation des entreprises, sur celle des ménages, sur les interactions entre les deux (bassins d’emploi et de consommation), ou sur l’impact des politiques publiques (transports, fiscalité, création d’équipements structurants, villes nouvelles). Les travaux portant sur la localisation des entreprises sont probablement ceux qui ont produit le corpus théorique le plus solide et le plus robuste face aux comportements observés.
Cette fiche synthétise ces travaux. Elle se concentre sur les comportements des entreprises (quitte à schématiser les interactions avec les ménages par souci pédagogique). Elle présente quelques questions encore ouvertes. Forces centrifuges et centripètes dans la localisation des entreprises On peut identifier deux principaux moteurs de la localisation des entreprises en milieu urbain selon le facteur de production auquel on s’intéresse :
- L’information (incluant les échanges informels, le contact avec les centres de décision et la connaissance des marchés) bénéficie de fortes économies d’agglomération et conduit les entreprises à rapprocher leurs fonctions stratégiques (direction, finance, conseil, marketing, publicité, affaires juridiques etc…) de celles des autres entreprises, d’où un effet centripète sur ce type d’activités.
- Le foncier est un facteur de production plus important pour les entreprises de production, de logistique et certains services (commerce). Schématiquement, le prix en zone urbaine répond au modèle dit de Von Thünen (le prix du foncier décroît lorsque le coût globalisé d’accès aux centres d’emploi augmente, la valeur restant constante). De ce fait, les activités pour lesquelles le foncier est un facteur de production important ont tendance à s’éloigner du centre-ville au fur et à mesure que le gradient de prix du foncier entre le centre et la périphérie augmente.
Cette représentation simplifiée rend compte des grandes tendances de concentration des fonctions d’état-major et de la diffusion des activités de production en zone périurbaine, étant entendu qu’entre ces deux types, existe naturellement un continuum d’activités. Cette représentation doit cependant être enrichie en prenant en compte d’autres types de phénomènes décrits ci-dessous.
Liens avec les bassins d’emploi
La localisation des entreprises et celle des ménages interagissent fortement, que ce soit pour l’emploi ou les activités de consommation. Pour simplifier, cette fiche ne traite que du comportement de localisation des entreprises face à une répartition donnée des ménages. S’agissant des besoins d’emploi, l'équilibre précédemment décrit entre forces centripètes, liées à l’information et forces centrifuges, liées au foncier, est affecté par le coût (pour les salariés et les entreprises) de la mobilité domicile-travail (au sens large incluant le coût globalisé et le surcoût foncier – cf. arbitrage Von Thünen ci-dessus).
Dans ce cas, certaines entreprises peuvent chercher à s’éloigner du centre. Ici, deux dynamiques peuvent apparaître : soit un simple étalement des activités de service vers la périphérie, au besoin en séparant les activités réellement d’état-major qui restent au centre, et les activités de type backoffice qui sont implantées plus proche des franges de résidence des emplois ; soit l’apparition de centres secondaires regroupant des activités ayant entre elles de fortes synergies, mais pouvant distendre les liens physiques avec les activités stratégiques du centre. Peuvent ainsi apparaître des centres secondaires spécialisés (exemple : assurance, services informatiques) ou un véritable second centre (cf. La Défense).