Document de cours sur la politique commerciale au canada
Objectifs et orientations récentes de la politique commerciale
Avec des exportations qui représentent plus du tiers de son PIB, le Canada est aujourd'hui, parmi les pays de l'OCDE, l'un de ceux dont l'économie dépend le plus du commerce extérieur. Outre le fait d'être très ouvert sur l'extérieur, le Canada présente aussi la particularité d'avoir une économie qui se trouve très liée à celle des États-Unis. Premier partenaire commercial du Canada, avec plus de 80 % des exportations et près de 70 % des importations, les États-Unis sont aussi les premiers investisseurs étrangers au
Canada et la première destination des investisseurs canadiens à l'étrangerF3]. Soumise à cette double tension, la politique étrangère du Canada a connu un certain nombre de changements ces dernières années, dont les deux principaux ont sans doute été, pour le premier, la signature, en 1987, d'un accord de libre-échange avec les États-Unis (ALE), accord que viendra par la suite compléter et élargir l'accord de libre-échange nord-américain (ALENA) signé en 1992-1993 par le Canada, les États-Unis et le Mexique, et, pour le second, la primauté qui est désormais accordée aux questions économiques par rapport aux questions plus traditionnelles d'indépendance et de sécurité nationalesF4]. Ces changements doivent être replacés dans la dynamique plus large des changements qu'ont connus les relations économiques internationales ces dernières années, mais ils doivent aussi l'être dans le contexte particulier d'un pays dont l'histoire, le développement et l'économie ont été façonnés par son commerce extérieur. Nous nous nous limiterons ici à rappeler quelques moments historiques significatifs de la politique commerciale canadienne durant les deux dernières décennies.
* Comme le soulignait le gouvernement canadien dans son Livre brun de 1983, La politique commerciale du Canada pour les années 80, les politiques commerciales canadiennes ont témoigné d'un remarquable degré de continuité dans l'après-guerre. Elles se caractérisaient, d'un côté, par un engagement sans faille en faveur du multilatéralisme et de l'instauration d'un ordre international stable et, de l'autre, par un souci constant de maintenir un haut niveau d'indépendance politique dans une relation qui se voulait aussi étroite que possible avec le principal partenaire commercial du Canada qu'étaient devenus les États-Unis. Ce n'est toutefois qu'au tournant des années 1970 que cette ligne de conduite sera officiellement définie. Dans un premier temps, avec la publication, en 1970, d'un Livre blanc, Une politique étrangère au service des Canadiens (Canada, 1970) ; dans un second temps, avec la publication dans un numéro spécial de la revue du ministère, Perspectives internationales , d'un article rédigé par le ministre des Affaires étrangères Mitchell Sharp, "Relations canado-américaines : choix pour l'avenir" (Canada, 1972) ; dans un troisième temps, à l'occasion des négociations commerciales multilatérales du Cycle de Tokyo.
Si le Livre Blanc entendait définir les grandes lignes de la politique étrangère du Canada "à partir de ses objectifs et de ses intérêts tels que lui-même les conçoit", le texte de M. Sharp, rédigé au lendemain d'une crise majeure du système monétaire intenational, entendait, quant à lui, affirmer la volonté d'indépendance politique et économique du Canada, à l'endroit des États-Unis en particulier, en optant pour une troisième voie, entre le statu quo et le libre-échange, axée sur la diversification géographique des échanges d'une part et un plus grand contrôle canadien sur l'économie, d'autre part. Quant aux négociations commerciales du Cycle de Tokyo, celles-ci devaient marquer un tournant majeur dans les négociations multilatérales, en ouvrant notamment la porte aux discussions sur les questions non-tarifaires ; pour le Canada, ces négociations allaient lui donner l'occasion de s'éloigner un peu plus d'un protectionnisme considéré comme peu productif du point de vue de la croissance mais aussi de profiter de la sorte d'un meilleur accès aux marchés internationaux, ce dont le pays avait besoin pour à la fois desserrer la contrainte d'une relation commerciale exagérément exclusive avec les États-Unis et mieux assurer sa présence sur la scène internationale.
La politique de la "troisième option", comme la politique multiltiratéraliste, n'ont pas été sans produire certains résultats significatifs sur l'économie canadienne, mais, d'une manière générale, la plupart des observateurs s'accordent à dire que les résultats, sur le plan économique comme sur le plan politique, n'ont pas été à la hauteur des attentes. En outre, ni l'une ni l'autre ne permirent au Canada d'atteindre réellement ses objectifs, entre autres celui de trouver un contrepoids à l'influence économique et politique des États-Unis dans les affaires du monde, et dans celles du Canada en particulier (Clarkson, 1985).
* Au début des années quatre-vingts, le gouvernement fédéral tenta, mais sans grand succès, de donner un nouvel élan aux politiques nationales, sur le plan économique et sur le plan commercial en particulier. Énoncées dans le Livre blanc, Le développement du Canada dans les années 80 Canada (1981), les priorités économiques étaient alors recentrées sur l'élimination de l'inflation et l'instauration d'une croissance économique soutenue par le développement des ressources naturelles et l'expansion des exportations. Mettant ainsi davantage l'accent sur la croissance du commerce extérieur, le gouvernement en fera l'un des éléments prioritaires de sa politique étrangère, confiant notamment la responsabilité de tout ce qui a trait au commerce au ministère des Affaires extérieures. Ce premier changement est d'importance, puisqu'à l'instar de bien d'autres pays industrialisés, le Canada se trouvait de la sorte à privilégier de plus en plus les objectifs commerciaux dans la conduite de ses relations extérieures. Ce premier changement en entraînera un second : tout en continuant d'accorder une très grande attention au renforcement du système multilatéral du commerce, le gouvernement s'efforcera parallèlement de consolider les relations bilatérales du Canada avec les États-Unis, le Japon et la Communauté européenne, de manière à accroître le commerce bilatéral avec ces entités. Dans le cas particulier des États-Unis, un premier pas sera fait en direction du libre-échange, mais sur une base limitée et sectorielle toutefois. Le gouvernement préférera s'en tenir en la matière à la ligne de conduite qui avait été la sienne jusque là, et à ne voir dans le libre-échange qu'une option possible, que venait tempérer les considérations de souveraineté.
Ces changements s'inscrivent dans un environnement international nouveau, plus concurrentiel et davantage marqué par l'interdépendance plus grande des économies nationales, changements auxquels le gouvernement s'est efforcé de répondre en accordant plus d'importance à l'élément économique et à la gestion des relations bilatérales dans sa politique étrangère. Ils s'inscrivent aussi dans le contexte d'une période, "l'une des périodes les plus agitées de l'histoire canadienne" (Canada, 1985), qui fut marquée par une crise profonde sur le plan économique et sur le plan constitutionnel.
* Adoptant une approche beaucoup plus libérale, soucieux aussi de refaire l'unité du pays et de renouer des relations plus cordiales avec les États-Unis, le gouvernement conservateur procédera rapidement après son élection en 1984 à un réexamen de la politique économique, puis de la politique étrangère du Canada. Le Programme de renouveau économique (Canada, 1984) établira les nouvelles priorités du gouvernement en matière économique, mettant en particulier l'accent sur la réduction du déficit budgétaire et la suppression des "obstacles opposés par les pouvoirs publics à l'initiative privée". Le gouvernement procédera de même en matière de politique étrangère en publiant, au printemps de 1985, un livre vert, Compétitivité et sécurité, accordant désormais la priorité aux questions économiques et aux relations bilatérales avec les États-Unis en matière de politique étrangère.
Parallèlement à ces négociations, le Canada participera activement, durant cette période, au nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales, le huitième du genre depuis la signature en 1947 de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, mieux connu sous son acronyme anglais de GATT. Ces négociations, officiellement lancées à Punta del Este (Uruguay) en 1986, furent les plus difficiles, les plus ambitieuses et les plus complexes jamais tenues dans le cadre de cette institution. Définitivement entérinées avec la signature, le 15 avril 1994 à Marrakech, de l'accord final, ces négociations marquent un nouveau tournant dans l'évolution des relations économiques internationales, avec entre autres la création de l'Organisation mondiale du Commerce. Lors de ces négociations, le Canada s'était surtout donné pour objectif, comme il l'avait fait dans le cas des négociations bilatérales avec les États-Unis, d'améliorer et d'élargir l'accès des marchés étrangers aux produits canadiens (particulièrement dans les domaines de l'agro-alimentaire, des ressources naturelles, des transports et des communications, de la haute technologie et des services), d'améliorer les règles multilatérales en matière de concurrence et de règlement des différends, et, par la suite, de donner un caractère plus stable au système multilatéral du commerce en se faisant l'ardent avocat d'une véritable organisation mondiale du commerce.
* De retour au pouvoir en 1993, le gouvernement du parti libéral du Canada a procédé récemment à un nouvel examen de la politique étrangère. Publié en février 1995, l'énoncé de politique étrangère, Le Canada dans le monde, s'inscrit dans une très grande mesure en continuité avec la politique du gouvernement antérieur, notamment en ce qui a trait à
1deg.. définir plus clairement les priorités économiques globales, principalement en ce qui concerne les marchés pour les exportations canadiennes, et obtenir un accès plus large aux marchés traditionnels tout en intensifiant les liens économiques avec les marchés étrangers à forte croissance ;
2deg.. élaborer des moyens de cibler plus efficacement les programmes publics et les ressources afin d'aider les entreprises canadiennes ;
3deg.. promouvoir un environnement économique national propice à une croissance fondées sur les exportations (GATT, 1995, vol.1, 39-40).
De ce rapide survol historique, il ressort deux choses : tout d'abord, que le virage résolument libre-échangiste pris pendant la dernière décennie par la politique commerciale canadienne contraste fortement avec l'approche prudente et progressive des années antérieures en la matière ; ensuite, que la politique d'ouverture des années quatre
vingts s'est tdédoublée d'une politique, aujourd'hui bien ciblée, de promotion des exportations (et des investissements) orientée à la fois vers le secteur privé et vers certains partenaires-clés. Ces deux changements n'ont pas été sans conséquences sur le cadre institutionnel, de même que sur les différents instruments sur lesquels cette politique commerciale s'appuie comme nous allons le préciser maintenant.
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Les autres intervenants
D'autres ministères sectoriels sont aussi amenés à intervenir, que ce soit dans l'administration des lois commerciales, dans le cadre des activités propres à leur ministère ou encore dans le cadre des consultations interministérielles. Parmi ceux-ci, il faut tout d'abord mentionner Revenu Canada.
À l'exception de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation[22], Revenu Canada veille à l'administration quotidienne des lois commerciales canadiennes. Le ministère est, entre autres, chargé de la perception des taxes et droits sur les produits soumis à imposition. Il vérifie également l'origine, la valeur et la description des marchandises. Ilrevient aussi au ministère de faire enquête, le cas échéant, sur les pratiques commerciales déloyales telles que le dumping (et, au besoin, en prenant des mesures correctives), et de participer à la protection des frontières, que ce soit en empêchant l'entrée de marchandises illégales (par exemple, les drogues illicites) ou peu sûres et d'individus dangereux (tels que les terroristes). Il contrôle en outre l'entrée des marchandises assujetties à des restrictions d'importation.
Les relations fédérales-provinciales en matière de politique commerciale
En vertu de la Constitution canadienne, le Parlement fédéral est seul compétent <<pour réglementer le trafic et le commerce>> et légiférer sur les questions intéressant l'économie dans son ensemble, comme par exemple celles ayant trait à la concurrence. Ainsi que nous l'avons noté plus haut, le gouvernement fédéral est néanmoins tenu de mener des consultations étroites avec les provinces et les territoires. Celles-ci ont d'ailleurs connu ces dernières années une ampleur sans précédent en raison, notamment dans le cadre des négociations commerciales de l'ALE, de l'ALENA et du Cycle d'Uruguay.
Les instruments de la politique commerciale
La tarification des importations a historiquement constitué le fondement de la politique commerciale canadienne. L'élargissement des fonctions de l'État a entraîné l'ajout de nouveaux instruments à la politique commerciale, qu'il s'agisse d'instruments de réglementation, de promotion ou de soutien. D'une façon générale, les observateurs s'accordent à dire qu'en raison des accords internationaux signés, les tarifs douaniers n'ont aujourd'hui qu'une portée très limitée[25], et que la politique commerciale du Canada a aujourd'hui davantage pour objet de promouvoir la présence canadienne dans le monde que de réglementer ses échanges internationaux. Le champ de juridiction des accords internationaux s'est aussi trouvé étendu à des domaines nouveaux, comme les marchés publics, la propriété intellectuelle, les services financiers ou les lois en matière de concurrence.
Nous aborderons successivement quatre points dans cette section : 1deg.. le régime tarifaire ; 2deg.. les autres instruments de contrôle des importations ; 3deg.. Le financement et le soutien des exportations ; et, 4deg.. les marchés publics, les investissements internationaux et la protection de la propriété intellectuelle.
Le régime tarifaire
Les lois (et les règlements) s'appliquant au commerce ont connu ces dernières années d'importants changements consécutifs aux engagements souscrits par le Canada, que ce soit dans le cadre de l'ALENA ou dans le cadre des accords commerciaux multilatéraux. Les lois pouvant s'appliquer au commerce sont extrêmement nombreuses, néanmoins celui-ci est principalement régi par les quatre grandes lois déjà mentionnées : le Tarif des douanes, la Loi sur les douanes, la Loi sur les licences d'exportation et d'importation et la Loi sur les mesures spéciales d'importation.
Les droits sont pour la plupart (près de 95 %) ad valorem ; ils peuvent aussi être, dans certains cas, spécifiques, composites ou mixtes.
En 1993, seulement 17 pour cent des importations canadiennes provenaient de pays soumis au Tarif NPF, alors que près de 70 % des importations provenaient de pays avec lesquels le Canada avait signé des accords commerciaux, et que 13 % environ des importations bénéficiaient d'un traitement préférentiel (GATT, 1995). L'élimination bilatérale des droits entre les États-Unis et le Canada, au titre de l'ALE, devrait être complétée d'ici le 1er janvier 1998. L'élimination des tarifs prévue par l'ALENA prendra plus de temps, l'accord n'étant en vigueur que depuis le 1er janvier 1994. En 1994, le taux moyen (non pondéré) des droits applicables aux importations était de 3,6 % dans le cas
des produits en provenance du Mexique, et de 2,2 % dans le cas des produits en provenance des États-Unis ; il était de 4 % et de 8,6 % pour les produits assujettis, respectivement, au TPG et au TNPF[30].
Pour des raisons d'ordre historique ou géographique, le Canada accorde aussi certains traitements tarifaires particuliers. Il y en a cinq : le Tarif de préférence britannique (TPB)[31], le Tarif de faveur pour les pays les moins développés[32], le Tarif CARIBCAN[33], le Tarif de l'Australie et le Tarif de la Nouvelle-Zélande[34].
Les produits en provenance des pays qui ne sont pas Partie contractante au GATT ou qui ne bénéficient pas d'un accord bilatéral ou d'une préférence tarifaire particulière, se voient automatiquement appliquer le Tarif général.
Le champ couvert par les programmes de réductions et d'exonérations tarifaires ou de drawbacks est très large, puisqu'ils couvrent des produits entrant dans la fabrication de produits canadiens[35] qui peuvent être destinés aussi bien à la consommation intérieure qu'aux marchés d'exportation, comme le Programme de perfectionnement actif et le Programme de drawbacks à l'exportation[36]. Certains programmes sont généraux, comme le Programme des machines les machines et matériels qui accorde une remise des droits de douane et d'une partie des droits d'accise sur les machines, l'outillage et les pièces importées ne sont pas fabriqués ou qui n'ont pas d'équivalent raisonnable au Canada. D'autres sont plus spécifiques, comme par exemple ceux qui concernent les produits destinés à la fabrication des produits chimiques et des plastiques (ou être classés comme tels), les véhicules automobiles et pièces d'automobile (relevant du Pacte de l'industrie automobile signé, en 1965, par le Canada et les États-Unis), ou encore les aéronefs civils et produits connexes (relevant de l'Accord sur le commerce des aéronefs civils).
Les autres formes de réglementation du commerce international
Les différents Cycles de négociation ont permis aux Parties contractantes à l'Accord général d'abaisser de manière substantielle les tarifs douaniers entre elles. Elles ont aussi permis d'améliorer considérablement les procédures en matière de réglementation non tarifaires et de contingentements. Sur ce point d'ailleurs, le dernier Cycle a permis de réaliser d'importants progrès, dans le domaine des produits agricoles notamment, où les systèmes de contingentements doivent être remplacés par des droits de douane ou des contingents tarifaires[37]. Les nouvelles règles en matière de différends commerciaux prévus dans le cadre de l'OMC, la signature de codes et de conventions internationaux, de même que les mécanismes prévus à cet effet dans les accords commerciaux bilatéraux ou régionaux ont permis d'apporter plus de transparence dans les relations commerciales, mais d'une façon générale, il n'en demeure pas moins que les dispositifs de réglementation non tarifaires, extrêmement nombreux et fort étendus, constituent actuellement l'une des zones grises du commerce international et l'une des formes les plus subtiles de néoprotectionnisme contre laquelle il est fort difficile pour un pays concerné de se défendre, sinon en prenant lui-même des mesures de rétorsion lorsqu'un préjudice grave est constaté. Les principales mesures de réglementation sont les suivantes : les mesures de prohibition et de contingentement, les mesures anti-dumping et compensatoires, et les mesures de sauvegarde.