Cours droit fond commerce : les règles du bail commercial et du fonds de commerce
1er partie : LES NOUVELLES REGLES DU BAIL COMMERCIAL
Un aperçu général permettra de mieux appréhender les règles relatives aux parties à la vie du contrat de bail et à sa résiliation.
I - Aperçu général
1- Confirmation de l'élargissement du bail commercial
L'Acte uniforme de 1997 avait déjà opéré un élargissement très net du bail commercial à « toute activité commerciale, industrielle, artisanale ou professionnelle», mais n'avait pas osé en modifier l'appellation. L'évolution entamée est aujourd'hui achevée puisque l'intitulé du titre I du livre III a changé : désormais, il faut parler de bail à usage professionnel.
Quelle est l'ampleur de cet élargissement ?
D'abord, il est conceptuel, le bail est déconnecté de ses origines commerciales pour ne s'attacher qu'à sa fonction d'élément stabilisateur de l'entreprise. Ce n'est qu'un bail à usage professionnel.
L'élargissement est ensuite matériel : le nouveau statut s'applique à « toute autre activité » quelle qu'elle soit dès lors qu'elle est « professionnelle ».
L'élargissement est enfin territorial puisque l'exigence (jamais mise en oeuvre) de la localisation dans une ville de 5000 habitants a disparu. Il convient d'ajouter que le nouveau bail peut être conclu par un entreprenant.
2- La désignation de la juridiction compétente
Cette question a soulevé beaucoup de débat compte tenu des différences dans l'organisation judiciaire des Etats parties. S'agit — il du juge des référés ou du juge statuant au fond ? Le législateur tranche en faveur de la juridiction territorialement compétente statuant à bref délai. Cette solution se retrouve dans les articles 106, 107, 111, 117, 120, 122. . . La solution a le mérite d'être claire mais il y a lieu de se demander si il est sage de confier le règlement de toutes les questions y compris celles de fond à une juridiction statuant à bref délai.
3- Précision des procédures d'information des parties
Dans tous les articles où il est fait référence à l'acte extrajudiciaire sans autre indication, le législateur apporte de nouvelles précisons en préférant la « signification d'huissier de justice » ou la « notification par tous moyens permettant d'établir la réception effective par le destinataire ». Une telle préoccupation est facilement compréhensible, le souci étant de trouver pour la diversité des Etats parties et donc des systèmes judiciaires le plus grand dénominateur commun. Cette formulation générique permet également d'éviter que le juge n'annule pour respect des formes un congé donné par lettre recommandée avec accusé de réception.
4- La réaffirmation des caractères essentiels du bail
Traditionnellement, deux mécanismes se côtoient dans « le bail commercial » : le contrat de bail et le statut de bail. Le législateur n'a pas modifié l'équilibre entre les deux exigences :
d'une part, toutes les dispositions déclarées d'ordre public dans l'ancien article 102 sont restées d'ordre public, de plus, le nouvel article 123 alinéa 2 précise bien qu' « aucune stipulation du contrat ne peut faire échec au droit au renouvellement » ;
d'autre part, le législateur introduit trois nouvelles dispositions qui démontrent bien son attachement au caractère conventionnel du nouveau bail à usage professionnel. Premièrement, les parties peuvent décider de ne pas porter leurs contestations devant la juridiction compétente statuant à bref délai mais devant un arbitre
. Deuxièmement, l'article 133 rappelle au preneur et au bailleur qu'ils sont tenus tous les deux de respecter les stipulations du contrat sous peine de résiliation.
Troisièmement, le législateur reconnaît l'effet automatique des clauses résolutoires de plein droit et réduit en conséquence le rôle du juge à un simple constat. (article 133 alinéa 4).
II- Les parties au contrat de bail
Le contrat de bail met en relation un bailleur et un preneur. Les nouvelles dispositions donnent des précisions pertinentes sur la qualité des parties, leurs obligations et les modalités de révision du loyer
1- La qualité des parties
En général, c'est le propriétaire d'un immeuble qui le donne à bail. Mais en pratique, il peut arriver que le bailleur ne soit pas directement le propriétaire mais comme le précise le nouvel article 103 « une personne investie par la loi ou une convention du droit de donner en location tout où partie de l'immeuble » cette précision est réaliste, elle vise à englober notamment les mandataires légaux ou de justice ainsi que ceux désignés par le propriétaire pour le représenter.
C'est le locataire, celui qui il peut être un commerçant ou simplement un professionnel. Le nouveau texte ajoute qu'il peut être entreprenant
2- Les obligations des parties
« Le contrat de bail est celui par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige à le payer » (article 1709 du code civil). Le bailleur concède la jouissance des locaux, le locataire exploite les lieux loués conformément à leur destination et paye le loyer.
Le nouveau texte ne modifie pas ses obligations, il les reformule s'agissant aussi bien des obligations du bailleur que de celles du preneur.
a- Le bailleur
Les nouvelles règles concernent ce que le législateur appelle lui-même « la cessation du droit du bailleur sur les locaux donnés à bail ». L'ancien article 78 se contentait d'énoncer que le bail ne prend pas fin par la vente des locaux donnés à bail en oubliant le cas de la donation de l'expropriation ou de l'apport en société. Dorénavant, le législateur prend en compte toutes ces hypothèses qui peuvent être englobées dans la cessation des droits du bailleur sur les locaux donnés à bail.
b- Le preneur
Comme il a déjà été dit le preneur s'acquitte des loyers et entretient les locaux.
Le législateur lui offre la possibilité de payer par voie électronique ou par correspondance ( article 112 al2).
Dans l'ancien article 81 le législateur distinguait les deux situations sans en tirer une véritable conséquence juridique. Aux termes du nouvel l'article 113 il y a d'une part l'adjonction d'activités connexes ou complémentaires à l'activité prévue au contrat. Dans cette hypothèse, l'obligation du preneur consiste à aviser expressément le bailleur, celui — ci ne peut s'y opposer que pour des motifs graves.
D'autre part, le changement de l'activité prévu au contrat. Pour ce changement considéré comme plus important, il faut l'accord préalable et exprès du bailleur. Le bailleur conserve la faculté de s'opposer mais il ne pourra le faire que pour des motifs sérieux. Le législateur semble établir une gradation entre les motifs graves et les motifs sérieux. Cependant, les éléments de cette gradation ne résultent pas clairement des textes.
3- Les modalités de révision du loyer
La révision des loyers est en principe laissée à la volonté des parties. L'ancien article 84 al 2 contenait une règle supplétive selon laquelle le loyer est révisable à l'expiration de chaque période triennale. Le nouvel article 116 a12 n'impose plus la période de trois ans, c'est aux parties de préciser pour combien de temps elles souhaitent renouveler leur bail et pendant combien de temps le loyer révisé sera valable.
III - La vie du contrat de bail
La vie du contrat bail commence par la prise d'effet, elle peut se poursuivre par la cession du bail, par son renouvellement ou sa résiliation.
1- La prise d'effet
2- La cession du bail
La nouveauté qu'il convient de relever c'est la distinction entre deux types de cession. La cession consécutive à une cession d'activité, le législateur aurait pu parler de cession d'entreprise. Dans cette cession et aux termes de l'article 118 si le preneur cède le bail et la totalité des éléments permettant l'activité dans les lieux loués, la cession s'impose au bailleur. Dans ce cas le bailleur dispose d'un délai d'un mois à compter de la signification ou de la notification qui lui est faite pour s'opposer à cette cession. Il doit pour cela invoquer des motifs légitimes et sérieux. Comme par exemple le non paiement du loyer.
Cette peut s'analyser comme une cession légale de plein droit à laquelle seuls les motifs sérieux et légitimes du bailleur peuvent faire échec. La question pourra se poser de savoir faudra-t-il réserver aux clauses d'incessibilité ou aux clauses d'agrément du cessionnaire aux termes desquelles la cession du bail est subordonnée à l'accord du bailleur.
Lorsque la cession du bail n'est pas consécutive à une cession d'activité c'est-à-dire lorsque le preneur cède le bail seul ou avec une partie des éléments permettant l'activité il devrait requérir l'accord préalable du bailleur qui dispose d'un délai d'un mois pour communiquer au preneur son acceptation ou son refus. S'il laisse passer ce délai sans rien dire, son silence est considéré comme valant acceptation de la cession.
3- Le renouvellement du bail
a- Affirmation d'un droit au renouvellement au profit du preneur
b- Obligation pour les parties de prévoir la durée du préavis
Aux termes de l'article 123 al. 4 la durée du préavis doit être prévue par les parties lorsque le renouvellement est fait pour une durée indéterminée. La durée ainsi prévu ne peut être inférieure à six mois.
c- Forme du congé et de l'opposition au congé Voir supra page 2
d- Faculté de s'opposer au droit au renouvellement
Le bailleur conserve le droit de s'opposer au renouvellement, les textes y relatifs sont restés identiques.
IV La résiliation du bail
1- La déjudiciarisation de la résiliation ?
Le terme judiciaire a disparu de l'intitulé du Chapitre VII consacré à la résiliation du bail. L'exigence d'une résiliation judiciaire constituait une source intarissable de litiges et de mécontentements des propriétaires que les nombreuses décisions déjà rendues n'avaient pas réussi à dissiper.
Est-ce que la résiliation peut être amiable alors que l'article 133 alinéa 2 semble avoir établi une procédure impérative ? Selon ce texte d'ordre public, « La demande en justice aux fins de résiliation du bail doit être précédée d'une mise en demeure... ». Cela contraste avec le contenu de l'article 132 qui semble beaucoup plus libéral puisqu'il suggère aux parties la possibilité de s'affranchir des services du juge..
2- Le contenu de la mise en demeure
Il faut se réjouir du contenu de la mise en demeure qui cesse d'être mécanique, elle ne reproduit formellement plus les termes de la loi, elle doit indiquer la ou les clauses et conditions et conditions du bail non respectées et informer le destinataire qu'à défaut de s'exécuter dans un délai d"un mois à compter de sa réception, la juridiction compétente statuant à bref délai est saisie aux fins de résiliation du bail et d'expulsion.. ».
Par ailleurs, le texte 133 semble réserver cette procédure à la résiliation par le bailleur même si son alinéa 1 er laissait penser le contraire.
2ème partie Les nouvelles dispositions relatives au fonds de commerce
Les dispositions véritablement nouvelles sont rares (article 138 alinéa 4 relatif à la redevance que doit payer le locataire-gérant et article 164 alinéa 2 relatif à la surenchère). Il faut avoir à l'esprit que les textes relatifs au fonds de commerce ne suscitent pas autant de litiges que ceux relatifs au bail commercial. On pourrait regretter que le législateur n'ait pas retenu l'idée de création d'un fonds artisanal.
I - la définition du fonds de commerce
La définition n'a pas changé mais elle a été réajustée. La notion nouvelle de fonds commercial empruntée aux comptables a disparu formellement mais l'idée utile d'un noyau dur a été conservée. Le fonds de commerce comprend « nécessairement » non plus « obligatoirement » les éléments essentiels que sont la clientèle et l'enseigne ou la clientèle et le nom commercial.
Il — La location gérance du fonds de commerce
1-La définition de la location gérance
Même si le législateur n'a pas voulu lui consacrer un article propre, la location gérance a enfin une définition complète qui inclut le paiement du loyer par le locataire gérant.
2-Les obligations des parties
Le législateur s'est attardé sur le contenu du loyer en distinguant un loyer correspondant à la jouissance des locaux et un loyer correspondant à la jouissance des éléments du fonds de commerce qui sont déterminés séparément.
Par ailleurs, le législateur a réglé la question de savoir qui doit supporter les frais de publicité qui sont dus au début ou à la fin de la location gérance.
3-Les conditions de la location gérance
Les conditions de la location gérance ont été réécrites notamment la condition dite de stage. La personne qui concède une location gérance doit avoir exploité le fonds. La durée de cette ne peut plus être inférieur à un an (article 142).
III- La cession du fonds de commerce
1-L'objet de la cession
Deux conditions doivent être remplies pour que la cession du fonds puisse être réalisée : il faut non seulement que la cession porte sur les éléments essentiels du fonds de commerce mais aussi que ces éléments soient cédés simultanément et non séparément. Ces deux exigences ne peuvent écartées même par des stipulations expresses du contrat de cession.