Document de formation detaille pour s’introduire au patrimoine culturel et ses composantes
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Introduction
Comme le dit le préambule du mémorandum du programme conjoint «Le patrimoine culturel et les industries créatives comme vecteurs de développement au Maroc», le Maroc est doté, en plus d’une situation géographique qui le privilégie, d’une culture riche, authentique et diversifiée, dont le potentiel, comme levier du développement économique et social, est sous-exploité. Il a donc été décidé de tirer profit de ce gisement de richesses pour accorder au patrimoine culturel une place de choix dans les politiques et les stratégies de développement humain et de lutte contre la précarité et la pauvreté. Cela passe par la création de conditions organisationnelles qui soient en mesure d’améliorer les conditions d’existence, de protéger et de revaloriser le patrimoine culturel pour qu’il soit mis en œuvre au service du développement humain. Pour ce faire, ledit programme s’appuie sur quatre principaux résultats.
Le premier stipule que les atouts du patrimoine culturel dans le développement économique et social sont reconnus et intégrés dans une stratégie nationale à élaborer.
A ce propos, on soulignera que le patrimoine culturel se caractérise par sa grande diversité, son authenticité et son potentiel social et économique élevé. Or, ce potentiel est doublement pénalisé, d’une part de l’extérieur parce qu’il est fortement méconnu de ceux qui seraient venus justement pour le découvrir et l’apprécier à sa juste valeur ; d’autre part de l’intérieur, parce qu’il n’est pas suffisamment reconnu par les populations et les différents acteurs locaux qui ne font rien, ou peu, pour le valoriser.
De fait, en raison notamment de la vocation touristique du Maroc, celui-ci a tout à gagner en accordant, de manière efficace, davantage d’intérêt à la culture en général et au patrimoine culturel en particulier. En outre, un tel intérêt pour le patrimoine culturel doit concrètement s’inscrire dans une perspective de conservation, de gestion et de valorisation, tout en le préservant des méfaits de la modernisation, de l’urbanisation et de la mondialisation, lesquels engendrent des changements rapides dans les modes de vie.
Il va sans dire qu’au Maroc, la mission de la protection et la valorisation du patrimoine culturel incombe à tous, mais d’abord au département ministériel en charge de la culture. Or, pour accomplir cette mission, ce département se trouve handicapé par la modestie du budget qui lui est alloué. Outre cette faiblesse, plusieurs facteurs limitent les perspectives d’amélioration et de développement du patrimoine culturel, notamment la non compréhension de sa problématique due aux mutations socio-économiques. Mais définir clairement le patrimoine culturel et ses différentes composantes est une tache primordiale pour arriver à une compréhension satisfaisante et dissiper la confusion que l’absence de cette compréhension peut induire auprès des différents intervenants.
Mais, d’emblée, la question qui revient est de savoir comment optimiser l’impact de ce patrimoine sur la société ? Il faudrait, en effet, œuvrer pour la mise en valeur de ce
patrimoine et faire en sorte que son développement puisse contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations et à la lutte contre la pauvreté et la précarité qui prévalent dans une partie de la société marocaine.
Cet impact est censé être positif, dans la mesure où ce patrimoine est utilisé à bon escient. Pour ce faire, il est impératif de mettre en œuvre une batterie de mesures à même d’atteindre cet objectif. C’est justement ce à quoi est destiné le programme
«MDG-F Culture Maroc».
Dans cette perspective, une mise à plat concernant le patrimoine culturel, sa définition et l’identification de ses multiples composantes vient en amont de tout le travail d’envergure visant la mise en œuvre dudit programme. C’est en cela même que consiste l’activité 5 du produit 1 du PCC, qui vise l’élaboration d’une définition consensuelle du patrimoine culturel marocain et l’énumération de ses différentes composantes.
A cet effet, il ne s’agira pas de faire table rase des acquis en la matière, mais tout simplement d’envisager une restructuration de ces acquis en adoptant, dans la mesure du possible, un document consensuel de référence définissant le patrimoine culturel et ses composantes…
Méthodologie
Notion de consensus
Le consensus autour d’une définition du patrimoine culturel au Maroc implique un concept que partage la majorité des acteurs concernés par la question du patrimoine culturel au Maroc et qui répond à leurs attentes. Il s’agit d’un chantier éminemment vaste, mais nécessaire, pour enclencher un processus de développement créant de la synergie entre les créateurs, les producteurs, les distributeurs, les bailleurs de fonds, les responsables du patrimoine culturel…
Un consensus partagé, c’est la compréhension de la part des acteurs concernés de ce qui les relie mais aussi de ce qui les sépare.
Le travail sur la définition consensuelle consiste en l’identification des points de rencontre entre les acteurs. Une définition consensuelle, c’est aussi l’identification des points d’achoppement, s’ils existent, entre les visions des uns et des autres afin d’œuvrer à les aplanir. La mise à plat de ce qui réunit, mais aussi de ce qui sépare, permet d’anticiper les conflits et de travailler à leur résolution.
Ainsi, sans vouloir anticiper sur les résultats de l’étude, il y a généralement deux points de vue qui, potentiellement, pourraient contenir une tension, sinon un antagonisme
: celui des professionnels du patrimoine culturel qui ont, prioritairement, le souci de sa préservation, et celui des «managers» qui ont, eux, l’objectif de son exploitation pécuniaire. D’ailleurs, certains débats actuels, autour des riad de Marrakech, illustrent ce propos. Nous donnerons comme exemple les investisseurs qui creusent des piscines, transforment des bâtisses pour répondre selon eux aux exigences de la demande, mais qui, selon les professionnels du patrimoine culturel, dénaturent celui-ci.
Ce travail sur la définition consensuelle du patrimoine culturel devra intégrer cette vision plurielle et identifier les points de convergence, les malentendus résultant d’une communication défaillante, et enfin les points de divergence réelle, étayés par les
enjeux et les stratégies des uns et des autres. Il devra in fine permettre l’établissement d’une frontière entre ce qui est patrimonial et ce qui ne l’est pas.
Collecte de données
Il aurait été souhaitable de disposer de davantage de temps pour travailler avec un panel d’acteurs en vue de garantir une contribution la plus large possible, à même de fédérer le maximum d’intervenants. Mais, les engagements du programme «MDG-F Culture Maroc» sont tels que toutes ses activités doivent être établies en un temps très restreint. C’est en tout cas, la perspective dans laquelle nous nous sommes engagés à mener le travail inhérent à l’activité 5 du produit 1 du PCC. Cette activité consiste, faut-il le rappeler, en l’élaboration d’une définition consensuelle du patrimoine culturel marocain qui énumérerait ses différentes composantes.
Nous sommes partis du principe que la culture en général et le patrimoine culturel en particulier sont de nature transversale et intersectorielle et doivent par conséquent susciter la convergence de tous les intervenants quels qu’ils soient, particuliers ou institutionnels. Il s’agit donc d’un secteur qui doit fédérer tous les acteurs parce que justement ils s’y retrouvent.
Cela concerne, tout d’abord, le département de la culture qui est, eu égard à ses attributions gouvernementales, investi de la mission de conservation, préservation et mise en valeur du patrimoine culturel national. Il est ainsi considéré, à juste titre, comme le garant de ce secteur et doit, dans notre démarche, être en conséquence traité avec égard.
Cela concerne ensuite d’autres départements :
- le département du tourisme qui a une importance majeure, étant données les nouvelles orientations de la politique économique nationale, précisément parce que que celle-ci est basée notamment sur une stratégie touristique offensive qui fait évidemment du patrimoine culturel un secteur à rentabiliser ;
- Ren
- le département de l’artisanat qui dans sa politique prospective, table sur les produits artisanaux à fort potentiel Or ces derniers sont tributaires surtout d’un savoir-faire artisanal ancestral et par conséquent patrimonial ;
- le département de l’habitat, de l’urbanisme et de l’aménagement de l’espace (MHUE, en charge d’un secteur qui renvoie au patrimoine culturel, notamment dans la dimension monumentale qu’incarnent les médina, les ksour, les kasbah ;
- le département de l’intérieur qui est approché au travers de l’ADER-Fès et l’INDH. D’abord l’ADER-Fès, parce qu’elle est en charge de la réhabilitation de la médina de Fès, classée patrimoine mondial, et des savoirs et savoir-faire ancestraux. Ensuite l’INDH, car il s’agit d’un programme qui a comme objectif fondamental la lutte contre la pauvreté et qui, en soutenant des couturières artisanales, par exemple, contribue à la sauvegarde d’un savoir-faire ancien ;
- le département de l’enseignement supérieur, pour avoir dédié tout un pôle de compétences au patrimoine culturel ;
- le Haut Commissariat au plan (HCP) qui est chargé, entre autres, de produire une base de données autour des préoccupations centrales de la politique économique. Il est interpellé, en conséquence, dans ce cadre, pour tenir compte, d’une manière ou d’une autre, du patrimoine culturel et de ses atouts ;
- le département de l’économie et des finances qui, en raison de ses attributions, décide des budgets aux différents départements, dont celui de la culture. Il se trouve en amont des dépenses relatives au patrimoine culturel. C’est donc un intervenant déterminant à rallier !
Cela étant, le patrimoine culturel, il faut le rappeler, est un secteur qui doit interpeller nombre d’intervenants. C’est sur la base de ce postulat que s’organise notre démarche. Outre les représentants de l’état, nous avons donc essayé, dans la mesure du possible, d’approcher aussi bien des responsables d’ONG, que des universitaires, des artisans et des étudiants…
Pour ce faire, nous avons multiplié les entretiens et les questionnaires : personnalités et simples citoyens y ont remarquablement répondu.
Les questions, en entretien direct ou par voie électronique ont tourné autour des points suivants :
- Définition personnelle du patrimoine culturel ?
- Quelles sont ses composantes ?
- la définition établie par l’UNESCO donne t-elle satisfaction ? Si non, pourquoi ?
-
Le patrimoine culturel génère-t-il du développement ?
- Exemple réussi au Maroc ?
- Exemple réussi à l’étranger ?
Mais auparavant, un état de lieux est dressé en ce qui concerne notamment les départements ministériels concernés. Nous avons ainsi cherché à diagnostiquer l’état de la question du patrimoine culturel, dans ces départements, par le biais d’une analyse de la situation et ce, selon le canevas suivant :
- La notion du patrimoine culturel est-elle appréhendée ?
- Si oui, existe-t-il une définition correspondante ?
- Si oui, cette définition est-elle explicite ?
- Si oui, existe-t-il un document lui faisant référence ?
- Si non, cette définition est-elle implicite ?
- Si oui, la définition est-elle déductible à partir des composantes ?
- Si oui, lister les composantes en
Etat des lieux et interprétation des données des enquêtes Chez les institutionnels
Département de la culture
Vu le décret n° 2-06-328 du 18 chaabane 1427 (10 novembre 2006) fixant les attributions et l’organisation du Ministère de la culture, celui-ci est investi, entre autres, de la mission de poursuivre et d’intensifier, par les moyens appropriés, toute action et mesure tendant à la conservation, la préservation et la mise en valeur du patrimoine culturel national. Ainsi, pour la mise en œuvre de cette mission, ce département est doté d’un instrument administratif, la Direction du patrimoine culturel, qui est chargée, en vertu du même décret, de veiller à la protection, la conservation, la restauration, l’entretien et la promotion du patrimoine architectural, archéologique, ethnographique et muséologique ainsi que les différentes richesses artistiques nationales. De fait, la mission de cette direction consiste à :
- entreprendre des études, des recherches et des enquêtes nécessaires à l’identification des éléments qui composent le patrimoine culturel et de prendre les mesures adéquates pour sa conservation et sa mise en valeur ;
- rassembler la documentation nécessaire pour dresser l’inventaire du patrimoine culturel matériel et immatériel ;
- préserver et sauvegarder le patrimoine national oral, les usages et coutumes, les arts et métiers traditionnels et les fonds sonores, et en faire connaître l’authenticité ;
- préserver et protéger le patrimoine muséologique ;
- entreprendre des études muséologiques, mettre en valeur les antiquités et les faire connaître ;
- veiller à l’application des textes législatifs et réglementaires régissant la conservation et la protection du patrimoine
Cela étant, force est de constater, qu’en dépit de ce dispositif juridique, il n’existe pas de document de référence stipulant et arrêtant explicitement la définition du patrimoine culturel. En revanche celui-ci et ses composantes ont une définition implicite, qui trouve son fondement dans les textes de loi en vigueur, à savoir :
- ledit décret, selon lequel on déduit que le patrimoine culturel est formé de deux composantes, l’une matérielle et l’autre immatérielle. La première correspond au patrimoine architectural, archéologique et muséologique, ainsi que les différentes richesses artistiques nationales. La seconde correspond au patrimoine national oral, composée des usages et coutumes, des arts et métiers traditionnels et des fonds sonores…
- la loi 22. 80, qui, selon son article premier, stipule que “les immeubles, par nature ou par destination, ainsi que les meubles, dont la conservation présente un intérêt particulier pour l’art, l’histoire ou la civilisation du Maroc peuvent faire l’objet d’une inscription ou d’un classement. Sont visés par cet article :
- les monuments historiques ou naturels ;
- les sites à caractère légendaire, historique, artistique, pittoresque ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général.Ils sont assimilés aux monuments historiques et comme tels susceptibles d’être inscrits ou classés, lorsqu’ils présentent un intérêt artistique, historique, légendaire, pittoresque ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général, les gravures et peintures rupestres, les pierres écrites et les inscriptions monumentales funéraires ou autres, à quelque époque qu’ils appartiennent, en quelque langue qu’elles soient écrites et quelles que soit les lignes ou formes qu’elles représentent (1° article 2) ;
- les objets mobiliers à caractère artistique, historique ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général (2° article 2).
Selon cette loi, le patrimoine culturel est l’ensemble des biens culturels allant du monument historique et sites aux inscriptions, aux objets d’art et d’antiquité présentant
«pour le Maroc, un intérêt historique, archéologique, anthropologique ou intéressant les sciences du passé et les sciences humaines en général…»
- la loi 19. 05, spécifique au mobilier, précise les dispositions de l’article premier de la loi 22.80 en ce qui concerne : «le mobilier dont les documents, les archives et les manuscrits qui, eu égard à leur nature archéologique, scientifique, artistique, esthétique ou artisanale, ont une valeur nationale ou universelle»
Selon cette loi, en plus de ce qui est stipulé dans la loi 22. 80, la nature archéologique, scientifique, artistique, esthétique ou artisanale que peut avoir le mobilier - dont les documents, les archives, et les manuscrits… - confère à ce mobilier la qualité de partie intégrante du patrimoine culturel.
Par ailleurs, sachant que le département de la culture est l’organisme de l’Etat responsable de ce secteur, il lui incombe de faire référence, dans sa gestion du patrimoine culturel, aux différentes chartes et conventions internationales dans ce domaine.
En effet, dans ces différents supports juridiques, la place qui revient à la définition du patrimoine culturel est primordiale. Ainsi :
- la Charte de Venise de 1964 (issue du deuxième congrès international des architectes et des techniciens des monuments historiques), dans son article premier, note que «la notion de monument historique comprend la création architecturale isolée aussi bien que le site urbain ou rural qui porte témoignage d’une civilisation particulière, d’une évolution significative ou d’un événement historique. Elle s’étend non seulement aux grandes créations, mais aussi aux œuvres modestes qui ont acquis avec le temps une signification culturelle» ;
- la Charte de Washington de 1987 (adoptée par l’assemblée générale d’ICOMOS, réunie à Washington en 1987) selon laquelle : «les villes du monde résultent d’un développement plus ou moins spontané ou d’un projet délibéré. Toutes sont donc les expressions matérielles de la diversité des sociétés à travers l’histoire et de ce fait toutes Cette charte concerne toutes les villes grandes ou petites et les
centres ou quartiers historiques, avec leur environnement naturel ou bâti, qui, outre leur qualité de document historique, expriment les valeurs propres aux civilisations urbaines traditionnelles» ;
-
la Convention de La Haye de 1954, portant sur la protection des biens culturels en cas de conflit armé, réserve une définition générale au patrimoine culturel dit «biens culturels». De ce fait, selon l’article premier, sont considérés comme biens culturels, quelles que soient leur origine ou leur propriété :
- les biens, meubles ou immeubles, qui présentent une grande importance pour le patrimoine culturel des peuples, tels que les monuments d’architecture, d’art ou d’histoire, religieux ou laïques, les sites archéologiques, les ensembles de constructions qui, en tant que tels, présentent un intérêt historique ou artistique, les œuvres d’art, les manuscrits, livres et autres objets d’intérêt artistique, historique ou archéologique, ainsi que les collections scientifiques et les collections importantes de livres, d’archives ou de reproductions desdits biens ;
- les édifices dont la destination principale et effective est de conserver ou d’exposer les biens culturels meubles ci-dessus définis, tels que les musées, les grandes bibliothèques, les dépôts d’archives, ainsi que les refuges destinés à abriter, en cas de conflit armé, les biens culturels meubles ci-dessus définis ;
- les centres comprenant un nombre considérable de biens culturels qui sont définis ci-dessus, dits «centres monumentaux».
- La Convention de Paris de 1972, portant sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, selon laquelle le patrimoine culturel consiste en :
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les monuments : oeuvres architecturales, de sculpture ou de peinture monumentales, éléments ou structures de caractère archéologique, inscriptions, grottes et groupes d’éléments, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;
- les ensembles : groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de l’histoire, de l’art ou de la science ;
- les sites : oeuvres de l’homme ou oeuvres conjuguées de l’homme et de la nature, ainsi que les zones, y compris les sites archéologiques, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique.
- la même convention (Paris, 1972), portant sur la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel, selon laquelle le patrimoine naturel est constitué :
– des monuments naturels constitués par des formations physiques et biologiques ou par des groupes de telles formations qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue esthétique ou scientifique ;
- des formations géologiques et physiographiques et des zones strictement délimitées constituant l'habitat d'espèces animales et végétales menacées, qui
ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la conservation ;
- des sites naturels ou des zones naturelles strictement délimitées, qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science, de la conservation ou de la beauté
Par ailleurs, les orientations devant guider la mise en œuvre de la Convention du patrimoine mondial (points 45 – 47) établissent que :
- des biens sont considérés patrimoine mixte culturel et naturel s’ils répondent à une partie ou à l’ensemble des définitions du patrimoine culturel et naturel ;
- les paysages culturels sont des biens culturels et représentent les «oeuvres conjuguées de l’homme et de la nature» (mentionnées à l’article 1 de la Convention) qui illustrent l’évolution de la société humaine et son établissement au cours du temps, sous l’influence de contraintes physiques et/ou des possibilités présentées par leur environnement naturel et des forces sociales, économiques et culturelles successives.
Cet arsenal juridique sera enrichi dès 2001 par la Convention sur la protection du patrimoine culturel subaquatique.
-
En effet, selon cette convention, le patrimoine culturel subaquatique consiste en toutes les traces d’existence humaine présentant un caractère culturel, historique ou archéologique qui sont immergées, partiellement ou totalement, périodiquement ou en permanence, depuis 100 ans au moins, et notamment :
- les sites, structures, bâtiments, objets et restes humains, ainsi que leur contexte archéologique et naturel ;
- les navires, aéronefs, autres véhicules ou toute partie de ceux-ci, avec leur cargaison ou autre contenu, ainsi que leur contexte archéologique et naturel ;
- les objets de caractère préhistorique.
En outre, depuis 2003, le patrimoine culturel ne se limite plus à sa dimension tangible mais se prolonge pour recouvrir la dimension immatérielle. C’est dans ce contexte qu’est venue, sous l’égide de l’UNESCO, la Convention de 2003 de Paris, portant sur la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel.
- L’article 2 de cette convention arrête la définition inhérente au patrimoine culturel immatériel:
On entend par «patrimoine culturel immatériel» les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire - ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés - que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et de la créativité humaine. Aux fins de la présente Convention, seul sera
pris en considération le patrimoine culturel immatériel conforme aux instruments internationaux existants relatifs aux droits de l’homme, ainsi qu’à l’exigence du respect mutuel entre communautés, groupes et individus, et d’un développement durable. Il se manifeste dans :
- les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ;
- les arts du spectacle ;
- les pratiques sociales, rituels et événements festifs ;
- les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ;
- les savoir-faire liés à l’artisanat
En 2005, la culture en général et le patrimoine culturel sont mis davantage en valeur dans leur diversité et ce, avec l’adoption par l’UNESCO de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
- L’article 4 de cette convention relate et définit les différents aspects liés à la «diversité culturelle, le «contenu culturel», les «expressions culturelles» , les «activités, biens et services culturels», les «industries culturelles», les «politiques et mesures culturelles», la «protection» et à l’»interculturalité» renvoie à l’existence et à l’interaction équitable de diverses cultures ainsi qu’à la possibilité de générer des expressions culturelles partagées par le dialogue et le respect
Dès lors, les lois 22.80 et 19. 05 et le décret n° 2-06-328, ainsi que la nouvelle loi du patrimoine national (Activité 20 du PCC), qui est en cours de finalisation, en plus des chartes et des conventions internationales qui sont ratifiées par le Maroc, sont les textes juridiques de référence pour les services compétents du Ministère de la culture. Ainsi, une définition du patrimoine culturel qui serait implicitement en vigueur dans ce ministère pourrait se dégager des textes publiés le régissant et serait en phase avec les chartes et conventions internationales…
Département de l’artisanat
Le secteur de l’artisanat est un partenaire incontournable pour ce qui est de la problématique du patrimoine culturel. Vis-à-vis de ce dernier, la position du département de la culture est déduite à partir d’un corpus et des différents entretiens effectués avec ces acteurs. Cela permettra de dégager la définition du patrimoine culturel et de ses composantes, vus sous l’angle «artisanat».
Ainsi, selon plusieurs cadres du Ministère de l’artisanat, il n’y a pas de définition explicite du patrimoine culturel. Cependant la lecture du rapport «Vision 2015 de l’artisanat» permet de dégager une conception bien cadrée du patrimoine culturel dans sa relation à la production artisanale.
Il y a cependant chez les fonctionnaires et les artisans une conscience forte que l’artisan et l’artisanat représentent le «cœur», «l’âme», «la sève» du patrimoine. Le titre de la vision est en lui-même un programme ou un manifeste : «Vision 2015 de l’artisanat :
notre authenticité, moteur de notre essor. Contrat programme 2006-2015». La notion d’authenticité est donc au cœur de la stratégie.
L’artisanat se compose de deux sous-secteurs : artisanat de services et artisanat de production. Ce dernier se subdivise en deux sous-ensembles artisanat pour la demande locale ordinaire ou utilitaire (tables, chaussures…) et artisanat à «fort contenu culturel (FCC)». C’est ce dernier sous-ensemble qui représente, au sein de l’artisanat, la dimension patrimoine culturel.
En définitive, pour l’artisanat, la problématique des produits à FCC se traduit dans l’équation suivante :
Savoir-faire artisanal + design + authenticité = produits artisanaux à FCC pour
le marché haut de gamme.
Ce rapport ne précise pas le contenu de la notion d’authenticité, utilisée à trois reprises dans la Vision 2015 de l’artisanat et une fois dans le plan de développement régional de Fès. Cette notion est parfois accolée à la notion d’identité.
Ce rapport rappelle cependant que son souci majeur est la création d’emplois et la hausse des revenus. Du point de vue de la stratégie de l’artisanat, «la priorité de l’action du gouvernement est de créer des emplois additionnels». Bien entendu, comme le souligne un cadre du Ministère de l’artisanat, «ceci (nos préoccupations de production et d’emploi) n’exclut pas l’intérêt pour le patrimoine culturel, mais ce n’est pas la mission principale».
Ce même cadre souligne la diversité des objectifs des différents acteurs : l’artisan a comme objectif la production d’un objet destiné à la vente, l’artiste crée et son souci majeur relève de la catégorie du beau, le designer, quant à lui, a comme mission de faire le lien entre les besoins exprimés par une demande solvable et les capacités de production et de savoir-faire de l’artisan.
Entre les uns et les autres, il demeure que l’artisanat marocain - du moins dans sa dimension culturelle - relève du patrimoine culturel. C’est un point de vue consensuel. Dans quelle mesure la stratégie actuelle - la Vision 2015 - pour moderniser l’artisanat est-elle cohérente avec l’approche stipulée dans les conventions de l’UNESCO, notamment celle de 2003, ratifiée par le Maroc, et portant sur le patrimoine culturel immatériel ? La question reste posée.
Par ailleurs, les éventuelles composantes du patrimoine culturel, vues sous l’angle des responsables de l’artisanat, sont à chercher dans les différentes filières de ce qui est qualifié d’artisanat à «FCC» à savoir :
- décoration : tapis ; ustensiles en poterie et céramique, poufs en cuirs, lampes en fer forgé… ;
- ameublement : salles à manger en fer forgé, commodes et secrétaires en bois peint ou sculpté… ;
- bijouterie : colliers, bracelets et anneaux en or, argent et pierreries… ;
- habillement/accessoires : djellaba, babouches, ceintures, écharpes et autres produits du tissage et de la broderie… ;
- Bâtiment : zellij, plâtre sculpté, pierre taillée… ;
- Produits du terroir…
Département du tourisme
A l’instar du département de l’artisanat, celui du tourisme est également un partenaire important car le tourisme - sous certaines conditions - est un facteur de développement du patrimoine culturel. Nous l’avons approché en mettant en avant cette question récurrente : quels sont les éléments qui relèvent de la culture et du patrimoine culturel selon les acteurs du tourisme ?
Ainsi, pour apporter des réponses, nous nous sommes basés sur des entretiens et sur l’examen d’un corpus (cf. bibliographie).
Il est donc à relever, d’emblée, qu’il n‘y a pas de définition explicite du patrimoine culturel par les institutionnels du tourisme. On peut cependant constater la mise en avant, dans leurs plans, d’importantes composantes du patrimoine culturel, lesquels y sont considérés en tant que telles. Ces plans consistent en deux visions qui font du tourisme un secteur stratégique pour le Maroc. Ce secteur est en effet devenu une priorité nationale pour le développement du pays.
Ainsi, la première vison, celle dite «2010», a fixé des objectifs et des modalités précises pour arriver à 10 millions de touristes à l’horizon de 2010. Cette vision, entend développer non seulement le tourisme balnéaire mais aussi culturel. Un de ses objectifs consiste d’ailleurs en ce qu’on qualifie de plan de tourisme urbain, nommé Mada’in, qui se décline en programmes de développement régionaux touristiques (PDRT). Le premier de ceux-ci a été élaboré pour Fès, Agadir et Casablanca ont suivi, et d’autres plans sont en cours. Ces programmes, élaborés pour des destinations ayant déjà une notoriété internationale auraient besoin d’un repositionnement de leur image et de leur produit. Les PDRT précisent, pour chacune des villes, les modalités, les partenariats, le système de formation, les financements…, à mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés par la Vision 2010.
L’analyse du plan de développement régional du tourisme (PDRT) de Casablanca et de Fès, en tant que prototypes relevant du second axe de la Vision 2010, montre que sur les 41 ressources principales identifiées à Casablanca, «trois sont à caractère culturel, à savoir : la médina, le quartier des habous et le centre ville. Ces trois tissus sont considérés chacun comme une seule ressource mais abritent plusieurs éléments d’attrait».
Il en va de même pour le PDRT de Fès. Ce plan, selon la même démarche, fait état d’un nombre de ressources culturelles qui est supérieur à celui de Casablanca. Ainsi, sur les 90 ressources identifiées dans la destination, celles à caractère culturel prédominent (72 ressources au total : patrimoine, activités culturelles et manifestations humaines).