Cours d’introduction a la geographie urbaine enjeux et pratique
9.
Géographie urbaine
Micheline COSINSCHI et Jean-Bernard RACINE
Institut de Géographie
Université de Lausanne
Texte pour :
Les Concepts en géographie humaine, 4e éd., A.S. Bailly et al. (éds.), Masson, Paris, 1998.
La géographie urbaine s'occupe des dimensions spatiales du phénomène urbain (distribution, structure et processus) tel qu'il s'offre à l'observateur extérieur, tel aussi qu'il est vécu par les habitants de la terre. Traditionnellement occupé à “donner à voir” le territoire, son objet essentiel est la ville considérée comme un ensemble morphologique, physionomique, social et culturel différencié, fonctionnellement intégré dans un réseau hiérarchisé de complémentarité lui permettant d'organiser sa région et de l'intégrer dans l'économie globale. Le cas des villes des pays en voie de développement1 est particulier: elles sont le plus souvent encore greffées sur un réseau externe de complémentarité plutôt qu'à “l'intérieur”. La ville est aujourd’hui partout sinon dans sa matérialité, du moins comme fait de société. Elle est à la fois territoire et unité de vie collective, milieu et enjeu, cadre physique et nœud de relation entre les êtres sociaux.2
En proposant de distinguer la ville “comme” espace de la ville “dans” l'espace, les géographes en sont arrivés à considérer leur objet d'étude comme un “système à l'intérieur d'un système de villes”3. A l'évidence cependant, les visages de la ville, non plus simplement d'une ville à l'autre, selon sa taille ou ses fonctions, son histoire et le contexte économique, social et culturel dans lesquels elle a inscrit son développement, mais les visages de la ville au sein d'une seule et même ville, peuvent être extraordinairement variés, dissemblables et opposés, selon les individus concernés et les représentations sociales dans lesquelles ils inscrivent leurs pratiques, qui, constamment en transforment l'image et les significations.
Dans la profusion d'études consacrées à l'urbain et aux urbains, quelle est la spécificité de la géographie? Dès le début de son traité de géographie urbaine J.
Beaujeu-Garnier4 admettait le bien fondé de cette opinion de B.J. Berry5, principal animateur de la géographie urbaine américaine des années soixante: “les géographes, comme les autres scientifiques, se définissent moins par l'objet qu'ils étudient que par les concepts sur lesquels ils mettent l'accent”. On peut en conclure qu'une bonne présentation de la géographie urbaine doit s'appuyer sur une analyse de l'évolution de ses concepts et de leur progressive adoption (voire de leur abandon) par les spécialistes.
Ils l'ont fait, pour l'essentiel, dans le cadre ou en écho des connaissances et des pratiques de la géographie théorique et quantitative anglo-saxonne issue de la critique des paradigmes qui ont vu naître et se développer les premiers travaux des géographes consacrés aux villes. Il reste que la “voie de la tradition” est restée longtemps bien vivante en France, bien que vigoureusement contestée6 et souvent relayée par des travaux d'inspiration totalement différente, intégrant, voire dépassant les préoccupations de l'analyse spatiale7, paradigme qui met l'accent sur l'effet des processus d'interaction dans l'espace géographique. L'étude des mouvements conduisait ainsi à l'examen des réseaux et à leurs nœuds puis à l'étude de leur organisation hiérarchique et de l'espace qu'ils intègrent. Les ouvrages de S. Rimbert8, C. Chaline9 et P. Claval10, aux titres significatifs, en furent des témoignages importants avant que s'ouvre d'une part l'ère des études qui remettront “la qualité de la vie urbaine” et le sujet urbain, dans ses représentations comme dans ses pratiques quotidiennes, celles de l'expérience vécue, au centre des préoccupations, et d'autre part, les études explicitement systémiques de la “dynamique urbaine”.
1. La voix de la tradition : la vacance conceptuelle
Elle s'inscrit indiscutablement dans le paradigme déterministe11. Comme l'écrit R. Blanchard dans la préface de son étude sur Grenoble, premier classique de géographie urbaine: “le concept de base qui préside à cette étude est d'expliquer l'origine et le développement de la ville comme une fonction des conditions physiques de sa situation”. Et de confirmer dans sa conclusion: “Depuis ses origines jusqu'à ses extensions actuelles, Grenoble est une ville à la jonction de types de terrains, à la confluence de rivières. En dépit des changements humains, la nature garde ses droits, même sur un organisme12 aussi complexe qu'une ville”.
C'est dans cette perspective, pour laquelle les faits de position donnent la clé pour étudier les villes, leurs produits et leurs points d'intérêt — non plus en tant que faits isolés mais comme un ensemble cohérent et général de distributions, conséquences logiques de la position physique—, que s'inscrivent pendant de longues années les études identifiées au type “site et situation”. Elles s'articulent autour du concept clé de nodalité13, et font référence le plus généralement aux thèmes suivants: l'emplacement, à propos duquel on apprend à distinguer entre site14 et situation15, l'évolution, les fonctions, plus tardivement l'étude démographique et celle de la vie dans la ville, qui renvoie souvent à l'étude des quartiers. Ce n'est que beaucoup plus tard que l'on s'intéressera aux liens de la ville à la campagne et aux autres villes, et qu'apparaîtront dans les années 60, les concepts de zone d'influence16, d'armature urbaine17 et de réseau urbain18. Dans le même mouvement, ces études dépasseront progressivement le stade monographique pour s'engager dans des études thématiques. Approfondissement d'une part de l'étude desfonctions urbaines19, qui permet tout à la fois de préciser les rapports spécifiques entre une activité donnée et sa projection dans l'espace urbain et de dégager l'ensemble des relations de régulation économiques et sociales qui leur sont liées; préoccupations nouvelles pour l'action d'autre part, qui orientent la recherche sur les rythmes et les conditions de la croissance, sur l'inadéquation du contenant et du contenu et sur les problèmes (dans les centres villes en particulier) posés par l'organisation de nouveaux espaces urbains et leur intégration à un complexe vivant; études enfin sur les grands ensembles, les banlieues, les villes nouvelles, la circulation et l'approvisionnement.
Ce qu'il y a d'extraordinaire cependant c'est qu'en France du moins, ces études n'aboutissent longtemps à aucune généralisation, ne sont guidées par aucune théorie, alors que lorsque qu'on y pense aujourd'hui, on sent bien que sous la diversité des observations locales on pouvait trouver des régularités et que celles-ci obéissaient peut-être à un certain nombre de règles ou même de lois. Qu'elle reste marquée par le paradigme déterministe ou qu'en écho du développement même la géographie régionale classique elle s'inscrive plus explicitement dans le paradigmepossibiliste20, la géographie urbaine reste alors fondamentalement descriptive, résolument inductive, et perdant même progressivement, avec l'essor du possibilisme, ses ambitions explicatives.
En dépit de l'approfondissement progressif des études et de l'apparition de problèmes neufs, les grands manuels français parus entre 1960 et 1980 démontrent que la voie royale de la géographie urbaine fut celle de l'empirisme et de l'idiographisme21. On confond le général avec le fait de retenir tous les aspects de la question. La géographie urbaine reste à l'image d'une géographie riche en faits et en observations, mais qui n'attache malheureusement guère de poids aux principes et aux concepts et qui ne se pose guère de problèmes de recherche. Le poids de l'implicite dans des problématiques, qui ne s'énoncent d'ailleurs jamais, condamne cette géographie à une activité répétitive ne mettant en évidence que des messages à forte probabilité.
Certains concepts clés sont restés figés dans leur connotation déterministe. Ainsi ceux de site et situation qui pourtant, dans la géographie anglo-saxonne, s'étaient enrichis: la “situation se réfère à la localisation relative d'un lieu”, la référence à l'espace relatif22 mettant l'accent sur les coûts de déplacement d'un lieu à l'autre, le “site se référant aux attributs non topographiques des lieux, de leur attractivité par exemple”, aussi bien en termes d'emplois que d'aménités23 et ouvrant de ce fait sur les problématiques de l'analyse spatiale et de l'analyse behavioriste24.
D'autres concepts semblent bloquer ou enfermer la recherche sur les causalités, les mécanismes et les processus. On a certes commencé à parler de structure, mais à peine. Pour qui voulait aller au-delà des études urbaines fondées sur l'analyse des plans de ville, analyse dont l'importance avait été mise en évidence en France par P. Lavedan25, pour s'intéresser à l'espace, construit ou non, compris entre le réseau des rues, on préférait le concept de tissu urbain26, expression organique qui n'est heureuse que si on la garde dans les limites de l'analyse physionomique.
S'il y a de la “chair” dans l'organisme urbain, si “l'ossature du plan” conditionne le tissu urbain dans la mesure où c'est dans le cadre fixé par le plan urbain que s'inscrivent les nécessités des fonctions urbaines et que s'organisent la vie quotidienne27, il y a aussi du “sang” dans cet organisme et des flux de toutes sortes, intra et interurbains. Sans eux, la vie serait impossible. Ils font, en définitive, qu'audelà de l'architectonique, de l'objet d'art, du spectacle et du symbole, au delà de cet ensemble physionomique et socio-professionnel différencié, la ville apparaît à l'analyste comme un “gigantesque système28” destiné à “permettre la maximisation de la fonction de communication et d'échanges sociaux” (Claval, 1968)29. C'est en renonçant à partir d'une définition formelle de la cité, et en cherchant “un principe qui fasse comprendre à la fois l'unité du phénomène urbain, sa permanence à travers l'histoire et la multiplicité des formes et des civilisations citadines”, que P. Claval a pu prétendre pouvoir éclairer d'un même mouvement “la localisation des centres, la formation des réseaux et la structuration interne de l'espace”. Il était entendu qu'on ne peut imaginer une explication des structures d'un paysage urbain sans référence simultanée à l'espace démographique, à l'espace économique et à l'espace social tels qu'ils se projettent d'ailleurs sur l'espace physique pour former une véritable trame aux cellules multiples.
Popularisée par les “néo-géographes” francophones, ces orientations s'étaient imposées en fait un quart de siècle plus tôt outre-atlantique, en donnant naissance à une géographie radicalement différente dans ses conceptions et ses méthodes et dont les sources sont en fait bien plus anciennes encore.
2. Les problématiques fonctionnelles et écologiques : un premier renouveau
Dès 1924, M. Aurousseau30 s'étonnait de ce que les études urbaines s'intéressent si peu aux fait de distribution31 et qu'elles se concentrent sur des villes individuelles. Mais pour changer de cap, il fallait mobiliser d'autres concepts dans une autre problématique. A cet égard rappelle H. Carter32, deux types de réactions sont à noter: le rejet de la perspective “site-situation” d'une part, l'intérêt pour les rapports entre croissance et société urbaine d'autre part. La première puisait dans les travaux de W. Christaller33 l'occasion du passage de l'inductif au déductif dans l'interprétation des rapports entre villes. La seconde trouvait dans les travaux de l'Ecole de Chicago34 le guide qu'il lui fallait pour explorer les structures internes de la ville. Dans un cas comme dans l'autre, un problème majeur était enfin posé: pouvaiton découvrir dans l'ensemble des relations entre villes, comme aussi dans l'utilisation du sol urbain, même si elles semblent au premier abord anarchiques et des plus incohérentes, un ordre sous-jacent? Pouvait-on retrouver, d'une manière générale, dans la cartographie de l'utilisation du sol urbain ou de la répartition des centres selon leur taille par exemple, un modèle, un type ou un ordre quelconque, d'une cité à l'autre, d'un pays à l'autre, ce qui impliquerait une similitude, de forme de croissance, de processus?
Structuralistes35 avant la lettre, certains géographes allèrent plus loin:
pouvait-on représenter cette structure sous forme de modèles, prenant toujours en considération non plus seulement les termes, mais les relations entre les termes? C'est ce que tenteront de résoudre les économistes spatiaux allemands, les sociologues et les géographes américains. Ils s'y sont pris d'ailleurs assez tôt. Dès le début des années 30. Mais ce n'est que plus de quarante ans plus tard que ce type de réflexion s'est popularisée chez les géographes francophones36.
2.1 La ville, lieu central dans un système de villes
Héritier des économistes spatiaux allemands, le géographe W. Christaller fut l'un des piliers du renouveau de la pensée. A la recherche d'une explication générale de la taille, du nombre et de la distribution des villes dans un espace donné, il réussissait, dès avant la seconde guerre mondiale, à expliquer la régularité frappante de la disposition des villes et leur organisation en réseaux hiérarchisés en analysant non pas l'histoire des villes, mais en s'interrogeant sur les rapports de commerce et de services entre villes et campagnes, et sur les mécanismes assurant leur régulation. “Il débouchait ainsi sur une théorie, la Théorie des lieux centraux37 qui prouvait que le principe de l'ordre spatial n'est pas tout entier à chercher dans les influences réciproques de l'homme et du milieu. Les phénomènes économiques jouent un rôle essentiel”38. Le problème n'est plus celui de la reconstitution historique des formes spatiales et de leur différenciation: c'est celui de leur explication logique. Le modèle théorique montre en effet qu'en zone homogène, la ville la plus grande, dispensatrice des biens de tous les niveaux, se situe au centre, entourée de centres moyens, euxmêmes entourés de centres de niveaux inférieurs, selon une hiérarchie régulière de centres et d'aires emboîtés de services, le nombre de centres de même niveau étant d'autant plus élevé que ce niveau est bas. Ce faisant, W. Christaller rendait compte des discontinuités39 et des relations de position que les pratiques sociales inscrivaient dans l'organisation de l'espace. Les activités économiques se concentrent en des nœuds40: c'est là que se réalisent les économies d'échelles41 sans lesquelles la croissance du milieu urbain serait impossible. Dans la théorie des lieux centraux, les centres de niveau élevé dominent les centres de niveau moins élevés, dans la mesure où y sont concentrées un plus grand nombre et une plus grande variété d'activités tertiaires. Les consommateurs habitant l'arrière-pays se rendent dans ces centres pour une quantité de raisons, mais la domination est à l'évidence l'une des dimensions fondamentales de la théorie classique des lieux centraux, tout comme elle est au cœur aussi de la pensée d'origine écologique.
2.2 La ville, système écologique complexe
Un deuxième type de réaction au caractère trop étroit des études consacrées aux villes a dérivé de la découverte des travaux eux-mêmes rapidement fascinés par le spectacle de l'extraordinaire croissance d'une ville qu'ils apprirent vite à considérer comme un ensemble complexe et varié de forces sociales et économiques dont le jeu se traduisait dans la ségrégation42 interne des utilisations du sol urbain.
Ils attirèrent ainsi l'attention des géographes sur la complexité des paysages intra-urbains, bien loin de la simplicité apparente de la croissance morphologique et du plan général. Attachés à l'étude du comportement humain en milieu urbain43, les fondateurs de l'écologie humaine44 à Chicago sont capables de penser la ville aussi bien de manière globale que dans le détail le plus minutieux, mais dans la perspective qui était la leur, à l'évidence socio-darwinienne. Le propos essentiel fut d'illustrer cette dimension majeure de la vie urbaine — et de tout milieu humain d'ailleurs —, à savoir la brutalité de la lutte pour l'existence45. Les concepts médiateurs furent empruntés à l'écologie végétale et animale qui semblaient parfaitement convenir à l'analyse des processus urbains dont ils observaient la manifestation et qui aboutissaient à la ségrégation de la ville en zones naturelles46, résultant de processus de domination (D), d'invasion (I) et de succession (S). En mettant l'accent sur la dynamique de transformation des communautés urbaines, les écologistes humains font ressortir une séquence D-I-S des groupes communautaires passant des zones détériorées vers des zones résidentielles plus aisées au fur et à mesure de leur intégration et de leur promotion sociale. La zone de domination47 par excellence dans la ville est son centre; on “envahit” les territoires, forçant les anciens occupants à migrer jusqu'à ce qu'ils acquièrent le contrôle de cet espace. Cette séquence serait responsable du gradient positif entre le statut socio-économique et la distance au centre. Le processus déterminant étant la compétition48, définie comme compétition pour l'espace. L'organisation économique, comme effet d'un processus compétitif, est ainsi “organisation écologique”, une sous-structure naturelle et inévitable de la société. Les jeunes associés de R.E. Park utilisèrent ces principes généraux en cherchant à préciser les concepts de manière à les rendre opérationnels. E. Burgess49 en particulier trouva dans le cas de Chicago un laboratoire social exceptionnellement riche. La compétition étant la force de régulation déterminante, la diversité des activités humaines devait se distribuer en fonction des valeurs foncières. De là le fameux modèle représentant le type-idéal d'une ville se développant suivant une série de cercles concentriques. Après ceux de Von Thunen et de Weber50, il s'agissait de l'un des tous premiers modèles de structure spatiale, le premier consacré aux structures intra-urbaines.
Cette première étude des villes à travers l'analyse des configurations spatiales de leur structure écologique51 devait susciter un immense intérêt, émulatif en même temps que critique. A la généralisation des zones concentriques, proposées par le sociologue E. Burgess dans les années 20, s'ajoutèrent celle des secteurs radiants, élaborée par l'économiste H. Hoyt en 1939, qui complète la première sans s'y opposer, car elle ne rend compte que de l'utilisation résidentielle du sol, celle des noyaux multiples52 enfin, suggérée à l'origine par R.D. Mckenzie53 puis reprise et précisée en détail par les géographes C.D. Harris et E.L. Ullman dans leur célèbre article “The Nature of the Cities” de 1945 dont le titre est significatif de la mutation de la recherche sur la ville. L'essentiel était posé.
Commentaires, vérifications et contre-propositions se sont multipliées, sans que l'on prenne garde au fait que les comparaisons étaient vaines vu qu'elles portaient sur des représentations d'aspects foncièrement différents de la réalité urbaine. C'est ce que devait démontrer l'utilisation généralisée des techniques d'analyse factorielles54 qui permettent d'expérimenter la validité de l'ancienne hypothèse de R. Hurd55, celle de l'additivité des trois types d'agencement spatiaux. L'intuition fondamentale qui a permis plus tard à B.J. Berry et ses élèves de régler le problème de fond, revient cependant aux écologistes humains E. Shevky et W. Bell56 dans leur étude de Los Angeles et San Francisco. Ils analysent la stratification sociale57 en milieu urbain et découvrent en particulier l'importance et l'originalité du phénomène ethnique dans la structure spatiale urbaine, la ségrégation58 se traduisant en fait par des modalités d'implantation des groupes ethniques qui ne se conforment ni au schéma concentrique indexé par un indice d'urbanisation59 et de structure démographique, ni auschéma axial indexé par un indice de statut socio-économique60 mais plutôt par un schéma nucléaire se superposant aux deux autres.
Modèle des zones concentriques
Modèle des secteurs
Source: Hoyt H., 1939, The Structure and Growth of Residential Neighborhood in American Cities, Washington.
Modèle des noyaux multiples
Fig. 1. — Trois modèles de structure urbaine.
Ainsi naissait l'écologie factorielle61 dont le propos est de combiner différentes mesures caractéristiques de la population, des caractéristiques économiques, de bienêtre et d'habitat. Obtenues pour différentes sous-zones urbanisées, les secteurs de recensement le plus habituellement, ces données pouvaient en effet se regrouper en un certain nombre réduit de combinaisons clés procurant la base adéquate à partir de laquelle on pouvait différencier une zone d'une autre et chercher à tester l'ensemble des relations unissant ces structures de l'espace social à l'espace construit62. Dans le cours des années 70 les recherches s'enrichirent rapidement de dimensions nouvelles qui allaient inscrire cette écologie factorielle dans une dynamique tenant compte du rôle et du processus de prise de décision63. Mais très vite, force a été de reconnaître que chacune des trois dimensions classiques s'est considérablement transformée64. Le statut socio-économique se complexifie par l'apparition de nouvelles polarisations, tant dans le secondaire que dans le tertiaire, liées à l'intensification de la division du travail, au changements technologiques et à la montée des professions qualifiées, à l'accroissement de la productivité dans certaines branches et à la perte d'emplois dans d'autres. Elitisation des centres et poches de pauvreté durables représentent de nouveaux domaines de recherche prioritaires. Le statut ethnique par l'intensification et la complexification des phénomène de déplacement des populations, volontaires ou subis. Quant au statut familial, il s'est différencié sur les dimensions du continuum de l'âge et à travers la progressive participation des femmes à la force de travail, la place des familles mono-parentales et la monogamie séquentielle semblant jouer un rôle croissant dans la structuration de l'espace social, porte ouverte à la reconnaissance, entre autres, du caractère gendré (sexué) de nos cités. L'image des trois modèles éclate. Comme les “identités urbaines” auxquelles on a cru pouvoir les associer65, sans grands efforts pour expliquer réellement l’existence et les transformations de ces mosaïques urbaines.
Ecologie factorielle des structures spatiales urbaines
Fig. 2. — Écologie factorielle des structures spatiales urbaines
Mais le principe même de ces “représentations” issues de l'Ecole de Chicago avait subi bien plus tôt la critique de ceux qui y découvraient l'expression d'un “organiscisme naturaliste”faisant se rencontrer, de manière originale certes, mais non critique et réductrice, le biotique et le culturel. Aux antipodes en fait, en dépit de la parenté des observations, de la méthode d'Engels décrivant la situation de la classe ouvrière en Angleterre, avec en particulier la description de la ville de Manchester, description qui démontre, d'un même mouvement, que les individus et les ménages individuels dont on étudie la distribution sont en fait les acteurs d'une pièce mise en scène et produite par le capitalisme et ses lois. Le cas limite est évidemment celui du modèle de la ville de l’apartheid en Afrique du Sud.
Figure
Géographie universelle, Belin-Reclus, Paris, p. 375
Fig. 3 – Modèle de la ville de l’apartheid
Cloisonnement racial, social, spatial. Les Blancs occupent le centre. Aucun grand axe ne lie les quartiers d’habitation, pris entre centre d’affaires et zones résidentielles. Des espaces tampons, non lotis, séparent les quartiers raciaux. Jean-Pierre Raison, 1994, L’Afrique du Sud est de retour, Les Afriques au sud du Sahara, Géographie universelle, Belin-Reclus, Paris, p. 375.
Le travail du géographe D. Harvey du côté anglo-saxon, des sociologues M. Castells et H. Lefebvre66 fut essentiel dans cette prise de conscience largement popularisée depuis même en dehors des cercles marxistes67, mobilisant les processus de décision et les jeux de pouvoir pour mieux expliquer l'existence de deux autres types de généralisations, issues à l'origine de travaux de non-géographes, mais qui ont été pendant plus d'un quart de siècle au cœur de la plupart des analyses intra et extra-urbaines.
3. Les grandes généralisations empiriques
La première formulation permet d’évaluer l’état d’équilibre d’un système urbain à un moment donné. Elle s'appuie sur la constatation que dans un système urbain, il y a une liaison entre la taille d'une ville et son rang par rapport aux tailles des autres villes (Pumain, 1982)68. Plus précisément, si les villes sont rangées de la plus grande à la plus petite, la population Pr d'une villeest liée à son rang R par la relation Rang-Taille69 suivante: Rq.Pr = k, où k et q sont des constantes. Dans l’ajustement logarith-mique du modèle, la constante q s’avère souvent proche de –1 évaluant ainsi la régularité de la hiérarchie urbaine. Une hiérarchie peu contrastée est traduite par une valeur absolue de q proche de zéro alors que q sera élevée si la hiérarchie est très marquée. La valeur de la constante k permet d’évaluer la taille théorique de la ville de rang 1, inférieure à la valeur observée dans les systèmes de villes à forte primatie, supérieure à la valeur observée dans les systèmes polycéphales. Ce qui revient à dire, par exemple, que la connaissance de la croissance de la 1ère ville (P1) entraînerait celle des autres, puisqu'elle serait à la base de l'allométrie70 de tout le système urbain: comme les villes d’un système sont interdépendantes, la croissance plus rapide d’une ville, remontant ainsi le classement hiérarchique, ne peut se faire qu’aux dépens d’une ou plusieurs autres villes du système (Moriconi-Ebrard, 1993)71.
Ce modèle d’une simplicité étonnante a la force de nous permettre d'élaborer des typologies de structures, fondant une sorte de géographie comparée des systèmes urbains nationaux.
Loi Rang–Taille
Relations schématiques
Fig. 4. — Modèle Rang-Taille
On émet ainsi l’hypothèse qu’il y aurait convergence des systèmes urbains vers une distribution Rang-Taille régulière, en définitive liée à l’accroissement des niveaux de développement et d’urbanisation. Les systèmes urbains ayant un certain niveau de primatie72 seraient plutôt le fait de pays neufs ou en voie de développement, de petits pays ou de pays dont l’économie reste dualiste, s’opposant aux systèmes urbains de pays plus anciens, déjà stabilisés, ou arrivés à maturité.
S'appliquant à l'échelle des systèmes urbains73 nationaux, cette généralisation n'est pas sans intérêt pour exprimer parallèlement certaines formes les plus générales, aux échelles intra-urbaines, du phénomène de hiérarchisation spatiale et donc pour être utilisée comme outil de planification. Il reste qu'aujourd'hui, non seulement a-t-on pris conscience des limites techniques du modèle (VanNaelten, 1992)74 — le fait que le rang ne soit rien d'autre qu'une simple transformation ordinale de la taille, par exemple, ce qui a pour conséquence qu’une forte proportion de la dépendance statistique est automatiquement construite dans le modèle par la corrélation entre la variable et ses valeurs transformées — mais encore de son caractère de fiction analytique d'autant moins pertinente qu'à l'heure de la globalisation de l'économie, il est de plus en plus difficile de considérer les villes comme des systèmes isolés au sein des structures nationales.
Deuxième type de généralisation empirique, larègle du gradient des localisations commerciales75 qui lie la distribution des types de services aux résidants, les commerces en particulier, à une hiérarchie de lieux centraux intra-urbains. Les fonctions du niveau le plus élevé sont au centre-ville, là où les ventes sont proportionnelles au nombre des passants, le loyer maximal que chaque commerce accepte de payer semblant dépendre essentiellement de leur ordre dans la hiérarchie si bien que la zonation des activités à l'intérieur des villes comme d'ailleurs au sein des centres commerciaux reflète le niveau auquel ces fonctions s'ordonnent hiérarchiquement.
Règle du gradient des localisations commerciales
Relations schématiques
Fig. 5. — Règle du gradient des localisations commerciales
B.J. Berry a montré en Amérique qu'en plus de la hiérarchie des noyaux et centres commerciaux répartis dans la ville (métropolitain, régional, de quartier, de bloc, de coin de rue), la structure commerciale comprend des rubans commerciaux et une variété de zones spécialisées dans une fonction, l'unité commerciale cessant de plus en plus d'être la boutique isolée pour devenir le centre commercial planifié, qui lui aussi s'inscrit dans une hiérarchie. Celle-ci évolue sans cesse avec l'accroissement des populations métropolitaines, l'amélioration progressive des revenus, les transformations des méthodes de commerce et les changements techniques se traduisant par une succession de mutations qualitatives des services et des commerces, les fonctions changeant de nature à mesure que la taille de l'agglomération augmente (Bailly, 1975, pp. 46-48, op-cit.). B.J. Berry a d’ailleurs montré que l'on pouvait relier cette structure commerciale à la structure économique des villes par la loi de la spatialisation de l'offre aux consommateurs76. Si la ville est divisée selon un schéma simultanément axial et concentrique, l'offre totale des services et commerces au sein de chacune des cellules écologiques sera fonction de la population totale de la cellule, de la densité, du statut familial et du rang social, le rôle du statut ethnique étant de moins en moins important.
On sait par ailleurs, depuis les travaux de C. Clark77, que dans leur immense majorité, les villes affichent une structure des densités intra-urbaines obéissant à une autre généralisation empirique, la loi du gradient des densités intra-urbaines78 exprimée par la formule suivante: dx = doe-bx dans laquelle dx est la densité de la population résidante, x la distance au centre, b le gradient de densité et d la densité maximale au centre de la ville. Les recherches empiriques ultérieures ont largement établi la validité et la généralité de cette relation, dans les pays développés du moins et pour les villes qui ont une composition ethnique homogène.
Les économistes spatiaux semblent en avoir trouvé une explication satisfaisante en l'interprétant dans les termes de la théorie des marchés fonciers urbains et en faisant intervenir les échanges pratiqués par les individus à différents niveaux de revenus et à différentes distances du centre-ville. Des études ultérieures ont montré l'existence d'une autre généralisation possible: que le gradient de densité diminue avec le temps de manière exponentielle, ces deux généralisations conduisant à une troisième, appelée loi de la croissance allométrique intra-urbaine79 et qui veut que le taux de croissance de la densité soit une fonction exponentielle positive de la distance au centre, le taux de croissance peut s'exprimer comme une fonction directe de la densité, ce qui n'a pas manqué de conduire à la notion, idéologiquement fort ambiguë, de densité critique80.
Les travaux de B. Newling sur les densités urbaines, de son propre aveu, offrent l'exemple d'une chaîne de raisonnements procurant un lien direct entre le processus global d'urbanisation et l'apparition de conditions sociologiques pathologiques dans les différentes parties d'une cité quelconque. On est en droit cependant de se poser la question: ce modèle, mathématiquement sain, empiriquement vérifié, utile donc, mais issu comme tant d'autres en géographie urbaine des sciences physiques et biologiques, lorsqu'appliqué sans précaution à l'étude des résultats des pratiques sociales, ne risque-t-il pas d'avoir un effet social spécifique: naturaliser et universaliser les contradictions structurelles et les crises qui en découlent?
De nombreux auteurs, à partir des années 70 surtout, ont critiqué la visée:
une forme déguisée de déterminisme fonctionnaliste, qui s'exprime aujourd'hui en ces termes: “le cadre de vie détermine le contenu de la vie” ou encore, comme chez maints architectes: “les formes spatiales déterminent les rapports sociaux”. La critique, d'inspiration marxiste au départ, des effets idéologiques liés au fonctionnement néo-positiviste de l'analyse spatiale, allait générer une remise en question “radicale” et “critique” des pratiques de la géographie urbaine.
4. La géographie urbaine entre le paradigme critique et les visions humanistes81
En se fondant sur l'affirmation, issue de Marx et de Lénine surtout, qui veut qu'à chaque stade de l'histoire se trouvent donnés un résultat matériel, une somme de forces productives, un rapport avec la nature et entre les individus créés historiquement, rapports découlant de la division du travail et passant nécessairement par le système de production caractérisant, en dernière instance, l'organisation des formations sociales82, les géographes urbains marxistes, tout comme les sociologues de même obédience d'ailleurs, ont choisi d'étudier les villes à travers les formes d’organisation sociale et politique qu’elles traduisent83 et singulièrement en tant qu’expression parmi d’autres des contradictions du système capitaliste.
Pour D. Harvey84 par exemple, la société capitaliste crée un environnement construit à son image et ses impératifs structurels limitent étroitement les solutions possibles aux problèmes urbains. C'est ainsi qu'un géographe marxiste étudiant les villes s'écartera de la problématique foncièrement libérale qui a conduit un P. Claval à définir la fonction principale de l'espace urbain comme étant de permettre la maximisation de l'interaction entre les personnes et les groupes et donc de se présenter comme une organisation servant à assurer et à concilier clarté et proximité. Il préférera “s'élever au point de vue de la reproduction”. On dira alors que cet espace est d'abord un système organisé de valeurs d'usages, système produit et reproduit, c'est-à-dire transformé, système lui-même élément de différents processus sociaux responsables de la production d'un espace de production, d'un espace de circulation et d'un espace de reproduction de la force de travail.
Une des études phares à cet égard est celle conduite par D. Harvey et L. Chatterjee85 sur la rente absolue et la structuration de l'espace par les institutions financières et gouvernementales dans la ville de Baltimore, étude qui démontre que les “choix individuels s'inscrivent dans un espace décisionnel et dans des conditions d'accès à l'information qui en limitent énormément la réalité tant et si bien qu'ils tendent surtout à se conformer à la structure socio-géographique existante et à la renforcer”. Dans une perspective à peine différente, le géographe R. Ferras86 a également su discerner dans sa thèse sur Barcelone, le rôle des acteurs et autres unités actives et leur stratégie. Il n'a pas d'abord conçu sa Barcelone comme un paysage géographique, ni même comme un lieu d'affrontement de stratégies économiques, la grande entreprise étant l'élément essentiel de l'organisation de l'espace urbain, qui témoigne d'une urbanisation aberrante certes, mais qui est l'expression des rapports de force entre le prolétariat industriel et la bourgeoisie urbaine. L'objet de la géographie urbaine se précise à nouveau: l'étude des résultats spatiaux des processus sociaux. Les processus de décision s'y inscrivent. Peut-on cependant les approcher, en rendre compte indépendamment d'une théorie des rapports sociaux?
Dans son célèbre article sur la structure interne des villes, B.J. Berry87 donnait l'interprétation suivante des mosaïques urbaines88 liées aux structures écologiques mises en évidence par l'ensemble des chercheurs se rattachant au mouvement dit de l'écologie factorielle: “tout se passe comme si, dans les limites de la technologie et des ressources dont ils disposent, les gens choisissent de minimiser les possibilités de conflit de classe, de génération, de religion, d'origine nationale, en vivant loin de ceux qui sont différents”. Pour comprendre et donc simuler le développement urbain, il faudrait et il suffirait de s'attacher à l'analyse des flux au sein des villes, qu'ils soient internes ou qu'ils proviennent de l'extérieur. Or c'est bien ce type de “non-explication”, reposant sur le postulat explicite que ce sont les préférences et les choix des individus ou des ménages qui permettent d'expliquer les configurations résidentielles et la structure sociale des villes, qu'ont successivement dénoncé les chercheurs se rattachant au paradigme critique89.
Ils s'interrogent: que penser des “êtres mathématiques” ayant permis d'identifier les “dimensions latentes” de la différenciation des quartiers des villes? Dans quel sens une région écologique peut-elle être dite “réelle”? Quels sont les rapports entre les formes urbaines dégagées par la pensée écologique et le monde de l'expérience urbaine, les rebondissements et l'immanence de la vie quotidienne? Au sein des structures liées à la forme socio-spatiale, les citadins se préoccupent de construire leur propre réalité, leur propre ville (Ley, 1983)90. C'est ainsi que les études qui se multiplient depuis la deuxième moitié des années 70, qu'elles se rattachent à la géographie des représentations91 ou qu'elles se réclament plus particulièrement du mouvement néo-humaniste lié à la phénoménologie husserlienne (Ley, 1977)92 rappeleront plutôt que si l'espace urbain est un produit social, et si la société est toute entière dans l'œuvre de mise en forme de l'espace, conformément à la finalité qu'elle se propose (Isnard, 1978)93, force est de constater aussi qu'il n'est guère possible d'expliquer l'inscription spatiale des sociétés en ne tenant compte que de ce que l'on nomme les infrastructures, forces productrices et rapports sociaux.
D'ailleurs la représentation qu'on s'en est faite a souvent été réductrice. Les évolutions hautement différenciées selon les villes s'inscrivent dans un système d'interdépendances externes et internes complexes. Qu'elle renvoie à l'évolution de la situation du marché et des échanges mondiaux, du marché mondial ou du marché national, à des problèmes économiques ou politiques internes, l'évolution des structures de tout système urbain est forte de composantes externes94. Celles-ci se répercutent évidemment sur la structure interne des villes, considérées chaque fois, pour les plus grandes du moins, comme une reproduction du pays en miniature. Dans ces systèmes urbains, ce qui paraît le plus actuel c'est bien l'apparition, dans les termes de la géographie économiqueau moins, d'une géographie des espaces de bureaux, de la haute technologie, du rôle économique de la culture comme créatrice d'une image de marque (Racine, 1990)95 voire dans ceux de la géographie sociale96, d'une géographie des “genres”97 ou des rapports spécifiques qu'entretiennent à l'espace les hommes et les femmes, et d'une analyse des mutations sociales du centre urbain liées au phénomène de “gentrification”98, ou, ici, d'élitisation. La réhabilitation des vieux quartiers par les yuppies99, nouveaux jeunes professionnels urbains, et autres dinks100, “double income, no kids”, introduit de nouvelles polarisations, toujours difficiles à assumer. La gentrification a, en effet, ses corrolaires obligés dont l'exclusion à terme des plus faibles et des marginaux de tous types. Le rôle du contrôle institutionnel et politique reçoit également, depuis quelques années, une attention croissante, éclairant le caractère “turbulent” des systèmes urbains et les incertitudes marquant leur évolution en termes de croissance et de changement.
Une géographie des institutions, une géographie des espaces d'activité, une géographie des acteurs, une géographie du changement, à tous les niveaux. Toutes contribuent à une nouvelle connaissance générale, produisant une nouvelle image du pays urbain, tandis que parallèlement, la géographie de la qualité de la vie et du bien-être social101, une géographie des préoccupations du public aussi, à partir d'enquêtes directes auprès des populations, nourrissent une nouvelle conception de l'objet de la géographie. Celle-ci est d'inspiration plus phénoménologique, orientée sur les significations que prend la vie urbaine pour les habitants, dans le cadre d'une problématique relationnelle, ouverte au préoccupations de la territorialité102, médiatrice des rapports que les hommes entretiennent entre eux et avec l'altérité environnementale et sociale.
La géographie urbaine d'aujourd'hui prend en compte l'univers égocentré qui n'est pas uniquement celui de cet homme producteur-consommateur, cet “actif” que l'on transporte ou qui se transporte quotidiennement dans un nomadisme effrené, et qu'il faut bien payer et loger pour qu'il puisse reproduire sa force de travail. La géographie urbaine découvre que cet univers égocentré est aussi celui de l'enfant, du vieillard, du chômeur, de toutes les situations où l'être, pour ainsi dire, adhère à lui-même et à l'espace sans médiation et sans réflexion. Cette géographie tend alors à devenir une géographie générale de l'expérience urbaine, celle de tous les hommes, de toutes les femmes(Coutraz, 1996)103, de tous les enfants qui s'y rassemblent, qui s'y agrègent autant qu'ils s'y ségrègent (Brunet, 1986)104, une géographie de l'espace vécu105.
Nul doute que le recentrage de la géographie urbaine sur les acteurs et les “sujets” soit nécessaire et enrichissant. Il serait dangereux cependant s’il contribuait à surdéterminer le rôle de l'usager et occultant celui du décideur/aménageur. Plus généralement encore, nous maintiendrons ici que les faits géographiques que nous étudions ne constituent pas des occurrences indépendantes et auto-déterminées. Ce sont bien au contraire des événements sociaux, inscrits, enracinés, dans la société et dérivant leur logique et leur signification historique des configurations générales de la société dans sa globalité, ce qui revient à dire que l'on ne peut étudier ces structures géographiques comme objets d'étude théoriques (même le territoire de notre vie quotidienne), indépendamment d'une théorie plus large de la société (Dear et Scott, 1981)106.
Rien n'interdit pourtant de concevoir la géographie urbaine dans le cadre d'une écologie allant au delà d'une analyse des causes et des conséquences des répartitions et des stratifications territoriales (École de Chicago), pour tenter de percevoir, d'un même mouvement, les différents types de mécanismes relationnels liant les acteurs à l'intérieur d'une production urbaine ayant pour objectif l'appropriation du territoire au triple sens de l'identité spatiale, de l'exclusivité et du compartimentage de l'interaction humaine dans l'espace. Il reste que pour l'essentiel l'espace s'ordonne bien en reproduisant les projets et les rapports de groupes économiques et sociaux qui en animent la structure. En définitive c'est le concept de dominance107 qui sert de lien théorique entre une vision de l'espace urbain dérivée d'une théorie d'inspiration économique, comme la théorie des lieux centraux, et une autre vision, d'inspiration directement écologique. Même si les notions de dominance métropolitaine108 personnelle et écologique diffèrent logiquement, les principes de domination et de subordination sont communs. Au fur et à mesure que les unités sociales se différencient de part leur fonction, naît parallèlement une hiérarchie de relations de pouvoir permettant à l'unité dominante de contrôler les conditions nécessaires au fonctionnement des autres.
Il reste que tout comme les historiens, G. Duby par exemple, les géographes ont compris qu'il fallait tenir compte aussi de l'intervention du pluralisme des idées, des images, des codes de comportement, des systèmes de valeurs et de tout ce qui n'étant pas matériel, a autant de réalité, les représentations mentales ce que l'on pourrait également appeler, dans une certaine mesure, l'idéologie. C'est justement ce rôle des images mentales qu'étudie la géographie de la perception, des espaces vécus et des comportements109 tandis que la géographie phénoménologique s'attachera de beaucoup plus près, à travers l'étude des relations, tant formelles qu'informelles qui structurent la quotidienneté dans le champ urbain, aux situations et aux processus sociaux réels qui sous-tendent les cartes et les données statistiques de la géographie urbaine.
Dans cette perspective, la ville n'est pas qu'un espace bâti de pierre et de béton, un simple ensemble de valeurs d'usages et d'échange, organisé pour exercer telle ou telle fonction économique et abritant telle ou telle classe démographique et sociale, qu'il suffit de considérer, à la manière de la Charte d'Athènes, comme une simple machine à produire et à consommer, à circuler et à habiter, pour l'étudier et la planifier. La ville est faite autant d'idées que de pierres et d'habitants110. Les dimensions morphologiques, socio-fonctionnelles et socio-affectives de la ville sont difficilement séparables111. La grande question aujourd'hui est de savoir comment la ville peut être rendue vivable (Ley, 1990)112. Si les géographes l'oubliaient, les révoltes des jeunes et autres “casseurs”, les “squatts” qui se multiplient ici ou là, dans les banlieues sordides comme autour des zones réoccupées par le mouvement d'élitisation des centres, leur rappelleraient qu'ils ont aussi pour mission de contribuer, au-delà du savoir-lire la ville, à son savoir-faire et à son savoir-vivre. C'est dans cette perspective d'ailleurs qu'après un détour sémiologique inspiré par R. Barthes, qui n'a peut-être pas encore donné les résultats attendus113, ils se retrouvent toujours plus nombreux aux côtés des urbanistes114, dans une même recherche des conditions de l'urbanité115. Tout un programme à l'heure où nos représentations de l'idée même de ville risquent d'être radicalement mises en question.
5. Perspectives
Elles nous semblent aller dans deux directions reprises dans la nouvelle appellation de la Commission que l'Union géographique internationale consacre à l'étude de l'urbain: “développement urbain et vie dans les villes”.
Synergétisme et polycentrisme
Bien entendu, l'étude des systèmes urbains n'allait pas en rester, comme aux beaux jours de la théorie des lieux centraux, à la seule prise en compte du fait commercial et d'une représentation de la ville comme centre d'achat, ni même comme lieu de création de ces économies d'agglomération, externalités indivisibles conduisant les entreprises à se rassembler pour en bénéficier et justifiant l'existence des concentrations urbaines116. D. Pumain et T. St-Julien (1978)117 ont bien montré comment l'appartenance des villes au réseau est un déterminant fondamental de leur constitution en tant qu'agrégats de population et d'activités. Le réseau représente en fait, pour chaque ville, un facteur très important de régulation de sa dimension, des interactions qui régissent la localisation des activités et les migrations des populations qui y résident, des transformations qui en modifient la composition interne, sans pour autant changer nécessairement de manière significative sa situation relative dans le réseau. D. Pumain (1982)118 montrera aussi, dans une perspective dynamique, que ces régulations opérées par le jeu des interactions entre les villes à l'échelon géographique du réseau, étaient en fait l'expression du fonctionnement du principe d'agglomération.
Mais ce sont surtout les modalités de la formalisation du temps et des changements urbains qui sont au cœur des problématiques développées depuis quelques années par les géographes119 s'intéressant au transfert de modèles dynamiques en géographie urbaine, le concept de changement étant explictement issu de la théorie de l'auto-organisation ou de la synergétique formalisée tant par l'Ecole de Bruxelles avec I. Prigogine que par les chercheurs de Stuttgart autour de H. Haken, introduites en France par D. Pumain, L. Sanders et T. St-Julien (1989)120. Ces approches analysent des systèmes comportant plusieurs niveaux d’organisation. Les géographes ont repéré depuis longtemps des structures hiérarchiques dans l’espace géographique, et ils ont démontré que les phénomènes pouvaient être différents selon les seuils d’observation. La synergétique propose des moyens conceptuels et méthodologiques pour comprendre comment s’effectue le passage entre un niveau microscopique, par exemple celui des comportements individuels, avec leur diversité, et un niveau macroscopique, celui des régularités repérables dans les entités géographiques que sont par exemple une région ou une ville, agrégats dont la structure et la dynamique sont produites par les interactions entre les comportements individuels.
Autant de travaux qui s'inscrivent dans un effort plus général concernant la modélisation des systèmes complexes et qui doivent beaucoup à la révolution de la science provoquée par les concepts qui émergent de l'étude des structures dissipatives en physique et en chimie (Allen et Sanglier, 1981)121.
Au point de rencontre des différents axes du changement que sont l'internationalisation des échanges économiques, l'intensification de la division du travail, l'avènement d'une culture individualiste, la crise de légitimité de l'Etat, les transformations de l'espace lui-même, avec l'émergence de l'urbanisation extensive, de la ville diffuse, voire “ville-territoire”, “ville-réseau” ou “l'hyperville” chères à A. Corboz122, ne convient-il pas de revoir nos modèles et nos outils de travail, en vue de construire une nouvelle théorie de la dynamique territoriale?
Comme le rappelent B.J. Berry et K. Hak-Min123, toute la théorie urbaine s'appuie sur l'image reçue d'une urbanisation fondée sur un modèle: celui de la métropole unicentrée dans laquelle la ville est vue comme organisation des proximités, outil économique ayant émergé dans l'histoire pour résoudre les problèmes posés par les coûts et les lenteurs du transports en agglomérant les industries et les emplois dans ou autour d'un centre unique et en accumulant la population autour du centre et le long de voies radiales de pénétration et de transport. Une forme qui a atteint son zénith autour de la deuxième guerre mondiale, mais qui a été érodée par la suburbanisation, la déconcentration, l'exurbanisation, la décentralisation et la dispersion, qui après avoir touché les résidences et les commerces, touche aussi les firmes, y compris les firmes du tertiaire supérieur. C'est ainsi que les New Cities de R. Fishman124 sont des régions urbaines déferlantes, dont l'unité de mesure n'est plus le bloc, mais le “corridor de croissance” qui s'étend sur 50 à 100 miles, ces régions qui manquent de ce qui donne forme et signification à chaque forme urbaine du passé: un centre dominant unique dont les limites étaient définissables.
Chaque paysage urbain est moûle et miroir de notre vie économique, de notre culture, de notre société. Les New Cities ne font pas exception. Les régions urbaines d'aujourd'hui reflètent de fait l'éclipse progressive et continue de la production et de la consommation de masse dans la sphère économique, accompagnant l'émergence d'un capitalisme flexible dont les localisations jouent sur des marchés de plus en plus segmentés, et une compression de l'espace-temps, les attitudes philosophiques passant du modernisme au post-modernisme (Knox, 1991)125 et à son goût pour le recours aux sources du passé, la citation, la combinatoire ludique, le régionalisme.
Mais la vie va, et vite et nos représentations méritent d'être révisées. Chacun reconnaît aujourd'hui que tout en étant de moins en moins lié à la ville au sens strict, le fait urbain a saisi la société toute entière, s'étant étendu à l'ensemble du territoire. Ce qui n'empêche pas certains de se plaindre de l'étiolement et parfois de l'implosion du cœur des villes, comme à Détroit, Los Angeles et peut-être bientôt, plus près de nous, à Marseille, dont témoigne, par exemple, le mouvement de désaffection qui gagne plusieurs grands centres, accompagné d'une substitution de population mal intégrée à une population d'esprit citadin qui, elle, part résider dans une périphérie aux limites de plus en plus floues, la ville y perdant ses structures matérielles et formelles.
Nos métropoles sont soumises à des pulsions qui renvoient aux relations qui s'établissent entre l'économie et l'espace. Espace et économie connaissent alors des distorsions qui se traduisent par des déclassements/reclassements, délocalisations/relocalisations continus remettant en cause l'association entre centre et centralité. En regard d'une double logique, liée à la mondialisation de l'économie et imprimant à nos agglomérations leurs intérêts propres, l'une touchant à certains espaces stratégiques de l'agglomération en termes économiques, l'autre se focalisant sur quelques périmètres bien déterminés dans la ville-centre, d'autre part, il n'est pas si évident, qu'ils s'agisse des élus ou des habitants en général, que les populations concernées puissent s'adapter sans risque aux mutations qui se déroulent dans l'espace urbain et ce d'autant plus que ces pressions symbolisent les restructurations économiques qui dépassent de loin le cadre des forces économiques locales (Wolf,
1993)126.
La globalisation de l'économie et l'empreinte du capitalisme avancé conduisent actuellement à une recentralisation, parfois violente, de l'activité économique, s'exprimant simultanément par la renaissance des centres-ville et l'émergence parallèle de ces “edges cities”127, cités-lisières au sein des aires métropolitaines nord-américaines, la renaissance centrale prenant de fait la forme complexe d'une urbanisation congestionnée, fragmentée et polarisée.
La vie dans les villes se réalise à travers des configurations composées de différents réseaux superposés, ayant chacun sa logique propre, rendant obsolete tout une terminologie et des représentations de l'urbain dérivant encore de la métropole industrielle. Nous pensons pourtant qu'au niveau structuro-fonctionnel et même au niveau socio-affectif (Rémy et Voyé, 1992)128, la déconcentration de la population et des emplois au sein de l'hyperville et la forte croissance de certains pôles secondaires ne doivent pas faire illusion. A cet égard, les démonstrations des travaux d'A. Cunha et J.B. Racine129 sur l'invariance dans le changement et le rôle de la qualification du travail recoupent ce qui a été mis en évidence en France par D. Pumain et T. St-
Julien130.
Il est vrai que les indicateurs de la centralité ou de la périphéricité sont multiples. Il est vrai aussi que ces indicateurs sont inégalement et pas toujours positivement corrélés dans l'espace. Il est de plus en plus vrai également que les nouvelles régions urbaines sont polycentrées, multicentrées, avec des centres de troisième, quatrième et même cinquième générations localisés dans et au-delà des cités de lisière et des corridors de croissance autour desquels s'étalent de grandes communautés résidentielles planifiées par la promotion privée. Il reste que la constitution de ces nouveaux tissus urbains n'est encore que l'expression du renforcement du rôle économique et social, à l'échelle du pays, des métropoles anciennes.
Invariance dans le changement? La centralité urbaine est un des éléments qui structure fortement les rythmes de fréquentation et les choix de localisation, de délocalisation et de relocalisation des acteurs économiques mais aussi le système de relation des habitants à leur territoire dans un autre registre que l'économique, celui du vécu et, d'une manière plus générale, celui du culturel. A l'intérieur d'un espace multimodal, les habitants vivent une cité à la carte. Ce qui n'empêche pas les centres des agglomérations d'en demeurer le principal élément structurant par la densité de leurs liens et la dimension des effets de polarisation, par rapport à tous les centres secondaires, ou aux différentes zones fonctionnelles, qu'elles soient bleues, vertes ou grises, et ce très significativement, dans le domaine des activités ludiques et culturelles qui restent le fin mot de l'urbanité.
La ville, “fabrique d'exclus”?
Reste à reconnaître que ce type de développement peut engendrer des effets sociaux tout aussi visibles, qui s'inscrivent aussi et déjà dans les réalités quotidiennes. Quels problèmes pose-t-il? Affaiblissement des villes moyennes, affaiblissement de la base économique et démographique des villes et agglomérations spécialisées dans les branches menacées par ou exposées à la concurrence internationale, déconnection du tissu social pouvant venir de plusieurs facteurs, l'immigration et absence de véritable politique d'intégration des minorités ethniques, émergence de la pauvreté d'exclusion sociale de différentes minorités (étrangers, familles monoparentales, vieux, chômeurs), augmentation de l'individualisme et perte du sens, du relationnel et des identités communautaires. Maintien ou progression des bureaucraties administratives dans leurs logiques purement sectorielles, et impossibilité d'élaborer un projet global.
L'essentiel en effet paraît aujourd'hui dans les coûts sociaux de ce qui a été décrit par ailleurs (A. Touraine, 1993)131 comme la montée dans nos métropoles de non-villes, de contre-sociétés urbaines qui sont définies par la ségrégation, la violence et l'économie mafieuse. Trois phénomènes qui sont liés et qui nous conduisent à nous demander si nous ne sommes pas dans des situations de posturbanisation, voire de désurbanisation de la ville. A l'heure où l'on se repait du rôle des identités culturelles urbaines132 comme moteur du développement territorial, en évoquant même une écologie mentale du développement urbain, d'autres analyses, et particulièrement à l'échelle des métropoles, conduisent à stigmatiser les villes comme lieux de non identité des gens. Les villes seraient-elles les trous noirs où les spécificités individuelles se sont perdues? N'est-ce pas à partir de réalité, qu'est en train de germer l'idée133, qu'il serait peut-être temps que l'Europe commence à penser non pas une politique urbaine centralisée et technocratique, mais une politique urbaine à partir de laquelle la ville serait vécue et pensée dans la tête des Européens. Elle se transformerait par toute une série d'initiatives locales, décentralisées et interlocales, ce qui permettrait peut-être d'exprimer alors cette capacité de créativité qui devrait être typique des métropoles, et peut-être plus généralement encore typique de l'Europe, car c'est bien là que le caractère urbain de nos civilisations s'est développé.
La question est de savoir si nous sommes dans une société qui va de plus en plus spatialiser ces inégalités et qui va les rendre dans une certaine mesure irréversibles ou au contraire dans une société qui va pouvoir les traiter, en se fondant sur les valeurs de dignité, de démocratie et d'enracinement? On peut se demander si notre société porte en elle-même la capacité de réduire ces écarts et surtout si elle n'y pousse pas par ses propres divisions du travail, par ses propres status modifiés du travail, par son propre système de valeurs.
En deux générations, notre société est devenue urbaine et la ville le territoire de la vie quotidienne, le principal réceptacle où s'est cristallisée la mémoire historique de l'humanité en même temps que le miroir où se reflètent ce que sont les hommes d'aujourd'hui. Le problème étant que sous le choc brutal d'une croissance mal maîtrisée et faute d'une vision globale de leur destin, les hommes d'aujourd'hui, les hommes et les femmes bien sûr, en viennent à se demander si les villes ne sont pas en train de perdre la mémoire, celle d'un patrimoine millénaire, sans rien créer de mémorable pour autant. Même si certains ont cru pouvoir se gargariser du concept, la ville moderne ne débouche sur aucune “post-modernité”, terme qui entretient l'illusion d'une sortie de crise. A quelques élucubrations architecturales près, nourries de l'art de la citation, recours aux sources que l'on peut d'ailleurs fort bien apprécier dans le décor, la ville elle-même n'est pas dans le post, le dépassement, mais dans l'impasse du patchwork aléatoire qu'elle est devenue. “La performance, le réseau, mais aussi la niche, — le cocooning des Américains — ne sont pas des valeurs “post-modernes”, mais des références qui reflètent directement les contraintes de la modernité et ses effets de conditionnement. Si ces valeurs sont modernes et non post-modernes, elles sont cependant post-urbaines, c'est-à-dire des figures de la crise, de la défaillance et de la déchéance de la ville” (Chesneaux, 1992)134 . Ne l’oublions pourtant pas, même à l’heure où s’annonce la « métapolis »135, la « ville » est notre devenir. Pourrons-nous dire avec Thierry Paquot et ses citadins vivant « pour et avec des valeurs urbaines et non selon de futiles modes ventant d’illusoires envies aux allures de vidéo-clip”: « Vive la ville ! »136 ?
Sujet de réflexion possible :
Rendre compte d’une ville ou d’un «morceau» de territoire urbain de votre choix. Il vous appartient de dégager des structures, comprises comme un moment d’un processus en cours, en décrivant et en donnant sens aux observations.
L’exemple proposé concerne la ville de l’apartheid telle qu’on la rencontre (encore) en Afrique du Sud dont le modèle complète utilement ceux élaborés sur la ville de Chicago (cf. Fig. 3, voir Lorenza Coray-Dapretto, 1997, Une township sud-africaine: quelques échelles de lecture, in: Lieux et espaces urbains: seuls, ensembles, Albion 2, Grenoble, pp. 87-108.)
Pensons à Soweto à Johanesburg, l’une de ces townships (zone réservée pour des résidents non-blancs, c’est-à-dire des Noirs, des Métis ou des Indiens, qui n’avaient pas le droit d’habiter dans le centre des villes sud-africaines, chaque groupe racial étant en outre obligé de vivre dans des townships séparées, selon le tristement célèbre régime d’apartheid, ce mot signifiant justement séparation). Nous vous proposons d’identifier un certain nombre de dimensions ou d’échelles constituant chacune un champ d’investigation possible, manifestant la différence des modalités de mesure et susceptible d’être nommée:
• Échelle d’éloignement/rapprochement dans laquelle on voit une politique délibérée de ségrégation, d’exploitation et de contrôle. Ni trop près, ni trop loin pour empêcher les gens de résider en ville blanche mais leur permettre de venir quotidiennement y travailler.
• Échelle de contrôle spatial et économique (trame socio-économique): une voie d'accès unique, un ensemble résidentiel entouré de zones, des postes de police situés à l'entrée et facilitant le blocage éventuel d’une township entière. Interdiction de comporter de zones commerciales ou industrielles de manière à ce qu’elles restent complètement dépendantes des zones blanches pour leur approvisionnement. Interdiction, jusqu'à tout récemment, de devenir propriétaire de sa maison, indépendamment de sa situation financière.
• Échelle des classes sociales: les townhips sud-africaines ne représentent pas une classe sociale unique dans la position dans le travail et s’expriment à travers une hiérarchie dont l'occupation de telle ou telle demeure est une des marques. Depuis la plus petite élite qui vit dans les confortables bungalows aux squatters qui construisent où ils peuvent et ne disposent d’aucun confort en passant par plusieurs formes d’habitats informels.
• Échelle socio-affective de l’appartenance: une township n'est pourtant pas qu’un dortoir, mais un endroit extrêmement vivant où il existe des activités culturelles communautaires très importantes, (fêtes, cérémonies, vie religieuse et associative), regroupements selon les origines et la participation aux mêmes luttes politiques, activités consacrées à donner une âme au quartier (peinture des maisons).
• Échelle d’opposition conflictuelle violente: violence politique (qui s’estompe), économique (liée chômage endémique) et violence des jeunes trouvant dans les gangs un lieu d’identification qui leur est refusé ailleurs en tant qu’exclus de la vie économique et sociale.
Ouvrages recommandés :
- Yves Grafmeyer, 1994, Sociologie urbaine, Nathan, Collection Université, Paris.
Paradoxalement peut-être cet ouvrage de sociologue se présente comme la meilleure entrée possible à l’étude de la ville, à la fois territoire et unité de vie collective. La vie urbaine est saisie dans les tensions qui la traversent et la constitue: tensions entre la distance et la proximité, entre la localisation et la mobilité, entre l’hétérogénéité et l’intégration, entre les lignes de force qui commandent le devenir des villes et la gestion collective des enjeux de la cité.
- Marcel Roncayolo, 1990, La ville et ses territoires, Gallimard, Colleciton Folio, Paris.
Cet ouvrage de l’un des grands noms de l’école géographique française, féru d’histoire, étudie les différentes dimensions morphologiques, démographiques, socio-économiques, socio-culturelles de la ville dans son rapport au territoire, dans ses représentations, y compris idéologiques, comme dans ses changements.
- Antoire Bailly, Catherine Baumont, Jean-Marie Huriot, Alain Sallez, 1995, Représenter la Ville, Econnomica, Collection Géo Poche, Paris.
Ouvrage pluridisciplinaire ouvert non seulement sur la géographie des représentations et une très sérieuse quoique rapide problématisation de l’approche économique (tant micro que macro) de la ville mais aussi sur la thématique de la ville idéale entre théorie et utopie.
- Bernadette Mérenne-Schoumaker, 1996, La localisation des services, Nathan, Collection Université, Paris.
Tout en étant orienté sur l’étude des services classés en quatre grands sous-secteurs, le commerce de détail, les services publics, le tourisme et les loisirs, ainsi que les services aux entreprises, ce petit livre fait constamment référence aussi bien à la ville dans l’espace qu’à la ville comme espace et enrichira très utilement la réflexion sur la ville comme lieu central comme celle des spécialisations des sousespaces urbains en montrant les nouvelles polarités qui s’y dessinent et en offrant d’utiles outils d’analyse et de travail personnel.
NOTES
1 Santos M., 1975, L'espace partagé, Librairies Techniques, Paris. 2
Grafmeyer, Y., 1994, Sociologie urbaine, Nathan Université, Paris.
3
Berry B.J., 1964, Cities as Systems within Systems of Cities, Papers and Proceedings of the regional Science Association, 13, pp. 147-183.
4 Beaujeu-Garnier J., 1995, 4e édition mise à jour, Géographie urbaine, Collin, Paris.
5
Berry B.J. et Horton F.E., 1970, Geographic Perspectives on Urban Systems, Prentice-Hall, Englewoods-
Cliffs.
6 Bailly A.S. et Racine J.B., 1981, Des géographies urbaines, L'Espace Géographique, 2, pp. 143-152.
7 Haggett P., 1973, L'analyse spatiale en géographie humaine, Colin, Paris.
8 Rimbert S., 1973, Les paysages urbains, Colin, Paris.
9 Chaline C., 1981, La dynamique urbaine, PUF, Paris.
10 Claval P., 1981, La logique des villes, Litec, Paris.
11 Paradigme déterministe: concept développé par P. Claval dans le chapitre Histoire de la géographie.
12
Organisme: ensemble organisé. Concept lié à la perspective organiciste qui met en parallèle l'organisation physiologique d'un corps vivant et celle qui permet le fonctionnement du corps social; elle est reprise aujourd'hui par les fonctionalistes.
13 Nodalité: situation carrefour dans un réseau de relations.
14
Site: c'est l'emplacement par rapport à la topographie de détail, un affleurement rocheux un replat, l'île d'un fleuve, un élargissement de vallée.
15
Situation: c'est l'emplacement par rapport aux grands traits de la géographie, les contacts de régions, les carrefours, les confluents, les estuaires.
16 Zone d'influence: espace tributaire d'une ville défini par l'interaction entre le centre et sa périphérie.
17
Armature urbaine: ce qui sert de base et de soutien à l'organisation urbaine à travers les fonctions que rempli la ville. Beaujeu-Garnier J., 1980, op. cit.
18
Réseau urbain: la répartition spatiale des villes intégrées dans un maillage hiérarchisé ou complémentaire qui assure l'encadrement d'un espace national ou régional.
19 Fonctions urbaines: ensemble des activités sises dans la ville.
20 Paradigme possibiliste: concept développé par P. Claval dans le chapitre Histoire de la géographie.
21 Idiographisme: étude du particulier opposé au nomothétisme qui se veut l'étude du général.
22 Espace relatif: voir le chapitre développé par A.S. Bailly et B. Debarbieux sur la Géographie des
représentations spatiales.
23 Aménités: agrément, atttrait d'un lieu.
24 Analyse behavioriste: voir Bailly A.S., 1977, La perception de l'espace urbain, C.R.U., Paris.
25 Lavedan P., 1936, Géographie des villes, Gallimard, Paris.
26
Tissu urbain: concept qui compare la masse construite de la ville à un organisme végétal ou animal, composé de tissus divers ayant chacun sa structure, mais entretenant entre eux des relations, pratiquant des échanges qui assurent la vie de l'ensemble. Voir aussi Organisme.
27 George P., 1961, Précis de géographie urbaine, Paris
28 Système: concept défini par H. Beguin dans le chapitre Analyse quantitative.
29 Claval P., 1968, La théorie des villes, Revue de Géographie de l'Est, 8, 3-56.
30 Aurousseau M., 1924, Recent Contributions to Urban Geography, Geographical Review, 14.
31 Distribution.
32 Carter H., 1981, The Study of Urban Geography, 3e ed., Arnold, New York.
33
Christaller W.: géographe économiste allemand dont les travaux portèrent sur la nature et la localisation des villes en tant que lieux centraux.
34
Ecole de Chicago: école de sociologie urbaine de l'Université de Chicago dont les membres tels Park, Burgess ou McKenzie initièrent, vers les années 20, l'étude de la ville en s’inspirant des concepts de l'écologie humaine. Cf. Grafmeyer, Y., Joseph, I., 1990, L’école de Chicago, Aubier, Paris.
35 Structuralisme: concept développé par R. de Konnick dans le chapitre Géographie Critique.
36
Racine J.B. et Raymond H., 1973, L'analyse quantitative en géographie, PUF, Paris.
Bailly A.S., 1975, L'organisation urbaine, théories et modèles, CRU, Paris.
Merlin P., 1973, Méthodes quantitatives et espace urbain, Masson, Paris.
37
Théorie des lieux centraux: voir à ce sujet le chapitre Géographie économique et économie spatiale.
Christaller W., 1933, Die Zentralen Orte in Süddeutschanld, G. Fisher, Iéna également MérenneSchoumaker, B., 1996, La localisation des services, Nathan, Paris.
38 Claval P., 1977, La nouvelle géographie, PUF, Nº 1693, Paris.
39
Discontinuités: absence de continuité, “surface de discordance”, la “hiérarchie des réseaux urbains présuppose que l'on peut pratiquer des coupures dans cette série continue”.
Brunet R., 1968, Les phénomènes de discontinuité en géographie, CNRS, Paris.
40
Nœuds: points de jonction dans un réseau; les nœuds sont des regroupements permanents ou quasipermanents d'activités sociales, économiques ou politiques.
41 Economies d'échelles: lorsque les dimensions de l'agglomération croissent, le coût des services matériels diminue jusqu'au moment où l'optimum est dépassé. Pour la ville, on parle plus volontier d'économie de dimension et d'économie d'agglomération.
Voir Rémy J., 1966, La ville, phénomène économique, Ed. Ouvrières, Bruxelles.
42
Ségrégation: sous l'effet de la compétition pour l'espace, les individus ou collectivités sont à la recherche de niches résidentielles et fonctionnelles; l'effet en sera la séparation des gens et leurs activités en zones homogènes de résidences ou d'activités.
43 Park R.E., 1916, The City, The American Journal of Sociology, 20, pp. 577-612.
44
Ecologie humaine: discipline qui traite des problèmes des êtres humains qui, en constant changement, s'adaptent à un environnement lui-même en transformation.
45 Hannerz U., 1983, Explorer la ville, Eds. de Minuit, Paris.
46
Zone naturelle: une “unité territoriale dont les caractéristiques distinctes, physique, économique et culturelle, sont le résultat de processus sociaux non-planifiés”.
Burgess E.W., 1964, Natural Areas, in: Gould J. et Kolb, W. (eds), Dictionary of the Social Sciences, New York. 47
Domination. 48
Compétition.
49
Burgess E.W., 1925, The Growth of the City? An Introduction to a Research Project, Park, R.E. et als., pp. 47-62.
50 Voir le chapitre de H. Beguin sur la Géographie économique et spatiale.
51
Structure écologique: le type de rapport qu'entretiennent les variables humaines avec le territoire occupé (généralement le contenu bâti).
52
Zones concentriques, secteurs radiants et noyaux multiples: trois modèles spatiaux de la structure intraurbaine (voir Fig. 1).
53 McKenzie R.D., 1983, The Metropolitan Community, McGraw-Hill, New-York
54 Analyse factorielle: méthode présentée par H. Beguin dans le chapitre Analyse quantitative.
55 Hurd R.D., 1903, Principles of city land values, The record and guide, New York.
56
Shevky E. et Bell W., 1955, Social Area Analysis. Theory, Illustrative Applications and Computational Procedures, Stanford.
57 Stratification sociale: structure de classe.
58
Indice de ségrégation: met en évidence le degré d'assimilation des groupes nationaux et dépend de l'homogénéité de la communauté urbaine. Suit un schéma nucléaire (voir Fig. 2).
59
Indice d'urbanisation: différenciation dans les structures familiales, démographiques (fertilité, âge, sexe, célibat): statut familial. Suit un schéma concentrique (voir Fig. 2).
60 Indice de statut socio-économique: met en évidence les corrélations entre les structures d'emplois, les niveaux d'éducation, les revenus de la population, l'habitat: rang social. Suit un schéma axial (voir Fig. 2).
61
Ecologie factorielle: application de l'analyse factorielle à des variables décrivant la population urbaine sous ses aspects démographiques, socio-économiques et résidentiels (habitat) et générés normalement à l'échelle des secteurs de recensements d'une agglomération. Voir le concept d'analyse factorielle défini par H. Beguin dans le chapitre Analyse quantitative.
62
Yeates M., 1972, The Congruence between Housing Space, Social Space and Community Space, and some Experiments Concerning their Implications, Environment and Planning, 14, pp. 395-414.
63
Bourne L.S., 1979, Urban Structure and Land Use Decisions, Annals of the Assoc. of American Geographers, 66,4, pp. 521-547. 64
Davies W.K.D. and Murdie R.A., 1993, Measuring the Social Ecology of Cities, in: Bourne L.S. and Ley D.F. (eds.) The Changing Social Geography of Canadian Cities, McGill-Queen’s University Press, Montréal, pp. 52-75. 65
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Harvey D., 1973, Social Justice and the City, Arnold, London.
Lefebvre H., 1974, La production de l'Espace, Anthropos, Paris.
Castells M., 1975, La question urbaine, Maspéro, Paris. 67
Ley D., 1983, A Social Geography of the City, Harper and Row, New York.
68 Pumain D., 1982, La dynamique des villes, Economica, Paris.
69
Loi Rang-Taille: relation empirique, de forme lognormale, entre les tailles des villes d’un système urbain et leurs rangs par rapport aux tailles des autres villes du système.
70
Allométrie: concept clé dans la théorie générale des systèmes et qui s'occupe de l'étude de la croissance relative des composants d'un système par rapport à l'ensemble du système ou toute partie représentative. 71
Moriconi-Ebrard F., 1993, L’Urbanisation du Monde depuis 1950, coll. Villes, Anthropos. 72
Primatie: cas déviant de la Loi Rang-Taille lorsqu’un système urbain est dominé par une ou quelques villes de grande taille.
73
Système urbain: c'est un ensemble de villes fonctionnellement interdépendantes qui doit être considéré comme un système social et non comme un système naturel. 74
VanNaelten M., 1992, The Finding of a Saturation model by Analysing a Statistical Illusion: The Remarcable Case of the “Rank-Size Rule” of Zipf, Bull. de la Soc. belge d’Etudes Géogr., 2, pp. 381396.
75
Règle du gradient des localisations commerciales: dans un centre, l'activité du plus haut niveau est d'ordinaire celle qui a les besoins et les moyens de payer pour obtenir la localisation la plus centrale (ou la plus accessible).
76 Loi de la spatialisation de l'offre aux consommateurs:
R = sPuDvFwSz où
R : total de l'offre de service
P : population de la cellule écologique
D : densité de cette population F : statut familial S : rang social.
77 Clark C., 1951, Urban population Densities, Journal of the Royal Statistical Society, 2, pp. 490-496.
78
Loi du gradient des densités intra-urbaines: la relation densité-distance au centre d'une ville est de forme exponentielle négative.
79
Loi de la croissance allométrique intra-urbaine: le gradient des densités diminue avec le temps de manière exponentielle.
Newling B., 1965, Urban Growth and Spatial Structure: Mathematical Models and Empirical Evidence, Cornell Univ.
80
Densité critique: seuil à partir duquel la croissance devient négative; tout excès de densité se traduisant par des coûts sociaux. 81
Racine, J.-B., 1996, Entre paradigme critique et visions humanistes in: Derycke, P.-H., Huriot, J.-M., Pumain, D. (éds.) Penser la Ville, Théories et modèles, Anthropos, Paris, pp. 201-258.
82
Formation sociale: on trouvera une définition des différents concepts de l'analyse marxiste dans le chapitre de R. de Koninck sur la géographie critique. 83
Burgel, G., 1993, La ville aujourd’hui, Hachette, Pluriel, Paris.
84
Harvey D., 1978, Labor, Capital and Class Struggle Around the Built Environment in Advanced Capitalist Countries, in: Cox K.R. (ed.) Urbanization and Conflict in Market Societies, Maruofa Press, Chicago.
85
Harvey D. et Chatterjee L., 1974, Absolute Rent and the Structuring of Space by Governemental and Financial Institutions, Antipode, A Radical Journal of Geography, 6, 1, pp. 22-36.
86 Ferras R., 1977, Barcelone, croissance d'une métropole, Anthropos, Paris.
87
Berry B.J., 1965, Internal Structure of the City, in: Bourne L.S., 1971, Internal Structure of the City, Oxford University Press, London, pp. 97-103.
88
Mosaïques urbaines: la différenciation résidentielle de la ville en vient à ressembler à une “mosaïque de mondes sociaux” où chaque élément reflète le caractère et la fonction de ses habitants.
Wirth L., 1938, Urbanism as? Way of Life, American Journal of Sociology, 44, pp. 1-24.
89
Paradigme critique: “Nouvelle géographie de l'avenir” découlant de la critique de la géographie théorique et quantitative et qui est le fait d'hommes qui se réclament soit de la philosophie marxiste, soit de la phénoménologie, voire d'un humanisme existentialiste ou même, explicitement, de l'idéalisme. Voir le chapitre de R. de Koninck sur la Géographie critique ainsi que Isnard H., Racine J.B. et Reymond H., 1981, Problématiques de la géographie, Paris, PUF.
90 Ley D., 1983, ASocial Geography of the City, Harper- Row, New York.
91 Géographie des représentations.
92
Ley D., 1977, Social Geography and the Taken-for-Granted World, Transactions, Institute of British Geographers, Nº2, pp. 498-512.
93 Isnard H., 1978, L'espace géographique, PUF, Paris. 94
Simmons J.W., 1989, The External Relationships of Urban Systems:A Commentary, Bourne L.S. & als., The Changing Geography of Urban Systems, IGU Commission on Urban Ssytems in Transition, Univ. de Navarra., pp. 103-118. 95
Racine J.B., 1990, Villes, entreprises, images et culture, HEGOA, Institut de Recherche sur les Sociétés et l'Aménagement, Université de Pau et des Pays de l'Adour, Nº spécial, Autour de l'œuvre de Michel Chadefaud, pp. 89-98 96
Voir à ce sujet le chapitre de Paul Claval, La géographie sociale et culturelle. 97
Géographie des genres: les rapports entre sexes sont compris dans leur nature sociale plutôt que simplement biologique. 98
Gentrification ou élitisation: processus de renouveau social basé sur le retour des classes riches et moyennes des banlieues vers les centre-ville.
Voir Ley D., 1986, Alternative Explanation for Inner City Gentrification: A Canadian Assesment, Annals of the Assoc. of Am. Geogr., Nº 76, pp. 521-535; Ley D., 1988, Social Upgrading in Six Canadian Inner Cities, Le Géographe Canadien, Vol. 32, Nº 1, pp. 31-45. 99
Yuppies. 100
Dinks. 101
Qualité de la vie et bien-être social: thèmes développés par A.S. Bailly et B. Debarbieux dans le chapitre Géographie et représentations spatiales. 102
Territorialité: thème est abordé par C. Raffestin et A. Turco dans le chapitre Espace et pouvoir. 103
Coutraz J., 1996, Crise urbaine et espaces sexués, Colin, Paris.
Séguin A.-M. et Villeneuve P., 1987, Du rapport hommes-femmes au centre de la Haute-Ville de Québec, Cahiers de Géographie du Québec, Nº spécial, Espaces et femmes, Vol. 31, Nº 63, Dépt. de Géog. de l’Univ. Laval, Québec, pp. 189-204. 104
Brunet R., 1986, L'espace, règles du jeu, in: Auriac F. et Brunet R. (éds) Espace, jeux et enjeux, Fayard, Paris.
105
Espace vécu: ce thème est développé par A.S. Bailly dans le chapitre “La géographie des représentations:
espaces perçus et espaces vécus”.
106
Dear M. et Scott A.J., (eds), 1981, Urbanization and Urban Planning in Capitalist Society, Methuen, New York.
107
Dominance: se réfère aux groupes sociaux qui en viennent à déterminer de manière significative les localisations et les comportements d'autres groupes sociaux et plus particulièrement en s'octroyant les sites les plus avantageux.
108
Dominance métropolitaine: concept mis en évidence en 1949 par le sociologue D.J. Bogue pour cerner le rôle prépondérant des métropoles qui organisent et influencent la vie sociale et économique de territoires bien plus vastes que celui de leur propre limite.
109 Voir le chapitre d'A. Bailly et B. Debarbieux sur Géographie et représentations spatiales. 110
Bertrand M.J., 1980, Architecture de l'habitat urbain. La maison, le quartier, la ville, Dunod, Paris. 111
Rémy J. et Voyé L., 1992, La ville: vers une nouvelle définition ?, Paris, L’Harmattan. 112
Ley D., 1990, Urban liveability in Context, Urban Geography, 11, pp. 31-35 113
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Racine J.B., 1990, Villes et géographie urbaine pour les anées 90: une problématique en mutation, Les terrains de la géographie, Etudes de Lettres, Lausanne, pp. 27-46. 115
Urbanité: “Qualité d'une organisation urbaine illustrant l'identité d'une ville, sa mémoire, ses conflits, ses changements. Qualité d'un espace ou d'une architecture, exprimant et laissant s'exprimer les projets et les comportements des différents acteurs sociaux. Qualité de pratiques sociales agissant sur l'espace et l'architecture. L'urbanité tend à mettre en relation l'homme et la ville à travers une culture et le génie du lieu”. L'urbanité c'est alors, et tout à la fois, “le savoir-faire la ville et le savoir-vivre en ville”. Ala recherche de l'urbanité, Biennale de Paris, 1980, Centre G. Pompidou. 116
Thisse, J.-F., 1993, Oligopoly and the Polarization of Space, Papers and Proceedings of the European Economic Association, 37, pp. 299-307. 117
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