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Chapitre 1. Croissance économique et développement
Dans ce chapitre introductif, il est question de fixer les vues sur certains concepts et de projeter de la lumière sur les questions de base soulevées dans l’analyse théorique et empirique de la croissance économique. Certaines données statistiques y sont présentées afin de montrer l’importance des études sur la croissance économique et de mettre en évidence certaines préoccupations soulevées dans l’analyse du développement.
1. Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudier ?
La croissance économique est considérée par certains comme l’un des phénomènes les plus passionnants de la macroéconomie parce que tous les pays aspirent au bien-être et que ce dernier n’est pas envisageable sans la croissance. Les pays présentant les meilleurs indicateurs de bien-être et de développement sont ceux qui présentent les meilleures performances en termes de croissance.
Puisque l’Etat vise à réaliser le bien-être collectif, les décideurs de la politique économique se doivent de prendre des mesures favorables à la croissance économique. La réalisation de la croissance est ainsi un objectif essentiel de la politique économique qui se définit comme l’ensemble des mesures prises par l’Etat dans le propos d’infléchir le comportement de l’économie dans un sens jugé préférable du point de vue de la collectivité. Puisque tout individu recherche le bien-être, il faudrait que les mesures prises dans le cadre de la politique économique aillent dans le sens d’une promotion de la croissance.
Qu’est-ce que la croissance économique ?
François Perroux définit la croissance économique comme un processus continu et soutenu d’élévation du PIB réel d’un pays dans le temps. Ceci revient { dire que la croissance économique n’est pas un fait du hasard mais plutôt une œuvre soutenue et qu’elle se traduit par un accroissement continu du produit réel de toute l’économie. Il importe de noter que si d’une année { une autre, le produit de l’économie s’accroît { un taux inférieur { l’accroissement de la population, la croissance ainsi réalisée n’entraînera pas un accroissement du revenu par tête d’habitant. Il serait donc préférable de la définir comme un processus d’élévation continu et soutenu du PIB par habitant du pays.
La croissance qui est mesurée par le taux d’augmentation du PIB, constitue aujourd’hui l’instrument de référence principal pour la gestion { court terme et { long terme de l’ensemble des économies de la planète, de même que pour la politique de développement et de progrès des sociétés humaines. Sur le plan économique, le taux de croissance offre une mesure synthétique du degré de réalisation de la plupart des objectifs de la politique économique : augmentation des revenus du travail et du capital et accroissement de la richesse matérielle et du bien-être de la population ; augmentation de la capacité de créer des emplois rémunérateurs pour tous ; élargissement de l’assiette fiscale pour la mobilisation des moyens nécessaires au développement des services publics ; affirmation de la puissance économique des pays vis-à-vis du reste du monde ; et accumulation de richesses et de pouvoir assurant la sécurité de la collectivité pour l’avenir { long terme.
Pourquoi étudier la croissance économique ?
L’étude de la croissance économique est justifiée par la nécessité de comprendre comment par un ensemble d’actions harmonieuses et concertées, une nation peut améliorer de manière soutenue, le niveau de vie de sa population ou se libérer de l’ornière de la pauvreté. Une identification des déterminants de la croissance et une bonne compréhension de leurs interactions devraient permettre de bien concevoir une politique de développement.
Qu’est-ce qu’un modèle de croissance ?
Les modèles de croissance économique sont par définition, des schémas { l’aide desquels on essaie de mettre en équation la manière dont l’activité économique d’aujourd’hui peut rejaillir sur l’activité économique de demain afin de pouvoir explorer l’ensemble des voies de développement que les ressources naturelles, économiques, financières et humaines du pays permettent d’atteindre. Autrement dit, { l’aide des modèles, on essaie de mesurer l’impact de telle action ou de telle autre sur l’état même de l’économie. On peut considérer les modèles de croissance comme étant des guides à l’activité normative de la collectivité.
Qu’est-ce que le développement ?
La croissance n’est pas { confondre avec le développement. Ce dernier se définit comme un progrès intégral de l’homme dans toutes les dimensions de son être { travers des facteurs démographique, économique, socioculturel et politico-juridique. La croissance économique suppose un accroissement du PIB réel alors que le développement tient également compte des aspects qualitatifs de la vie. Il suppose dans le long terme, une amélioration des indicateurs de bien-être : niveau du revenu individuel (pouvoir d’achat), qualité de l’alimentation, accès { l’éducation et { la santé, jouissance des droits de base et des libertés fondamentales, etc.
· Facteur démographique. Le développement est réalisé au plan démographique lorsque l’on assiste à un bon planning familial de la part des ménages (équivalence entre les naissances et les moyens financiers et matériels). C’est un rapprochant l’indice de fécondité et le niveau de revenu par habitant que l’on peut se faire une idée sur le planning familial au sein d’une collectivité.
· Facteur économique. Le développement au plan économique suppose une amélioration des procédés de production et la réalisation d’une croissance forte et soutenue du PIB réel. On devrait non seulement assister à un accroissement continu du PIB réel mais aussi à une bonne répartition de celui-ci entre les différentes couches de la population.
· Facteur socioculturel. Le développement suppose également un épanouissement intellectuel et culturel. En d’autres termes, il faudrait que les nations ou pays investissent conséquemment dans l’homme, c’est-à-dire dans son éducation et dans sa santé. Les indicateurs qui renseignent utilement à ce sujet sont : le taux de scolarisation, le taux de morbidité, et le taux de mortalité.
· Facteur politico-juridique. Le développement requiert aussi la garantie et la protection des droits et la jouissance des libertés fondamentales. Par ailleurs, il doit être reconnu à chaque citoyen le droit et la possibilité de s’exprimer sur le devenir de son pays et de mener une activité politique librement selon les prescrits de la loi.
2. Croissance économique et bien-être
La croissance du revenu par habitant est une condition première de l’amélioration de l’ensemble des principaux éléments constitutifs du domaine économique : la consommation, l’appareil de production, les échanges extérieurs, l’activité des pouvoirs publics, la répartition du produit et du revenu, et la réduction de divers déséquilibres.
· La consommation. La croissance accroît la quantité de biens offerts sur le marché et assure aussi le financement des biens et services publics dont dépend la consommation collective.
· L’appareil de production. La croissance mesure les performances de l’appareil productif { travers les valeurs ajoutées à chaque étape de la production. Par ailleurs, elle assure à l’appareil productif les équipements et matières dont il a besoin, ainsi que ses possibilités de débouchés. Elle ouvre ainsi les perspectives de profit qui motivent les détenteurs de capitaux, et crée les perspectives d’emploi rémunérateur.
· Les échanges extérieurs. La croissance permet l’entrée de devises, et donc la possibilité de recourir aux produits et aux opportunités des marchés extérieurs ; elle assure aussi la compétitivité et la puissance recherchée par chacun des acteurs internationaux dans un système de relations axé sur la maximisation du profit. Ce système exige une grande ouverture sur l’extérieur et restreint fortement les possibilités de protection ;
· L’activité des pouvoirs publics. L’activité publique ne peut être financée que par des prélèvements fiscaux sur l’activité marchande. Ainsi, les ressources de l’Etat sont conditionnées par la croissance de l’activité productrice.
· La répartition du produit et du revenu. On peut considérer que les rémunérations des facteurs de production ne sont pas directement présidées par le rythme de la croissance ; mais il reste qu’un rythme plus rapide de croissance facilite le partage, alors que sa réduction risque de figer les positions acquises.
· La réduction de divers déséquilibres. La croissance permet la réduction de divers déséquilibres non seulement dans la mobilisation des ressources et la résorption des inégalités de répartition, mais aussi dans la gestion des équilibres macroéconomiques fondamentaux, tels que celui de la balance des paiements et celui de la lutte contre les pressions inflationnistes.
Si l’on tient compte de l’importance centrale de cette dimension économique dans la conception aujourd’hui prédominante du progrès social, on constate que le taux de croissance globale est devenu l’expression la plus courante pour mesurer le progrès d’un pays, dans le passé comme dans l’avenir, tant aux yeux des pouvoirs publics et des privés ou des acteurs de divers groupes sociaux. On en trouve un témoignage éloquent dans la fréquence des références à la croissance dans les discours politiques et dans les commentaires et les opinions diffusés quotidiennement par les médias. Le taux de croissance et ses variations demeurent au cœur des préoccupations et des échanges politiques, économiques et sociaux de la plupart des sociétés modernes.
3. Différences de revenus entre pays
Les données internationales font état d’importantes différences de niveau de revenus entre pays. Alors que certains pays ont des revenus très élevés, plus de 30 000 USD par an (cas des Etats-Unis, de l’Allemagne, du Japon, de Singapour, …), d’autres ont { peine 100 USD ou une centaine de dollars par an (cas du Centrafrique, de la République démocratique du Congo, du Tchad, etc.). Ces écarts de revenus s’expliquent essentiellement par les différences de performances en termes de croissance économique. Comme l’indique le tableau ci-dessous, plusieurs pays ont vu leurs niveaux de revenus s’accroître rapidement de 1960 { 1992 par le fait que leurs économies ont affiché d’importants taux de croissance. D’autres ont connu une détérioration par le fait de la décroissance de leurs PIB.
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Les écarts pourraient s’expliquer aussi par les différences entre pays en termes de taux d’investissement (ou d’épargne) et de taux de scolarisation car le niveau de revenu ou de salaire payé { une personne dépend de sa production, laquelle dépend des biens d’équipement mis { sa disposition et de son background scolaire ou académique. C’est ce qui du reste ressort du tableau ci-après. Il faut toutefois noter que la relation n’est pas parfaite mais elle est importante.
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Les différentes modèles que nous verront par la suite nous permettront d’avoir une idée claire sur les déterminants de la croissance et sur la manière dont ils agissent sur le processus de production. Quoique ces différents modèles semblent prendre des fois des orientations différentes, ils cherchent à rendre compte d’une même réalité, tout dépend de l’aspect sur lequel l’analyste voudrait le plus insister.
4. Convergence et divergence
Le tableau ci-dessous renseigne sur le comportement des revenus individuels de certains pays entre 1960 et 2003 et il fait également un rapprochement entre les revenus des pays à celui des Etats-Unis. Il montre que certains pays ont pu réduire l’écart de revenu par rapport aux Etats-Unis alors que d’autres s’en sont écarté davantage. Ces évolutions demandent à être expliquées pour une meilleure compréhension du processus de croissance économique. En d’autres termes, il y a nécessité d’identifier les facteurs { la base du processus de convergence ou de divergence.
Chapitre 2. Modèle de Solow : versions de base et augmentée
Qu'est-ce qui est à la base de la croissance du revenu individuel des pays dans le long terme?
Qu'est-ce qui fait que certains pays soient si riches et d'autres si pauvres? Qu'est-ce qui est à la base des écarts ou du creusement des écarts de niveau de vie entre pays? Ces questions ont retenu et continuent { retenir l’attention des économistes et experts en développement. Les analystes – particulièrement Solow [1956] et Swan [1956] – se sont proposés de mettre en évidence les déterminants de la croissance économique et de caractériser son comportement dans le long terme. Il se dégage des analyses que les principaux déterminants de la croissance sont le progrès technique, l’accumulation du capital et le travail. Dans le long terme, compte tenu de l’hypothèse de la décroissance de la productivité marginale des facteurs capital et travail, le modèle de Solow établit que seul le progrès technique expliquerait un rythme soutenu d’accroissement du revenu par habitant.
1. Le modèle de Solow : version de base
Le modèle de Solow focalise son attention sur la dynamique de quatre variables: la production réelle de l'économie représentée par Y, le capital physique K, la main-d'œuvre L et les connaissances ou l'efficience du travail A. L'économie dispose à chaque instant, d'un certain stock de capital, d'un nombre donné de travailleurs et d'un stock de connaissances lui permettant de produire. Sa fonction de production s'écrit : Y = F(K, AL).
Dans cette fonction de production, il est formulé l'hypothèse d'un progrès technique neutre au sens de Harrod (labor augmenting), car A multiplie L. Autrement dit, le progrès technique touche l'économie à travers une amélioration de la productivité du facteur travail. Cette hypothèse tient essentiellement au fait que les données réelles indiquent une tendance à la hausse des rémunérations, hausse justifiée par l’amélioration de la productivité des travailleurs.
Postulats du modèle
Les changements du PIB dans le temps sont dus aux changements des quantités de facteurs de production utilisés et du progrès technique. Grâce à ce dernier, l'on peut assister à un accroissement du produit de l'économie avec les mêmes quantités utilisées de capital et de main-d'œuvre. Les hypothèses faisant la particularité du modèle de Solow sont les suivantes.
· Les ménages sont composites en ce qu’ils sont { la fois producteurs et consommateurs (économie de Robinson Crusoé).
· Les pays ne produisent et ne consomment qu’un seul bien. Ce qui suppose qu’il n’y a pas de commerce international, car les membres des différents pays n’ont pas d’intérêt d’échanger des biens identiques. L’économie de Robinson Crusoé étant ainsi fermée, la production est nécessairement égale { la demande et l’investissement { l’épargne. Ainsi, l’explication keynésienne de la crise par l’insuffisance de la demande ne rencontre pas le cadre d’analyse du modèle de Solow.
· La technologie de production est exogène dans ce sens que les firmes ne peuvent pas la modifier par leurs dépenses de recherche et développement.
Hypothèses spécifiques à la fonction de production
Le modèle de Solow suppose que la fonction de production est well behaved, c'est-à-dire qu'elle vérifie toutes les conditions néoclassiques de régularité : sa dérivée première est positive et sa dérivée seconde est négative. F ¢(.) > 0 et F ²(.) < 0.
Dans cette fonction, tous les facteurs sont importants, ils sont imparfaitement substituables [l’élasticité de substitution est non nulle], leurs productivités marginales sont décroissantes et ils sont rémunérés en fonction de leurs productivités. Par ailleurs, le modèle postule que la fonction de production est caractérisée par des rendements d'échelle constants, c'est-à-dire qu'en multipliant K et AL par un scalaire m, l'effet sera de voir le produit de l'économie être multiplié par ce même scalaire. mY = F(mK, mAL).
L'hypothèse de rendements d'échelle constants qui a été formulée entre autre pour permettre de faire une analyse en termes de revenu par tête d'habitant, suppose que l'économie considérée est suffisamment développée. Dans une économie peu développée, les rendements devraient normalement être croissants. En posant que m = 1/AL, on peut ramener la fonction de production macroéconomique à une expression de la production par unité efficiente de travail qui s'écrit : y = f(k).
y est le produit par travailleur efficient et k l'intensité capitalistique par travailleur efficient.
…
Compte tenu des développements ci-dessus, le produit de l'économie peut être donné par la relation : Y = Af(k)L.
Si on posait que m = 1/L, on obtiendrait le produit par travailleur Y/L, soit : Y/L = f(K/L, A). K/L représente l'intensité capitalistique, c'est-à-dire le capital par travailleur.
En faisant un rapprochement de y et Y/L, on peut bien établir que: Y/L = Af(k). Même si f(k) est constant, le produit par tête va croître sous l’effet du progrès technique.
En plus des conditions sus évoquées, il faudrait que la fonction de production vérifie les conditions de régularités définies par Inada [1964] : f(0) = 0, limk 0 f ¢(.) = ∞ et limk ∞ f ¢(.) = 0.
Les conditions d’Inada sont des conditions aux bornes qui garantissent l’existence d’une solution. Elles supposent que le produit marginal du capital est très élevé lorsque l'intensité capitalistique est faible et il est bas lorsque l'intensité capitalistique est très importante.
Hypothèses spécifiques aux décisions de consommer et d'investir
Dans le modèle, il est admis que chaque individu ou travailleur consomme une fraction (1 – s) de son revenu et affecte le reste à l'épargne. Cette dernière finance l'investissement. c = (1 – s)y et i = sy. s représente la propension marginale à épargner et (1 – s) la propension marginale à consommer. Cette hypothèse n'est rien d'autre que l’expression de la loi psychologique fondamentale formulée par Keynes [1936]. Lorsque le revenu augmente, la consommation croît également mais à un rythme moins important.
Hypothèses spécifiques à l'évolution des facteurs de production
Facteur capital. Au fil du temps, le stock de capital physique de l'économie ou du pays croît – grâce à l'investissement réalisé par les individus – d'un montant sY et diminue – à la suite de l'amortissement ou de l’obsolescence – d'un montant constant δK. Ainsi, on aura la relation : dK/dt = sY – δK.
Facteur travail. Le modèle suppose que la main-d'œuvre croît de manière continue à un taux n. Dans ces conditions, on écrit : dL/dt = nL avec n une grandeur exogène. Si au temps 0, le nombre de travailleurs est L(0), au temps t on aura L(t) = L(0)e nt .
Progrès technique. L'évolution du stock de connaissances est similaire à celle de la main-d'œuvre à la seule différence que l'accroissement des connaissances s'orchestre à un taux g. On aura ainsi : dA/dt = gA. g est une grandeur exogène. Si au temps 0, le stock de connaissances de l'économie ou du pays est A(0), au temps t on aura A(t) = A(0)e gt .
Table des matières
Chapitre 1. Croissance et développement
1. Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudier ?
2. Croissance économique et bien-être
3. Différences de revenus entre pays
4. Convergence et divergence
Chapitre 2. Modèle de Solow : versions de base et augmentée
1. Modèle de Solow : version de base
2. Modèle de Solow avec capital humain
3. Hypothèse de convergence
Chapitre 3. Modèle de croissance optimale
1. Modèle de croissance optimale sans progrès
2. Modèle de croissance optimale avec progrès
Chapitre 4. Modèle à générations imbriquées
1. Modèle canonique
2. Modèle avec des fonctions spécifiques
Chapitre 5. Modèles de croissance endogène
1. Modèle de croissance avec apprentissage par la pratique
2. Modèle de croissance avec capital humain
3. Modèle de croissance avec R&D
4. Modèle de croissance avec dépenses publiques