Cours de la croissance et fluctuations economiques
Cours de la croissance et fluctuations économiques
Introduction
La croissance économique est l’un des phénomènes les plus passionnants de la science économique, car elle permet d’expliquer non seulement le processus d’enrichissement des nations mais aussi d’expliquer les disparités de niveau de vie entre pays riches et pauvres. Etant donné que tous les hommes aspirent au mieux-être et que les performances économiques débouchent sur des revenus accrus et des plus grandes possibilités de consommation, la réalisation de la croissance économique constitue un objectif majeur de la politique économique et des politiques de développement des pays.
Dans le présent cours, nous parlerons du phénomène de la croissance économique, de ses différents contours, des problèmes ou questions qu’elle soulève, et plus particulièrement des différentes théories proposées par les économistes pour rendre compte de son déroulement. Aussi, nous parlerons de l’hypothèse de convergence des économies du monde vers un même niveau de vie ou de revenu.
Il convient d’ores et déjà de noter que les théories de la croissance ont connu trois grandes phases de développement. Les post-keynésiens Harrod et Domar sont les fondateurs de la macrodynamique en ce qu’ils sont les premiers à avoir proposé un modèle qui cherche les possibilités d'une croissance équilibrée. Leurs travaux ont consisté à un prolongement – dans le long terme – de l'analyse de Keynes sur l'instabilité des économies de marché.
Domar a montré que l'investissement était nécessaire pour qu’une économie croisse et qu’il exerçait une double influence sur l'économie. Par son aspect demande ou par le mécanisme du multiplicateur, il modifie le revenu national et la demande globale. Au même moment, il accroît par son aspect offre la capacité de production de l’économie. Dans ces conditions, la croissance sera qualifiée d’équilibrée, lorsque la croissance de l'offre est égale à la croissance de la demande. En introduisant les anticipations dans la détermination de l'investissement, il est arrivé à la conclusion que la relation déterminant le taux de croissance est instable.
Harrod a montré que la croissance économique de plein-emploi est par nature instable, c’est-à-dire qu'elle ne peut être que le fruit du hasard ou d'interventions stabilisatrices de l’Etat grâce aux instruments monétaires et budgétaires. Ceci parce que l'égalité nécessaire entre le taux de croissance effectif g, le taux de croissance garanti gw (nécessaire pour que l'égalité entre l'épargne et l'investissent soit vérifiée) et le taux naturel ne peut se faire que sur le fil du rasoir.
A la suite des performances réalisées par les pays de l’OCDE après la seconde guerre mondiale, les économistes se sont interrogés sur la possibilité de ne plus rencontrer des profonds retournements de conjoncture. En effet, après que les économies les plus développées du monde aient été secouées par la grande crise des années 1930 et que la deuxième guerre mondiale ait ravagé plusieurs d’entre elles, il a paru quelque peu étonnant de voir ces pays renouer assez rapidement avec une forte croissance économique : 5.0 % l’an.
Les analystes, particulièrement Solow et Swan ont remis en cause le principe de l’instabilité de la croissance de plein-emploi de Roy Forbes Harrod et se sont proposés de mettre en évidence les déterminants de la croissance et de caractériser son comportement dans le temps. Ils ont montré que dans le long terme, seul le progrès technique est le seul déterminant de la croissance des revenus individuels.
De tous les modèles suggérés dans les années 1950-1960 pour rendre compte du processus de croissance, c’est celui de Solow [1956] qui a reçu les plus grandes lettres de noblesse. Il constitue le point de départ de presque toutes les analyses car la plupart des modèles se comprennent bien par lui, même ceux qui semblent s’en écarter considérablement1 .
Le principal reproche adressé au modèle de Solow est celui de traiter le progrès technique comme une grandeur exogène. C’est ainsi que les nouvelles théories de la croissance qui se proposent de remettre en cause l'idée d'un progrès technique exogène ont vu le jour dans les années 1980. A dire le vrai, les tentatives d’endogéneisation du progrès technique ne remontent pas aux années 1980, car Kaldor [1957] et Arrow [1962] s'étaient déjà intéressés à cette avancée théorique.
Un des aspects essentiels des théories de la croissance endogène est l'hypothèse de rendement constant du capital. La première démarche théorique fut d'abandonner définitivement l'hypothèse des rendements décroissants du capital retenue par Solow. Le capital est alors perçu comme "l'ensemble exhaustif des facteurs de production susceptibles d'être accumulés", aussi bien le capital humain que le stock de connaissances. De plus, le renouveau des théories de la croissance repose sur une nouvelle façon de considérer l'origine et le rôle du progrès technique, qui n'est plus exogène, mais bien au contraire une variable qui renvoie à des comportements et des grandeurs macroéconomiques.
Les premiers travaux sur la croissance endogène sont ceux de Paul Romer et de Robert Lucas. L'ambition de leurs recherches était de rendre compte du caractère auto-entretenu de la croissance et du progrès technologique qui, dans les théories traditionnelles, était considéré comme une grandeur exogène ou une manne qui tombait du ciel.
A la suite de Romer [1986], certains analystes ont cherché le moteur de la croissance dans le phénomène d'apprentissage par la pratique (learning by doing). Une deuxième voie de recherche a été ouverte par Lucas [1988], et a privilégié le processus d'accumulation de capital humain au sein du système éducatif des pays. Romer [1990] et Aghion-Howitt [1992] ont – par la suite – fait du progrès technique un stock d'innovations, produit d'une activité volontaire de recherche et développement (R&D). Barro [1990] a ouvert la voie à une autre piste de recherche : il a fait des dépenses publiques un déterminant de la productivité de l’économie.
La question des facteurs explicatifs de la croissance économique a toujours occupé une place centrale dans le débat. Les modèles de croissance endogène ont assez largement contribué à impulser le phénomène. Les travaux, tant théoriques qu'empiriques, se sont ainsi multipliés, occasionnant dans le même temps, une expansion sans précédent des variables mises en relation avec le taux de croissance de long terme. Capital humain, dépenses publiques, et R&D comptent parmi les explications les plus fréquemment rencontrées.
Sous la mouvance de la globalisation économique, une littérature abondante est aujourd’hui consacrée aux relations qui existent entre la croissance et la libéralisation, l’ouverture sur l’extérieur, le système financier, le poids de la dette extérieure, le climat des affaires, la bonne gouvernance et les guerres. D’autres travaux se proposent d’analyser avec plus de profondeur la contribution de la femme dans le processus de croissance et de développement en insistant sur sa contribution en tant que facteur de production et agent de reproduction de la race humaine.
Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudie-t-on ?
Le phénomène croissance économique est l’un des phénomènes les plus passionnants de la macroéconomie ; ceci parce que tous les pays aspirent au bien-être et que ce dernier n’est pas envisageable sans la croissance économique. Les pays présentant les meilleurs indicateurs de bien-être et de développement sont ceux qui présentent les meilleures performances en termes de croissance. Pour ainsi dire, la croissance économique suppose une amélioration du niveau de vie.
Etant donné que l’Etat a pour fonction objective la maximisation du bien-être collectif et qu’on lui reconnaît une certaine responsabilité macroéconomique, les décideurs de la politique économique se doivent de prendre des mesures favorables à la croissance économique. La réalisation de la croissance économique est ainsi un objectif essentiel de la politique économique qui se définit comme l’ensemble des mesures prises par l’Etat dans le propos d’infléchir le comportement de l’économie dans un sens jugé préférable du point de vue de la collectivité. Puisque tout individu recherche le bien-être, il faudrait que les mesures prises dans le cadre de la politique économique aillent dans le sens d’une promotion de la croissance.
Qu’est-ce que la croissance économique ?
François Perroux définit la croissance économique comme un processus continu et soutenu d’élévation du produit réel (ou PIB réel) d’une économie dans le temps. Ceci revient à dire que la croissance économique n’est pas un fait du hasard mais plutôt une œuvre soutenue et qu’elle se traduit par un accroissement continu du produit réel de toute l’économie.
Sans remettre totalement en cause cette définition, il convient de remarquer qu’elle est quelque peu imprécise. Si d’une année à une autre, le produit de l’économie s’accroît à un taux inférieur à l’accroissement de la population, la croissance ainsi réalisée n’entraînera pas un accroissement du produit ou revenu par tête d’habitant. C’est ainsi que certains théoriciens et praticiens du développement préfèrent la définir comme étant un processus d’élévation continu et soutenu du produit par habitant de l’économie.
La croissance qui est mesurée par le taux d’augmentation du PIB, constitue aujourd’hui l’instrument de référence principal pour la gestion à court terme et à long terme de l’ensemble des économies de la planète, de même que pour la politique de développement et de progrès des sociétés humaines.
Sur le plan économique, le taux de croissance global offre une mesure synthétique du degré de réalisation de la plupart des objectifs de la politique économique : augmentation des revenus du travail et du capital et accroissement de la richesse matérielle et du bien-être de la population ; augmentation de la capacité de créer des emplois rémunérateurs pour tous ; élargissement de l’assiette fiscale pour la mobilisation des moyens nécessaires au développement des services publics ; affirmation de la puissance économique des pays vis-à-vis du reste du monde ; et plus globalement, accumulation de richesses et de pouvoir assurant la sécurité de la collectivité pour l’avenir à long terme.
La croissance du revenu par habitant apparaît effectivement comme une condition première de l’amélioration de l’ensemble des principaux éléments constitutifs du domaine économique :
· La consommation. La croissance accroît la quantité de biens offerts sur le marché et assure aussi le financement des biens et services publics dont dépend la consommation collective.
· L’appareil de production. La croissance mesure les performances de l’appareil productif à travers les valeurs ajoutées à chaque étape de la production. Par ailleurs, elle assure à l’appareil productif les équipements et matières dont il a besoin, ainsi que ses possibilités de débouchés. Elle ouvre ainsi les perspectives de profit qui motivent les détenteurs de capitaux, et crée les perspectives d’emploi rémunérateur.
· Les échanges extérieurs. La croissance permet l’entrée de devises, et donc la possibilité de recourir aux produits et aux opportunités des marchés extérieurs ; elle assure aussi la compétitivité et la puissance recherchée par chacun des acteurs internationaux dans un système de relations axé sur la maximisation du profit. Ce système exige une grande ouverture sur l’extérieur et restreint fortement les possibilités de protection ;
· L’activité des pouvoirs publics. L’activité publique ne peut être financée que par des prélèvements fiscaux sur l’activité marchande. Ainsi, les ressources de l’Etat sont conditionnées par la croissance de l’activité productrice.
· La répartition du produit et du revenu. On peut considérer que les rémunérations des facteurs de production ne sont pas directement présidées par le rythme de la croissance ; mais il reste qu’un rythme plus rapide de croissance facilite le partage, alors que sa réduction risque de figer les positions acquises.
· La réduction de divers déséquilibres. La croissance permet la réduction de divers déséquilibres non seulement dans la mobilisation des ressources et la résorption des inégalités de répartition, mais aussi dans la gestion des équilibres macroéconomiques fondamentaux, tels que celui de la balance des paiements et celui de la lutte contre les pressions inflationnistes.
Si l’on tient compte de l’importance centrale de cette dimension économique dans la conception aujourd’hui prédominante du progrès social, on constate que le taux de croissance globale est devenu l’expression la plus courante pour mesurer le progrès d’un pays, dans le passé comme dans l’avenir, tant aux yeux des pouvoirs publics et des privés ou des acteurs de divers groupes sociaux. On en trouve un témoignage éloquent dans la fréquence des références à la croissance dans les discours politiques et dans les commentaires et les opinions diffusés quotidiennement par les médias. Le taux de croissance et ses variations demeurent au cœur des préoccupations et des échanges politiques, économiques et sociaux de la plupart des sociétés modernes.
1.1. Comment mesurer et étudier la croissance économique ?
Pour bien appréhender un phénomène économique, il faut premièrement savoir quel est l’indicateur à utiliser pour saisir convenablement ses contours. Ainsi, sous ce point, nous parlerons de la manière dont la croissance est mesurée ainsi que des différentes questions soulevées dans l’étude du processus de croissance économique.
1.1.1. Comment mesurer la croissance ?
Etant donné que le PIB est mesuré en unités monétaires, c’est-à-dire par la somme d’un produit prixquantité, sa valeur peut augmenter aussi bien à la suite d’une élévation des prix que d’un accroissement des quantités réellement produites (quantités physiques). Il faudrait à cet effet distinguer le PIB réel du PIB nominal.
Le PIB nominal est la valeur des biens et services mesurée à prix courants alors que le PIB réel est mesuré à prix constants. Pour calculer ce dernier, on retient les prix d’une année de base, car il faut neutraliser l’effet de la variation des prix et mettre en évidence l’évolution de la production physique. Dans ces conditions, le PIB réel mesure plus correctement le niveau de l’activité et du bien-être économiques que le PIB nominal. PIB nominal = å pjt yjt et PIB réel = å pj °yjt pjt est le prix courant du bien j alors que pj ° est son prix à l’année de base ou de référence.
Autant que l’évolution des prix affecte la grandeur PIB nominal, elle peut influencer le comportement d’autres grandeurs macroéconomiques nominales telles que la consommation des ménages et les dépenses publiques. A cet effet, il est recommandé d’utiliser des grandeurs réelles ou mesurées à prix constants pour pouvoir une évaluation correcte des performances économiques ou du niveau de vie de la population.
Il ressort de ce tableau que les variations du PIB nominal sont positives alors que celles du PIB réel sont négatives sur toute la période considérée, excepté pour l’année 2002. Cet état de choses procède du fait que le PIB nominal est influencé par le comportement des prix sur les marchés alors que le PIB réel est calculé à prix constants. Ainsi, pour faire une bonne évaluation des performances d’une économie, il faut se rapporter au PIB réel et non pas au PIB nominal. En outre, l’évolution du déflateur fait état d’une forte inflation en RdC pour la période considérée.
Les taux de croissance annuel, moyen et global du PIB
Pour mesurer les performances d’une économie dans le temps, on se rapporte à la variation de son PIB réel. Ainsi, le taux de croissance du PIB, g est l’indicateur qui permet d’apprécier les performances d’une économie ou de comparer ses performances à celles d’autres économies. 100 100 0 0 1 0 ´÷ ÷ ø ö ç ç è æ D ´ = ÷ ÷ ø ö ç ç è æ - = PIB PIB PIB PIB PIB g .
Comme nous l’avons signalé plus haut, les variations du PIB nominal peuvent être fortement influencées par le comportement des prix intérieurs. Pour mesurer la croissance réelle du PIB, il faudra se rapporter au PIB mesuré à prix constants. On peut calculer le taux de croissance à partir d’un coefficient multiplicateur m. Ce dernier est égal au rapport de la valeur actuelle sur la valeur de départ du PIB, soit : m = PIB1 /PIB0.
Ainsi, le taux de croissance sera égal au multiplicateur diminué de l’unité : g = (m – 1) ´ 100. Dans ces conditions, une croissance de 100.0 % correspond à un multiplicateur égal à 2, une croissance de 200.0 % correspond à un multiplicateur égal à 3, une croissance de 300.0 % correspond à un multiplicateur égal à 4, et ainsi de suite On utilise les multiplicateurs lorsque les variations relatives ou en pourcentage sont très importantes.
Pour avoir le taux de croissance annuel moyen du PIB entre deux dates qui ne se suivent pas directement, c’est-à-dire sur une période de plus de deux années, on se sert d’un processus de calcul d’intérêts composés. Il faut connaître à cet effet le taux de croissance global pour toute la période, soit G et le nombre d’années de la période considérée, soit n. Si on note le taux de croissance moyen par gm, on devrait observer l’égalité ci-après pour la période considérée : (1 + gm)(1 + gm) … (1 + gm) = 1 + G ou (1 + gm) n = 1 + G.
Par conséquent, le taux de croissance moyen sera donné par la relation : gm = (1 + G) 1/n – 1. Considérons le tableau ci-après qui donne le taux de croissance annuel du PIB d’une économie hypothétique sur une période de quatre années.
On aura : 1.03 ´ 0.99 ´ 1.05 ´ 1.08 = 1 + G. Par conséquent, G sera égal à 0.156 et le taux de croissance moyen annuel du PIB sera : gm = (1 + 0.156)1/4 – 1 = 0.0369, soit 3.7 %. Il convient enfin de faire une mise en garde en ce qui concerne la manipulation des taux de croissance, car les hausses et les baisses ne sont pas symétriques. Si le PIB d’un pays passe de 10.0 milliards à 15.0 milliards, son taux de croissance sera de 50.0 %. Et si une année après le PIB passait de 15.0 milliards à 7.5 milliards, soit une baisse de 50.0 %, on devrait se garder de dire que de la première année à la troisième année, le PIB n’a pas changé ou que le taux de croissance a été de zéro, car 10.0 milliards est différent de 7.5 milliards
Sommaire
Introduction
1. Qu’est-ce que la croissance et pourquoi l’étudie-t-on ?
1.1. La mesure et l’étude de la croissance économique
1.2. La croissance et la répartition des revenus
1.3. La croissance économique et le bien-être collectif
2. Théories de la croissance exogène et l’hypothèse de la convergence
2.1. Le modèle Harrod-Domar
2.2. Le modèle de R.M. Solow
2.3. Le modèle de Ramsey – Cass – Koopmans
2.4. L’hypothèse de la convergence
3. Théories de la croissance endogène
3.1. Learning by doing et croissance économique
3.2. Capital humain et croissance économique
3.3. Recherche – développement et croissance économique
3.4. Les dépenses publiques et la croissance économique
4. Autres développements de la théorie de la croissance
4.1. L‘ouverture sur l’extérieur et la croissance économique
4.2. L’endettement extérieur et la croissance économique
4.3. Le système financier et la croissance économique
4.4. La bonne gouvernance et la croissance économique
5. Analyse empirique de la croissance et de la convergence
5.1. La décomposition des taux de croissance
5.2. L’analyse économétrique de la croissance
5.3. L’analyse économétrique de la convergence
Références bibliographiques