Cours d’introduction au commerce electronique international
Cours d’introduction au commerce électronique international
Les échanges internationaux de produits TIC et le commerce électroniques sont un des moteurs de la dynamique de libéralisation du commerce mondial. Celle-ci passe notamment par une réduction des barrières aux échanges et deux accords internationaux conduisent à la réduction, et à terme à l’abolition des droits de douane pour les produits de la filière TIC et les échanges électroniques. Les règles d’imposition directes et indirectes, bâties pour des activités traditionnelles et tenant compte de fortes spécificités nationales, sont également perturbées par le développement du commerce électronique. Au total, les évolutions en cours conduisent à une nécessaire réflexion sur le rôle des Etats-Nations dans la régulation des échanges mondiaux.
Le développement des TIC et du commerce électronique, en particulier au niveau international, oblige à s’interroger sur la pertinence des frontières et du contrôle des Etats sur les flux d’échange. Les frontières physiques sont les lieux où sont définis et perçus les droits de douane pour les échanges et les TIC permettent souvent de les rendre caduques. Ce type d’échange fait donc figure de laboratoire de la mondialisation d’une part car il anticipe la réduction, et à terme la disparition, des barrières douanières et non douanières et d’autre part car il accélère la nécessaire harmonisation des règles d’imposition. Nous présentons un état des principales réflexions en cours, menées notamment au sein des organisations internationales sur ces deux dossiers : barrières au échanges et règles d’imposition.
1- TIC, commerce électronique et droits de douane
Deux accords internationaux partiels (car essentiellement ratifiés par les Pays développés) structurent le programme de libéralisation des échanges internationaux dans le domaine des TIC et du commerce électronique. L’Accord sur les Technologies de l’Information (ATI) et l’accord dit « Duty Free Cyberspace » de l’Organisation Mondiale du Commerce.
L’Accord sur les Technologies de l’Information.
L’Accord sur les Technologies de l’Information (ATI) a été officiellement ratifié à la Conférence ministérielle de l'OMC de Singapour en décembre 1996. L’objectif était de favoriser, par la libéralisation, le commerce international de produits de la filière des TIC considérés comme essentiels en matière de développement économique. Les pays signataires se sont engagés à éliminer tous les droits de douane sur les produits visés par l'accord d'ici au 1er janvier 2000. Les produits concernés apparaissent sur une liste comprenant notamment les semi-conducteurs, les ordinateurs, les équipements informatiques et les équipements de télécommunication. Les pays signataires s’engagent à éliminer tous les droits de douane sur les importations de ces produits lors qu’ils sont originaires d’un pays membre de l’OMC (même non signataire de l’accord ATI). Un peu plus de 10 ans après sa signature, cet accord porte sur des flux d’échanges de 1450 billions de dollars avec un taux de croissance annuel moyen de 8,5%. Le nombre de pays signataires de l’accord est de 70 (sur 150 adhérents à l’OMC) mais ils représentent 97% des échanges de produits de la filière TIC.
L’accord engage les signataires uniquement sur la réduction des droits de douane, il n’y a pas d’engagements contraignants sur les barrières non tarifaires aux échanges comme les quotas, normes ou achats publics protégés ceci même si la déclaration prévoie leur examen dans le futur. L’ATI est en constante évolution puisque la liste des produits concernés est périodiquement augmentée. Des pays comme les Etats-Unis souhaiteraient que l’accord connaisse des développements plus importants, ces évolutions sont regroupées sous le terme d’ATI II et incluraient notamment les barrières non tarifaires aux échanges comme les normes qui sont les véritables obstacles aux échanges pour ces produits. Il apparaîtrait également souhaitable que le nombre de pays signataires de l’accord augmente avec notamment la ratification de grands pays émergents comme le Brésil ou le Mexique.
Le «duty free cyberspace».
La proposition de constitution d’un «duty free cyberspace» est une initiative des Etats-Unis soumise à l’OMC en 1998 et qui encourage les Etats à ne pas appliquer de droits de douane sur les échanges électroniques internationaux. La principale motivation affichée par les promoteurs de cette initiative est la nécessité de promouvoir cette forme d’échange. Le statut de ce moratoire temporaire est devenu incertain après l’échec de la conférence ministérielle de Seattle en 1999. Après des débats animés, notamment entre les Etats-Unis et l’Europe, la conférence ministérielle de l’OMC à Doha en 2001 a décidé de prolonger le moratoire qui sera donc rediscuté à la fin du cycle de négociation actuel.
Ce moratoire remet en cause le principe de neutralité technologique de la politique douanière pour les biens dits « numérisables », c'est-à-dire qui peuvent être livrés sous forme physique et sous forme électronique (musique, films…). L’absence de perception des droits de douane pour un mode particulier de livraison (électronique) alors que les mêmes produits livrés traditionnellement sont soumis au tarif douanier entraîne un mécanisme de «détournement d’échanges» au bénéfice du commerce électronique. Ce mécanisme de discrimination est soutenable tant que le commerce électronique représente une part marginal du commerce mondial mais il sera nécessaire de traiter cette question avec l’augmentation probable de cette forme d’échange
Ces deux accords ont des conséquences sur les recettes douanières des Etats. Les pertes de recettes sont toutefois relativement limitées car les droits de douane sont désormais très faibles en moyenne et représentent en général une part négligeable des recettes publiques dans les Pays Développés. En revanche, pour un certain nombre de Pays en Développement, les recettes fiscales peuvent représenter une part significative des recettes de l’Etat et ces pays sont réticents à les signer.
Au delà de la question des recettes douanières, le développement des échanges internationaux de biens numérisables pose un problème important de régulation des échanges. Les échanges internationaux de biens (ou marchandises) sont régis par les mécanismes du GATT (General Agreement on Tariff and Trade) proposés initialement en 1947 et repris dans l’accord fondateur de l’OMC sous la dénomination de GATT 1995. Cet accord de libéralisation est particulièrement contraignant dans la mesure où il repose sur le principe de non-discrimination (application de la clause de la nation la plus favorisée) et la mise en place de concessions tarifaires permettant la réduction des droits de douanes. Ces obligations forment un ensemble que tout pays adhérent à l’OMC doit s’engager à respecter. Les échanges de services sont couverts par un autre accord dénommé GATS (General Agreement on Trade on Services). Cet accord de 1995 est beaucoup moins contraignant que l’accord GATT dans la mesure où il permet aux pays membres de l’OMC de maintenir des mesures incompatibles avec le GATS en demandant des exceptions.
La classification des biens numérisables en biens ou en services n’est donc pas neutre pour leur processus de libéralisation et il n’existe pas de consensus sur ce point. Les pays européens considèrent que tous les échanges électroniques sont des échanges de services, donc que les règles moins libérales du GATS doivent être utilisées. Pour leur part, les Etats-Unis distinguent d’une part les services délivrés sur Internet qui sont couvert par le GATS et d’autre part des biens numérisables qui peuvent être des marchandises et relèvent du GATT. L’Australie, par exemple, considère que les transactions de biens numérisables doivent être traitées comme des échanges de droits de propriété intellectuelle (logiciels et musique en particulier). L’achat d’un CD musical ou d’un logiciel sur CD Rom ne porte pas légalement sur l’achat d’un support physique mais sur l’achat d’une licence (limitée) d’utilisation. Dans le cas d’un logiciel, la licence est d’ailleurs souvent étendue à la possibilité, pendant une certaine période, de télécharger des améliorations ou actualisations.
Cet exemple montre que le commerce électronique conduit à s’interroger sur le processus même de la libéralisation des échanges qui repose sur une distinction traditionnelle (entre biens et services) qui s’avère de moins en moins pertinentes. Le commerce électronique, par ses caractéristiques, fait figure de laboratoire dans la libéralisation des échanges internationaux et dans la perte de contrôle des Etats de leurs possibilités de protection et de taxation des échanges.
2- La nécessaire évolution de la fiscalité indirecte et directe
La question de l’imposition des transactions réalisées par le commerce électronique fait l’objet de nombreuses réflexions et travaux menés tant au niveau international que national. Au niveau international, l’OCDE est l’enceinte privilégiée des discussions entre Etats sur la fiscalité du commerce électronique. Le rôle moteur de l’OCDE sur ces questions pose toutefois le problème de la représentation des Pays en développement qui ne sont pas membres de cette organisation. La fiscalité du commerce électronique a fait l’objet d’un premier débat qui a été tranché dans les années quatre-vingt dix. Pour certains membres de l’organisation, il fallait favoriser le développement du Commerce Electronique par la défiscalisation totale des transactions alors que pour d’autres, le développement de l’Internet et du commerce électronique pouvait permettre d’augmenter les recettes des Etats avec, par exemple, la mise en place d’une « taxe à l’octet ». Les travaux de l’OCDE se sont orientés vers une proposition médiane, l’organisation de propose pas créer de taxe spécifique et préconise d’appliquer au commerce électroniques les règles fiscales existantes.
Les travaux de l’OCDE se sont ensuite orientés d’une part vers la définition des principes d’une «bonne fiscalité» pour les échanges électroniques (pour fiscalité indirecte) et d’autre part vers la définition des critères de détermination géographique d’une activité commerciale (pour la fiscalité directe). Les principes de base de la fiscalité du commerce électronique ont été établis lors de la conférence ministérielle de l’OCDE à Ottawa en 1998. En février 2001, les TAG (technical Advisory Group) de l’OCDE ont précisé les principes nécessaire à la mise en place d’une fiscalité efficace du commerce électronique.
Les conditions cadres dites «d’Ottawa» sur la fiscalité du commerce électronique
La fiscalité du commerce électronique doit être basée sur les principes suivants :
Neutralité : La fiscalité devrait viser à assurer la neutralité et l’équité entre les différentes formes de commerce électronique et entre les formes conventionnelles et les formes électroniques de commerce. Les décisions commerciales devraient être motivées par des considérations économiques et non fiscales. De contribuables placés dans des situations similaires et effectuant des transactions similaires devraient être soumis à des niveaux d’imposition similaires.
Efficience : Les coûts de la discipline fiscale pour les contribuables et les coûts administratifs pour les autorités fiscales devraient t être réduits dans la mesure du possible.
Certitude et simplicité : Les règles fiscales doivent être claires et simples à comprendre ;de façon que les contribuables puisse anticiper les conséquences fiscales avant une transaction, et savoir en particulier quand, où et comment l’impôt doit être déclaré.
Efficacité et équité : L’imposition devrait procurer le montant normal de l’impôt à la date voulue. Il convient de minimiser les possibilités de fraude et d’évasion fiscale tout en veillant à ce que les contre-mesures restent proportionnelles aux risques en cause.
Flexibilité : Les mesures d’imposition devraient être flexibles et dynamiques de manière à suivre le rythme d’évolution des techniques et des transactions commerciales.
Source : OCDE 2005
Dans le domaine de la fiscalité indirecte, il apparaît souhaitable d’harmoniser les systèmes existants pour éviter les risques de frictions illustrés par le débat transatlantique sur les nouvelles modalités de collecte de la TVA en Europe pour les transactions électroniques. Concernant la fiscalité directe, la question principale est celle de la définition des notions «d’établissement permanent» et de «pays d’origine», ce qui peut paraître paradoxal pour une activité dont la particularité est justement de dépasser les contraintes géographiques.
La fiscalité indirecte du commerce électronique et les divergences entre l’Europe et les Etats-Unis.
Le développement du commerce électronique est relativement neutre pour la fiscalité indirecte pour tous les échanges qui impliquent la livraison finale d’un bien tangible. Si l’Internet est utilisé uniquement pour la recherche, la commande et le paiement de biens qui sont ensuite acheminés de manière traditionnelle, la situation est a priori la même que pour la vente à distance et il n’y a pas de spécificité du commerce électronique. Rappelons que la fiscalité indirecte repose en grande partie sur le système de la TVA dans la plupart des pays développés et notamment et Europe alors qu’elle passe par une imposition des ventes de détail aux Etats-Unis. Lors de transactions internationales, la TVA et la taxe sur la vente de détail sont prélevée à la frontière avec les droits de douane et répercutées directement sur les prix de vente aux consommateurs. Les difficultés de taxation concernent essentiellement les ventes de biens numérisables puisque dans ce cas, il n’y a pas de franchissement physique de frontières. Pour ce type de biens, l’OCDE a proposé que ces transactions soient traitées comme des échanges de services et non de biens, mais cette proposition place le commerce électronique dans une catégorie de transaction pour lesquelles les règles fiscales ne sont pas définies de manière précises.
Les enjeux de l’imposition indirecte du commerce électroniques sont différents pour le commerce avec les particuliers (Business to Consumer) et le commerce entre entreprises (Business to Business). Le système de TVA qui existe dans de nombreux pays pèse sur l’ensemble des relations commerciales mais les entreprises récupèrent cette TVA sur leur consommation intermédiaire. La taxe sur les ventes de détail, comme aux Etats-Unis, est appliquée uniquement lors de la vente finale. Elle s’applique en général sur l’ensemble des biens et sur quelques services comme les télécommunications et les services financiers. Cette taxe est variable en termes de base et de taux selon les Etats. Le développement du commerce électronique pourrait d’ailleurs donner l’occasion de mettre en chantier une réforme de la fiscalité indirecte aux Etats-Unis.
Le débat sur la fiscalité indirecte et notamment la TVA sur le commerce électronique a été réactivé par une initiative européenne. Une directive du 12 février 2002 oblige les sites de commerce électronique situés en dehors du territoire des Etats-Membres de l’Union à appliquer la TVA sur leurs ventes aux consommateurs européens. Cette nouvelle réglementation vise à mettre fin à la concurrence déloyale qui existait entre les fournisseurs européens soumis à la TVA et les fournisseurs extra européens qui n’y étaient pas assujettis. Cette réglementation s’applique pour les ventes de produits numérisables (logiciels, jeux, audiovisuel…) vendus à des particuliers (B to C). Elle oblige les fournisseurs situés en dehors de l’Union Européenne à s’enregistrer auprès des services fiscaux dans l’un des pays membre afin de lui verser la TVA calculée selon les taux des pays de destination des biens. Le pays d’accueil reverse ensuite à chaque pays de destination la TVA qui lui revient.
Ce projet est fortement critiqué par les Etats-Unis qui rejettent toute forme de taxation du commerce électronique en considèrent que cette initiative constitue une barrière protectionniste aux échanges. Les autorités américaines soulignent également l’existence d’un risque de violation du principe de neutralité technologique dans le cas où la TVA sur les échanges numériques est plus importante que sur leur équivalent physique (comme les livres et les journaux dont les taux sont souvent réduits). La directive fait également l’objet de réserves de la part de certains pays européens comme la Grande-Bretagne qui soulignent notamment les difficultés de sa mise en œuvre effective (séparation entre B to C et B to B, nécessité de localiser géographiquement les acheteurs etc). Enfin, les entreprises ont généralement un avis très partagé sur cette question en reconnaissant d’une part la nécessité de règles équitables de concurrence mais en craignant d’autre part que la directive, en augmentant les prix, freine le décollage du commerce électronique.
La fiscalité directe et les enjeux de la localisation des offreurs.
La perception de l’imposition directe (sur le revenu des agents) repose d’une part sur la possibilité pour les administrations fiscales de définir le territoire pertinent sur lequel doit s’effectuer la taxation et d’autre part sur la détermination de la fraction du revenu attribuable à cette présence. La notion «d’établissement stable» est donc au centre de la réflexion consistant à établir si une activité a une présence commerciale suffisante dans un pays pour justifier la taxation. Pour le commerce électronique, cette notion d’établissement stable est plus difficile à définir que pour des transactions classiques. Le comité des affaires fiscales de l’OCDE est parvenu en janvier 2001 à un consensus en distinguant d’une part l’équipement informatique (le serveur) et les informations et les logiciels qui sont stockés ou utilisés sur cet équipement afin de le faire fonctionner. Cette distinction assez traditionnelle entre matériel et logiciel conduit à considérer qu’un site web en lui-même ne peut pas constituer un établissement stable. L’OCDE a également précisé les règles permettant de définir la notion d’établissement stable, règles reprises par d’autres organisations internationales comme la CNUCED.
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Au-delà de la stricte imposition directe, la localisation géographique des offreurs est un enjeu important du développement du commerce électronique. Les règles juridiques de la transaction électronique sont celles du pays du vendeur et, en cas de litige, l’acheteur peut porter plainte dans son pays d’origine mais ce sont toujours les règles du vendeur qui s’imposent. L’information concernant le pays du vendeur est donc importante pour sécuriser les demandeurs. Pour des raisons commerciales, des offreurs peuvent avoir intérêt à signaler aux consommateurs potentiels les lois commerciales applicables pour la transaction électronique si celles ci sont plutôt favorables aux demandeurs. Les consommateurs pourraient également, dans leurs recherches sur Internet, afficher des préférences concernant les juridictions, la protection du consommateur, la protection de la vie privée, les caractéristiques des contrats et les considérations fiscales.
Le commerce électronique international reste une forme d’échange relativement marginale et diffusée pratiquement exclusivement dans les Pays développés. Rappelons que le commerce électronique de détail représente 3,2 % du commerce de détail total aux Etats-Unis avec toutefois un taux de croissance moyen (27%) très largement supérieur à celui de l’ensemble du commerce de détail (4,3%). Les enjeux actuels de cette forme de commerce sont donc relativement marginaux au regard de la régulation des échanges internationaux mais la croissance de ces échanges et les questions qu’ils posent sont importantes. Le commerce électronique est présent dans les réflexions menées au sein des organisations internationales comme l’OMC, l’OCDE et l’OMPI (Office Mondial de la Propriété Intellectuelle). Ces institutions internationales compétentes pour la régulation des échanges et de la propriété intellectuelle sont de plus en plus amenées à se saisir, de manière individuelle ou par une coordination de plus en plus souhaitable, de ces questions.