Cours d’introduction au case management
Evolution du case management
Après avoir enregistré d'indiscutables succès dans différents secteurs politiques, la méthodologie du case management s'est également imposée de plus en plus nettement dans la promotion de l'emploi ces dernières années. Pourtant, le case management est aussi innovant qu'ancien. La force innovante de cette démarche réside dans le fait que le case management crée un instrument de promotion de l'emploi qui s'écarte d'une orientation sur les déficits pour mettre l'accent sur une orientation sur les ressources (également) pour les personnes qui étaient et qui restent traditionnellement difficiles à atteindre pour le travail d'intégration avec des instruments "traditionnels" dans le cadre de la promotion de l'emploi. Cette tendance ne concerne pas uniquement des pays individuels mais s'observe à l'échelle internationale. La barre est placée très haut tant au plan politique qu'économique: parviendra-t-on à augmenter le pourcentage d'actifs dans la population - même s'il s'agit de personnes affichant de lourds handicaps en matière d'intégration au monde du travail?
Cette démarche n'est pourtant pas nouvelle: on en trouve les premières traces aux Etats-Unis pendant le mouvement des colons, où un "case manager" était responsable de l'initiation des nouveaux habitants aux coutumes du clan. Au début et au milieu du 20e siècle, fut créée l'institution d'un case manager dans le système de santé, avec pour fonction, en tant qu'interlocuteur central, d'informer/orienter ses patients et d'assurer la coordination et la gestion des offres de prise en charge et d'assistance. Sa dotation d'une autonomie budgétaire, et par conséquent le fait qu'il pouvait également assumer une responsabilité financière, était l'élément nouveau de cette "institution du case manager". Forte de son succès, cette stratégie devait bientôt être étendue à d'autres domaines, jusqu'à ce qu'elle parvienne enfin dans les années quatre-vingt-dix dans de nombreux pays dans le domaine de la promotion de l'emploi.
Comme le montre le tableau ci-après, chaque pays en tant que tel s'inscrit dans une tradition et, partant, dans une routine plus ou moins longue du case management. Certains disposent déjà d'une vaste expérience de la transposition de cet instrument, d'autres, par contre, n'ont transposé que récemment cette démarche dans la promotion de l'emploi et/ou sont tout juste en train - comme par exemple l'Espagne - de tisser un réseau de services pour l'ensemble du pays après une phase-pilote1.
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Il est certes encore prématuré à l'heure actuelle de tirer des conclusions définitives ou d'évaluer le case management dans la promotion de l'emploi en tant que telle. Toutefois, le moment est venu depuis longtemps de comparer les différentes approches qui existent dans un certain nombre de pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). La présente étude comparative récapitule les résultats d'un questionnaire élaboré sur la base de différents critères à la suite d'un atelier de l'Association internationale de la sécurité sociale (AISS) qui s'est tenu à Bruxelles au printemps 2006. Les questions posées dans ce questionnaire et les pays - de la Suède à la Nouvelle-Zélande - qui ont participé à cette étude sont indiqués en annexe.
Définition de la notion de gestion des cas
Plus le niveau est concret et plus grandes sont les différences entre les pays: alors qu'il règne encore un accord parfait au niveau de l'objectif, les avis divergent considérablement quant à ce qu'est précisément le case management, lorsqu'il s'agit de décrire ses fonctions en détail ou de proposer des mesures et/ou des services concrets.
S'agissant du premier niveau, il est de plus en plus demandé en tant qu'objectif au plan macro-sociétal, à la promotion de l'emploi - également dans le contexte européen de la stratégie de Lisbonne3 - d'augmenter la part réelle des actifs dans la population. Selon la situation du marché de l'emploi, cela signifie pour les pays individuels qu'ils ne peuvent plus se concentrer sur la simple réinsertion dans la vie professionnelle des chômeurs (de longue durée). Ils doivent au contraire également étendre leurs efforts d'intégration à des groupes marginaux de la population (jusqu'à présent) inactifs au plan économique. La GrandeBretagne représente de manière exemplaire une politique qui vise précisément à intégrer les minorités au marché de l'emploi, même si elles ne percevaient aucune prestation ou si elles n'étaient intégrées à aucun régime d'assurance sociale. Pour les services publics de l'emploi, cela signifie que leur mission dépasse le simple placement sur le marché du travail et qu'ils doivent s'ouvrir également à des couches de la société longtemps considérées comme ne pouvant pas (plus) être intégrées au marché de l'emploi.
Au niveau de la transposition concrète du case management, les différentes formes de mise en œuvre se différencient parfois considérablement au niveau international, contrairement aux objectifs. Tandis que les uns continuent de parler d'un placement "normal" les autres parlent déjà de "gestion des cas" pour désigner la même chose. Il n'existe par conséquent pas de définition unique parmi les participants à cette étude. Il faut donc chercher le point de référence dans une définition du case management déjà établie à l'échelle internationale: la "case management society" américaine est ainsi la première institution à avoir donné une définition du case management d'application générale. Celle-ci se rapporte certes au secteur de la santé, mais elle peut toutefois être transposée au travail d'intégration dans la promotion de l'emploi: "case management is a collaborative process of assessment, planning, facilitation and advocacy for options and services to meet an individual's health needs through communication and available resources to promote quality cost-effective outcomes" (le case management est un processus d'évaluation mené en collaboration, de planification, de modération et de sensibilisation aux options et aux services afin de répondre aux besoins de santé individuels par la communication et les ressources disponibles pour favoriser l'obtention de résultats de haute qualité tout aussi efficaces qu'économiques)4 .
Il existe par conséquent de nombreux points communs entre les pays:
• Tous les pays attachent sans exception de l'importance à la soumission d'une offre individuelle. Un profilage en profondeur (assessment) constitue la base de cette offre individuelle.
 • Indépendamment de l'organisation administrative, le travail du case manager est orienté sur la compréhension précise de la situation individuelle et des besoins de son client dans le cadre d'un processus d'évaluation.
• La suite de la procédure est consignée par écrit dans chaque pays entre le client et le case manager sous forme d'un accord d'insertion et/ou d'un plan d'intégration/d'action. Ce plan est signé tant par le client que par le case manager, à la manière d'un contrat. De cette manière, les deux parties contractuelles fixent leurs droits et devoirs mutuels: les prestations que les services publics de l'emploi ont proposé dans le cas concret et l'apport personnel du client au processus dans un laps de temps déterminé.
• Le case manager est considéré comme un spécialiste du régime considéré capable de fournir une aide dans un cas concret individuel: il connaît le système social, de même que les corrélations et les interdépendances et peut à la fois mettre en œuvre et coordonner utilement différentes offres tout en défiant la responsabilité personnelle de son client par des moyens adéquats. Trois pays ayant participé à l'étude mettent particulièrement l'accent sur celle-ci: les Pays-Bas font passer à leurs clients un test dit "gatekeeper" (de filtrage), dans lequel dès le profilage initial on se base sur le principe que le client est lui-même responsable de son intégration dans le marché du travail. De même, au Danemark et en Espagne l'accompagnement des demandeurs d'emploi est basé très tôt sur la responsabilité personnelle, en ce sens que les clients sont par exemple tenus de saisir eux-mêmes leurs données dans un système informatique et de les entretenir.
Les différences dans l'application du case management couvrent un éventail tout aussi vaste. Un certain nombre de différences - comme par exemple le profil de fonction d'un case manager et l'environnement organisationnel - sont pris à titre d'exemple et décrits dans les paragraphes suivants.
Le profil de l'emploi du case manager
Le case manager lui-même est le personnage clé du case management. Quelle que soit la définition que l'on donne du case management, il doit accomplir une mission complexe car il travaille précisément à l'interface de différents prestataires de services et est responsable pour que toute l'action du travail d'intégration soit régulièrement (ra) menée strictement à l'objectif de la réintégration dans le monde du travail.
Le case manager dispose dans ce contexte de qualifications très différentes selon les pays. Les exigences envers le profil de l'emploi et la structure des qualifications dans le case management sont rarement fixées rigoureusement mais sont plutôt encore en pleine évolution. A partir des indications des différents pays, la tendance à exiger une formation universitaire comme condition d'accès à la profession de case manager se dessine cependant5 . De même, les techniques de présentation, de conduite d'entretiens et d'arbitrage de conflits et/ou d'information/orientation constituent l'une des principales exigences à remplir par un case manager. Un certain nombre de pays en font même la condition d'accès à l'exercice de la profession.
Le cadre institutionnel du case management
Compétences dans le case management
En raison de sa forte orientation sur un réseau, le case management se situe à la jonction des différents acteurs qui s'adressent aux clients7 . Du point de vue de la promotion de l'emploi et ainsi des services publics de l'emploi, plusieurs acteurs peuvent déjà "s'occuper du client". Cette structure a pour conséquence, que même au niveau interne – c'est à dire à l'intérieur des services publics de l'emploi - des interfaces pour l'accompagnement d'un client d'une gestion des cas, apparaissent et doivent être réglementées en cas de doute. Trois objectifs professionnels différents entrent principalement en ligne de compte pour ces interfaces internes.
• Administration des dossiers: existe-t-il un droit à prestations pour cause de chômage ou d'indigence? Y-a-t-il suspension des droits pour cause de sanctions?
• Accompagnement dans le cadre du travail d'intégration.
• Prestations d'intégration sociale fournies à l'échelle communale, comme par exemple la garde des enfants, les services d'information et d'orientation, etc.
Parmi tous les participants à l'étude, la situation se répartit à parts quasiment égales: on trouve tant le cas de figure selon lequel les services de l'emploi sont compétents pour l'ensemble des trois secteurs qu'une prise en charge des tâches strictement séparées entre les acteurs de la promotion de l'emploi et des communes.
La Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Danemark empruntent la voie qui consiste à ne proposer comme interlocuteur qu'une instance administrative tant pour l'information/orientation que pour le travail d'intégration, laquelle assure en même temps le suivi des prestations accordées.
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"Celui qui paie, achète": La souveraineté budgétaire dans le case management
Il est évident qu'une gestion des cas à orientation individuelle est très coûteuse, lorsqu'il s'agit d'accompagner des personnes qui, pour certaines, n'ont pas travaillé pendant longtemps ou qui n'étaient jusqu'à présent nullement motivées à s'intégrer elles-mêmes au marché du travail et à vivre économiquement indépendamment de l'aide de l‘Etat. Il faut souvent faire preuve d'une bonne résistance et progresser à petits pas dans le travail d'accompagnement. Cette cherté peut être répartie sur plusieurs épaules dans une société - une possibilité consiste à faire participer aux coûts l'ensemble de la société et à payer le case management à partir des recettes fiscales. Une autre possibilité consiste à limiter les coûts à certains segments de la population, si le case management est payé par une assurance sociale financée par les cotisations.
En Europe par exemple, une tendance au financement par l'impôt semble se dessiner: seuls la Belgique, la France et le Danemark indiquent financer leurs programmes sur la base des assurances sociales et couvrir leurs dépenses, pour une partie au maximum, à partir des recettes fiscales. Les autres pays financent le case management par les recettes fiscales comme mission de nature macro-sociétale - et ainsi par la collectivité. Cette première analyse ne permet cependant pas d'établir un lien de causalité entre la décision de mettre en place une gestion des cas et son financement.
Le case management comme précurseur des réformes - l'environnement politique d'une mise en œuvre du case management
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Le case management - le domaine réservé des groupes-cible?
Classiquement, la clientèle du case management est d'une grande hétérogénéité lorsqu'il s'agit de personnes qui se sont éloignées - pendant de nombreuses années pour certaines - du marché de l'emploi. Les raisons peuvent tenir à la qualification par exemple et/ou au chômage de longue durée, à une déprofessionnalisation, voire même à des problèmes de dépendance ou d'endettement. Différents groupes-cible individuels peuvent être souvent observés à l'intérieur de ce groupe hétérogène de clients du case management. Mais pour la mise en œuvre du case management, le choix de stratégies basées sur des groupes-cible ou d'une approche holistique est une question de philosophie13 .
Le but d'une orientation des efforts sur des groupes-cible individuels est évident: l'accompagnement strict de personnes présentant des problèmes similaires permet de développer un professionnalisme pour le traitement des handicaps individuels qui entravent l'intégration dans le monde du travail. Il est ainsi possible de mieux répondre aux besoins des groupes-cible et de leur proposer des offres mieux structurées. Si l'on considère par exemple le groupe-cible des familles monoparentales, le travail d'intégration accordera par exemple souvent la priorité à l'organisation d'une garde des enfants parfaitement adaptée aux besoins.
Par comparaison, des aspects totalement différents seront au cœur de l'accompagnement des personnes remises en liberté après avoir purgé leur peine ou des SDF.
• Familles monoparentales/personnes retournant à la vie active14 - dans ce domaine, la Grande-Bretagne l'Irlande et la Nouvelle-Zélande mettent l'accent sur l'accompagnement.
• Personnes remises en liberté après avoir purgé leur peine - dans le cadre de ces programmes du "New-Deal", la Grande-Bretagne a également mis en place un accompagnement pour les personnes relâchées après avoir purgé leur peine.
• Membres de minorités ethniques/personnes issues de l'immigration - la Suède a identifié explicitement comme groupe-cible les personnes issues de l'immigration dans le cadre de son accompagnement.
• Les personnes handicapées ou les moins valides - dans ce domaine, les Pays-Bas et la Nouvelle-Zélande mettent l'accent sur ces personnes.
Si le but est de se servir du case management pour augmenter le pourcentage des actifs dans la population, les personnes qui ne sont intégrées dans aucun régime d'assistance étatique et qui ne dépendent pas financièrement des prestations de l'Etat, viennent également s'ajouter comme groupe-cible. Les Pays-Bas et la Grande-Bretagne se sont également spécialisés dans ce domaine.
La densité des contacts en comparaison: fréquence des rencontres entre le case manager et ses clients
La confiance et une bonne coopération constituent le b.a.-ba du case management. Pour disposer d'une bonne base de réussite du travail d'intégration, les case managers et leurs clients doivent entretenir un contact le plus étroit possible et le maintenir. Différentes modalités de contact sont proposées dans tous les pays: contacts téléphoniques, par internet et l'entretien personnel, l'accent étant bien entendu mis sur ce dernier.