Cours analyse financière et diagnostic stratégique de l'entreprise
Introduction
L'analyse financière d'une société ne peut être dissociée d'un diagnostic stratégique la concernant. En effet l'environnement dans lequel se trouve l'entreprise (marché, concurrence…) ainsi que ses caractéristiques propres (forces et faiblesses) permettront de préciser l'analyse qui sera faite à partir des comptes. Parfois même c'est le diagnostic stratégique qui expliquera certaines informations du bilan ou du compte de résultat.
Ce diagnostic pourra également servir en termes de prospective. En effet, dans le cadre d'évaluation de sociétés, l'analyse stratégique permettra de mieux apprécier les évolutions du marché sur lequel évolue l'entreprise ainsi que les meilleurs choix en terme de financement, de diversification….
Pour cela il est donc essentiel de commencer toute analyse financière par un diagnostic stratégique.
Nous aborderons donc deux points dans cette note:
Afin de réaliser un diagnostic stratégique relatif à une société, plusieurs outils existent.
La plupart du temps il s'agit de matrices permettant de confronter les atouts et les faiblesses de la société concernée.
L'analyse SWOT (pour Strenghs, Weaknesses, Opportunities, Threatens) en est un bon exemple.
Il s'agit de fonder le diagnostic stratégique sur la différenciation entre ce qui est interne à l'entreprise et ce qui relève de son environnement. On a donc la classification suivante:
Éléments internes |
Éléments extérieurs |
Strenghs |
Opportunities |
Weaknesses |
Threatens |
Les éléments internes à l'entreprise:
Il s'agit d'opposer les forces et les faiblesses de l'entreprise.
A titre d'exemple, les forces de l'entreprise peuvent être sa renommée, ses compétences techniques ou technologiques, son ou ses produits, le style de management…Ces faiblesses seront par exemple une main d'œuvre vieillissante ou mal formée, des problèmes de qualité de production, sa gestion…
Cette phase de l'analyse doit prendre en compte l'évolution de l'entreprise et la façon dont le management a lui aussi été modifié. Pour recueillir ses informations, l'idéal est de pouvoir rencontrer les dirigeants de la société mais aussi parfois une partie de son personnel moins qualifié.
Les éléments extérieurs:
Il s'agit de déterminer ici les potentialités dont dispose l'entreprise sur son marché et les handicaps qui pourraient l'empêcher de croître et qui ne dépendent pas d'elle.
Cette phase de l'analyse repose sur l'étude du secteur d'activité de l'entreprise mais aussi sur tous les acteurs susceptibles d'y jouer un rôle.
Ceux ci peuvent appartenir à des catégories différentes:
- pouvoirs publics: rôle de l'état, organismes régulateurs du secteur…
- privés: entreprises concurrentes, partenaires potentiels…
- économiques: quelles sont les contraintes qui pèsent sur le secteur, de quelles aides l'entreprise peut elle bénéficier?…
- culturels: y a t-il des barrières culturelles dans ce secteur d'activité, comment l'entreprise doit-elle recruter…
- normes écologiques…
Cette partie de l'analyse peut être réalisée à l'aide d'études portant sur le secteur d'activité de l'entreprise. Les dirigeants de l'entreprise concernée peuvent également apporter des réponses à certaines de ces questions.
Le diagnostique stratégique a deux objectifs:
- Comprendre comment a évolué l'entreprise jusqu'au jour ou le diagnostic est fait et repérer ses forces et ses faiblesses.
- Préparer le plan stratégique de l'entreprise pour les années à venir et étudier les possibilités de développement de l'activité: diversification, fusions, acquisitions…
Pour ce faire il faut déterminer, entre autres, les compétences clés que la société étudiée a mis en place ou qu'elle devra mettre en place pour s'imposer sur son marché. C'est l'analyse interne à l'entreprise qui permet de déterminer ces compétences clés, indispensables à l'entreprise pour créer de la valeur.
La partie la plus difficile du diagnostique stratégique demeure la synthèse des informations obtenues durant les recherches. Il faut classer les renseignements obtenus selon la grille d'étude que l'on s'est fixé (matrice SWOT par exemple) puis trier les idées à retenir à l'intérieur de chaque partie du tableau. On peut par exemple garder en tête ce pourquoi on a rédigé ce diagnostic (plan stratégique à long terme, recherche de partenaires, vente…) afin de classer les informations selon ses propres objectifs.
Si l'on réalise ce diagnostic dans le but de préparer l'analyse financière de l'entreprise, il n'est pas nécessaire de pousser trop loin ce diagnostic. Mais il faut garder à l'esprit qu'il sera toujours utile afin de prévoir par exemple l'évolution des ventes de la société, les acheteurs potentiels de l'entreprise, les mesures à prendre pour résoudre un problème d'endettement…
Si l'on prend l'exemple d'une entreprise qui maîtrise mal son processus de production, les stocks vont sans doute représenter un montant trop important dans le bilan de la société. Cela se verra dans l'analyse financière de la société mais c'est le diagnostic stratégique qui expliquera pourquoi on en est arrivé là (et éventuellement proposer des solutions d'amélioration).
Dans le cadre des analyses faites en banques d'affaires il s'agit souvent de trouver les partenaires des entreprises, les investisseurs potentiels…Ceux ci ne s'engageront pas que sur des chiffres, même s'ils sont très bons. Ils doivent avoir une bonne connaissance des perspectives de l'entreprise, de ses modes de fonctionnement et aussi de ses handicaps. Ces éléments peuvent parfois être pris en compte dans la valorisation des titres d'une entreprise, mais pas toujours. Dans ce cas le diagnostic stratégique apporte un éclairage nouveau et complémentaire aux chiffres.
L'analyse financière: les ratios à connaître.
Cette partie reprend les éléments importants à connaître afin de déterminer les principales informations nécessaires à l'analyse de la situation financière dans laquelle se trouve une société.
Les exemples et les termes employés ici renvoient au plan comptable général français de 1982 mais sont facilement adaptables au plan comptable tunisien.
L'analyse financière peut se concentrer sur plusieurs domaines concernant l'entreprise. Son cycle de production par exemple (résultat d'exploitation, financement et rotation des stocks, gestion des achats,…), ses performances financières (résultat net et bénéfice, gestion de la trésorerie, dividendes…) mais également ses modes de financement… En fonction des besoins de l'analyste, il conviendra de cerner les points importants à étudier (parfois tous le sont !). Ainsi, tous les ratios qui sont définis par la suite ne sont pas significatifs pour toutes les entreprises: là encore il faut choisir les plus parlants.
Les principales étapes de l'analyse financière d'une société sont les suivantes:
Nous allons les aborder une à une.
Il s'agit ici de regrouper les résultats importants de l'entreprise en terme d'activité commerciale, de résultats financiers ou bien encore de dividendes distribués afin d'étudier leur évolution sur la période concernée. On pourra alors voir si l'entreprise gagne des parts de marché (hausse du CA), si elle dégage des bénéfices et si elle les redistribue à ces actionnaires (dividendes)… On pourra également étudier comment le capital social de la société évolue.
Il s'agit de déterminer les grandes tendances qui se dégagent de l'activité commerciale et de ses performances.
Pour apprécier l'efficacité dont la société fait preuve dans la conduite de son activité commerciale, on pourra calculer le ratio:
Résultat de l'exercice/Chiffre d'affaires HT
Ce ratio appelé ratio de marge nette traduit la performance globale de la société.
En terme de rentabilité, on s'intéressera au ratio:
Résultat de l'exercice/Capitaux propres
Appelé également "Return On Investment", ce ratio est l'indicateur de la rentabilité financière de l'entreprise.
Enfin, le ratio:
Résultat d'exploitation/Actif total
est un indicateur de la performance de l'entreprise par rapport à l'actif mis en œuvre pour créer de la valeur.
Ces ratios ont pour objectif de déterminer la façon dont se décompose l'actif et le passif d'une société. Il s'agit notamment de voir quelle place occupent les immobilisations de la société dans son activité (postes de l'actif) ou bien comment la dette de l'entreprise est structurée (postes du passif). Rappelons que l'organisation d'un bilan est telle qu'elle présente les actifs et les passifs de la société des moins "liquides" au plus "liquides":
Liquidité - + |
Actif |
Passif |
Immobilisations corporelles, incorporelles… Clients Autres actifs courants |
Capital social Emprunts Fournisseurs, autres passifs courants |
Les postes de l'actif
Chaque rubrique de l'actif peut être l'objet d'une étude. On notera par exemple:
Les postes du passif
L'étude de ces ratios permet d'analyser la structure de la dette de l'entreprise et les possibilités pour elle de financer son activité sous diverses formes.
Rappelons ici que la dette d'une entreprise est souvent dissociée dans le temps en dette à court terme (moins d'un an: fournisseurs, concours bancaires, règlements des organismes tels que la sécurité sociale…) et en dette à long terme (dettes à plus d'un an: les emprunts notamment).
Réserves
Provisions
Dettes à plus d'un an et emprunts.
Ce dernier ratio est très important car il apporte une bonne vision de l'endettement de la société. Dans certains cas la limite sera peut être atteinte, dans d'autre l'étude de ces ratios permettra de restructurer la dette afin d'améliorer les performances de la société.
Il s'agit ici d'analyser de manière globale, en confrontant des éléments de l'actif et du passif de l'entreprise, la façon dont la société finance son activité et son autonomie en la manière.
Pour ce faire on utilisera notamment les ratios suivants:
On retiendra donc que ces ratios permettent de savoir si, par exemple, les actifs liquides de la société permettent de faire face aux dettes à court terme et si l'entreprise finance de manière autonome, à l'aide de ses fonds propres, ses emplois longs.
Il s'agit à présent d'étudier quelques éléments importants caractéristiques de l'activité de l'entreprise et de la valeur qu'elle crée. Nous allons d'abord voir ce qu'est le fonds de roulement et la relation qui existe entre fonds de roulement, trésorerie et besoin en fonds de roulement. Puis nous examinerons à quoi correspondent la capacité d'autofinancement d'une société (CAF) et son Excédent Brut d'Exploitation (EBE), qui servent dans les méthodes de valorisation des sociétés.
Le fonds de roulement correspond au montant des disponibilités nécessaires pour assurer la continuité des paiements courants auxquels l'entreprise doit faire face.
Le fonds de roulement "brut" ou "total" correspond à l'actif circulant.
Cependant, on corrige généralement ce fonds de roulement "brut" pour obtenir le fonds de roulement "net" qui représente l'excédent des actifs circulant sur les dettes à court terme.
Fonds de roulement net (FRN)= Actif circulant – Dettes à court terme
On peut représenter le FRN à l'aide d'un schéma de bilan simplifié. On est alors confronté à 3 cas possibles:
Cas 1: FRN=0 |
Cas 2: FRN>0 |
Cas 3: FRN<0 |
Ces schémas indiquent que l'on peut calculer le FRN de deux manières:
FRN= Actif circulant – Dettes à court terme
= Capitaux permanents – Actif Immobilisé
Enfin, si l'on déduit les dettes à long et moyen terme du FRN, on obtient le fonds de roulement propre de la société, qui est un indicateur de son autonomie en terme de financement de ses investissements physiques, immatériels et financiers.
Fonds de roulement propre = FRN – Dettes à long et moyen terme
On a vu que le fonds de roulement correspondait au montant des disponibilités nécessaires pour assurer la continuité des paiements courants auxquels l'entreprise doit faire face.
Le besoin en fonds de roulement (BFR) représente le besoin de financement induit par le cycle d'exploitation de l'entreprise.
En règle générale toute exploitation nécessite des emplois cycliques (c'est à dire auxquels l'entreprise ne peut échapper: stocks, crédits clients…) et des ressources cycliques (crédit des fournisseurs par exemple)
Le BFR correspond à la différence entre ces emplois et ces ressources:
BFR= Emplois cycliques- Ressources cycliques
Cette approche différente, fondée sur la mise en relief de l'activité de l'entreprise nous permet de représenter le bilan de la manière suivante:
Cette représentation du bilan va nous permettre de mettre en évidence la relation entre trésorerie, FR et BFR:
On sait que Passif – Actif = 0 donc CP+RC+RT – AI – EC – ET =0
et CP – AI – (EC – RC) – (ET–RT) = 0
On reconnaît les formules vues précédemment: CP – AI = FR, EC – RC = BFR.
En outre ET – RT = Trésorerie
On a donc la relation: Trésorerie= Fonds de Roulement – Besoin en fonds de Roulement
Cette relation importante permet de dégager les conditions dans lesquelles se réalise l'articulation entre les cycles financiers (T, BFR et FR) résultant de l'activité de l'entreprise.
Cette relation permettra d'étudier comment varient les 3 grandeurs concernées et la façon dont l'entreprise gère son exploitation.
L'Excédent Brut d'Exploitation (EBE) et la capacité d'autofinancement (CAF) interviennent souvent dans les méthodes utilisées pour valoriser une société (comme la méthode des cash flows actualisés par exemple). Leur mode de calcul est donc important à connaître.
On a donc: Produits d'exploitation:
Ventes
+ Subventions d'exploitation
– Charges d'exploitation:
Coût d'achat des marchandises vendues
+ Consommation en provenance de tiers
+ Impôts et taxes
+ Charges de personnel
= Excédent Brut d'Exploitation (ou insuffisance brute d'exploitation)
L'EBE est un indicateur de l'activité et de l'efficacité de l'entreprise puisque son calcul se fonde sur des éléments concernant l'exploitation et elle seule. C'est en outre un indicateur monétaire car il correspond à un surplus monétaire potentiel pour l'entreprise.
A l'aide de l'EBE on peut par la suite déterminer les cash flows de la société étudiée, dans le passé comme dans le futur dans le cas de comptes prévisionnels. Une fois actualisés, ces cash flows permettent d'obtenir la valorisation de la société.