Table des matières ..3
Introduction générale 6
Partie I - Présentation et contexte de l’ALM bancaire .10
Chapitre 1. Introduction – Le bilan bancaire : Banking Book / Trading Book 12
Chapitre 2. Les risques financiers .16
Chapitre 3. L’environnement réglementaire 23
Chapitre 4. Organisation de la gestion interne des risques ..34
Chapitre 5. La mise en œuvre de l’ALM ..41
Partie II - Mesures de risque et optimisation de portefeuille 45
Introduction ..46
Chapitre 6. Mesure du risque – Aspects Théoriques 48
Chapitre 7. Mesures de risque et optimisation de portefeuille 71
Partie III - Couverture des marges nettes de taux d’intérêt sur les ressources non échéancées .94 Introduction ..95
Chapitre 8. Dépôts et comptes d’épargne – Une revue des offres à travers le monde 97
Chapitre 9. Modélisation de l’écoulement des ressources non échéancées – Une appréhension du comportement de la clientèle 115
Chapitre 10. Un modèle de couverture des marges nettes de taux d’intérêt .125
Conclusion ..143
Bibliographie .144 Partie I. Présentation et contexte de l’ALM bancaire. .144 Partie II. Mesures de risque et optimisation de portefeuille ..144 Partie III. Couverture des marges nettes de taux d’intérêt sur les ressources non échéancées.
..147
Annexes 150
Annexe A : Propriétés et résultats de représentation des mesures de risque – Preuves ..150
rendement ..150
dominance stochastique du second ordre ..151
d’optimisation statique et dynamique (Partie III) ..156
.162
Annexe C : Estimation des paramètres de modèle sur différents marchés (encours de dépôts
et taux de rémunération) (Partie III) ..170
Annexe D : Données issues des rapports par établissement à la Securities and Exchange
Commission (Partie III) 173
Introduction générale
La banque d’aujourd’hui est une entité aux interfaces multiples : depuis l’intégration de la banque d’affaires et de la banque de détail, depuis l’adjonction de métiers d’assurance, en France notamment, les établissements sont devenus très éclectiques dans leur offre, très diversifiés dans les métiers qu’ils abritent et par conséquent extrêmement complexes et ramifiés. Dans ce contexte, l’activité d’intermédiation bancaire a vu se multiplier les moyens disponibles en termes de modes de financement et de placement, et de couverture des risques. Alors qu’aujourd’hui la banque se situe à l’interface entre des milieux de plus en plus hétérogènes, la Gestion Actif Passif (GAP ou ALM) bancaire, dont le cœur de métier est la gestion de ces multiples interfaces, doit faire face à des problématiques de plus en plus diverses.
En fait, comme beaucoup d’autres départements d’une banque, l’ALM a un objectif de rendement dans certaines limites de risque. Cependant, à la différence de l’essentiel des autres services, les sous-jacents ne sont pas dans une proportion quasi intégrale des produits financiers négociables, mais des produits octroyés par des commerciaux de banque de détail ou d’affaires et des filiales, et les contreparties ne sont pas constituées essentiellement d’établissements financiers et d’institutions, mais, via le réseau et les filiales, d’une clientèle beaucoup plus hétérogène, qui s’étend du grand public aux commerçants et aux grandes entreprises. Entre autres à cause de cela, l’identification et la quantification des risques financiers, la détermination de l’objectif à réaliser, la bonne utilisation des moyens disponibles pour y parvenir sont autant de sujets existant déjà en finance de marché, qui prennent une forme particulière dans le cas du métier d’ALM.
Les enjeux sont relativement importants pour les établissements financiers. Par exemple, la banque de détail constitue depuis longtemps une source de revenus stable et pérenne pour les établissements et le marché attache une grande importance à leur capacité à conserver cette caractéristique. D’autre part, des postes comme les dépôts de la clientèle constituent autant de ressources de liquidité disponibles à moindre coût et ce n’est pas un point à négliger dans le contexte particulièrement tendu de la crise de liquidité des subprimes. Nous pouvons mentionner également que la banque de détail (via l’implantation d’une filiale ou l’acquisition d’un réseau présent localement) est en général le premier jalon qu’un établissement pose lorsqu’il s’investit dans un nouveau marché. De plus, à l’heure actuelle, les banques comptent particulièrement sur les marchés émergents pour relancer une activité de banque de détail à croissance modérée sur leur territoire résident.
Dans cette thèse, nous proposons de nous intéresser à un sujet assez caractéristique des questions soulevées par le métier d’ALM, qui est la gestion du risque de taux d’intérêt sur les ressources non échéancées. Ainsi, dans un premier temps, nous proposons une partie de nature introductive, dans laquelle nous rappelons les missions actuelles de l’ALM bancaire, l’environnement bancaire dans lequel elle évolue ainsi que sa place et ses interactions dans l’organisation d’un établissement bancaire. Dans une seconde partie, nous nous intéressons d’un point de vue un peu plus théorique à la mesure du risque, en étudiant les propriétés et les modes de représentation de différentes classes de mesures. Ainsi, l’application à l’optimisation de portefeuille que nous proposons dans cette même partie a pour objet de permettre la comparaison entre les différentes mesures présentées. Après avoir posé ces bases, la dernière partie de cette thèse revient sur le problème de couverture des marges de taux d’intérêt sur les ressources non échéancées : nous y précisons le contexte et les problèmes soulevés par la gestion de ce type de poste, l’objectif à atteindre et les risques sous-jacents. Finalement, nous y développons un modèle de détermination de stratégies de couverture.
Dans la première partie de cette thèse, nous évoquerons la mission de l’ALM bancaire, notamment les risques financiers qu’elle prend en charge, puis l’environnement réglementaire dans lequel elle évolue et sa place dans l’organisation interne.
Dans le bilan comptable d’une banque, on distingue le Banking Book, partie consacrée au bilan des ressources et emplois liés à la clientèle et aux opération clientèle des filiales, c’est-àdire la « sphère opérationnelle »,et le Trading Book, concentré sur la sphère financière (cf. Chapitre 1). L’ALM a une mission centrée essentiellement sur la partie Banking Book, puisqu’elle se situe au contact du réseau de banque de détail et des filiales.
Le métier d’ALM, comme la quasi-totalité des métiers composant une banque, comporte une partie consacrée à la gestion des risques, notamment des risques de taux d’intérêt et de liquidité. Nous évoquons également la présence d’un risque de « business », lié à toutes sortes d’actions de la concurrence, de mouvements de la clientèle indépendants de facteurs de marché, qui pourraient influer sur les revenus de l’activité d’intermédiation. Nous rappelons dans le Chapitre 2 la définition et la forme sous laquelle ces différents types de risque se manifestent en ALM. Dans notre cas, c’est la gestion du risque de taux d’intérêt global qui nous intéresse plus particulièrement et nous proposons de revenir sur les indicateurs utilisés en ALM, parmi lesquels l’impasse de taux d’un côté et la sensibilité de valeur actuelle nette et de marge de l’autre. Nous évoquons également le cas des fonds propres, éléments matérialisant l’ampleur des risques contenus dans chaque activité et nécessaires à leur bon fonctionnement, ce qui fait du problème de l’allocation des fonds propres par pôle / activité un sujet hautement stratégique.
Dans le Chapitre 3, nous évoquons le contexte réglementaire dans lequel les banques évoluent et qui encadre en particulier les actions de l’ALM. L’application du Pilier II des accords de Bâle II comporte effectivement une série de mesures concernant la gestion des risques de taux d’intérêt global et de liquidité, notamment en matière d’allocation et de calcul de capital économique, d’indicateurs de valeur et de sensibilité et de simulation de scénarios de crise (stress testing). A cela il faut ajouter un cadre comptable récemment modifié, celui des nouvelles normes IFRS/IAS. Dans ce contexte, la comptabilisation des produits du bilan et de leurs couvertures est soumise à des règles plus ou moins précises, mais qui ont une influence certaine sur les chiffres communiqués au marché. Ce sont des faits que l’ALM se doit d’intégrer dans l’élaboration de ses pratiques de gestion.
A la complexité des problèmes posés s’ajoute, à l’intérieur des banques, une multiplicité des interlocuteurs. Dans le Chapitre 4 nous revenons ainsi sur la place de l’ALM dans l’organisation, sur les services avec lesquels elle interagit et sur la nature de ces interactions. Nous revenons également dans le Chapitre 5 sur les processus de mise en œuvre de l’ALM.
Mesures de risque et optimisation de portefeuille
La seconde partie de cette thèse est consacrée aux mesures de risque et propose, pour l’étude de ces mesures, une application à l’optimisation de portefeuille.
Dans le Chapitre 6, nous étudions différentes classes de mesures de risque : celles basées sur les moments, certaines mesures de déviation et celles basées sur les quantiles. Nous proposons de les examiner d’un point de vue axiomatique puis d’énoncer quelques résultats de représentation et de compatibilité avec les ordres stochastiques. La littérature scientifique s’étoffant de jour en jour sur le sujet, la plupart des résultats existent déjà, sous des formes différentes. Néanmoins, nous proposons ici une approche et des résultats de représentation adaptés à l’optimisation de portefeuille.
Le problème d’optimisation de portefeuille sous contrainte de mesure de risque est un sujet bien connu notamment en gestion d’actifs, où il trouve bon nombre d’applications. Dans le Chapitre 7, nous proposons de récapituler et d’énoncer, sous une forme quasiment prête à implémenter, les problèmes d’optimisation, pour chaque « type » de mesure de risque intervenant dans la contrainte. Nous effectuons également une application numérique portant sur la détermination de portefeuilles optimaux, avec des données de rendements de Hedge Funds. Notons que le choix de ce type d’actifs porte essentiellement sur la nature de leur distribution, non gaussienne, ce qui nous permet, comme nous le verrons, de ne pas aboutir à des trivialités en termes d’allocations optimales. Cette étude est pour nous l’occasion d’étudier le comportement des différentes mesures de risque par rapport aux allocations efficientes correspondantes. Nous montrons alors dans cette section que les profils d’allocation en fonction de la cible de rendement sont en réalité très proches, à moins d’avoir recours à des mesures de risque extrêmement sévères, portant sur les queues de distribution des rendements de portefeuille.
Dans cette dernière partie, forts du contexte posé en Partie I et de l’étude sur les mesures de risque de la Partie II, nous revenons sur le problème de couverture des marges sur les ressources non échéancées.
Le Chapitre 8 est l’occasion pour nous de faire un tour d’horizon de ce que regroupent les ressources non échéancées, en observant différents marchés : dépôts à vue, comptes d’épargne, etc. Nous proposons une étude particulière des marchés américain et européen (Zone Euro : France, Allemagne, Italie), puis de certains marchés émergents (Maroc, Ukraine, Turquie). Nous discutons également des enjeux de la modélisation des ressources non échéancées, par le biais d’une revue de la littérature scientifique sur le sujet, mettant en évidence les éléments que nous allons prendre en compte dans l’énoncé du problème d’optimisation qui se pose à l’ALM. En particulier, nous revenons sur la dichotomie marge / valeur, en montrant que le choix du critère va, dans la pratique et dans l’environnement comptable actuels, à la réduction de la dispersion des marges.
La modélisation des ressources non échéancées dépend des bases de données disponibles. L’apparition récente, au niveau ALM centrale, de bases de données « par génération » et « unitaires » a permis le développement de modèles comportementaux plus fins. Dans le Chapitre 9, nous revenons sur ce point en nous intéressant spécifiquement aux phénomènes de clôture de comptes parmi la clientèle et énonçons plusieurs méthodes d’estimation du taux de clôture sur un parc de comptes. Nous nous intéressons également à la question de la modélisation de l’encours par compte, élément observable sur des bases de données suffisamment précises. Cette grandeur porte en elle une dépendance en taux du fait que les clients auront tendance à effectuer des transferts entre comptes suivant l’évolution des conditions de rémunération, mais nous verrons que la seule contingence en taux ne suffit pas à expliquer les orientations de la clientèle.
Enfin, tout ceci nous permet d’aboutir à un programme d’optimisation à résoudre pour l’ALM. Le cadre du Chapitre 10 est donc celui d’un modèle de diffusion des encours prenant en compte un facteur de risque de marché lié aux mouvements des taux et un facteur orthogonal, représentant un risque de « business ». Nous proposons alors une modélisation des taux incorporant une prime de risque rémunérant l’investissement à long terme, représentative de la problématique risque / rendement dans laquelle se placent les gestionnaires ALM. Ainsi nous déterminons et comparons des stratégies optimales statiques et dynamiques de minimisation de la variance de la marge avec couverture. En revenant à des critères de risque un peu plus récents que la variance, nous montrons, comme en Partie II, que les stratégies optimales de couverture affichent des performances très proches en VaR ou en Expected Shortfall.
Chapitre 1. Introduction – Le bilan bancaire : Banking Book / Trading Book
Les établissements financiers se situent à l’interface entre deux mondes qui diffèrent en termes de produits, d’équipes qui y évoluent, de mode de fonctionnement, etc. Il s’agit des sphères opérationnelle et financière dont les comptes sont tenus respectivement dans le Banking Book et le Trading Book :
- le Banking Book comprend l’ensemble des opérations avec la clientèle particulière et les entreprises ; il concerne principalement le réseau et la direction commerciale de l’établissement financier ; les produits qui y sont comptabilisés sont classiquement des dépôts, des crédits, des produits d’épargne, etc. ;
- le Trading Book traite des relations avec les institutionnels ; entrent dans ce cadre par exemple les relations interbancaires, avec les institutionnels, les compagnies d’assurance. Les produits traités par le Trading Book sont les crédits, les titres de marché, les instruments dérivés, etc. Il rend compte de l’activité de marché de l’établissement financier ainsi que de son activité de portefeuille (typiquement, la détention de titres par la banque).
Le Tableau 1.1 ci-dessous résume schématiquement la division que nous venons de présenter.
Actif |
Passif |
|
BILAN |
Avances diverses Crédits aux entreprises Crédits immobiliers classiques Crédits à la consommation |
Ressources à vue Comptes à terme Bons de caisse et épargne Livrets (livrets B, LDD ex-CODEVI, etc.) Plans d’épargne populaire |
Crédits d’épargne logement |
Epargne logement (CEL, PEL) |
|
Titres de transaction, de placement et d’investissements Titres de participation et de filiales Immobilisations |
Titres de créances négociables (TCN) Emprunts obligataires Titres subordonnés Fonds propres Résultat |
|
HORS-BILAN |
Garanties données Contrats de garantie de taux fermes Contrats de garantie de taux optionnels |
Garanties reçues Contrats de garantie de taux fermes Contrats de garantie de taux optionnels |
Tableau 1.1. Bilan simplifié d’une banque. Bilan / Hors-bilan ; Actif / Passif. En foncé, la sphère opérationnelle (Banking Book) ; en blanc, la sphère financière (Trading Book).
Le Tableau 1.2 donne un ordre de grandeur des différents postes du bilan, du point de vue des nouvelles normes comptables (cf. Section 3 plus loin) dites IFRS / IAS. Il contient des données agrégées sur les bilans des 8 principaux groupes bancaires français en 2006.
(en milliards d'euros) |
2006 |
Poids dans le bilan |
Evolution par rapport à 2005 |
ACTIF Actifs financiers à la juste valeur par résultat |
1890,4 |
34,9% |
8,5% |
Instruments dérivés de couverture |
43,2 |
0,8% |
5,1% |
Actifs financiers disponibles à la vente |
619,5 |
11,4% |
9,4% |
Prêts et créances sur les établissements de crédit |
728,9 |
13,4% |
6,4% |
Prêts et créances sur la clientèle |
1693,2 |
31,2% |
18,6% |
Actifs financiers détenus jusqu'à l'échéance |
57,1 |
1,1% |
-2,5% |
Autres |
390,5 |
7,2% |
4,5% |
PASSIF Passifs financiers à la juste valeur par résultat |
1423,5 |
26,3% |
5,4% |
Instruments dérivés de couverture |
47,2 |
0,9% |
1,2% |
Dettes envers les établissements de crédit |
717,9 |
13,2% |
11,0% |
Dettes envers la clientèle |
1428,6 |
26,3% |
9,5% |
Dettes représentées par un titre |
824,9 |
15,2% |
26,6% |
Provisions techniques des contrats d'assurance |
443,6 |
8,2% |
10,9% |
Dettes subordonnées |
80,7 |
1,5% |
7,3% |
Capitaux propres part du groupe |
184,4 |
3,4% |
18,7% |
Autres |
272,0 |
5,0% |
3,4% |
TOTAL DE BILAN |
5422,8 |
100,0% |
11% |
Tableau 1.2. Evolution du bilan consolidé des 8 principaux groupes français. (Source : Rapport annuel 2006 de la Commission Bancaire)
La sphère financière se caractérise par des prix définis par les anticipations des intervenants de marché. On parle plus généralement de prix de marché (mark-to-market). Les produits peuvent également être évalués sur la base de modèles (mark to model). A ce propos, les produits dérivés ou structurés et les options incluses dans les produits de marché sont valorisés par l’utilisation de modèles mathématiques et de procédés de simulation. Le fonctionnement idéal fait se correspondre les deux notions, toutefois depuis la crise financière d’août 2007, des situations se sont produites où le marché des dérivés de crédit s’est retrouvé complètement déserté, le prix mark-to-market, fixé par un unique intervenant. Dans ce cas, les intervenants établissent leurs références sur la base de prix mark-to-model, une « rustine » qui ne pallie en rien les distorsions de prix dues à la désertification des marchés.
La sphère financière se caractérise également par un degré élevé d’information sur les contreparties, relativement à la sphère opérationnelle. La plupart des transactions sur la sphère financière se déroulent sur des marchés structurés et l’information disponible sur les différents intervenants est généralement bien plus détaillée que celle dont on peut disposer sur les contreparties de la sphère opérationnelle. Toutefois, les limites de la disponibilité de l’information sur la sphère financière portent sur la complexité des produits structurés. L’exemple de la crise récente des marchés de crédit nous a montré qu’il s’est échangé sur les marchés de crédit des produits (MBS, CDO de MBS, etc.) dont on connaissait très mal les sous-jacents, le processus de fabrication, et dont en particulier la notation seule ne suffisait plus à caractériser la qualité.
Par ailleurs, la sphère opérationnelle s’inscrit dans un cadre plus commercial dont la culture financière se réduit à une clientèle composée de particuliers, d’entreprises et de « professionnels » (commerces, professions libérales, etc.). La qualité de l’information disponible sur les contreparties est faible, relativement au cas de la sphère financière, toutefois les produits sont plus simples. Une caractéristique importante de cette sphère est également la présence d’options cachées, derrière la simplicité des concepts intervenant dans la plupart des produits proposés. On fait souvent référence à l’option de remboursement anticipé dans les crédits, mais par exemple, un simple dépôt à vue laisse en réalité au client une palette d’options très riche, puisqu’on lui accorde la possibilité d’y transférer des fonds de manière instantanée, dans les deux sens, à tout moment. L’objet de la troisième partie de cette thèse est justement d’affiner la compréhension et la gestion du risque porté par ces options implicites.
D’une manière générale, l’actif se constitue de crédits de montants unitaires faibles, relativement à ce qui se pratique au sein de la sphère financière, hormis sur le périmètre des crédits aux entreprises, où les montants peuvent s’en rapprocher. Cette faiblesse des montants unitaires de crédit se retrouve compensée par l’important nombre d’opérations consenties par l’établissement financier dans le cadre de cette activité. En gestion, on s’intéresse à la définition de profils d’amortissement en capital des crédits : par exemple, dans un crédit à mensualité constante, le client consacre, échéance après échéance, une partie du montant versé au remboursement du capital, l’autre au paiement des intérêts, induisant un profil bien défini d’amortissement du capital. En gestion, cela permet à l’ALM, comme nous le verrons plus loin, de définir sa politique de refinancement en relation avec l’écoulement des crédits.
Enfin, les crédits incluent souvent des options offertes – ou tarifées – comme l’option de remboursement anticipé ou l’option de renégociation de taux. Pour la première, il s’agit de permettre au client de rembourser tout ou partie du capital restant dû avant l’échéance prévue ; pour la seconde, il s’agit pour le client, dans le cas d’une évolution des conditions de prêt proposées sur le marché ou par la concurrence, de renégocier la valeur du taux de son crédit ou sa nature (fixe en variable ou inversement). Ces options, dont l’initiative relève souvent de la sphère commerciale, posent au sein de l’établissement bancaire des questions multiples, principalement au niveau de l’appréciation financière des risques qu’elles génèrent et des stratégies de gestion à adopter.
Le passif, quant à lui, rassemble pour l’établissement financier des ressources au coût en général moindre à ce que peut proposer la sphère financière. En effet, les dépôts de la clientèle se caractérisent en général par des taux relativement faibles, l’exemple typique étant celui des dépôts à vue français, ceux-ci n’offrant aucune rémunération à la clientèle. La différence de taux entre les crédits et les dépôts au niveau de la clientèle constitue ce qu’on appelle la marge d’intermédiation. Par ailleurs, le passif sur la sphère opérationnelle se compose généralement de ressources sans échéance contractuelle et le client peut effectuer des transferts d’argent d’un type de compte à l’autre à sa guise, sans frais, ce qui constitue autant d’options cachées et gratuites accordées à la clientèle.
Pour développer ce point que nous évoquions plus haut, on peut dire que le client dispose d’options de liquidité, c’est-à-dire de liberté de retrait ou de transfert vers son épargne (ellemême multiforme). Du point de vue de la banque, le risque que constitue le retrait des dépôts par la clientèle constitue non seulement un risque de liquidité, mais également un risque de taux d’intérêt du fait que l’établissement se retrouve obligé, pour disposer du même montant de ressources, d’emprunter sur le marché à des taux en général plus élevés. De tels phénomènes de « fuite des ressources » peuvent être accélérés par une perte de confiance de la clientèle en l’établissement – cas de la crise récente de la Northern Rock – ou par une stratégie offensive de la concurrence. Par ailleurs, au sein du passif, certains produits, comme l’épargne logement en France, allient options pendant la phase d’épargne et options sur le crédit (possibilité d’emprunter au bout de 4 ans à un taux figé à l’ouverture du plan épargnelogement (PEL)).
Ainsi, le risque de taux sur les dépôts à vue est intrinsèquement lié à une option cachée offerte à la clientèle qui est celle d’effectuer gratuitement et sans limite des transferts d’argent entre comptes à vue, comptes d’épargne (épargne dite « de bilan » - livrets, épargne logement, dépôts à terme, etc.) et autres types de placements (épargne de « hors-bilan » - assurance vie, SICAV monétaires, etc.). Les caractéristiques de ces différents produits (à l’exception peutêtre des dépôts à terme) sont relativement proches, sauf pour les conditions de taux qu’elles proposent. En effet, si les dépôts à vue ne sont pas rémunérés, ou peu, ce n’est pas le cas des autres ressources, elles-mêmes sujettes à des fluctuations très diverses. Ainsi on imagine qu’en cas de hausse des taux, on observera davantage de transferts en provenance des dépôts à vue vers des comptes d’épargne rémunérés.
Ces options cachées génèrent notamment un risque de taux au niveau de la banque, un risque que le développement des produits dérivés (caps, floors, swaps, swaptions, dérivés inflation, etc.) et structurés sur les marchés financiers permet potentiellement de couvrir. La banque peut en effet concevoir des stratégies de couverture par rapport à ces engagements optionnels à l’aide de produits dérivés de taux.
Chapitre 2. Les risques financiers
Nous étudions ici les différents types de risques financiers (contrepartie (crédit), liquidité, taux, change, de marché) au travers de leur nature et de leur mesure (de valeur ou de marge).
Le risque de contrepartie
Le risque de contrepartie se manifeste essentiellement sous 3 formes :
- le risque sur l’emprunteur ou risque de défaut, aussi bien sur les crédits pour la clientèle que sur les marchés financiers, c’est-à-dire le risque lié à l’impossibilité pour l’emprunteur de rembourser les capitaux ;
- le risque sur prêteur, consistant en une défaillance des garanties potentielles de financement ; d’une importance marginale, c’est un risque de second ordre par rapport au risque sur l’emprunteur ;
- le risque de contrepartie sur instruments dérivés, lié à la multitude d’opérations sur produits dérivés passées sur les marchés financiers ; par exemple, le non paiement d’un coupon dans un contrat de swap rentre dans cette catégorie.
Sur le Banking Book on note essentiellement le risque sur l’emprunteur tandis qu’on note les 3 types de risque de contrepartie dans le Trading Book.
La mesure du risque de contrepartie dépend à la fois de la sphère sur laquelle on le considère et du type de risque auquel on est confronté, selon la distinction que nous venons d’effectuer. En ce qui concerne le risque emprunteur du Banking Book, il est évalué par le biais d’une procédure de scoring avant la mise en place du contrat ; toutefois, un suivi de l’évolution de la qualité de score du client n’est pas toujours possible. Par ailleurs, le risque de contrepartie sur le Banking Book a l’avantage d’être naturellement relativement diversifié, étant donnée l’existence d’une multitude de lignes de crédit ; en revanche, la banque n’est pas à l’abri par exemple de phénomènes de secteur. Typiquement, les événements conjoints de défaut constatés dans la récente crise dite des subprimes rentrent dans ce cadre.
Nous verrons que la tarification du risque de crédit sur le Banking Book est confiée aux entités commerciales et auditée par le risk management (fonction centrale). En particulier, cette tâche ne revient pas à l’ALM mais celle-ci doit tout de même en avoir une certaine connaissance, puisqu’elle participe à la décision d’allocation des fonds propres aux entités commerciales. La tarification des lignes de crédit devrait donc faire l’objet de négociation au moins entre les entités qui vendent les produits et celles qui allouent les fonds propres, avec les fonctions de risk management dans leur rôle d’auditeur. En fait, nous aurons l’occasion de revenir plus loin sur ces questions relatives à la place de l’ALM et au business model.
Sur la sphère financière, la donne est différente pour ce qui est du risque emprunteur. Par contraste avec la sphère opérationnelle, l’information disponible sur les contreparties est censée être davantage fournie et de meilleure qualité (agences de notation, analyses financières, etc.). Pour le risque de contrepartie sur les produits dérivés – par nature lié à la sphère financière – les pertes potentielles encourues s’évaluent en coût de remplacement de la garantie perdue. Par exemple, dans le cas d’un défaut sur un contrat de swap de taux, la méthode consiste à calculer la valeur actualisée des flux futurs générés par le remplacement du swap initial par un nouveau swap de même échéance et dont le taux est associé à une maturité nécessairement adaptée à la durée résiduelle du contrat.
Le traitement du risque de contrepartie reposent pour beaucoup sur une tarification adaptée : l’idée est de facturer les engagements risqués. Il s’appuie également sur une diversification des engagements – par classe de contreparties, par pays, etc. – et une allocation suffisante en termes de fonds propres, en partie sur la partie qui n’a pas été prise en compte à travers la tarification (unexpected losses).