Document : comportements des agents économiques sur les marchés
La hausse exceptionnelle des cours sur les marchés des actions et des obligations au premier trimestre 1998 reflète des comportements sectoriels assez contrastés. Selon l’enquête, les détenteurs résidents non financiers ont allégé leurs portefeuilles en actions françaises cotées et étrangères ; à l’inverse, les non-résidents, clients des dépositaires français, et les investisseurs institutionnels ont renforcé leur position sur ce type de valeurs. Sur le marché obligataire, les comportements des secteurs résidents non financiers et des non-résidents clients des dépositaires français sont semblables à ceux observés sur le marché des actions ; en revanche, les investisseurs institutionnels ont arbitré une partie de leur portefeuille obligataire au détriment des titres français. Les désinvestissements en titres d’OPCVM français par les ménages se sont poursuivis, alors que les autres secteurs résidents ont, à l’inverse, développé leurs encours.
Près de 86 % des transactions réalisées par l’ensemble des détenteurs du champ de l’enquête ont porté sur des obligations, contre 7,3 % sur des titres d’OPCVM et 6,5 % sur des actions. Plus de 80 % du volume des transactions sur les actions françaises cotées ont été le fait des non-résidents, clients des dépositaires français. Les investisseurs institutionnels ont été à l’origine de plus de 90 % des opérations sur les obligations françaises et étrangères et de plus de 40 % de celles effectuées sur les autres titres d’OPCVM français. Les sociétés ont réalisé 40 % des interventions sur les titres d’OPCVM monétaires. Les durées moyennes de détention des titres par les acteurs les plus actifs sur les marchés sont relativement courtes (de 9 mois pour les non-résidents, clients des dépositaires français, sur les actions françaises cotées, à 1 mois pour les investisseurs institutionnels sur les obligations françaises).
1. Les marchés de valeurs mobilières
1 1.1. Évolution
L’évolution des marchés de valeurs mobilières françaises au cours de la période sous revue est en phase avec la nette amélioration de la conjoncture économique. La capitalisation boursière des actions françaises cotées, qui a progressé de 85 % de mars 1996 à mars 1998, représentait 50 % du PIB à la fin de l’année 1997. Néanmoins, le niveau de ce ratio (capitalisation boursière/PIB) est inférieur à celui observé dans les pays anglo-saxons, notamment au Royaume-Uni et aux États-Unis, où il s’élève à plus de 150 % fin 1997.
Après une hausse de l’indice SBF 250 de plus de 40 % entre mars 1996 et septembre 1997, la crise asiatique du mois d’octobre 1997 a affecté les cours boursiers. Cependant, au premier trimestre 1998, le marché français a enregistré une progression exceptionnelle (+ 27,6 % pour l’indice SBF 250, contre + 24,5 % sur l’année 1997), sous l’effet, notamment, de l’annonce de résultats annuels favorables des entreprises, de la fermeté du dollar et du bas niveau des taux d’intérêt qui rend plus attractifs les placements en actions.
Les obligations françaises ont bénéficié entre mars 1996 et mars 1998 de phases successives de détente des taux qui ont amené ces derniers à leurs plus bas niveaux historiques en fin de période. Par ailleurs, dans un contexte marqué par les incertitudes financières dans les pays d’Asie du Sud-Est, le marché obligataire a profité, à partir de fin 1997, de la réallocation des portefeuilles au profit des produits de taux. Sur les trois premiers mois de l’année 1998, l’indice CNO (Comité de normalisation obligataire) a progressé de 2,8 %, contre 6,0 % sur l’année 1997.
Fin 1997, la France occupe la deuxième place derrière les États-Unis dans le classement des OPCVM pour le montant des actifs gérés. Toutefois, la croissance des OPCVM français au cours de l’année 1997 (+ 7,5 %) est inférieure à la moyenne mondiale et nettement moins soutenue que celle du Royaume-Uni et celle des États-Unis qui s’élèvent, respectivement, à + 32,7 % et à + 43,7 %.
L’évolution de l’actif net des OPCVM français (+ 19,7 % au cours de la période sous revue) bénéficie de la bonne tenue des marchés des actions et des obligations et de l’intérêt porté par les investisseurs aux produits en gestion collective. Le regain d’intérêt de certains secteurs résidents pour les titres d’OPCVM monétaires, au premier trimestre de l’année 1998, fait suite à une période de désaffection des détenteurs de valeurs mobilières pour cette catégorie de titres, due en grande partie à des rendements bruts plus faibles et aux conditions fiscales moins intéressantes que ceux offerts pour d’autres produits de liquidité équivalente.
1.2. Performances
Les performances des secteurs détenteurs d’actions françaises cotées et d’obligations françaises évaluées à partir d’indices tenant compte des encours valorisés au prix du marché en début et en fin de période, des flux nets et des mouvements sans contrepartie monétaire appellent les commentaires suivants au premier trimestre de l’année 1998 1 :
– tous les secteurs ont réalisé des performances proches de celles de l’indice SBF 250 sur le marché des actions françaises cotées. Les sociétés sont les seuls détenteurs de cette catégorie de titres à enregistrer une performance supérieure à celle de l’indice de référence. En revanche, les investisseurs institutionnels et les non-résidents, clients des dépositaires français, occupent les deux derniers rangs du classement des meilleures performances relevés sur le marché des actions françaises cotées ;
– sur le marché des obligations françaises, les non-résidents, clients des dépositaires français, et les investisseurs institutionnels obtiennent les meilleurs résultats, néanmoins ces derniers quel que soit le secteur sont tous inférieurs à l’évolution de la référence du marché obligataire (indice CNO).
1.3. Volume d’activité
Par ailleurs, selon l’enquête, plus de 90 % des transactions sont effectuées sur les marchés de gré à gré. En effet, les intervenants peuvent conclure sur ces derniers des opérations correspondant à leurs besoins en termes de montant ou d’échéance, alors que les marchés organisés leur offrent des produits normalisés. Le montant de ce type de transaction, réalisé essentiellement par les investisseurs institutionnels sur des obligations françaises dans le cadre des transferts temporaires de titres, s’élève à plus de 30 000 milliards de francs au cours des trois premiers mois de l’année 1998.
1.4. Structure de détention et composition des portefeuilles
La structure de détention des valeurs mobilières et leur poids respectif dans le portefeuille des secteurs sont caractérisés par les critères suivants.
La faiblesse relative de l’investissement domestique en actions françaises cotées
– La part des investisseurs institutionnels dans la capitalisation actions de la Bourse de Paris, qui a été stable à 26 % entre décembre 1996 et mars 1998, est encore faible comparée à celles observées sur les places financières anglo-saxonnes. Cette situation s’explique notamment par le poids relativement limité des OPCVM actions et surtout par l’absence de fonds d’épargne retraite.
– Les parts d’actions françaises cotées détenues directement par les ménages et les sociétés diminuent de, respectivement, 21 % et 20 % au cours de la période sous revue. Par ailleurs, les placements en actions ne concernent qu’une partie réduite des épargnants (5,2 millions de Français en avril-mai 1996 et en décembre 1997 1 ) et la concentration des portefeuilles est forte, plus de 63 % de l’encours d’actions françaises se trouve logé dans un peu plus de 11 % des comptes à fin 1997.
Une prépondérance des produits de taux et une ouverture internationale encore limitée des portefeuilles de valeurs mobilières des résidents
– Les instruments de taux dominent les valeurs autres que les produits actions françaises recensés dans les portefeuilles des résidents. En fin de période, le poids de cette catégorie de titres varie entre 50 % et plus de 70 % des portefeuilles totaux des résidents 1 . Malgré l’évolution des conditions de marché, caractérisée notamment par une diminution des rendements obligataires due à la baisse des taux, les investissements en valeurs mobilières des résidents restent principalement orientés vers ce type de produit.
– De décembre 1996 à mars 1998, la part peu élevée des secteurs résidents dans les portefeuilles de valeurs étrangères caractérise une ouverture internationale encore faible de ces secteurs. Néanmoins, les parts relatives des valeurs étrangères dans les portefeuilles des investisseurs institutionnels et des sociétés non financières ont progressé très sensiblement, respectivement de 20 % et 45 %.
– L’ouverture croissante de la place de Paris aux capitaux étrangers se traduit par un poids d’actions françaises cotées qui s’élève à 65 % 1 du portefeuille des non-résidents, clients des dépositaires français, à fin mars 1998.
2. La détention des valeurs mobilières par secteurs
2.1. Les actions
2.1.1. Analyse de la variation d’encours
La valorisation des actions étrangères (de + 15,4 % pour les agents non financiers à + 22,8 % pour les non-résidents), qui dépend de la plus ou moins grande exposition aux risques des investissements, notamment dans le Sud-Est asiatique, est moins homogène que celle observée sur les actions françaises cotées (de + 26,1 % pour les ménages à + 27,7 % pour les sociétés).
Dans le contexte de reprise à la hausse des cours au premier trimestre 1998, les secteurs résidents non financiers ont cédé, en termes de flux nets, une partie de leur portefeuille d’actions françaises cotées et étrangères. À l’inverse, les investisseurs institutionnels et les non-résidents, clients des dépositaires français, sont en position d’acheteurs nets.
Les opérations sur actions françaises cotées sont traitées hors marché à hauteur de 84,3 % ; en revanche, 96,7 % de l’activité du marché des actions étrangères passe par la Bourse. Au premier trimestre 1998, les principaux intervenants sur les marchés d’actions sont respectivement d’une part les non-résidents, qui réalisent 84,3 % des transactions sur les actions françaises cotées, et d’autre part les investisseurs institutionnels et les sociétés, dont l’activité atteint 92,7 % des transactions sur les actions étrangères. De ce fait, les taux de rotation des portefeuilles des non-résidents en actions françaises cotées et ceux des investisseurs institutionnels et des sociétés en actions étrangères sont sensiblement plus élevés que ceux des autres secteurs.
Au premier trimestre 1998, la durée de détention 1 moyenne apparente des actions françaises cotées est de 1 an 8 mois 2 . On observe des disparités de comportement en fonction du type d’agent économique concerné :
– la durée de détention moyenne des actions par les ménages est de 5 ans 8 mois, pour les actions françaises cotées, et de 8 ans 3 mois pour les actions étrangères, ce qui traduit une stabilité de l’actionnariat individuel ;
– les sociétés, dans une logique de participation, conservent en moyenne plus longtemps les actions françaises cotées qu’elles détiennent (19 ans 10 mois) ; à l’inverse, la durée de détention des actions étrangères est courte (8 mois) ;
– la durée de détention des actions par les non-résidents, clients des dépositaires français, ne dépasse pas 1 an (9 mois pour les actions françaises cotées, 1 an pour les actions étrangères).
2.2. Les obligations
2.2.1. Analyse de la variation d’encours
Au premier trimestre 1998, la progression globale des portefeuilles d’obligations françaises dans l’enquête est légèrement plus forte que celle de la capitalisation boursière (respectivement + 3,1 % et + 2,6 %). Par ailleurs, l’augmentation des cours des obligations françaises retracée dans les résultats de l’enquête (+ 2,4 %) se situe à un niveau de performance inférieur à celui observé sur le marché obligataire (variation de l’indice CNO : + 2,8 %).
Au niveau sectoriel, il est intéressant de souligner que dans un contexte boursier en hausse sensible, tous les secteurs résidents se sont désengagés en obligations françaises ou étrangères, à l’exception des investisseurs institutionnels, qui ont renforcé leur position en titres étrangers. Les non-résidents, clients des dépositaires français, sont, en revanche, acheteurs nets de valeurs aussi bien françaises qu’étrangères (respectivement + 3,4 % et + 24,3 %).
Les obligations d’État sont détenues essentiellement par les investisseurs institutionnels, notamment les entreprises d’assurance et caisses de retraite et les OPCVM, à hauteur de 80 %. Le degré d’internationalisation de la dette obligataire de l’État est peu élevé (12 % à fin mars 1998) 1 .
2.2.2. Transactions sur les obligations
L’essentiel des opérations sur obligations françaises sont traitées de gré à gré (98,7 %) ; à l’inverse, plus de 75 % des achats et des ventes sur obligations étrangères passent sur les marchés organisés. Au premier trimestre 1998, les principaux intervenants sur les marchés d’obligations sont les investisseurs institutionnels, qui réalisent plus de 90 % des transactions sur les obligations françaises et étrangères.
L’écart observé entre le montant des transactions sur obligations françaises réalisées par les nonrésidents en balance des paiements et dans l’enquête-titres est dû à la différence de méthode de traitement des cessions temporaires de titres (cf. supra : rappel méthodologique). En revanche, l’origine de l’écart, constaté entre les montants des transactions sur obligations étrangères présentés en balance des paiements et dans l’enquête-titres, est en cours d’examen.
2.2.3. Durée de détention des obligations
La durée de détention des obligations françaises est inférieure à 1 an pour tous les secteurs (sociétés non financières : 8 mois ; non-résidents, clients des dépositaires français : 2 mois ; autres secteurs : 1 mois) à l’exception des ménages, deuxième détenteur d’obligations françaises, qui conservent le plus souvent leurs titres jusqu’à maturité (8 ans).
2.3. Les titres d’OPCVM
2.3.1. Analyse de la variation d’encours
Les portefeuilles en titres d’OPCVM français recensés dans l’enquête ont augmenté de 8,8 %, alors que l’actif net des OPCVM publié par la Commission des opérations de bourse (COB) s’est accru de 10,3 % au cours du premier trimestre de l’année 1998.
S’agissant des seuls titres d’OPCVM monétaires, les évolutions correspondantes sont de, respectivement, + 4,1 % dans l’enquête et + 6,2 % selon les données de la COB.
Pour les trois catégories d’OPCVM, les encours augmentent d’une fin de période à l’autre. Cet accroissement est dû, pour partie, à des acquisitions nettes et à des évolutions de cours positives comparables à celles observées à partir des indices d’Europerformance sur les Sicav françaises.
Au niveau sectoriel, les ménages réalisent des désinvestissements nets en OPCVM français (– 4,6 % sur les OPCVM monétaires, – 1,2 % sur les OPCVM non monétaires), alors que les autres secteurs résidents sont en position d’acheteurs nets. Les titres d’OPCVM ne représentent qu’une faible part des portefeuilles des non-résidents, clients des dépositaires français (2,2 % à fin mars 1998). La hausse de l’encours global de titres d’OPCVM détenus par ce secteur au premier trimestre de l’année 1998 a atteint 17 %.
2.3.2. Transactions sur les titres d’OPCVM
Des différences sensibles de comportement s’observent également pour les titres d’OPCVM non monétaires. En effet, les ménages détiennent près de 42 % des encours et interviennent dans seulement 20 % des transactions sur ces valeurs. En revanche, les sociétés non financières et les autres agents non financiers réalisent, respectivement, 18,1 % et 17,5 % des transactions en ne détenant que 11,5 % et 7,5 % des encours.
2.3.3. Durée de détention des titres d’OPCVM
La durée de détention moyenne du total des titres d’OPCVM français pour l’ensemble des investisseurs est de 10 mois, celle relative aux titres d’OPCVM monétaires de 4 mois. Les ménages conservent leurs titres d’OPCVM français 2 ans 3 mois (7 mois pour les titres d’OPCVM monétaires) ; ils semblent utiliser ces valeurs comme un instrument de placement intermédiaire entre le court terme et le long terme.
Le comportement des sociétés apparaît très différent ; le taux de rotation des titres d’OPCVM français est très élevé puisqu’ils ne sont conservés que 5 mois (3 mois pour les titres d’OPCVM monétaires).
Les « autres secteurs » ont un comportement voisin de celui des sociétés pour les titres d’OPCVM monétaires, avec une durée de conservation moyenne de 4 mois. Les non-résidents, clients des dépositaires français, conservent en moyenne les titres d’OPCVM français 1 an 9 mois (8 mois pour les titres d’OPCVM monétaires)